Bien ficelé, avec spirales fines, loufoques et instructives ; mais dommage que vous n’abordiez la question de la Subjectivité qu’en fin de parcours, et que sur la lecture testamentaire vous vous en teniez au « populaire » qui est si attaché au plus imagé...
D’abord lorsqu’au détour d’une célèbre baffe, vous notez : "Dieu se nie comme Dieu en
se faisant homme« ; il faut envisager que la logique - d’Enseignement - consiste ici, en se faisant homme, à se nier comme homme ; car qui ne voudrait pas la rendre cette baffe ?
Sans doute vous ne l’envisagez ainsi que parce qu’en fin de texte vous n’interprétez cette retenue qu’en termes de »force d’âme« ; or c’est exactement l’inverse qui est proposé comme leçon :
En finir même et surtout avec l’âme justement... Donc même avec l’homme en quelque sorte, en tout cas avec un certain type d’homme ou d’humain - ce qui est très in-hum-ain, puisqu’il s’agit bien de ne plus y être enterré, dans l’homme...
Ce dernier point est repérable selon la vraie dialectique néo-testamentaire, qui est statistiquement repérable : Quel est le mot qui revient le plus souvent ? »Moi« ... ça n’en finit plus de dire »Moi« . On dirait qu’il passe le plus clair de son temps - qui n’est que clarté - à leur apprendre, ou plutôt leur réapprendre, à dire »Moi« - et cela : où, comment, et à quelles conditions, sans oublier en quoi le danger du faux moi est immédiatement celui du meurtre...
Pour preuve, en écho logique à ce leitmotiv lancinant des textes qui consiste continuellement à dire »Moi Je suis« - ego eïmi - (Moi Je suis la Lumière, Moi Je suis la Vérité, Moi Je suis la Vie... etc. - insupportable bonhomme qui n’arrête pas de dire »Moi Je suis" au point qu’alentour tout est ébranlé !...) ; bref, l’antithèse exacte de cette Affirmation continue est précisément donnée par Saint-Pierre qui se réchauffe auprès du feu, au moment où il est interrogé par la vieille quant à savoir s’il n’est pas l’un de ses disciples... A quoi il répond très précisément :
Moi je ne (le) suis pas...
Trois fois le coq va chanter, trois clous sont enfoncés, tout est joué...
CQFD : Il suffit de poser le Moi de travers pour être déjà dans le meurtre.
Ainsi, toute la dialectique - si hegelienne d’apparence, Kojève oblige - du Moi et du Sujet dans la théorie lacanienne, est encore le descendant direct de ce grand débat ici ouvert par le Christ sur la Subjectivité, et sur le mode le plus socratique.