Mmarvinbear,
Suite de ma logorrhée...
Comme vous le dites très justement, la Bible est une compilation de textes
antérieurs. (Merci pour l’info sur les dieux mésopotamiens et akkadiens !)
Une compilation, toutefois, retravaillée, réécrite et réinterprétée.
L’extraordinaire, justement, est que ce bric-à-brac improbable de poésies,
de codes juridiques, d’épopées, de chroniques, de proverbes, de contes, de
mythes, de prophéties et d’apocalypses, rédigées à des époques et des lieux
divers, puisse – malgré tout – avoir un sens, et tracer les contours d’un
certain rapport de l’homme à lui-même, à autrui et à la transcendance.
Des contours en tout cas suffisamment identifiables et originaux pour que
l’on puisse s’y opposer, et les critiquer. Ce qui n’a jamais manqué et ne
manquera jamais, rassurez-vous.
Mais, diable, je réalise soudain que je suis en train d’alimenter
l’éternelle polémique, typiquement française, entre le bouffeur de curés et le
calotin de service, dont nous sommes l’un et l’autre - ne trouvez-vous
pas ? - des exemplaires magnifiques.
Cette sympathique querelle est cependant hors de propos dans le débat qui
nous a réunis au départ, dont le sujet était, je vous le rappelle, le mariage
pour tous. J’en suis d’ailleurs le premier responsable : c’est bien moi
qui vous ai tendu une perche trop facile à attraper sur le judéo-christianisme.
Hors sujet, en effet, car si le christianisme a pu être précieux pour
transformer les rapports entre les sexes, en y enfonçant (si j’ose dire) le
coin de la liberté et de l’égalité, il est finalement fort peu utile, et
quoiqu’il en soit nullement indispensable pour défendre la filiation
hétérosexuée.
Vous êtes dans le vrai : le mariage en Occident est né en dehors de l’Église,
qui s’est contenté d’en faire un sacrement. Le mariage entre un (ou plusieurs)
hommes et une (ou plusieurs) femmes existaient et existe dans toutes les
cultures. La seule exception étant, je crois, les Na (minorité chinoise), qui n’ont
toutefois pas non plus, à ce que je sais, l’idée d’une filiation homosexuelle.
L’Église a donc encore moins inventé la filiation hétérosexuée – laquelle
est une évidence pour toute l’humanité qui nous a précédés et pour l’immense
majorité des humains qui peuplent aujourd’hui
notre terre. Évidence, nourrie de l’expérience partagée par tous (à l’exception
de quelques libérâtres occidentaux) de l’incarnation de l’humain dans son corps
– et donc dans son sexe. Cela a des conséquences sur la façon dont les êtres
humains pensent leur origine. La vôtre, comme la mienne, ne se trouve pas dans
le désir d’enfant (peut-être absent), mais dans la rencontre de deux semences,
principes, archétypes, aux natures complémentaires.
Petite remarque au passage, ce rattachement à la nature, paradoxalement, garantit
notre liberté : nous sommes beaucoup moins enfants de nos parents que du cosmos.
Nous n’avons donc pas de comptes à rendre à papa et maman, qui n’ont été dans
cette histoire que des instruments plus ou moins consentants. Dieu merci, leur
éventuel désir d’enfant ne leur donne aucun droit sur nous.