Silvain, vous dites : "la seule et véritable souffrance de Madame Sébile et qu’elle a toujours affirmée comme telle : la souffrance dite morale qui seule est en cause du point de vue de sa vision de la dignité humaine : elle ne voulait pas mourir en légume à la charge de ses proches dans la déchéance d’une image psychiquement dégradée d’elle-même"
J’en tire les conclusions suivantes sur votre point de vue :
- tout le chapitre émotionnel dont les médias nous ont abreuvés sur les douleurs de Mme Sébire était donc bidon ? (c’est ce que vous semblez dire)
- la soufrance morale serait donc un motif légitime d’euthanasie. Il serait donc légitime d’euthanasier les personnes qui souffrent moralement tels les dépressifs, ou autre, s’ils le demandent. A vous entendre, il serait même plus légitime de les tuer que de les aider et de les accompagner pour qu’ils comprennent qu’il est légitime que la société les prenne en charge.
- elle ne voulait pas mourir à la charge de ses proches : je vois dans ce refus de se sentir "à la charge de quelqu’un" l’idée réciproque qui est aussi que "ça fait chier de s’occuper de ses parents". N’est-ce pas un signe grave de l’individualisme rampant qui culpabilise ceux qui sont dépendant au point qu’ils se disent qu’il vaut mieux qu’ils se suicident, ça sera plus sympa pour leurs enfants qui de toute façon ne voulaient pas s’occuper d’eux. Personellement, je trouve qu’avec l’euthanasie, on continue la marche de notre société vers moins de solidarité, et nous allons peu à peu considérer comme "normal" que les vieux se suicident avant de devenir une charge pour nous. A titre personnel, j’ai vraiment peur d’avoir une pression normalisatrice de la société, dans 60 ans, qui me fasse sentir "quoi PP ? ! ? Mais tu t’es toujours pas suicidé ! ? Tu te rends compte que tu fais chier tes gosses espèce de gros salaud ! ?". Et puis quand le suicide des vieux sera devenu la norme, on passera à l’euthanasie des SDF ? "regardez le pauvre SDF déchu qui souffre moralement parce qu’il est un poids pour la société et qu’il empeste tout le monde... il demande à mourir pour qu’on le délivre de ses soufrances... il faut bien entendu lui accepter ce droit !"
Je comprends votre argument de "liberté humaine", mais dans le cas présent, il me semble à vous lire que la pression sociale qui veut que "les vieux ne servent à rien, ils sont juste une charge pour leurs enfants" reste un ressort principal de ce type de réaction
Qu’on donne une exception d’euthanasie dans les cas où pour éviter un acharnement thérapeutique on stope traitement mais que le "laisser mourrir" prévu par la loi léonetti (et accompagné des soins de confort adéquats) ne peut pas se faire dans des conditions satisfaisantes, évidement : ok.
Mais autoriser à tuer n’importe qui sous prétexte qu’il souffre moralement de se sentir un poids pour les autres, ou bien qu’il souffre physiquement parce que sa religion lui interdit de prendre des calmants plus forts que de la verveine, ou bien parce que son pote lui a dit que c’était bien plus fun de se suicider que de mourir naturellement... ça me parait la porte ouverte à une acceptation de dérives très graves.
@+
PP