https://cf2r.org/actualite/offensive-ukrainienne-en-russie-succes-tactique-mais-erreur-strategique/
La concentration de forces ukrainiennes dans la région de Sumy
n’était pas passée inaperçue, de nombreuses sources en faisaient état.
Ce qui a surpris, en revanche, c’est l’emploi inattendu de cette force
militaire. On aurait pu penser que ce rassemblement avait pour objectif
de réduire le saillant créé par les Russes dans la région de Kharkiv, ou
qu’il s’agissait d’une préparation en vue d’une hypothétique attaque
russe dans le secteur de Sumy, une possibilité évoquée par les autorités
ukrainiennes il y a quelques semaines.
Le choix de l’état-major ukrainien d’envahir le territoire russe, une
première depuis 1941, a pris tout le monde de court, à commencer par
les Russes, mais aussi les plus proches alliés de l’Ukraine. C’est la
première vraie surprise militaire de l’année 2024. En effet, compte tenu
du manque chronique de troupes sur le front et des difficultés des
Ukrainiens à stabiliser la poussée russe dans le Donbass, il ne semblait
pas évident que Kiev choisisse d’ouvrir un nouveau front.
Le succès tactique de cette opération est indéniable. L’Ukraine a
rapidement pris le contrôle de plusieurs dizaines de localités,
s’enfonçant parfois de plus de trente kilomètres à l’intérieur du
territoire russe. Cette attaque éclair a été menée dans un secteur
vulnérable et peu protégé de la frontière russe, en coordination avec
des frappes massives de drones dans la région de Koursk. Des moyens
significatifs de guerre électronique ont été déployés pour neutraliser
autant que possible les capacités des drones russes, tandis qu’une
importante défense sol-air, incluant deux batteries Patriot, a été mise en place pour couvrir l’avancée des troupes.
L’Ukraine a mobilisé cinq brigades pour cette opération : la 61e
brigade mécanisée détachée du front de Kharkiv, la 80e brigade d’assaut
aérien prélevée sur le front de Bakhmut, la 22e brigade mécanisée
retirée du front de Klishchiivka, la 116e brigade mécanisée venue du
front de Vovchansk, et la 103e brigade territoriale initialement
stationnée à Sumy. En réserve, la 88e brigade mécanisée, chargée de la
protection de la frontière nord, a également été mobilisée. Cela
représente un effectif de 15 000 à 20 000 soldats ukrainiens engagés
dans l’opération. Environ 10 000 à 12 000 hommes auraient franchi la
frontière, bien plus que le millier d’hommes annoncé initialement par le
ministère russe de la Défense.
Les forces ukrainiennes n’ont rencontré que peu de résistance,
écrasant les quelques centaines de gardes-frontières russes et leur
infligeant de lourdes pertes. Cependant, elles en ont également subi,
avec la destruction de plusieurs dizaines de véhicules, principalement
en raison de l’intervention de l’aviation, des hélicoptères de combat et
des munitions rôdeuses russes. En parallèle, les forces ukrainiennes
multiplient les incursions en territoire russe, comme dans les régions
de Belgorod et de Koursk, avec, entre autres, l’appui de volontaires
géorgiens.
Cette offensive s’est déroulée simultanément avec une tentative de
débarquement sur la péninsule de Kinbourn, en mer Noire. Cependant,
cette opération a été rapidement repoussée. La grosse dizaine
d’embarcations engagée dans cette tentative n’a fait l’objet que d’une
faible couverture médiatique de la part de Kiev, qui s’est contentée de
diffuser une vidéo montrant les embarcations en mer[1].
Quel est l’objectif de cette attaque ?
L’objectif stratégique de cette attaque en territoire russe reste flou.