Je me doutais bien qu’il y aurait du chahut, vu le côté volontairement réducteur de mon article : c’est la moitié pleine de la bouteille, mais la moitié vide parlant exactement de la même chose avec les mêmes chiffres, tout est question de point de vue. « Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur en-delà », disait Pascal (ou plutôt comme on détourne son aphorisme). Il y a donc deux catégories de personnes : celles et ceux qui comprennent, discutent et argumentent, et puis les cons totalitaires qui gerbent et chient.
On voit alors ressurgir les sempiternelles saillies qui se prétendent explicatives en elles-mêmes et qui satisfont les esprits simples, ceux à qui le royaume des cieux est grand ouvert : Waterloo, Trafalgar et 1940, la collaboration, les massacres coloniaux, etc...Oui, tout le monde sait cela et en débat partout, du collège aux studios télé. Et alors, on démontre quoi avec ça ?
A quoi sert-il de démolir la France ? Quel est le but recherché par ces imprécateurs au petit pied ? Que cherchent-ils à démontrer par là, si ce n’est leur propre lâcheté de ne pas quitter un pays honni, et leur propre mal-être existentiel, leur propre impuissance qui n’est pas, de toute évidence et à les lire, qu’intellectuelle ? Ils ont honte de ce qu’ils sont, se dégoûtent et haïssent ceux qui les entourent et vivent très bien leur condition de Français. C’est sur cette haine de soi-même que surfe depuis 15 ans Le Pen, dans lequel la « Petite France » (ceux qui parlent anglais savent à quelle expression je fais allusion ici) se reconnaissent, leur haine étant dirigée, comme on le lit dans nombre de forums d’AgoraVox, non pas tant contre la fantasmée invasion étrangère ou le supposé déclin, mais contre les « collabos » censés l’aider.
Ce qui est intéressant, et qui à dire vrai m’intéresse davantage que cette minorité qui voudrait nous ramener au temps de l’âge de pierre, c’est pourquoi cette haine de la France se traduit pas une vénération de l’Amérique. C’est motivé à mon sens par une vision idéologique de l’Histoire, celle de puissances qui se passent le flambeau, La France « Big Mother » étant censée avoir joué ce rôle, alors qu’il n’en est rien. L’Amérique représente aujourd’hui ce besoin de sécurité, ce Léviathan maternant dont la puissance est rassurante face à un monde qui est a priori supposé hostile. Un Léviathan qui s’occupe de tout et qui vous ôte même, pour reprendre les propres mots de Tocqueville dans Démocratie en Amérique, « la peine de penser ». Il suffit de lire certaines interventions de ce forum pour constater qu’il en est qui s’épargnent effectivement la peine de penser. Et qui reprochent à la France de ne plus être ce qu’ils pensent trouver aujourd’hui dans l’Amérique, alors que la France n’a jamais été telle, et que l’Amérique ne l’est certainement pas. Voir l’Irak.
N’en déplaise aux néocons de part et d’autre de l’Atlantique qui ont construit une partie de leur discours sur le supposé que l’Europe serait sortie de l’Histoire, c’est autrefois Rome, Alexandre et Pharaon, hier l’URSS et Donald Rumsfeld et peut-être demain l’Amérique qui sont sortis de l’Histoire, pas la France qui y est. La preuve, elle survit. Qu’elle ne soit pas capable de dépenser dans une défaite magistrale les 80 milliards de dollars par an que les Etats-Unis gagnent dans le tourisme ne prouve qu’une seule chose, que les Etats-Unis s’offrent aujourd’hui la raclée militaire la plus chère de l’Histoire, renvoyant effectivement le Père Maginot au bac à sable. Et alors, à quoi cela conduit-il les Américains, si ce n’est droit dans le mur ?
Comme l’a fort justement relevé un des commentateurs, les choses vont et viennent, les empires passent, meurent ou s’adaptent. Même cette Chine dont on se gausse tant, qui dispute à la France le titre de plus vieille nation de l’Histoire encore « en circulation », qui aurait parié un liard sur sa survie, entre la première guerre de l’opium et l’accession de Mao au pouvoir ? La France vasouille, a pu écrire Emmanuel Todd, et c’est ce vasouillage (voir plus haut extrait des Mémoires de Charles de Gaulle) qui la rend pérenne (à défaut d’être immortelle) et qui n’est que la vie des nations comme des individus. C’est ce vasouillage qui est inacceptable à beaucoup, qui se placent dans un cadre totalitaire ou qu’ils voudraient tel : un monde déterminé depuis le Big Bang, régi par les équations de la physique einsteinienne, dans une Histoire déterministe où des individus préconditionnés par le postulat psychanalytique ne sont pas libres mais préprogrammés. La destinée manifeste américaine héritée de la prédestination luthéro-calviniste est alors confortable à ceux pour qui le libre arbitre de l’Humanisme, la Raison des Lumières et l’indétermination de la pensée quantique sont des hérésies franco-européennes.
Nous sommes bien là dans un choc de civilisations.
J’ai lu que la France était passé de la première à la sixième place. Je voudrais qu’on me dise quand la France a-t-elle été la première puissance du monde ? Pas lorsque nous perdions Accre et Jaffa et que Tamerlan règnait du Pacifique aux marches danubiennes, pas jusqu’au milieu du XVIIème siècle, passant d’une occupation anglaise à une occupation espagnole avec guerres de religions et frondes nobiliaires entretemps. Et quand bien même, la Chine impériale à cette date, elle compte pour quoi ? C’est une vision eurocentrée étroite et débile qui fait raconter n’importe quoi. Et même au XVIIIème siècle, est-ce être une grande puissance militaire que de ne pas être foutu de trouver trois régiments pour conserver le Canada et une poignée de comptoirs aux Indes - à une époque où d’ailleurs, les lecteurs des ânes bâtés que sont Marseille et Baverez le savent, la France aurait déjà pris selon le credo capitaliste un siècle de retard sur tout le monde ? Et un Napoléon qui tente de parfaire son blocus en allant se les geler dans les neiges russes, c’est le roi du monde, peut-être ? Pour la suite je n’insiste pas, le soir du « merde « de Cambronne, la France accepte de jouer en second.
Je repose donc ma question : quand la France est-elle censée avoir été la première puissance du monde ?
Enfin et pour conclure, j’ai eu la surprise d’apprendre (mon centre des impôts et ma banque également) que j’étais riche et douillettement installé dans mon confort cossu de bobo parisien. J’échange immédiatement mon compte débiteur depuis 20 ans, les cent bouquins (non, pas les bouquins !) et le PC portable sur lequel je tape actuellement, qui sont les seules choses que je possède, avec quiconque. De toute manière je n’ai pas de leçons à recevoir de petits cons. Lorsque nous étions il y a 10 ans en tout et pour tout une vingtaine de « bobos » citoyens-électeurs, avocats, journalistes, juges, gendarmes, officier des RG et seulement deux députés, qui avons tous laissé des plumes comme mon ami Eric Halphen (d’où certaines situations difficiles encore actuellement) à monter à l’assaut du système mafieux de la mairie de Paris, les grandes gueules d’AgoraVox étaient aux abonnés absents. Aujourd’hui ils invectivent, courageusement planqués derrière l’anonymat de leur pseudo et le confort protecteur de leur IP.
Pétain pas mort...
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération