Gâtés, fermentés ou pourris...
Il ne s’agit pas d’évoquer les citoyens français, des plus gâtés aux plus pourris, mais de s’intéresser à la conservation de nos fruits et légumes.
L’automne est la saison des confitures, mais il y a d’autres moyens de conservation de nos fruits et légumes, souvent mal connus, et plus efficaces en matière de santé.

Un historien en mal d’humour affirmait au sujet de Jeanne d’Arc qu’elle aurait déclaré sur le bucher : « vous ne m’avez pas crue, vous m’aurez cuite »…mais au-delà du jeu de mot approximatif, c’est l’occasion de découvrir qu’il y a d’autres méthodes de préparation de nos aliments, au-delà du cru et du cuit, il y a le fermenté…
La fermentation des aliments n’est pas une nouveauté, sans elle pas de vin, pas de bière, pas de pain, pas de fromage, pas de saucisson, pas de viande séchée, pas de vinaigre, pas d’harengs saurs, de cidre, de thé, de café, de chocolat, de choucroute etc…car en effet, on oublie souvent que la salaison est une forme de fermentation…
L’action de micro-organismes, des bactéries, des levures, des moisissures, celles qui permettent au roquefort d’être le régal que l’on sait, provoque la création d’enzymes qui transforment nos aliments.
Au départ, il s’agissait de permettre une très longue conservation, mais aujourd’hui on sait que ces produits fermentés sont aussi un bienfait pour notre santé.
Tout le monde connait les vins de vendanges tardives (à ne pas confondre avec les vengeances tardives chères à l’ex du président) possibles grâce à la pourriture noble (le champignon Botrytis cinerea) qui s’attaque aux grains de raisins, permettant la fabrication de vins somptueux en Alsace, mais aussi en Autriche, au Luxembourg, et même au Québec. lien
Champignons pour champignon, évoquons cette méthode si facile pour les conserver, à part le séchage : 4/5ème d’eau, 1/5ème de vinaigre d’alcool, une poignée de gros sel, on fait bouillir, et cuire les champignons 4 minutes, on verse à chaud dans un bocal, et on attend 2 mois avant de consommer.
Et quid des anchois au sel, qui parsèment et décorent nos pizzas ?
On sait moins que cette méthode de conservation permet de les garder pendant plusieurs années, et qu’en fin de compte, tout comme pour le vin,ils se bonifieront avec le temps a condition d’être protégés par l’huile.
Mais ils ne sont pas les seuls à pouvoir être bonifiés, beaucoup d’autres aliments peuvent être mis en fermentation afin d’en assurer la conservation pendant de longs mois.
En effet, on peut aussi faire fermenter nos légumes, afin d’en développer les saveurs, de permettre aussi du croquant, multipliant par 10 les vitamines de ceux-ci.
Voici la recette : émincez quelques légumes : carottes, choux, oignon, céleri, etc…et pour 1 kg de ceux-ci, prévoir 10 grammes de gros sel gris, presser les légumes pour faire sortir le jus, tasser dans un bocal, fermer hermétiquement : au bout de 3 semaines on peut déguster, (même si la conservation tient un an), égoutter, assaisonner, sans ajouter ni sel, ni vinaigre, et ajouter un peu de crème fraiche avant de servir.
On peut même y ajouter des pommes, et au sujet des fruits, il est intéressant de découvrir les Umébosis, chère à Georges Ohsawa, le créateur de la macrobiotique, lequel dans son livre nous avait donné un exemple efficace de l’utilisation des fruits en saumure, les prunes en l’occurrence, appelées umébosis.
Ces prunes qui ont passé au moins 3 années dans le sel lui avaient permis de réussir la guérison spectaculaire d’un patient, un écrivain en l’occurrence, pour lequel la médecine avait abandonné tout espoir.
Cet homme avait souffert d’ulcères du tube digestif pendant 10 ans, et finalement, malgré une lourde opération et des soins intensifs, étant à l’article de la mort fut confié à la dernière extrémité à Oshawa, lequel après plusieurs traitements, se résolu à utiliser les umébosis, demandant à son patient d’en avaler 10 sans les mâcher.
Opération très complexe pour le malade, très déshydraté, qui finalement réussit à en avaler 7.
La guérison fut spectaculaire car cet homme pour lequel la médecine traditionnelle avait abandonné tout espoir, a été guéri en moins de 10 heures. lien (page 186/187)
Comme le disait François-Régis Gaudry sur l’antenne de France Inter, le 7 septembre 2014 (on va déguster) : « La fermentation fait peur, synonyme de gouts extrêmes, de pourriture, de putréfaction, alors que c’est un processus physico-chimique passionnant qui transforme et même bonifie les aliments ».
Marie-Claire Frédéric invitée par le journaliste est l’auteure d’un livre surprenant (ni cru, ni cuit_ édition Alma) qui fait l’apologie de la saumure, de la pourriture, et de pratiques que l’on aurait pu qualifier de douteuses, alors qu’elles en sont aux antipodes.
Notre gastronomie est en butte aux attaques des hygiénistes, comme on a pu le voir récemment aux USA ou l’administration américaine a interdit l’utilisation des planches de bois pour se livrer à l’affinage des fromages, mais comment s’étonner de cette décision, dans ce pays ou l’on pratique la pasteurisation du miel ?
L’Europe n’est pas mieux lotie puisqu’il existe aujourd’hui des dates de péremption pour les fromages, alors que c’est justement l’âge de ceux-ci qui permet d’en améliorer les qualités.
Au moment où les foires au vin se multiplient, verrons-nous un jour des dates de péremptions pour nos grands crus ?
Tout le monde connait les « Pata Negra », ces jambons espagnols prestigieux dont l’une des qualités consiste à un temps de maturation d’au moins 3 ans (lien) seront-ils un jour interdits pour raison d’hygiène ?
Idem pour les Beauforts, Comtés, Gruyère, Parmesan et compagnie dont la qualité est fonction de la durée de l’affinage, et qui séjournent de longues années dans des caves avant d’être proposés aux consommateurs avertis.
Il n’est pas conseillé à ceux-ci d’observer au microscope la surface d’un vieux fromage de chèvre, découvrant d’horribles acariens, (photo) alors que ce sont justement ceux-ci qui sont l’un des facteurs d’affinage du dit fromage.
Mais revenons à l’ouvrage de Marie-Claire Frédéric.
Elle raconte avoir découvert un aliment étonnant Islandais, le Hakarl, ou requin faisandé.
Il s’agit d’une variété spéciale de requin, dont la chair est toxique à l’état cru. Il est donc enterré pendant une année dans le sable d’une plage, de grosses pierres étant déposées par-dessus afin d’évacuer les fluides corporels, puis il sera découpé en lanières, qui seront suspendues dans des séchoirs, pendant 2 ou 3 mois, afin qu’il termine sa maturation et lui permettre de prendre une belle coloration marron foncé.
Pour le déguster, il faut enlever la croute qui s’est formée autour de la lanière, afin de découvrir une chair très blanche, tendre, qui dégage une odeur de munster, et comme pour ce fromage, étonne par sa saveur. lien
Faisander les viandes était aussi une tradition dans notre pays, quelque peu abandonnée de nos jours, car contestée par les hygiénistes, et pourtant on sait que ce faisandage provoque la création de Tyramine, dont l’abus n’est pas conseillé. lien
Sans aller dans cet excès, chacun sait qu’une viande n’est jamais aussi bonne que lorsqu’elle a été maturée et nos artisans bouchers y reviennent au galop.
Il s’agit d’abord de laisser mâturer, sorte de fermentation, les morceaux pendant une vingtaine de jours (certains vont jusqu’à plusieurs mois) dans une chambre froide, de façon à permettre aux enzymes d’attendrir la viande.
Puis, nous arrivons à l’affinage qui consiste à envelopper le morceau dans un linge imbibé de whisky tous les 10 jours, faisant perdre jusqu’à 60% du poids, ce qui explique le prix élevé proposé aux clients…parfois 200 € le kilo. lien
Allons un peu plus loin en découvrant les « œufs centenaires » qui en réalité ne sont pas centenaires, mais demandent « seulement » 100 jours de préparation… ensuite on peut les garder longtemps avant de les consommer.
Ce sont des œufs de cane, dont le blanc est devenu orangé foncé, le jaune virant au vert sombre, au bleu noir, et s’il est vrai qu’au prime abord son arôme ammoniaqué n’est pas engageant, sa dégustation mérite le détour.
Le secret de sa fabrication est relativement simple : ils sont placés dans un mélange d’argile, de chaux, de cendre, de bicarbonate de soude, de thé, de citron vert, de sel et de glume de riz séchée (enveloppe des grains), et au cours des semaines une réaction chimique se produira, son pH va atteindre des valeurs d’au moins 12, lequel va enlever la sapidité du blanc, mais concentrer la puissance gustative du jaune. lien
Sur cette vidéo, démonstration de sa dégustation.
On le voit, il y a d’autres solutions que le congélateur pour conserver longtemps des aliments, solutions moins énergivores, et apportant grâce aux différentes préparations fermentées, beaucoup d’avantages en matière d’éléments nutritifs, de vitamines, bénéfiques à notre petite santé.
Comme dit mon vieil ami africain : « qui fait l’âne ne doit pas s’étonner si on lui monte dessus ».
L’image illustrant l’article provient de « ivy.over-blog.com »
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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