Heureusement, il existe encore une presse courageuse et lucide en Israël.Mais quel est son poids ?
Article de Haaretz :
Quarante ans d’ambiguïté Après la guerre de 1967, certains Israéliens affirmaient que les Territoires étaient “libérés”. D’autres, qu’ils étaient occupés...
Cette année 2007 marque le quarantième anniversaire de ce que les uns considèrent comme l’occupation de la Cisjordanie et l’annexion de Jérusalem-Est et de ce que les autres voient comme la libération de la Judée-Samarie et la réunification de Jérusalem. Sur la façon de nommer cet événement, on le voit, il n’y a aucun consensus, ni entre Israéliens, ni entre nous et nos voisins, et pas même au sein de la communauté internationale. Ce qui est sûr, c’est qu’un fil directeur guide la politique israélienne depuis quarante ans : l’ambiguïté. Nul doute que la politique israélienne d’“ambiguïté nucléaire” n’a pas que des inconvénients. De même, Henry Kissinger a bâti toute sa carrière diplomatique sur le concept d’“ambiguïté constructive”, censée permettre des avancées diplomatiques. En revanche, il est difficile de trouver un phénomène plus destructeur que l’approche ambiguë privilégiée par les dirigeants israéliens pour les questions liées aux territoires occupés-libérés-administrés. Peu de temps après la guerre des Six-Jours, interpellé à la Knesset sur l’opportunité de remplacer sur les cartes israéliennes la Ligne verte [armistice de 1949] par les lignes de cessez-le-feu [du 10 juin 1967], le ministre travailliste Yigal Allon répondit : “Du point de vue du droit international, les lignes de cessez-le-feu sont la seule ligne de démarcation pertinente entre Israël et ses voisins.” Autrement dit, la domination exercée par Israël sur les Territoires n’est pas reconnue, mais c’est ce dont nous disposons et c’est avec cela que nous vaincrons. L’ambiguïté formelle et juridique a été renforcée par la subtile distinction établie entre la version anglaise de la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui demande le retrait israélien “de” territoires occupés lors de la guerre de 1967, et sa version française, qui appelle au retrait israélien “des” territoires. Que faire de la population palestinienne, qui persiste à s’accrocher à sa terre et menace ainsi de rompre notre équilibre démographique ? L’ambiguïté israélienne a trouvé une solution inventive à ce problème : l’application du droit civil israélien sur certaines zones seulement, Jérusalem-Est et le Golan [territoires annexés]. Dans nos slogans, Jérusalem est une ville unifiée. Dans la pratique, la barrière de séparation coupe des milliers de Palestiniens de la ville dans laquelle ils résident officiellement. La politique de discrimination appliquée par les ministères israéliens et la municipalité de Jérusalem illustre l’ambiguïté morale entre la réunification de la ville et sa judaïsation. Cette ambiguïté fait le bonheur des Israéliens. Qu’elle fasse le malheur des Palestiniens, qui s’en soucie ? Il en va de même de la bande de Gaza. Israël s’est désengagé de l’intérieur de ce territoire, mais n’en continue pas moins à l’occuper de l’extérieur.
La “croissance naturelle” des colonies reste ambiguë
Dans une situation où le gouvernement reconnu de la bande de Gaza n’y exerce aucune souveraineté, il y a une équivoque sur une question : Israël est-il complètement dégagé de ses responsabilités en tant que puissance occupante envers les habitants de cette région de misère ? En Cisjordanie, dans les zones qui n’ont pas été officiellement annexées, c’est le gouvernement militaire [israélien] qui est souverain. Et, selon la Quatrième Convention de Genève, les citoyens israéliens ne peuvent y être implantés. L’expression ambigue de “territoires administrés” a été créée de toutes pièces, celle de “terres publiques” a été puisée dans le droit ottoman et nous avons statué que “tout est sujet à négociation”. Tout, sauf évidemment les “blocs d’implantations” [colonies], dont les limites (pourrait-il en être autrement ?) sont ambiguës de notre point de vue et inacceptables du point de vue de la partie adverse. Pour rendre possible l’extension des implantations de peuplement, contrairement à nos engagements internationaux, nous avons pris prétexte de la nécessité de répondre à la “croissance naturelle” des colonies, une “croissance” dont l’ampleur reste ambiguë. Enfin, pour nous protéger des Palestiniens, pour qui l’occupation est tout sauf ambiguë, nous avons inventé la politique ambiguë des liquidations, des barrages et des tirs à vue. Cette ambiguïté a fini par dévorer ce qu’il y avait de bon grain parmi nos responsables politiques et militaires. Certains des jugements rendus par la Cour suprême sur des faits liés à l’occupation-libération de la Cisjordanie - Judée-Samarie font craindre que la plaie de l’ambiguïté n’ait également atteint notre système judiciaire. Vu notre longue et joyeuse accoutumance à la drogue de l’ambiguïté, il n’est pas surprenant que nos dirigeants et notre opinion publique soient frappés d’atonie devant un défi tel que celui posé par la résolution de la Ligue arabe de mars 2002, une résolution fondée sur un principe sans équivoque : les territoires contre la paix. Il est plus confortable pour nous de nous contenter d’une “feuille de route” sans lignes directrices et de célébrer notre “union nationale” autour de slogans vides de sens. Akiva Eldar Ha’Aretz
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