Bonjour Monsieur DAVIN,
Serait-ce parce que le pape qualifie les laïques de « laïcistes » que vous lui emboîtez le pas ? Votre conception antérieure de la laïcité était la bonne ! Entre les rares « anticléricaux rabiques, bouffeurs de curés », espèce en voie de disparition, et les laïques partisans d’une « tolérance » hélas abstentionniste et silencieuse, laxiste et électoraliste, il y a ceux qui, comme moi, restent fermement attachés à leur conviction laïque, sans pour autant contester la légitimité du droit de croire. Mais en toute liberté !
La laïcité serait-elle à vos yeux synonyme de « pensée unique » ? Il n’est évidemment pas question de tenter de rendre un croyant athée. Ce serait d’ailleurs en vain : un croyant ne peut, au mieux, que se convaincre lui-même, en découvrant d’autres horizons que celui qu’on lui a imposé. Mais je vous concède que certains laïques sont encore prosélytes, offrant ainsi le flanc à la même critique que celle qu’ils adressent aux cléricaux !
Dois-je rappeler que laïcité politique, c’est la séparation (théorique !) des Eglises et de l’Etat ? C’est la condition sine qua non de la coexistence des religions et de l’incroyance. La laïcité philosophique, fondée sur un humanisme délivré de toute référence religieuse, je ne répète, n’est pas pour autant antireligieuse. Elle suppose un engagement moral des individus sur des valeurs humanistes. Elle implique l’exercice de la liberté de pensée, de religion et de conviction (même si cette liberté est encore plus symbolique qu’effective !). Les deux formes de laïcité sont donc complémentaires.
A propos des musulmanes de chez nous, pensez-vous vraiment que c’est « en toute liberté » qu’elles portent la burqa (et même le voile islamique) ? Ne seraient-elles pas plutôt contraintes de se soumettre au coran, aux traditions et au pouvoir patriarcal fondamentalistes ? Ont-elles eu réellement la possibilité de changer de religion, ou de choisir le déisme, ou l’incroyance, ou l’agnosticisme, ou l’athéisme, conformément à l’article 18 de la Déclaration Universelle des Droits Humains de 1948 ? : "Toute personne a droit à la liberté de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ’(...)". Il est évident que non.
Les observations psycho-neuro-physio-génético-éducatives tendent en effet à relativiser la part de liberté individuelle et à confirmer que la liberté de croire ou de ne pas croire est souvent compromise, à des degrés divers, par l’imprégnation de l’éducation religieuse familiale, forcément affective puisque fondée sur l’exemple et la confiance envers les parents, puis confortée par l’influence d’un milieu culturel unilatéral excluant toute alternative laïque non aliénante. L’éducation coranique, exemple extrême, en témoigne hélas à 99,99 %, la soumission y étant totale.
Et pour cause : Richard DAWKINS estime que la soumission est génétique : déjà du temps des premiers hominidés, le petit de l’homme n’aurait jamais pu survivre si l’évolution n’avait pas pourvu son cerveau tout à fait immature de gènes le rendant totalement soumis à ses parents (et donc plus tard à un dieu … ). Il est logique dès lors que certains athées, comme lui, ou agnostiques comme Henri LABORIT, au risque de paraître intolérants, perçoivent l’éducation religieuse, bien qu’a priori sincère et de bonne foi, comme une malhonnêteté intellectuelle et morale. Ce dernier a écrit : « Je suis effrayé par les automatismes qu’il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d’un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance exceptionnelle pour s’en détacher, s’il y parvient jamais.(...) Vous n’êtes pas libre du milieu où vous êtes né, ni de tous les automatismes qu’on a introduits dans votre cerveau, et, finalement, c’est une illusion, la liberté !".
- D’ailleurs, dès 1966, le psychologue-chanoine Antoine VERGOTE, alors professeur à l’Université catholique de Louvain, avait constaté (son successeur actuel Vassilis SAROGLOU le confirme) qu’ en l’absence d’éducation religieuse, la foi n’apparaît pas spontanément, et aussi que la religiosité à l’âge adulte en dépend ( et donc l’aptitude à imaginer un « Père » protecteur, substitutif et anthropomorphique (cfr Freud !), fût-il « authentique, épuré, Présence Opérante du Tout-Autre » ...).
- Des neurophysiologistes ont observé que les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures à l’âge de 2 ou 3 ans, mais que les amygdales (du cerveau émotionnel), elles, sont déjà capables de stocker des souvenirs inconscients, tels que les comportements religieux, puis les inquiétudes métaphysiques des parents, sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur. L’IRM fonctionnelle suggère que le cerveau rationnel, le cortex préfrontal et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s’en trouvent anesthésiés, à des degrés divers, indépendamment de l’intelligence et de l’intellect, du moins dès qu’il est question de religion. Ce qui expliquerait l’imperméabilité des croyants à toute argumentation rationnelle ou scientifique, et donc la difficulté, voire l’impossibilité de remettre leur foi en question, sans doute pour ne pas se déstabiliser (cf le pasteur évangélique (iste ?) Philippe HUBINON à la RTBF : « S’il n’y a pas eu « Création », tout le reste s’écroule … ! » …
- La liberté de conscience et de religion, et en particulier celle de croire ou de ne pas croire serait plus effectives que symboliques si, après avoir inclus le principe de la laïcité dans la Constitution belge, l’on s’orientait enfin vers un système éducatif pluraliste proposant à tous une information minimale, progressive, objective et non prosélyte sur les différentes options religieuses ET sur les options laïques actuellement occultées. L’école compenserait ainsi l’influence familiale, certes légitime mais unilatérale et donc communautariste.
Loin de vouloir simplifier ou réduire la complexité du psychisme humain, et en particulier le phénomène religieux, n’est-il pas légitime de compléter son approche traditionnelle (philosophique, métaphysique, théologique, anthropologique, …) par une approche neuroscientifique ? Bien qu’encore très partielle, elle vise en effet à mieux comprendre l’origine et la fréquente persistance de la foi et donc à permettre à chacun de choisir, en connaissance de cause, aussi librement et tardivement que possible, ses convictions philosophiques OU religieuses ?
Certes les neurosciences ne démontrent pas l’inexistence de « Dieu » (aucune inexistence n’est démontrable), mais elles tendent à démontrer son existence imaginaire et donc illusoire.Le droit de croire n’en restera pas moins légitime et respectable, a fortiori si cette option a été choisie plutôt qu’imposée.
Michel THYS à Waterloo [email protected] http://michel.thys.over-blog.org
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