Pour savoir comment passer cet hiver, il faut aller voir chez ceux qui sont passés par là il y a dix ans. Amérique Latine, Russie, Thailande. C’est à cette époque que nous aurions dû nous aussi corriger nos excès, en prenant conscience que tout pouvait exploser du jour au lendemain. Notre influence sur les institutions internationales nous a sauvé à l’époque. Nous avons activé le levier des bulles d’actifs pour nous en sortir : bulle internet, bulle immobilère, notre déclin industriel a été masqué par une politique de taux bas, il fallait mettre des actifs en face de nos dettes.
Donc, en toute vraissemblance, les capitaux vont sortir pour aller se réfugier en zone à potentiel de croissance. Les retraités sont ceux qui verront leur pouvoir d’achat diminuer le plus rapidement. La dépréciation de la monnaie entraînera une inflation des biens de première nécessité alors que les politiques de restriction interdiront l’alignement des pensions. Le travail au noir reprendra une place centrale. L’espérance de vie va diminuer, car il nous sera impossible de financer ces deux dernières années d’acharnement thérapeutique en structures mourroir. Il s’agit du côté sombre du tableau.
Le côté positif est qu’étant donné que les Etats ne pourront plus subventionner les populations, les solidarités vont se relocaliser, qu’elles soient familiales, de quartier, de village. On aura à nouveau besoin de son voisin, le troc de biens et de services, la communication directe remplacera l’anonymat des structures centralisées, qu’elles soient administratives ou privées (call centers). Les jeunes générations vont redécouvrir la débrouillardise, développer leurs talents, car il faudra savoir faire soi même à défaut de pouvoir acheter du service. Les études techniques qualifiantes seront privilégiées aux études longues généralistes.
Je me souviens des reportages télévisés il y a dix ans où nous nourrissions notre orgueil patriotique de la misère des pays ruinés, ces appartements communautaires à Moscou, ces ramasseurs de déchets à Buenos Aires. Bien évidemment, cela ne pouvait pas arriver dans les pays « socialement développés ». A l’époque, en pleine bulle techno, l’Etat affirmait très sérieusement que France Télécom, quotant au delà de 100 Euros, allait sauver les retraites. Puis, il n’y a pas si longtemps, les syndicats en haut de la bulle immobilière, se transformaient en experts comptables, affirmant qu’en face du passif il y avait un actif confortable (80% étant de l’immobilier).
Cette crise permettra surtout de revenir à plus de bon sens, à une rematérialisation des échanges, afin que des discours aussi déconnectés des réalités soient aussitôt sanctionnés.