Des tomates qui ont goût de tomate !
Tous ceux qui savent quel est le vrai goût de la tomate attendent, en cette période estivale, la tomate mûre à point qui n’a pas besoin d ’autre accompagnement qu’un peu de bonne huile d’olive et une pincée de sel. Même pas de basilic, d’anchois ou d’autre chose, non, juste de la tomate, de l’huile d’olive et du sel, et peut-être quand même un peu de pain...
Et chaque année le même manège recommence. Pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un jardin, les désolants rayonnages de la grande distribution nous offrent la tomate marketing de l’année.
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Et ces personnes n’achètent pas de tomates, pour eux on vend de la lotte à 25€ le kg, des pommes de terre nouvelles de l’île de Ré à 12€ le kg, ou je ne sais quels aliments "de qualité" réservés à leur niche marketing bien spécifique. Donc exit la tomate de qualité au goût de tomate, c’est un bien de consommation qui n’existe pas.
Alors pour vous, pour moi, pour le commun des mortels, le marketing invente des produits "nouveaux" car le clampin moyen a soif de nouveauté. Et chaque année voit sa nouvelle tomate, qui fera oublier la tomate de daube de l’année précédente qui avait goût de flotte.
il y a quelques années, alors que plus personne n’achetait les tomates hydroponiques à la couleur maladive, et avec lesquelles on aurait pu jouer pendant un certain temps à la pétanque, arrivèrent les "tomates branchées" - ça ne s’invente pas - et oui elles étaient branchées parce qu’elles étaient vendues avec les branches, et la bonne idée de quelque obscure agence de pub parisienne a frappé en plein dans le mille.
Parce que quand vous vous baladez parmi des rangs de tomates et que vous effleurez un pied, une bonne odeur se dégage, une odeur inoubliable. Mais ce n’est pas la tomate elle-même qui sent, ce sont les feuilles et les tiges qui dégagent cet arôme agréable. Donc on vit arriver dans les rayonnages de nos supermarchés des grappes de tomate qui sentaient la tomate quand on les touchait ! Une nouveauté incroyable dans ce monde sans odeur et sans saveur. Et donc tout le monde se précipita sur les tomates branchées, le marketing avait atteint son objectif, bingo !
Mais la bonne idée ne marcha pas longtemps car le clampin et la clampine moyens se rendirent vite compte que quand on enlevait les branches, qui ne se mangent pas, les tomates n’avaient pas plus de goût que les années précédentes...
Mais comme le stratagème avait bien fonctionné, l’année suivante l’agence de pub plancha sur une autre idée, ce fut la tomate "cerise". De toutes petites tomates (branchées) mignonnes comme tout, qu’on vendait 2 ou trois fois le prix de la tomate normale. Rebelote, tout le monde acheta la tomate cerise, avant de constater qu’elle avait le même goût et la même consistance que son joli emballage en polyuréthane expansé.
Mais à nouveau l’astuce avait bien fonctionné. Alors l’année d’après, il y a deux ans, on vit arriver des tomates jaunes, d’autres orangées, et des tomates noires de Crimée, que personne n’avait vues avant ! Succès garanti pour les tomates jaunes caoutchoutées, les tomates noires à goût de carton et les tomates oranges qui n’avaient goût de rien. Chapeau les artistes...
Après un tel festival de couleurs, l’agence décida pour l’année suivante (l’année dernière) de revenir à des choses plus sérieuses, moins frivoles, et de taper dans le terroir, et les vieilles variétés. On eut donc les tomates "coeur de boeuf" ! Ainsi que les tomates cornues, sans doute trop crypto, qui connurent moins de succès et disparurent assez vite des rayons. "La coeur de boeuf c’est du terroir ça madame" ! Et tout le monde acheta en coeur la tomate coeur de boeuf cotonneuse, et douloureusement insipide.
Alors cette année me direz-vous, quelle nouvelle tomate cette année ? Je vous le donne en mille : LA TOMATE DE PLEINE TERRE. Et oui la tomate de pleine terre, il fallait le trouver.
Cette année, les gars de l’agence ont fait un brain storming, un soir, après avoir regardé Sarkozy à la télé, et se sont dit devant un verre de Sky vide : "nous aussi nous allons dire que nous avons changé ! Avouons que ce que nous avons vendu avant c’était de la tomate de serre, de la merde - comme disait Jean-Pierre Coffe dans une vie antérieure - Faisons notre mea culpa public ! Osons, osons la tomate de pleine terre !". Tonnerre d’applaudissements dans le bureau.
Et c’est ainsi que la tomate de pleine terre arriva jusque dans ma cuisine, achetée par ma femme qui fut séduite par le slogan du terroir... Oh je ne lui jette pas la pierre, je me serais sans doute fait avoir pareil.
Alors voilà, il faut se faire une raison, si vous voulez manger des bonnes tomates trouvez-vous des parents qui jardinent ou mettez-vous au jardinage. Le système marchand ne peut pas nous apporter de bonnes tomates... C’est comme les pizzas, je vous ai parlé des pizzas ?
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