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L’erreur n’est jamais seulement humaine
Les experts en sécurité continuent de prétendre que les accidents sont causés par l’homme avec une proportion de 80 à90 % des accidents imputables à des « facteurs humains ». C’est évoquer implicitement le problème de la faute, et donc de la responsabilité. Cela suppose que l’opérateur connaît les risques auxquels il est exposé, qu’il sait comment les maîtriser et qu’il n’a pas fait usage de ce savoir. Or l’explication en terme d’erreur humaine repose indirectement sur la question du jugement moral et une telle attitude ne fait pas avancer la prévention si elle se limite à la recherche d’un coupable. Si l’on admet qu’il y aura des erreurs à l’origine desquelles il y aura toujours un homme, il faut aussi admettre que toute erreur humaine a son explication dans les contraintes de l’organisation. Et la requalification de l’erreur humaine en « erreur sociotechnique » a l’avantage non seulement de dégager la notion d’erreur de la notion de faute et de son aura culpabilisatrice, mais aussi de ne pas faire de l’homme la seule source possible d’erreur et d’élargir ainsi l’explication des accidents à l’ensemble des conditions techniques et organisationnelles caractérisant l’activité qui a résulté en catastrophe.
Les grands drames de l’humanité ont pour cause première la passivité de populations entières et non Les choix destructeurs de dirigeants ambitieux, irresponsables ou cruels. Face à son enfant mort, une mère sait qu’elle a tout perdu. Que le corps de cet enfant ait été transpercé par la balle d’un tireur d’élite serbe ou écrasé par un conducteur d’élite français ne change rien au résultat. Un individu privilégiant son bon plaisir et sa volonté de puissance a exercé son terrorisme aux dépens d’une vie. Nous savons que ce risque peut être réduit à des niveaux tolérables, plusieurs pays industrialisés ont prouvé que l’on peut se déplacer sans tuer autant. La mort routière dépend d’abord de nos incohérences et du défaut de maîtrise de notre système de transport. Il est techniquement facile de réduire le nombre de victimes, sans terrorisme policier, sans altération de nos possibilités de déplacement, sans drame pour notre économie.
« Explication naïve de l’accident et prévention » de Dongo Rémi Kouabenan, Professeur de psychologie du travail et des organisations à l’Université Pierre Mendès France (Grenoble II).
Source : ALF