A quand dépoussièrera-t-on enfin la Constitution ?

Le 24 septembre prochain, les « grands électeurs » (Maires, conseillers municipaux dans les communes de plus de 9000 habitants, délégués des conseils municipaux qui représentent 95 % des quelques 162 000 grands électeurs, Conseillers départementaux, conseillers régionaux, députés et sénateurs..) éliront 170 nouveaux sénateurs, sur les 348 que compte le Sénat, pour un mandat de six ans.
Chaque renouvellement permet d'élire environ la moitié des sénateurs répartis en deux séries. La série 1 qui comporte 170 sièges sera celle qui est renouvelée le 24 septembre 2017. Les 178 sièges de la série 2 ont été renouvelés en septembre 2014.
Officiellement, le Sénat est le représentant des collectivités de métropole et d'outre-mer. Promulguée le 4 octobre 1958, la constitution de la Ve République confère au Sénat un rôle éminent dans les institutions. L'universitaire constitutionnaliste et ancien sénateur (1959 - 1971) Marcel PRELOT (1898 - 1972) n'hésitait, d'ailleurs pas, à parler de « République sénatoriale ». Le président du Sénat devient le deuxième personnage de l'Etat et assure l'intérim de la présidence de la République. Mais aujourd’hui se pose de plus en plus l’utilité démocratique de cette institution…
Supprimer un système « Bicaméral » qui n’a plus de sens
La France n’a, par ailleurs, plus besoin d’un système Bicaméral. On peut noter que 75% des lois sont dictées par l’Europe, ce qui signifie qu’en France, la suppression du Sénat ne poserait aucun problème sur le plan législatif. D’autant que dans le cadre des « navettes » entre l’Assemblée nationale et le Sénat pour l’adoption de projets ou propositions de loi, en cas de désaccord, il y a prééminence de l’Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct. En cas de désaccord entre les deux chambres, le Gouvernement dispose de la possibilité de faire statuer l’Assemblée nationale en dernier ressort. Quant à la responsabilité du gouvernement devant la Haute Assemblée, la Constitution prévoit simplement que « le Premier ministre a la faculté de demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale ». A l’évidence, le Sénat ne renversera pas le Gouvernement.
Le Sénat, une assemblée du 19 ème siècle qui est désormais inutile
Le Sénat, Cette assemblée du 19° siècle est désormais obsolète. Déjà En 1969, le Général de Gaulle avait soumis à référendum un double projet de réforme des régions et du Sénat. Outre les collectivités territoriales qui éliraient cent soixante-treize sénateurs, le Sénat représenterait désormais l'activité sociale, économique et culturelle du pays, avec cent quarante-six sénateurs désignés. Mais surtout, le projet aurait ôté toute attribution législative et tout droit de contrôle du gouvernement par le Sénat, il en aurait fait une simple Chambre consultative. De plus, il aurait retiré au président du Sénat, au profit du Premier ministre, l'intérim de la présidence de la République. L'opposition est très vive chez les élus locaux comme au Sénat, où le nouveau président, Alain POHER, prend la tête du combat pour le « non » au référendum. Les résultats de la consultation d'avril 1969 lui donnent raison : par 52,41% des suffrages exprimés, les réformes proposées sont rejetées. Désavoué le Général DE GAULLE démissionne sur le champ.
46 ans plus tard, en 2015 Claude BARTOLONE alors président de l’Assemblée Nationale se dit favorable à sa suppression et reprend la proposition du Général de Gaulle de fusionner le Sénat avec le Conseil économique et Social…Une assemblée consultative avec des citoyens désignés, ce qui est le cas du Conseil économique et social, avec des citoyens élus, le fussent-ils indirectement ne me semble pas très rationnel.
Supprimer le système « bicaméral », en renforçant la démocratie parlementaire de l’Assemblée Nationale, implique une suppression pure et simple du Sénat.
A noter qu’un sénateur coûte près d'un million d'euros aux contribuables, ce qui revient à 350 millions d'euros par an pour le budget du Sénat qui gère par ailleurs une réserve de 1,5 milliard d'euros. Près de 90 % des dépenses du Sénat consistent en des dépenses de personnel : indemnités parlementaires des 348 sénateurs, plus traitements et primes de leurs collaborateurs (cinq maximum), pour lesquels chacun dispose d’une enveloppe 7548,10 euros. Pour rompre avec l’opacité qui faisait partie des usages de cette assemblée, en 2013, pour la première fois, les comptes ont été certifiés par la Cour des comptes. « Mais cela ne veut pas dire que le Sénat est bien géré, simplement qu’il respecte les règles comptables » fait observer l’un des magistrats de la Cour. A noter également que La réserve parlementaire, qui est d’un montant de 153.000 euros par sénateur, représente en 2016 un total de 56,26 millions d’euros pour le Sénat, dont 3 millions d’euros dévolus à une « dotation institutionnelle » gérée de façon collégiale par le Président et les vice-présidents du Sénat. 81% de la réserve, soit 43,32 millions d’euros, est fléchée vers les « collectivités locales pour financer leurs investissements de proximité » précise le site du Sénat.
Par le scrutin uninominal majoritaire de circonscription à deux tours, qu’il faut maintenir, les Députés représentent aussi un territoire, pas besoin des Sénateurs.
Avec le mode de scrutin uninominal à deux tours par circonscription électorale des Députés, ceux-ci sont également, en plus de leur fonction législative, représentant d’un territoire. Ce qui signifie que la fonction de représentant des collectivités de métropole et d'outre-mer par les Sénateurs est inutile, d’autant que les Députés élus au suffrage universel ont donc plus de légitimité que les Sénateurs pour les représenter, dès lors qu’ils sont élus au suffrage universel direct, ce qui n’est pas le cas des Sénateurs…
Maintenir le scrutin majoritaire uninominal de circonscription territoriale à deux tours avec un « correctif », pour que les minorités politiques soient représentées, mais comment le définir ?
Sans avoir recours à l’introduction de la proportionnelle, fut-elle que très partielle et qui peut être problématique, Permettre la représentation des minorités politiques, tout en préservant le mode de scrutin uninominal de circonscription à deux tours, pourrait se traduire, par exemple, de la façon suivante : A l’issue du premier tour de scrutin des élections législatives au scrutin uninominal, tous les partis, ou groupements de candidats, qui avaient agréé 175 candidats et obtenu au premier tour, entre 375 000 et 500 000 voix se verraient attribuer 2 sièges de Députés, plus un par fraction complète de 250 000 voix. Afin de ne pas sur représenter les formations politiques, petites ou grandes, les partis, ou groupements de candidats qui auraient obtenus des Députés au suffrage universel direct, soit en leur nom propre, soit par le jeu des apparentements, leur nombre serait déduit de celui du correctif éventuel auquel ils auraient droit. (Ces chiffres n’étant qu’une proposition, servant de base de discussion pour un débat qui reste ouvert) Ces députés seraient soumis aux mêmes droits et devoirs que les députés élus au suffrage universel, mais ne seraient pas rattachés à une circonscription et n’auraient donc qu’une fonction législative à l’assemblée.
Malgré la suppression du Sénat, ce système suppose que le nombre actuel de Députés soit légèrement réduit, en particulier dans les métropoles urbaines à forte densité de population, de manière à y intégrer ceux élus grâce au « correctif ». Contrairement au découpage actuel des circonscriptions qui sont faites au niveau Départemental, ce qui n’est pas très logique pour un scrutin national, le découpage des circonscriptions doit se faire dans le cadre d’un schéma National, ce qui signifie qu’une circonscription électorale pour l’élection des députés pourrait se situer sur plusieurs Département.
Et si l’on n’élisait plus le Président de la République au suffrage universel ?
La Ve République échappe aux typologies classiques des différents régimes démocratiques. Conçue à l’origine comme un régime parlementaire dans lequel les pouvoirs de l’exécutif sont renforcés, elle est devenue un régime de type semi-présidentialiste depuis le référendum de 1962 qui a instauré l’élection du président de la République au suffrage universel direct, le rôle prépondérant du Président de la République, qui cumule de fait la fonction de chef de l’Etat et de chef de l’exécutif, s’est d’ailleurs accru avec le quinquennat.
La Constitution de 1958 ne mettait pas en place de régime présidentiel. Elle ne prévoyait pas, à l’origine, l’élection du président de la République au suffrage universel direct qui est la principale caractéristique du régime présidentiel. Vu l’état de déliquescence dans lequel se trouvait la IVe République, la nouvelle Constitution entendait surtout rompre avec le régime d’assemblée responsable de l’instabilité Ministérielle chronique. Il s’agissait de préserver le Gouvernement d’un accroissement des prérogatives du Parlement à son détriment. Pour ce faire, la Constitution a strictement encadré les prérogatives de législation et de contrôle du Parlement au profit du gouvernement.
Avec l’élection au suffrage universel direct, le Président de la République a un rôle prédominant
En 1962, la modification du mode d’élection du président de la république devait profondément modifier cet équilibre institutionnel en consacrant la prépondérance du chef de l’État au sein des institutions. La légitimité renforcée du président de la République en fait ainsi la véritable clé de voûte du système politique, alors que son droit de dissolution limite la possibilité pour l’Assemblée nationale de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Ceci s’explique dans la mesure où le parti, où la coalition majoritaire l’est dans la foulée de la dynamique électorale créée par l’élection du Président de la République depuis l’instauration du quinquennat.
Il est en effet clair que la légitimité du chef de l’État est désormais supérieure à celle des députés, puisque ceux-ci sont élus dans le cadre de circonscriptions territoriales limitées et qu’ils sont divisés en différents groupes politiques. Le chef de l’État, quant à lui, est élu par la majorité de l’ensemble des citoyens du pays et doit représenter ainsi l’ensemble des Français, quelles que soient leurs tendances politiques.
L’équilibre des pouvoirs conçu par les constituants de 1958 connaît de profondes modifications, consacrées par l’usage plus que par l’application littérale des textes constitutionnels
Parallèlement, le principe de la responsabilité du Premier ministre devant le président de la République a été consacré, en marge du texte constitutionnel, par l’usage. Le chef de l’État a ainsi exigé à plusieurs reprises la démission du gouvernement sans que l’Assemblée nationale n’ait pour autant adoptée de motion de censure. Ce fut le cas pour la démission de Michel DEBRE en avril 1962, celle de Jacques CHABAN-DELMAS en juillet 1972, celle de Pierre MAUROY en juillet 1984, celle de Michel ROCARD en mai 1991 et celle d’Édith CRESSON en avril 1992 ou Jean-Marc AYRAULT le 31 Mars 2014. Manuel VALLS avait démissionné (un peu forcé) le 6 Décembre 2016 pour se présenter à la Présidentielle, après son échec aux primaires socialistes il a rejoint la mouvance LREM.
Cette responsabilité du Gouvernement devant le chef de l’État constitue l’une des caractéristiques du fonctionnement de la Ve République.
La stabilité des institutions de la Ve République dépendrait-elle de la seule « puissance » du pouvoir du Président de la République, due à son élection par le suffrage universel direct ?...
Quand on y regarde de plus près, la stabilité des institutions, si souvent évoquée et vantée, ne relève pas seulement des « puissants » pouvoirs du Président de la République, mais beaucoup plus du mode de scrutin pour l’élection des Députés qui est uninominal majoritaire à deux tours par circonscriptions territoriale. A cet effet, on peut considérer que malgré le mode de désignation actuel du Président de la République et des pouvoirs qui lui sont conférés, notamment le droit de dissolution, un retour de l’élection des Députés à la proportionnelle telle qu’elle a pu exister, ce serait revenir aux incuries gouvernementales de la IV° République, en renforçant, notamment des partis politiques, totalement discrédités et une surévaluation des petits partis qui se monnaieraient au prix fort pour constituer une majorité, du reste fragile et à la limite de la légitimité... Faut-il rappeler qu’en 1957, aux pires heures de la guerre d’Algérie, en moins d’un an, deux gouvernements se sont succédés : celui du radical Maurice BOURGES-MAUNOURY et, à partir du 5 novembre 1957, celui du radical Félix GAILLARD, renversé le 15 avril 1958, mais toujours sans successeur le 13 mai. On connait la suite avec les militaires à Alger…
Pour rétablir un équilibre cohérent entre le parlement, le Gouvernement qui en est issu et le Président de la république, dont la fonction doit être exclusivement celle de chef de l’Etat qui ne saurait intervenir dans l’exécutif (charge incombant au Premier Ministre), Comme prévu initialement en 1958, l’élection du Président de la République devrait se faire, comme aujourd’hui pour les Sénateurs, par un collège de « grands électeurs », à l’instar de nos voisins Européens…
Si une suppression du Sénat s’avère utile, le redécoupage des régions, ou, à l’instar des autres pays Européens, la fusion des communes s’avère également nécessaire.
Les Régions
L’actuel découpage relève d’un déni de démocratie
Les Régions Françaises avaient besoin, du moins pour certaines d’entre elles, d'être redécoupées. Produit technocratique de l’État jacobin des années 1950, elles correspondaient trop peu aux réalités historiques, culturelles, et sociales du pays. C'est pourquoi il eu été impératif que la cohérence territoriale soit en adéquation avec celui des aspirations des populations, mais aussi avec les nouvelles contraintes écologiques. Le résultat pouvait être des régions de tailles très hétérogènes, comme chez certains de nos voisins Européens. Ainsi, on peut imaginer une région avec cinq départements actuels, coexistant avec des régions à deux départements (Alsace, Savoie), voire, des collectivités territoriales plus petites encore (Catalogne et Pays Basque français). À ce titre, La carte des nouvelles Régions, préparée par une poignée de hauts fonctionnaires n’est pas acceptable et relève d’un déni de démocratie. En fixant arbitrairement le nombre de Régions à 13, sans réelle concertation des élus locaux, ni débat préalable de la population, on a reproduit, en les aggravant, les travers technocratiques d’un découpage totalement irrationnel.
Trop de communes avec d’énormes différences démographiques entre certaines d’entre-elles.
Si d’après l’INSEE, Paris intra muros comptait 2 257 981 personnes au début de l’année 2012, de nombreuses communes ne connaissent pas une telle affluence. Il y a en pleine campagne française des communes où l’on ne dépasse pas les 10 habitants. Il est donc temps de remettre tout ça à plat et de procéder à une fusion de Communes de manière à les réduire des deux tiers et ramener leur nombre aux environs de 12 000. La France est le pays qui compte le plus de communes en Europe. Avec 36 683 communes au 1er janvier 2011 (dont 36 568 en métropole) pour 65 millions d’habitants. La France possède, à elle seule, près de 40% des communes de l’Union européenne. A titre de comparaison, l’Allemagne en a 12 196 (81,5 millions d’habitants), l’Italie 8 101 (61 millions d’habitants). L’Espagne 8108 (47 millions d’habitants).
Une fusion choisie de communes n’interdirait pas des regroupements mais contrairement à la situation actuelle ce serait des communautés de projets et ne pourraient percevoir des impôts locaux, à charge des nouvelles communes sur leur budget de financer la mutualisation des services ou projets au sein de ces groupements éventuels.
Pour conclure
Une simple modification ou une réforme plus profonde de la Constitution en France, l’Union Européenne ne peut s’y opposer, à condition que dans le cadre de ces modifications Constitutionnelles, il faut veiller à ce que toutes les nouvelles dispositions Constitutionnelles, tant par rapport aux Droits fondamentaux qu’aux principes d’organisation de l’Etat et de ses rapports avec les citoyens soient compatibles avec le Droit Européen, les modifications suggérées ici sont compatible avec le Droit européen.
Vu le tissu électoral pour les élections Sénatoriales, si la République En Marche (LREM) a emporté l’élection présidentielle et s’est imposée comme la grande gagnante des législatives, ce scrutin s’avère, lui, beaucoup plus délicat. Eventuellement, faute de pouvoir compter sur les deux tiers du « congrès » (Assemblée nationale plus Sénat), d’ailleurs on peut douter que les Sénateurs se fassent « Harakiri », une modification Constitutionnelle devrait se faire par référendum..
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