"Comment un magistrat peut-il penser qu’une victime puisse espérer se
reconstruire alors que la gravité de son agression est niée ?"
Je
crois qu’on peut quand même espérer se reconstruire avec un déni de
justice.
C’est plus dur, car en plus de « guérir » ses blessures, il
faut pouvoir avaler une deuxième injustice, qui ne relève cette fois pas
de la cruauté d’un individu malfaisant mais du fonctionnement d’un
ordre social dont on est censé faire partie et dont on se sent du coup
exclu.
Et c’est malheureusement ce à quoi la plupart des victimes de
violences sexuelles se retrouvent plus ou moins confrontées si elles se
tournent vers la justice. Entre les classements sans suite opportunistes
(sans enquête sérieuse), la prescription, la durée interminable de
certaines procédures, la correctionnalisation des crimes en délits (50% des affaires de viols), les
peines trop légères pour ne pas signifier "négation de la gravité des
faits", les dommages et intérêts dérisoires, etc.... on peut
raisonnablement en venir à se dire que les victimes qui ont été traitées
correctement par la justice ont juste eu de la chance.