Marsu
T’as rien compris. Et ça m’étonne. Faut croire que les vieux réflexes style « Haussmann c’était pour les canons ont la vie dure.
Les motivations d’Haussmann étaient pratiques et hygiéniques (eau, égouts, déplacement des cimetières, pissotières, etc....). Que le pouvoir du second empire en ait tiré profit pour le maintien de l’ordre, fait partie des antiennes de la gauche soixante-huitarde (je l’ai entendu mille fois), la même gauche qui aujourd’hui se dispute les immeubles haussmanniens (quand elle ne peut s’offrir un pied à terre du côté de la Place des Vosges). Les grands opérations (Champs Elysées, avenue de la grande Armée, avenue Foch, Sébasto, boulevard Saint Michel répondaient avant tout à un souci de rationalisation de l’urbanisme et d’imprimer une marque de grandeur. Je sais ce n’est peut-être plus à la mode, mais ça a quand même assez bien fonctionné.
Et ne me parle pas des « motivations personnelles « du baron. Ça n’a aucun sens. En dehors du goût prononcé pour les honneurs, ses motivations l’ont plutôt amené à se mettre tout le monde sur le dos, bourgeois, journalistes, bobos de l’époque, et bien sûr les populations déplacées. Les seuls à lui être restés fidèles sont les milliers d’ouvriers du bâtiment à qui il avait procuré un travail digne et valorisant puisqu’on venait des quatre coins de la terre voir ce qui se faisait (de mieux) à Paris...
Voilà une des innombrables descriptions du Paris louis-philippard que tu sembles regretter : « Quand on quitte la rue de Richelieu éclairée par un « torrent de gaz », on plonge dans l’ombre épaisse où le moins que l’on puisse rencontrer est une odeur fétide, engraissée par l’accumulation de déchets et d’immondices, nourrie par des murs suants. Voilà la vérité : les rues de Paris sont presque toutes des sentines puantes, des égouts à ciel ouvert. »
Quel intérêt politique y aurait-il eu à doubler la superficie de Paris en la faisant passer de 3 370 ha à 7 8800 ha, et d’augmenter la population de 350 000 habitants ? A contrôler une population, il était préférable de maintenir son fractionnement et une frontière entre le Paris « utile » et le Paris rejeté.
On comptait alors à Paris un agent de police par ha et pour 360 habitants. En banlieue, un agent pour 56 ha et 5 165 habitants. La banlieue était alors tout autant délaissée qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Il déclare au conseil municipal le 7 mars 1859 : « Il n’est pas admissible que la capitale de la France soit composée d’une partie centrale administrée avec unité et fermeté, soumise à un certain régime financier qui assure convenablement ses services municipaux, ouverte et reliée par un bon système de voies publiques, protégée par une police vigilante, et d’une zone extérieure, fractionnée légalement en dix-huit communes ou portions de communes, divisées par dix-huit péages aussi divers qu’insuffisants, sans communications bien entendues, sans surveillance efficace. Ce n’est pas le nom de paris mais celui de Babel qu’il faudrait donner à un pareil assemblage. »
A peu de choses près la situation qui prévaut aujourd’hui dans quasiment toutes les banlieues.
Le sens de mon texte est de dire halte au saupoudrage imbécile qui fait loi depuis plus de 30 ans, sans avoir rien réglé, au contraire, puisque la vie maintenant se résume (comme en ce qui concerne l’Europe) à une chasse aux subventions. C’est aussi de confier à un comité aux pouvoirs élargis (il n’y a pas de politique participative en matière d’urbanisme sinon à échelle restreinte) la mission de continuer un tissu urbain cohérent, susceptible d’être décliné dans différents projets porteurs d’identification. Si tu ne l’as jamais fait, je te conseille d’aller faire un tour un jour à Antigone à Montpellier. Mais aussi dans l’ancien Villeurbanne. Pas un Villeurbanne antique, non le Villeurbanne construit dans les années 30, avec de magnifiques immeubles populaires, collés les uns aux autres, avec des rues et des places, avec des squares. Et le square Clingnancourt à Paris, dans le XVIIIè, tu connais ? A deux pas de Barbès. C’est sublime.
Il faut arrêter de jeter des immeubles les uns à côté des autres et de créer des ghettos perdus au milieu de zones industrielles. J’ai longtemps vécu en banlieue sud de Paris, et j’en suis parti parce que, déjà, chaque matin et chaque soir cet urbanisme sans âme me donnait envie de vomir.
Toi tu vis dans ton coin pénard. Tant mieux pour toi. Mais tout le monde n’a pas ce genre de privilège. Et je pars du principe que tout le monde a droit a un environnement humain, digne, et non pas à être entassé dans des clapiers.
Pendant des années on a fait étudier aux architectes des plans préétablis d’hôpitaux, de collèges de piscines, de stades, et d’immeubles aux appartements en étoile ou « transversaux »... Dans la philosophie de Le Corbusier on a cru qu’il fallait aligner tout le monde face au soleil dans la journée et les faire dormir plein nord. Va donc faire un tour à la Grande Borne ou aux Grands Ensembles de Massy et prend un bouquin de Le Corbu qui décrit le projet qu’il avait pour raser toute la rive droite de Paris pour y implanter une forêt de tours, bien alignées les unes sur les autres.
Pour ce qui est d’un urbanisme intelligent, plus que Chandigardh qui n’a jamais été la réussite escomptée, en encore moins que Brasilia, je te citerai la reconstruction d’Agadir suite au tremblement de terre de 60. Ces travaux ont été confiés à de nombreux cabinets d’architecture mais avec un cahier des charges des plus contraignants : hauteur des immeubles, unité stylistique, commerces, délimitation précise de quartiers. La réussite a été totale. Malheureusement la ville est aujourd’hui entamée par des promoteurs qui ne respecte ni l’unité architecturale ni la vie des quartiers.
Bien à toi. Mais sors un peu de ta retraite et va faire un tour plus souvent en banlieue. Tout le monde ne peut pas se gaver de bucolisme. La banlieue, c’est quasiment tout pourri. Faut raser et arrêter de replâtrer. Patrick Adam
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