Fifi Brind_acier,
J’apprécie tout particulièrement votre laïus sur le mode « peu importe le réel, ce qui compte c’est d’entretenir les illusions ». Quand on a pour ambition de changer les choses, on a précisément à cœur de ne pas se résigner au triomphe des mensonges ambiants, et on cherche au contraire à faire connaître la réalité. Ici, la réalité, c’est que l’Union Européenne, bien qu’elle a été dotée d’une identité juridique propre en 1993, n’a aucune existence autonome et aucun fonctionnement supranational. La réalité, c’est qu’accuser « Bruxelles » n’est qu’une défausse utilisée par les gouvernements pour ne pas assumer leurs actions. La réalité, c’est que s’insurger de « transferts de souveraineté » imaginaires, c’est cautionner la volonté des gouvernements de confier à « l’expertise » le soin d’un nombre croissant de politiques publiques.
En effet, le TAFTA n’est pas le seul traité de libre-échange qui s’amorce... mais c’est celui dont les dispositions et les conséquences prévisibles pour nos protections sociales, alimentaires, environnementales, etc, sont les plus délétères !
Sinon, vous parlez de quitter l’UE. Fort bien. Mais qu’est-ce que cela signifie au juste ? Une fois quittée l’UE (surtout sans application de l’article adéquat du TFUE, dont les conséquences seraient tout simplement destructrices pour la France), que faire :
- du droit dérivé intégré dans le droit national ?
- des décrets d’application du droit européen d’applicabilité directe ?
- des conventions signées et ratifiées par la France dans le cadre de l’UE ?
- des partenariats internationaux conçus dans le cadre de l’UE ?
- des rapprochements entrepris avec d’autres états de l’UE ?
- etc, etc, etc.
En un mot : quitter l’UE, en soi, ça n’offre aucune autre garantie que de... quitter l’UE. Ça n’offre surtout aucune garantie qu’une politique alternative serait mise en place, ni même que ce serait plus aisé d’en mettre une en place.
En faire un objectif, c’est donc prendre les choses complètement à l’envers. Si un départ de l’UE est concevable, il ne peut se concevoir que comme éventuelle conséquence d’une volonté de réorientation politique. Ceux qui fixent pour objectif de quitter l’UE :
- soit sont des ultra-libéraux (libertariens, market leninists et autres néo-monétaristes sont tous unanimement en faveur d’un départ de l’UE, présentée par eux comme une nouvelle URSS)
- soit sont des défaitistes qui postulent sans aucune raison que « ce n’est pas possible d’opérer une réorientation tout en restant dans l’UE », ce alors même que non seulement il y a déjà eu des réorientations dans le cadre de l’UE (pas forcément dans le bon sens, notez), mais qu’en plus les états non membres de l’UE n’opèrent pas plus que ceux qui en sont membres une réorientation.