Bonjour,
Je témoigne, malheureusement, qu’il reste bien du chemin à faire en terme de prévention, de dissuasion des agresseurs, de protection des personnes (femmes ou hommes) violentées. Il y a un tel décalage entre les textes, les intentions et leur mise en pratique …
Dans un contexte autre que conjugal, j’ai été victime de menaces qui sont passées à l’acte : 2 agressions physiques et les menaces sont réitérées.
L’hiver dernier, à cette même époque, j’ai passé 4 mois quasi enfermée chez moi pour désamorcer la violence de mes agresseurs, me protéger, dans l’attente que la gendarmerie transmette mes plaintes au Procureur. La dernière plainte concernait des menaces de "me tondre", "me crever les yeux comme le faisaient les nazis" (j’ai un enregistrement de ces propos qui font froid dans le dos), "m’attraper de nuit". Dans le même temps, mes agresseurs démontaient la lumière extérieure d’accès à mon domicile, puis ont placé devant ma porte un serpent en bois avec des yeux crevés ...
J’ai attendu patiemment, passé sur divers troubles qui m’étaient encore causés. La gendarmerie me disait qu’elle avait beaucoup de travail, qu’il lui fallait du temps pour traiter le dossier, ... Au final, j’ai découvert que la gendarmerie n’avait transmis ma dernière plainte que 7 mois après (au lieu des 6 mois réglementaires) ...
J’ai pourtant suivi absolument toutes les démarches qu’il fallait suivre. J’ai pris conseil auprès d’associations, d’organismes juridiques. J’ai hiérarchisé les sujets de mes plaintes et noté par ailleurs tous les faits qui se produisaient, les injures, les menaces, etc. J’ai informé les gendarmes de ces faits, de manière on ne peut plus précise et claire, pour leur faire prendre conscience que ce que je vivais relevait d’une situation anormale, que les menaces passaient malheureusement à l’acte.
J’indique aussi que dans le même temps, mon père, un homme âgé de 79 ans, était aussi agressé par les mêmes personnes.
Ses plaintes ont été rejetées et les miennes aussi.
J’ai du finalement me mettre en faute, exprimer ma colère au Procureur, pour qu’une enquête soit mise en place par la Brigade de Recherche de gendarmerie (cette enquête est en cours).
Je témoigne ici du décalage qu’il y a entre les propos politiques, les campagnes de sensibilisation, de formation ... et la réalité.
Je n’ai personnellement trouvé aucune aide auprès des gendarmes, dont l’accueil a été par ailleurs tout à fait déplorable (mon avocat m’a hélas dit que je n’étais pas la seule personne à qui cela arrivait).
J’ai contacté le site "gendarmes et citoyens" où les échanges n’ont mené à rien, sinon à une sorte de "blocus corporatiste". Le terme "citoyens" est inapproprié pour ce site que j’ai très vite quitté.
J’ai porté plainte auprès de l’adresse
[email protected] pour non respect de la charte d’accueil des victimes ... aucune suite.
Les associations d’aide aux victimes, les associations d’écoute aux femmes sont bien utiles mais ont hélas leur limite. Pour moi, elles ont été utiles dans un premier temps, où j’ai eu besoin d’écoute et de conseils sur les démarches à entreprendre. J’ai beaucoup souffert de ces menaces et agressions (j’en souffre d’ailleurs toujours) et ces associations m’ont permis au début de trouver de l’humanité, de sortir de sentiments de honte, de culpabilité, que je portais.
Les organismes de conseils juridiques ont aussi été très compétents, précis, clairs, disponibles.
Seulement voilà, dans mon histoire, la gendarmerie a "traité par dessus la jambe" ce qui m’arrivait. Et je ne rentre pas ici dans les détails de leur attitude inadaptée, inappropriée vis à vis de mes agresseurs qu’ils n’ont jamais su recadrer ... il y a un réel besoin de formation de ces personnes (en tous cas celles auxquelles j’ai eu à faire).
Ensuite, le système judiciaire français est ce qu’il est : il manque de moyens, les procédures sont longues, les mois s’écoulent, les dossiers s’entassent ...
Pourtant, par une justice de proximité, l’affaire qui me concerne aurait pu être traitée rapidement.
Aujourd’hui, je parle, je m’exprime parce que je suis terriblement choquée tant par les agressions que par la manière dont elles ont été "traitées", "mal-traitées".
Je vais malheureusement traînée cette souffrance pendant encore pas mal de temps : c’est au fil des semaines qui passent, alors que je cherche à me reconstruire, que je prends conscience de l’importance des dégâts, moralement, psycholiquement (les cauchemards sont répétitifs, les réveils en sursaut ...).
Cette souffrance est amplifiée par la non-reconnaissance, des gendarmes, de la Justice et par la colère : en 2008, compte tenu de toutes les campagnes qui ont déjà été menées, il est inadmissible qu’une femme puisse être ainsi menacée et agressée ... sans que rien, rien, ne se passe.
Et pourtant "cela est". Je l’ai vécu. Je le vis encore.
Quant à mes agresseurs, ils sont toujours sur le pas de ma porte, en toute impunité.
Alors, que donnera cette commission paritaire contre la violence faite aux femmes ... ?
De mon côté, il se pourrait bien que j’écrive un livre : pour me libérer de cette souffrance, pour analyser les profils psychologiques et comportementaux de mes agresseurs, pour mettre en lumière les disfonctionnements que j’ai vécu, essayer de faire des propositions, d’être constructive.