En fait, ce qui n’est pas réjouissant, c’est surtout de
constater (une fois de plus) que l’on ne sait pas grand-chose sur cette
maladie si banale qu’est la grippe. On n’a pas d’expériences passées
nous permettant de recaler les informations qui nous parviennent dans
un cadre logique et connu. On n’est incapable de savoir si l’on est
dans l’anecdotique attendu car survenant à chaque épidémie de grippe,
ou bien si l’on aborde un tournant décisif de cette pandémie. On est en
train de découvrir à quel point la faiblesse des investissements en
recherche sur les virus banaux finit par peser lourd dans la décision
publique qui devient rapidement démunie car entourée de trop
d’incertitudes. La méconnaissance du coronavirus, virus des
rhinopharyngites les plus banales avait lourdement ébranlé en 2003 la
communauté internationale et mis à pied plusieurs compagnies aériennes,
notamment nord-américaines pendant la crise du SRAS, ces pneumonies
atypiques dues à un coronavirus particulièrement virulent et inconnu de
la famille. La méconnaissance du virus du chikungunya en 2005, avait
conduit à longtemps négliger les alertes nous parvenant de l’île de La
Réunion en 2005, à considérer à tort qu’il n’y avait rien à redouter de
ce virus banal transmis par un moustique, alors qu’aucun vaccin
n’existait, et qu’aucun traitement n’était disponible (et d’ailleurs,
quatre ans plus tard, on n’a toujours pas beaucoup progressé sur ce
front). Aujourd’hui, l’absence quasi-totale de résultats de recherches
passées conduites de manière systématique et approfondie sur le virus
de la grippe, sur ses conditions d’émergences et sur son impact, semble
nous plonger dans cet abîme qu’est l’ignorance.
Antoine Flahault