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Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 27 septembre 2011 18:18

Mon opinion,
car ce n’est qu’une opinion (même si une bonne partie de ma thèse de doctorat est consacrée à la question de l’autisme, je ne crois pas que la parole d’un scientifique dépasse le niveau de l’opinion (je ne crois pas aux experts si vous voulez)),
c’est qu’au-delà des critiques légitimes qu’on peut lui adresser, le constat fait dans cet article est globalement représentatif de la situation, déplorable au possible.

Mais je pourrais dire la même chose des commentaires d’Astus, Asterix et Marane qui sont tous porteurs d’éclairages pertinents et légitimes.

Tel que je le vois, il y a du vrai dans chacun de ces points de vue et il importe de le comprendre pour pouvoir agir de la manière la plus adaptée qui soit.

Disons d’emblée qu’il conviendrait, je crois, de se garder de fabriquer du bouc émissaire à tout propos car, quels que soient les errements passés et présents, les acteurs de la scène de l’autisme n’ont pas à être mis en cause en tant qu’individus. Pour la bonne raison que la plupart d’entre-eux « ne savent pas ce qu’ils font ».

Au sens où on doit supposer qu’ils agissent avec bonne volonté mais aussi, bien sûr, avec toutes les motivations « normales » des soignants et des chercheurs qui veulent faire carrière et se servent des outils de pensée et de pratique que propose « l’air du temps », le zeitgeist.

Il n’y a pas à chercher de coupables ici.

Le problème, qui est l’état désastreux de notre connaissance et de notre pratique vis-à-vis des autistes vient d’ailleurs, non pas d’individus, mais d’une « grosse machine ».

En effet, il peut, je crois, se formuler comme l’incroyable résistance des vieilles idées ou des vieilles pratiques et la lenteur extrême avec laquelle elles évoluent vers des formes nouvelles plus adaptées.

Cela peut paraître abstrait mais c’est au contraire très concret car tout le monde connaît les difficultés qu’ont rencontré Copernic, Galilée et nombre d’autres savants novateurs pour faire passer leurs idées sur l’héliocentrisme.

Lutter contre le pouvoir les a exposés à de grands danger.
Plus récemment, on peut voir que Wegener a attendu 40 ans environ pour que sa théorie de la tectonique des plaques soit reconnue par les géologues. Il n’était qu’un pauvre géographe pardi quand il fallait convaincre des géologues qui, par définition, savaient mieux que lui.

Le problème de l’autisme, c’est (pas exclusivement mais) d’abord le problème de la science qui loin d’être pleinement ouverte à la contradiction et aux idées nouvelles, est d’abord le lieu d’une lutte de pouvoir pour les financements et la défense des paradigmes les uns contre les autres. Une foire d’empoigne qui n’aide guère à l’avancée des connaissances.

Juste un exemple : les thérapies comportementalistes en vogue actuellement sont issues d’un paradigme mort de sa belle mort (si vous voulez, ce sont des dinosaures zombies) mais elles donnent du résultat (même si on peut avoir beaucoup de réserves à leur égard, ne chipotons pas, ce n’est pas le moment), elles « marchent » pas trop mal en ce sens qu’elles amènent des progrès palpables.

Le problème cependant est que nous n’avons pas de théorie qui permette de comprendre cela. Car nous sommes passés au paradigme cognitiviste (ce qui a tué l’autre et c’est tant mieux).
Les théories cognitivistes ou neuromachins, on en regorge, mais, non seulement elles n’ont rien à dire des pratiques qui marchent mais elles ne débouchent elle-même sur aucune pratique thérapeutique, elles n’offrent même aucune indication intéressante en ce sens, à part peut-être la pratique consistant à imiter les autistes. Mais ce ne sont pas des scientifiques qui l’ont inventée ; ce sont des parents et c’est très embêtant car une idée qui marche devra attendre de remonter toute la pyramide du pouvoir avant de pouvoir être mise en oeuvre.

Le problème, tel que je le vois, tient donc à cette simple idée qu’il y a une connivence affreuse entre la construction de la connaissance et le pouvoir qui en laissant des « experts » distribuer l’argent du contribuable, garantit que les vieilles idées vont survivre bien plus longtemps qu’elles ne le devraient.

Si les parents d’autistes et tous les citoyens responsables veulent changer la donne aussi peu que ce soit, ils doivent chercher à influer sur les processus de financement de la recherche et des expérimentations pratiques pour faire dérailler les habitudes de copinage et de renvois d’ascenseur qui assurent la pérennité du n’importe quoi.

Rupert Sheldrake, sauf erreur de ma part, proposait que 10 % du financement de la recherche soit décidé par des non experts, des citoyens qui seront, eux beaucoup plus attentifs aux idées nouvelles et porteuses d’espoir alors que les experts sont souvent à assurer le financement de l’enfoncement de portes ouvertes vu que l’important en science est (malheureusement devenu) de publier et non pas d’avoir des idées.

Si quoi que ce soit doit changer c’est d’abord la façon que nous avons de nourrir les idées (et leurs inventeurs donc smiley. Depuis 70 ans que nous faisons de la recherche sur l’autisme, le fait patent, c’est l’incroyable lenteur des avancées de la connaissance et, paradoxalement, l’incroyable satisfaction des acteurs de la recherche et du soin durant tout ce temps puisqu’années après années, ils n’ont jamais cessé de vanter le caractère innovant et déterminant de leurs dernières découvertes.

Décidément, le monde est une scène de théatre et peut-être le temps est venu d’y mettre bon ordre ?

Les parents ont un énorme pouvoir, politique, ils doivent le saisir sans se laisser balader par les experts. Ils doivent se méfier même de leurs propres leaders car ceux-ci, à force de copiner avec les experts et avec le pouvoir, se font amadouer comme les syndicats, devenus trop souvent les valets du pouvoir.
Il faudrait, je crois, des collectifs très forts et très déterminés.

Voilà mon point de vue sur la question, un peu abrupt, un peu désabusé mais, j’espère, pas décourageant.

Je reviendrai, prochainement j’espère, sur la question de l’autisme afin de proposer une réflexion.

Ceux qui veulent un avant-goût peuvent lire mon échange (en anglais) avec Donna Williams , l’auteur de l’excellent « Si on me touche, je n’existe plus » ; un témoignage saisissant sur sa vie d’autiste. Je ne saurais trop vous le recommander.


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