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Accueil du site > Tribune Libre > Albert Camus contre la peste des « féroces philanthropes »

Albert Camus contre la peste des « féroces philanthropes »

 Le 50ème anniversaire de sa mort brutale dans un accident de voiture, à 47 ans, ce 4 janvier 1960, ressuscite Camus dans les médias. Cela fait tout drôle, mais plaisir. Car, même si, avec l’âge forcément, on s’est un peu éloigné de lui, il ne cesse pas d’avoir été celui dont l’œuvre a accompagné son adolescence et même la vingtaine d’années qui a suivi. Il disait, en effet, qu’il faut dix ans pour avoir une idée bien à soi, ou encore qu’ « on appelle vérités premières celles qu’on découvre après toutes les autres ».

Rue Madame, à Paris

 C’est peu de dire qu’on s’est pris de passion pour Albert Camus, avec la fougue de l’adolescence. On traquait inconsidérément tout ce qu’il avait pu écrire. On a même voulu faire un mémoire sur son activité journalistique à Alger républicain, Soir Républicain, Combat et L’Express. On a été accueilli par son épouse Francine Camus qui mettait volontiers sur place à disposition les archives de son mari, dans son appartement, rue Madame à Paris, à la fin des années 60.

C’est dans une de ces boîtes en carton qui conservaient certains articles difficiles à trouver ailleurs, qu’on a découvert pour la première fois cette phrase de Chateaubriand. Camus était révulsé par la complaisance des démocraties occidentales envers l’Espagne de Franco ; il résumait sa pensée en citant ce mot cruel de l’auteur breton : « Il faut être économe de son mépris, vu le grand nombre de nécessiteux. » On aimait la frappe de ces paradoxes sarcastiques dont l’expérience n’a fait que confirmer la justesse. C’est encore à Camus que l’on doit justement d’être allé fureter du côté de Chamfort, un autre expert en formules bien frappées : « Jouis et fais jouir, prescrivait celui-ci, sans faire de mal ni à toi ni à personne, voilà, je crois, toute la morale. » Ou encore « En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui sonnent le tocsin.  » Ou encore « Il faut être juste avant d’être généreux, comme on a des chemises avant d’avoir des dentelles. » On s’y réfère toujours.

Alger, Tipasa, Djémila

Si on est parti enseigner six années au Lycée Descartes, juché dans un parc planté de pins, de bambous et de magnolias, sur l’aile droite de la cavea du théâtre gréco-romain qu’Alger ouvre sur la mer, quand on arrive en bateau, c’était pour découvrir ce pays de mer et de soleil où il avait vécu et écrit « L’Envers et l’Endroit  » et surtout « Noces ».

Combien de fois n’a-t-on pas arpenté les ruines romaines de Tipasa en caressant comme lui les pierres ocrées « dans le soleil et l’odeur des absinthes, (devant)  la mer cuirassée d’argent (et) le ciel bleu écru  », de l’église paléochrétienne de Saint-Salsa parmi les sarcophages où « (poussaient) des sauges et des ravenelles  », au petit forum désolé dont ne subsistaient que les dalles grises, avant de gagner le cardo à l’égout axial qui se jetait dans la mer près du solarium de la villa hellénistique à l’oecus de mosaïques ? Le site n’est qu’à 70 kilomètres à l’ouest d’Alger, face à « la masse noire du Chenoua  », ce massif de l’autre côté de la baie qui s’arrondit « pour aller s’accroupir dans la mer  ». On y faisait un saut chaque fois qu’on le pouvait.

Mais Djémila, cette autre ville romaine, ancienne Cuicul, avait beau être à 400 kilomètres à l’est d’Alger, cette fois, et à une trentaine de Sétif dans la montagne ; on n’hésitait pas à les avaler à travers la chaîne des Bibans, pour se retrouver solitaire sur le forum incliné en coquille d’huître entre l’arc de Caracalla et le temple de Septime Sévère dressé sur sa haute terrasse gravie d’une gigantesque volée de marches. On déambulait le long du cardo maximus qui descendait un versant de l’aride épaule montagneuse, entre un ravin et l’esplanade du premier forum fermée de portiques sur deux côtés et, sur les deux autres, d’un Capitole et d’une basilique éventrée livrant sa prison souterraine à ciel ouvert, avec, aux antipodes l’un de l’autre, le marché de Cosinius au nord et le temple de Vénus Génitrix au sud. En retour de promenade, après avoir passé son doigt sur le texte d’une stèle effacé au burin dont ne subsistait que l’inscription « Cuiculitanorum Col  », du nom de la colonie des Cuiculitains, on remontait par l’autre bord du site dévalant vers un second ravin où coulait en bas un oued entre des peupliers ; et on allait s’asseoir, pour souffler un peu, dans la cavea du théâtre creusée en pente abrupte face au mur de scène encore debout, avec en arrière plan, au loin, les monts de Petite Kabylie ronds et chauves, couverts de neige en hiver.

 La lucidité et le courage

Existe-t-il tant d’hommes dont on puisse dire, comme de Camus, qu’ils ont vu clair ? Est-ce la maladie qui le conduisait à regarder la vie en face avec la mort à son revers, cette tuberculose du pauvre attrapée à vingt ans, qui ne l’a pas lâché avec ses rémissions et ses rechutes sans toutefois réussir à l’avoir ? Qui, comme ce jeune homme entre 22 et 47 ans, a pris si tôt la mesure des tragédies de son temps avec une telle lucidité ?

Le colonialisme ? Qu’on relise ses articles d’Alger républicain sur « Misère de la Kabylie  » : « Par un petit matin, écrit-il en juin 1939, j’ai vu à Tizi Ouzou des enfants en loques disputer à des chiens kabyles le contenu d’une poubelle. (…) La misère ici n’est pas une formule ni un thème de méditation. Elle est. Elle crie et elle désespère.(…) Il est méprisable de dire que ce peuple n’a pas les mêmes besoins que nous. » Qu’on reprenne sa série d’articles parus dès le 13 mai 1945 dans Combat, intitulée «  Crise en Algérie  » sur les massacres de Sétif, Guelma et Kerrata, le 8 mai 1945, le jour même de la capitulation nazie où la France était toute à la joie de la paix retrouvée !

Alors qu’au mois d’août suivant, les journaux célèbrent les bombes atomiques qui viennent d’anéantir Hiroshima et Nagasaki, qui exprime dans Combat son angoisse devant l’époque de terreur nouvelle qui vient de s’ouvrir ?

À l’heure du Communisme triomphant où certains intellectuels se font les « compagnons de route » du Parti Communiste français, c’est encore Camus qui dénonce avant l’heure le régime soviétique concentrationnaire et plaide pour une politique où il n’entend être « ni victime ni bourreau  ». « (Les camps) font partie de l’appareil d’État, en Russie soviétique, vous ne pouvez l’ignorer, fait-il observer à Emmanuel d’Astier de la Vigerie, dès octobre 1948. Il n’y a pas de raison au monde, historique ou non, progressive ou réactionnaire qui puisse me faire accepter le fait concentrationnaire. »

Son roman allégorique « La Peste  » vient exprimer cette morale modeste du Dr. Rieux à laquelle il croit, en acceptant de pousser son rocher comme Sisyphe envers et contre les totalitarismes de tous poils, quitte à le voir, près du sommet, dévaler la pente et à aller le rechercher sans plus s’en affliger, en étant même heureux puisque la condition de l’homme est de ne rien tenir pour acquis et de devoir toujours recommencer.

Quand éclate la guerre d’Algérie qu’il a vu venir depuis son reportage en Kabylie, il ne reste pas muet, il parle dans l’Express d’alors : il souhaite une trève civile qui épargne les innocents et vient même la proposer à Alger sous les huées. Si modeste que soit l’appel, les extrémistes des deux bords, lancés dans une guerre à mort, n’en veulent pas. Le choix est binaire et ne tolère pas une troisième voie. On lui reprochera alors de se taire et de « préférer sa mère à la justice ». C’est à l’occasion de son prix Nobel que ses paroles ont été déformées : « En ce moment, a-t-il dit en fait, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère. » C’est l’auteur des « Justes » qui parle et qui n’a pas varié. Le terrorisme aveugle ne mène nulle part sinon au contre-terrorisme. Et de cette surenchère, dans une spirale sans fin, ne peut naître que le désastre pour tous. Il n’est pas sûr que l’Algérie d’aujourd’hui s’en soit encore relevée, pas plus que la France.

Et qui encore ose militer contre la peine de mort en livrant ses « Réflexions sur la guillotine », au moment où en France on la pratique à tour de bras : François Mitterrand est alors tantôt à l’Intérieur, tantôt à la Justice ? Un des rares souvenirs qu’on a rapportés à Camus de son père, mort au front en 14, tout juste un an après sa naissance, est la nausée dont il avait été pris au retour d’une exécution publique.

L’art au service des idées

Entendre parler de Camus sur les antennes surprend aujourd’hui. Car les mêmes précieux ridicules qui, comme sur France Culture, baratinent et barattent à longueur d’émission le vide du formalisme scolastique en vigueur - où même une toile blanche peut être saluée comme l’aboutissement d’un parcours - sont obligés de se cogner aux idées qui jaillissent de partout dans l’œuvre de Camus et au service desquelles il a mis son art d’écrire : l’information indifférente ? Albert Camus ne connaît pas ! « Je ne puis vivre personnellement sans mon art, s’écrie-t-il dans son discours de Suède. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est qu’il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. »  « Par définition, dit-il encore, (l’écrivain) ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou, sinon, le voici seul et privé de son art. »

Il est, en effet, impossible de dissocier les écrits de Camus des tragédies de son temps. On se marre donc à voir les petits marquis du formalisme scolastique malhabiles dans un exercice inédit pour eux : ils sont contraints, en effet, d’abandonner le vent qu’ils brassent quotidiennement, et d’associer Camus tantôt à la misère de Kabylie, tantôt à la Résistance au Nazisme dans Combat, ou encore, à une autre Résistance au Communisme triomphant avec ses « idiots utiles », du genre Sartre, qui ferment les yeux sur les camps soviétiques pour, disent-ils, « ne pas désespérer Billancourt ». Il les appelle dans sa préface de la réédition en 1954 de « l’Envers et de l’Endroit  » « nos féroces philanthropes » : ils lui reprochaient, à lui l’enfant pauvre de Belcourt, d’avoir trahi sa classe et d’avoir osé parlé d’un bonheur dans la pauvreté entre mer et soleil, inconnu des froides villes industrielles du nord...

Aussi son dernier ouvrage « La chute  » est-il une fable qui sous une ironie protectrice pour lui-même, est cruelle pour ses ennemis intellectuels : selon son héros, Jean-baptiste Clamence, « (ils annoncent) la société sans classe avec la sûreté et la conviction » d’ «  une charmante ahurie parlant de l’amour après avoir (bien) lu la presse du cœur  ». Le roman fait ainsi le point de l’aventure avec ses déconvenues qui a mené l’enfant pauvre du sombre appartement d’Alger à la lumière crue qui inonde l’artiste parisien connu qu’il est devenu bien avant la remise du Nobel. « Vous parliez du jugement dernier, se moque Clamence. Permettez-moi d’en rire respectueusement. Je l’attends de pied ferme : j’ai connu ce qu’il y a de pire et qui est le jugement des hommes. Pour eux pas de circonstances atténuantes, même la bonne intention est imputée à crime. »

Ainsi a-t-on fait un long cheminement en l’heureuse compagnie d’Albert Camus. On aimait sa capacité à jouir de la beauté et à en témoigner : « Nul homme n’est hypocrite dans ses plaisirs, » dit encore Clamence. « Ô mon âme, souhaite Camus avec Pindare en exergue du « Mythe de Sisyphe  », n’aspire pas à la vie immortelle, mais épuise le champ du possible ! » Avec la tuberculose, sans doute savait-il qu’il ne vivrait pas vieux. Pourtant cette aptitude au bonheur qui aurait pu faire de lui un être « solitaire », ne s’est épanouie que dans l’affrontement des tragédies de son temps qui l’a transformé en artiste « solidaire », selon le mot incertain laissé sur une toile par le peintre Jonas, un personnage de « l’Exil et le Royaume  ». « Élevé d’abord dans le spectacle de la beauté qui était ma seule richesse, explique-t-il dans « Retour à Tipasa  » du recueil « L’Été  », j’avais commencé par la plénitude. Ensuite étaient venus les barbelés, je veux dire les tyrannies, la guerre, les polices, le temps de la révolte. Il avait fallu se mettre en règle avec la nuit.(…) La beauté isolée finit par grimacer, la justice solitaire finit par opprimer ». Si on reconnaît un Classique à l’enseignement nouveau qu’une époque tire de lui en réponse à ses interrogations nouvelles, Albert Camus en est un : on peut y trouver des jalons pour baliser une voie qui, à défaut de mener sûrement au bonheur sur terre, peut du moins aider à éviter le malheur. Paul Villach

 

 


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36 réactions à cet article    


  • voxagora voxagora 7 janvier 2010 11:38

     Albert Camus était Pied-noir. Parler de lui, de sa valeur, ou simplement de la vérité de sa vie, n’est pas politiquement correct en France.
     Quand donc mes enfants et les enfants de mes enfants pourront-ils entendre parler de leurs père, mère, grand-père, grand-mère, pour ce qu’ils étaient, des hommes et des femmes vivant, souffrant, mourrant, pensant en être humains dignes de ce nom ?


    • ETIENNE 7 janvier 2010 15:06

      Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Parler de la valeur d’un pied noir n’est pas politiquement correct en France !? C’était peut être vrai à l’époque d’Evian, et encore plus pour Camus qui dénonçait le colonialisme. Mais Camus n’était pas spécialement apprécié des communistes non plus car il a refusé de se prononcer en faveur de ce système politique pendant la guerre froide, grand bien lui en a pris et les existentialistes n’étaient pas spécialement fans non plus. Aujourd’hui, il est plutot politiquement incorrect de parler de la valeurs d’un Arabe, mais en aucun cas de la valeur d’un pied noir et encore moins de celle de Camus, reconnu comme un immense contributeur de la culture française. Les pieds noirs en politique, dans les affaires, dans les médias ne sont pas spécialement dénigrés en tant que pieds noirs. Enfin, en tant que fils de pied noirs, je n’ai jamais senti de discrimination, à part venant des racistes qui me prenaient pour un arabe. On peut même dire, que, bien que n’étant pas du tout intégré dans « la communauté pieds noirs » (et ne souhaitant pas l’être) ,cette part de mes origine m’a servi à obtenir en vitesse un passeport, la dame de la préfecture étant oranaise a vu sur mon livret de famille que mon père est oranais aussi, et a décidé, sans que je lui demande que ça devait être un point positif pour traiter rapidement mon dossier. Je ne m’en suis pas plaint.


    • sisyphe sisyphe 7 janvier 2010 19:37

      Bel article, et bel hommage à celui qui est un des penseurs les plus importants du XXème siècle, celui qui a toujours vu juste, dénoncé ce qu’il y avait à dénoncer, soutenu le peuple et les pauvres, défini l’absurdité de la condition humaine, comblée par la nécessaire révolte.

      « Je me révolte, donc nous sommes » dit l’homme révolté.
      La pensée de Camus est d’une modernité et d’une actualité plus que brulantes ; nécessaire, visionnaire, vitale.

      Merci pour l’article, émouvant.


    • Paul Villach Paul Villach 7 janvier 2010 19:48

      @ Sisyphe

      Camus permet donc que nous nous rencontrions. C’est un socle d’échange non négligeable. Paul Villach


    • ZEN ZEN 7 janvier 2010 11:49

      Bel hommage !
      En ces temps tragiques de profil bas idéologique, je rejoindrais la fin de l’article par cette phrase de l’auteur :
      « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui nous détruire mais ne savent plus convaincre… »


      • french_car 7 janvier 2010 15:32

        Léon quand j’étais petit on disait « on » est un con smiley .
        Sans quoi admettez que ses documentaires sont moins idigestes que ses délires récurrents de leurre d’appel de toute sorte à grands coups de Milgram, de Beau et d’administration-voyou.


      • ZEN ZEN 7 janvier 2010 13:23

        Et sur le fond , Léon ?
        ça fait peur.. smiley


        • ZEN ZEN 7 janvier 2010 14:09

          L’auteur a voulu, je pense, s’effacer devant un auteur qui nous dépasse tous
          D’où le non emploi de la première personne ( ce que l’on conseillait autrefois dans tout bonne dissertation)
          Léon ferait-il une fixette pathologique sur un auteur, qu’il déclare ne plus vouloir lire, mais sur lequel il revient sans cesse , par des critiques essentiellement ad hominem, parfois, dirait-on, sans lire le contenu ?


          • Paul Villach Paul Villach 7 janvier 2010 14:33

            @ Zen
            En posant votre question, vous y répondez, je suppose. Ce troll est un pervers. Il ne mérite pas considération. Paul Villach


          • ZEN ZEN 7 janvier 2010 19:19

            Léon ?
            Grosse fatigue ?...


          • ZEN ZEN 7 janvier 2010 19:42

            Quand ça m’arrive, je prends de l’ Antiagoravoxium 30 ou 60
            Dans toute bonne pharmacie
            En général, ça marche smiley


          • Paul Villach Paul Villach 7 janvier 2010 19:51

            @ Zen

            Vous êtes bien charitable à vouloir soigner un incurable qui a tout du « féroce philanthrope » dont se moque Albert Camus. Paul Viillach


          • Alexeï 7 janvier 2010 14:20

            Bel hommage à celui qui fut une consciense du XXe siècle. Du Villach comme on aimerait en lire plus souvent.


            • Véronique Anger-de Friberg Véronique Anger-de Friberg 7 janvier 2010 14:37

              Merci Paul. C’est le plus bel hommage rendu à Camus ces derniers jours. Je conserve votre texte, si juste et magnifique. Pour moi, Camus est cet « honnête homme », engagé, épris de justice, qui ne se laisse pas tromper par les passion de circonstance quand tant d’intellectuels se sont laissé berner par des charmeurs de serpents...
              Camus, pour moi, c’est la réponse à cette réflexion, que l’on entend encore régulièrement de nos jours hélas, « Il vaut mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aron » (certains ont sûrement pensé « que raison avec Camus »...). Un adage d’une stupidité sans nom qui incarne cette mauvaise foi et cette radicalité revendiquées au nom de l’idéologie. Une petite phrase qui symbolise l’esprit étriqué et mesquin et donne une légitimité au sectarisme et à la haine de l’autre, dans lesquels se complaisent tant de mes compatriotes.
              Camus, c’est la réponse au sectarisme, une "exception française" de plus dont on se passerait volontiers en ces temps où la confrontation d’idées sans la haine est devenue si difficile...


              • Paul Villach Paul Villach 7 janvier 2010 15:21

                @ Chère Véronique,

                J’apprécie votre compliment, sachant de qui il vient, et apprécie encore plus que nous partagions l’un et l’autre cette même reconnaissance envers Albert Camus. Paul Villach


              • Fergus Fergus 7 janvier 2010 15:32

                Bonjour, Paul.

                Dommage que France 2, qui diffusait hier un téléfilm consacré à Camus, se soit concentré, durant les 10 dernières années de sa vie, sur ses liaisons féminines et non sur son rôle d’intellectuel et son influence sur la pensée de ses contemporains.

                Du gâchis car Albert Camus, trop méconnu des jeunes notamment, m’éritait mieux et les téléspectateurs également.


                • sisyphe sisyphe 7 janvier 2010 19:41

                  Entièrement d’accord.

                  Ce téléfilm était digne de Gala ou Voici, à s’attarder sur sa vie privée avec une délectation indécente, sans presque rien évoquer de ce qui fait la force de sa pensée et de ses écrits ; l’absurde, la révolte, la justice.


                • ZEN ZEN 7 janvier 2010 16:36

                  Exact, Fergus
                  Rien sur son engagement dans Combat notamment et trop peu sur les âpres débats avec Sartre (juste un dialogue sans profondeur...)


                  • Paul Villach Paul Villach 7 janvier 2010 17:40

                    @ Fergus et Zen

                    Je suis moins sévère que vous.
                    J’ai regardé aussi hier le téléfilm, “Camus”, et il m’a intéressé. J’ai trouvé d’abord beaucoup de justesse dans le jeu des acteurs et un bel effort pour livrer de Camus une image contraire à l’image académique donnée par la scolastique : voyez le pitoyable article de BHL dans le Monde. Comme si la question est de savoir si Camus est un philosophe ou non, et si oui quel genre de philosophe !

                    L’évocation de la tuberculose est bien présente.
                    Je n’avais pas soupçonné, en revanche, la tragédie de couple que Camus et son épouse Francine avait vécue. Je savais que Camus était un séducteur, voire un coureur, mais j’ignorais que la tragédie de Francine Camus était allée jusqu’au suicide manqué.

                    Voyez d’ailleurs le terrible hasard, à en croire le téléfilm : c’est elle qui conseille à son mari de remonter de Lourmarin à Paris en voiture avec son amie, Michel Gallimard et son épouse. Il serait remonté en train avec elle ...
                    J’ignorais que lui-même avait connu une profonde dépression après le Nobel et qu’il avait été tenté par le suicide. Terrible !

                    Mais c’est la vie privée de Camus qui, je pense, ne doit pas interférer avec ses positions publiques, même s’il est difficile de s’y tenir. Je comprends mieux, par exemple, certains épisodes de “La Chute”, comme celui qui est central, le suicide d’une jeune femme se jetant du Pont Royal dans la Seine, une nuit que le héros, Jean-Baptiste Clamence, revient de chez une de ses amies  : il reste paralysé, ne dit rien, ne fait rien et rentre chez lui... Il ne s’en remettra pas.  Paul Villach


                  • ZEN ZEN 7 janvier 2010 18:08

                    ? ????Léon, fatigué ?

                    Quand je n’aime pas un article de P.Villach, je le critique ou je m’abstiens
                    Tu peux en retrouver des traces
                    Quand je l’apprécie, je le dis...
                    D’ailleurs, tu l’as fait toi-même au moins deux fois, si ma mémoire est bonne
                    Je n’irai pas lire l’article de BHL, il est tellement tristement prévisible
                    C’est pas plus compliqué que ça

                    A part ça, Camus ?


                  • french_car 8 janvier 2010 07:08

                    Léon villachiste ? Et par deux fois ! Il était fatigué Léon ou quoi ?


                  • ZEN ZEN 7 janvier 2010 18:01

                    C’est vrai que le ton était juste et le jeu de l’acteur subtil et bouleversant
                    Je m’attendais au pire...
                    Si les détails de sa vie privé sont avérés, c’est vrai que ça donne une autre profondeur à certains de ses écrits, comme le rapport à sa mère explique en partie l’ambiguïté qu’on lui a rapprochée à l’époque sur l’affaire algérienne


                    • garibaldi15 7 janvier 2010 18:48

                      Ayant le plus grand mal à faire un C/C, je vous donne le lien ... sur un autre point de vue :


                      http://www.alterinfo.net/Pour-en-finir-avec-Camus-L-etranger-au-calvaire-colonial-des-Algeriens_a41141.html


                      • Jojo 7 janvier 2010 18:53

                        Pour beaucoup, « L’hôte » est une nouvelle au sens raisonnablement allégorique et à l’idéologie évidente. Elle fait partie des écrits de Camus publiés après sa rupture avec Sartre, à l’époque où la gauche parisienne le tournait en dérision. Ces dernières oeuvres sont considérées avec un zeste d’ennui par les récentes études philosophiques sur Camus[1], quand elles ne sont pas mises à l’index par la critique postcolonialiste[2] — exception faite de La chute et du Premier homme qui, inachevé, ne permet qu’une exégèse partielle[3].
                        2
                        « L’hôte » a paru en 1957 dans L’exil et le royaume, mais était en projet dès 1952, avant donc le début de la guerre d’Algérie, à une période où Camus suivait de près les affaires d’Afrique du Nord. On affirme parfois que, dans les dernières années de sa vie, il était philosophiquement et littérairement moins sûr de lui. La preuve en est, dit-on, qu’il préparait plusieurs textes en même temps, apparemment sans grande concentration. Pourtant, les titres de ces oeuvres révèlent son humeur et ses intentions. Camus travaille à une adaptation théâtrale des Possédés de Dostoïevski ; il imagine une pièce de théâtre sur Don Juan ou Faust ; et il écrit des manuscrits qui deviendront : La chute (autre titre prévu : « Le jugement dernier »), Le premier homme (autre titre prévu : « Adam »), et L’exil et le royaume qui réunit, entre autres, « La femme adultère », « Le renégat », « Jonas », et « L’hôte » (autre titre prévu « Caïn »). Tous ces textes semblent avoir un rapport avec les Écritures. La plupart d’entre eux, tous peut-être, sont liés à la situation politique algérienne.
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                        La lecture politique et éthique de « L’hôte » proposée ici met en relief ses sources bibliques volontairement cachées par Camus, qui a supprimé du texte final toute référence aux Écritures. Or « L’hôte » est un conte philosophique dans lequel sont entrelacés deux motifs bibliques majeurs : Caïn (Gen. 4,1-9) et la tentation de Jésus dans le désert (Mat. 4,1-11 et Luc 4,1-30). Dans un premier temps, je soulignerai ce qui, pour Camus, constitue le coeur de la question coloniale — l’aliénation sociale et la misère des colonisés. Il deviendra clair, cependant, que le problème de la misère et de la faim ne prend tout son sens qu’au sein d’une vaste question éthique, celle de l’hospitalité, et dont la difficulté est indiquée par l’ambivalence du titre de la nouvelle, « L’hôte ». Il apparaîtra que les thèmes du colonialisme, de la misère et de l’hospitalité sont élaborés par Camus à partir de références à l’Ancien et au Nouveau Testament, et que c’est seulement sous l’éclairage biblique que sa position politique et éthique prend toute son ampleur. Telle qu’elle sera exposée, cette position originale contredira toute lecture de « L’hôte » qui voit dans Daru un alter ego de Camus et dans son attitude celle que Camus aurait considérée — à tort ou à raison — comme politiquement correcte et moralement acceptable.
                        1. « L’hôte » et la misère coloniale
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                        L’histoire de « L’hôte » est simple : Daru est instituteur et vit dans son école sur un haut plateau algérien. Ses élèves indigènes sont victimes de la sécheresse, de la faim et du froid. Il distribue du grain à leurs familles. Arrive un vieux gendarme nommé Balducci traînant un Arabe attaché à une corde. Balducci demande à Daru d’escorter l’Arabe — un meurtrier — jusqu’à la ville voisine où la police l’attend. Daru signe le formulaire du gendarme, mais refuse de livrer l’assassin. Il le nourrit et lui prépare un lit. Au matin, il lui donne un paquet de pain, de l’argent, et lui indique deux routes : celle de la ville, et une piste par où s’enfuir et gagner les terres des nomades qui prendront soin de lui. Il laisse l’Arabe choisir. De manière inattendue, l’Arabe choisit la route de la ville. Quand il rentre dans son école, Daru découvre une menace tracée sur le tableau noir : « Tu as livré notre frère. Tu paieras[4]. »
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                        Le problème central de la nouvelle semble donc être celui de livrer un homme à la police quand bien même cet homme serait un criminel. C’est une question d’honneur, ou de « virilité », comme celle de dire la vérité. Balducci répond à Daru : « Je sais que tu diras la vérité. Tu es d’ici, tu es un homme » (H, 1616). Mais la question est aussi politique. L’ambiance est tendue. La guerre approche. Balducci demande à Daru d’escorter l’Arabe non seulement au nom de l’honneur ou de la vérité mais aussi au nom de la solidarité entre Français. Daru doit passer sur son honneur parce que les Arabes se rebellent. Pourtant l’Arabe a « seulement » tué son cousin, pour des raisons obscures mais sans doute d’ordre privé. Qu’importe ! Pour Balducci l’Arabe est un Arabe, c’est-à-dire un ennemi, réel ou potentiel. Ses raisons d’agir, son histoire, son nom même, sont sans importance. Dans une guerre, insiste Balducci, on s’engage sans discuter du côté de son clan.
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                        Le problème est politique parce que livrer l’Arabe à la police, c’est le livrer à la loi des colons, à la loi française. Or l’Arabe ne parle pas français et dans un contexte français c’est à peine si son crime a un sens. Il n’arrive pas à expliquer pourquoi il a tué son cousin ; il n’a pas l’air de comprendre les questions de Daru, qui pourtant s’adresse à lui en arabe. Balducci raconte que son village voudrait le reprendre, mais il n’explique rien : le village cherche-t-il à protéger l’Arabe ou à venger le cousin assassiné ? Face à la loi française et à celle du village, une troisième loi se profile au loin, celle des nomades qui accueillent les fugitifs sans poser de questions. Le système colonial est la collision de cultures hétérogènes qui ne communiquent pas, même lorsqu’on parle la même langue. L’Arabe est un réfugié dans son propre pays. Il est étranger sur sa propre terre.
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                        Pourtant, pour Camus le colonialisme ne se définit pas seulement en termes d’aliénation culturelle ou d’étrangeté. Le colonialisme, c’est d’abord la misère et la faim des colonisés. Camus insiste sur la pauvreté des élèves de Daru, une pauvreté telle que l’instituteur leur distribue du grain. Et, notons-le, pourquoi l’Arabe a-t-il tué son cousin ? Balducci répond : pour une histoire de vol de grain. Il semble donc — mais « [ç]a n’est pas clair » (H, 1615) — que le cousin a essayé de voler du grain. Quand la nourriture manque, un vol de grain, n’est-ce pas synonyme d’une tentative de meurtre ? Le crime de l’Arabe serait-il de la légitime défense ? Sur ce haut plateau, tout tourne autour du grain manquant.
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                        L’Arabe est un Arabe, c’est-à-dire un nationaliste en puissance, un ennemi de la France. C’est aussi un meurtrier de sa propre famille, de son propre sang — un Caïn : tel est son nom[5] — qui doit fuir éternellement. Par conséquent, c’est un réfugié, un étranger, un être qu’on ne comprend pas même quand on parle sa langue. Mais avant tout : c’est un homme qui a faim.
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                        La question qui se pose alors, et qui se pose parce que l’Arabe a faim, est donc : qui doit juger l’Arabe ? Qui peut le juger ? Le colon français ? Le village arabe ? Les nomades neutres ou même indifférents ? L’Arabe demande à Daru : « C’est toi le juge ? » (H, 1618). Non seulement Daru n’est pas le juge, mais en plus il ignore qui est le juge et c’est la raison pour laquelle il laisse l’Arabe choisir sa route. Daru cherche en vain une réponse à la question : où est le juge ? Avant d’indiquer à l’Arabe les deux directions possibles (H, 1621), Daru contemple le désert. Dans un premier manuscrit, Camus avait écrit :
                        Sur cette terre implacable, les hommes, les races, les religions s’affrontaient sans se mêler jamais, sans pouvoir reconnaître de règle commune ou saluer le même dieu. Seul le plus fort imposait ici ses lois et y pliait tous les autres hommes. Lui, Daru, faisait partie des plus forts et cependant il reconnaissait en regardant cette terre couverte maintenant de pierre et de neige la faiblesse fondamentale qui l’empêchait d’exercer cette force. Il ne reconnaissait pas non plus les lois de sa propre tribu et ne voulait saluer que la loi ou le Dieu qui serait celui de tous, et ne le connaissant pas, il voulait seulement attendre que sur ce désert une voix s’élève[6]…
                        Le colonialisme est un rapport de force dont le résultat est la misère et la faim. Dans un tel contexte, il n’y a pas de juge objectif absolu, c’est-à-dire de « Dieu qui serait celui de tous », et le jugement d’un criminel tel que Caïn est impossible.
                        2. De l’hospitalité
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                        Camus avait pensé appeler sa nouvelle « Caïn », mais il a finalement choisi le titre « L’hôte ». Il se pourrait donc que le problème qu’il soulève soit un peu différent de celui décrit jusqu’ici. Dans ce qui suit, nous allons découvrir que l’enjeu central du texte est une conception de l’hospitalité. En d’autres termes, demande Camus, que fait-on avec un hôte ? Que doit-on à l’hôte ? Et qui est vraiment l’hôte ?
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                        À ces questions on peut immédiatement répondre qu’on ne livre pas un hôte mais que, suivant en cela la tradition des nomades, on l’accueille et on lui donne à manger, à boire et à coucher — et même, on l’escorte jusqu’au plus proche chemin. L’attitude de Daru fait ici écho au modèle abrahamique d’hospitalité décrit dans Gen. 18 : Abraham accourt au-devant de trois étrangers, les accueille, les nourrit et les escorte sans même s’enquérir de leur nom.
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                        On se doit non seulement de nourrir et d’escorter l’hôte, mais aussi de le libérer : Daru coupe la corde qui entravait les poignets de l’Arabe. Il le laisse dormir sans l’attacher et le laisse partir avec argent et nourriture. Ici aussi, l’analogie avec l’exemple biblique est frappante : « Vous ne livrerez point l’esclave à son maître quand il se sera réfugié vers vous » (Deut. 23,15-16)[7]. Observons, cependant, que pour Camus, la liberté, c’est d’abord le manger. C’est là un thème constant dans son oeuvre, grâce auquel on comprend que le colonialisme, c’est la faim — et non l’absence d’indépendance nationale ou d’identité culturelle[8].


                        • Jojo 7 janvier 2010 18:55

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                          Nous sommes en présence d’une théorie radicale de l’hospitalité : on doit accueillir l’hôte comme un roi peu importe son passé. Pour couper la corde de l’Arabe, Daru ne le fait pas lever mais s’agenouille à ses côtés (H, 1614). C’est bien Daru qui s’agenouille près de l’Arabe, et non le contraire. Le paradigme rappelle l’éthique de Lévinas : c’est Daru qui doit quelque chose d’infini à son hôte, même si, ou précisément parce que l’hôte est un réfugié, un étranger, un criminel, un rebelle en puissance.
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                          La radicalité de cette conception provient de la langue elle-même. Le mot hôte dérive en effet du latin hospes qui signifie à la fois « étranger » et celui qui donne ou qui reçoit l’hospitalité — l’hôte. Comme le remarque Derrida dans son analyse de l’hospitalité chez Lévinas, c’est l’ambivalence du mot hôte, à la fois host et guest, qui est à l’origine de l’idée de devoir d’hospitalité. Derrida écrit :
                          D’autre part, nous serions ainsi rappelés à cette implacable loi de l’hospitalité : l’hôte qui reçoit (host), celui qui accueille l’hôte invité ou reçu (guest), l’hôte accueillant qui se croit propriétaire des lieux, c’est en vérité un hôte reçu dans sa propre maison. Il reçoit l’hospitalité qu’il offre dans sa propre maison, il la reçoit de sa propre maison — qui au fond ne lui appartient pas. L’hôte comme host est un guest. La demeure s’ouvre à elle-même, à son « essence » sans essence, comme « terre d’asile ». L’accueillant est d’abord accueilli chez lui. L’invitant est invité par son invité. Celui qui reçoit est reçu, il reçoit l’hospitalité dans ce qu’il tient pour sa propre maison, voire sur sa propre terre, selon la loi que rappelait aussi Rosenzweig[9].
                          Ces phrases de Derrida nous aident à formuler la question principale de « L’hôte », celle qui explique le titre de la nouvelle : qui est l’hôte de qui ? L’Arabe est-il l’hôte (guest) de son hôte (host) Daru, ou Daru, le Français, le colon, est-il l’hôte (guest) de son hôte (host) l’Arabe, l’indigène, celui qui vit depuis toujours sur cette terre ?
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                          Dans le dictionnaire latin, après le mot hospes, apparaissent deux autres mots, hostia et hostis. Le premier sens de hostis est, ici encore, « étranger », mais son sens second est « ennemi ». Hostia, quant à lui, désigne la victime sacrifiée sur l’autel, devenue plus tard « hostie ». En anglais moderne existent trois « host » différents, l’un provenant de hospes, le deuxième, de hostis, le troisième de hostia. Dans un dictionnaire de la langue française, les mots dérivés de hospes côtoient ceux dérivés de hostis et ceux venus de hostia. Par exemple, trois mots se suivent : hostellerie (hospes), hostie (hostia), et hostile (hostis). L’état moderne de la langue favorise donc une certaine confusion des étymologies, un chassé-croisé des significations. Il semble que dans « L’hôte », Camus joue volontairement sur la racine « host » et les trois champs sémantiques qui en sont issus. L’hôte, c’est celui qui accueille, c’est-à-dire Daru, mais c’est aussi celui qui est accueilli, l’Arabe ; c’est encore l’Arabe-ennemi et l’Arabe-victime du colonialisme. Tous sont compris dans le même mot, le même titre, « L’hôte ».
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                          Or ces quatre sens de l’hôte sont liés à un cinquième : le pain ou le grain, la nourriture. L’hôte (guest) a faim et a besoin de pain. L’hôte (host), Daru, distribue du grain à ses élèves et du pain à l’Arabe. L’hôte hostis-l’Arabe ennemi, l’assassin, a tué pour du grain. Qu’en est-il de la victime ? Regardons le texte. Quand Daru offre du pain à l’Arabe, celui-ci s’étonne : « Et toi ? » demande-t-il (H, 1618). Daru répond simplement : « Je mangerai après. » Mais dans un précédent manuscrit il disait : « Après toi. Tu es mon hôte[10]. » Camus a effacé cette phrase qu’on pourrait lire à la fois comme « tu es mon hôte (guest) » et « tu es mon hostie ». Et donc, dirait Daru, je n’ai pas besoin de pain, tu es mon pain. Ou, mieux encore : — Et toi ? demande l’Arabe. — C’est toi la victime, répond Daru, toi, le corps du Christ.
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                          Ce corps affamé, cette poitrine « maigre et musclée » de l’Arabe est décrite en page 1615. L’Arabe est l’hostie, la victime du sacrifice impérialiste. Camus formule ici sa version de « Prenez. Ceci est mon corps » (Mat. 26,26 ; Luc 22,19 ; Marc 14,22). Remarquons que c’est celui qui n’a pas de pain et a tué pour du pain qui est lui-même le pain sacrifié et sanctifié de l’Eucharistie. L’hôte, dans tous les sens du mot, c’est le pain. Le pain est le sujet de « L’hôte »[11].
                          3. La tentation de Daru
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                          L’Arabe est à la fois Caïn et Jésus — les fils de l’homme —, l’assassin-réfugié et la victime, l’hostis et l’hostia. Mais Daru lui-même rappelle Jésus. Entendons d’abord la ressemblance vocale (qui indique un lien, mais non une identification) : Daru-Camus-Jésus[12]. Daru rappelle Jésus : il vit comme un « moine » mais se sent « seigneur » (H, 1612). Il nourrit les pauvres. On peut dire qu’il transforme les pierres du désert en pain. Il défend ceux qui ont péché. Ne pourrait-on penser que lorsqu’il donne à l’Arabe le choix de sa route, il lui répète les paroles de Jésus à la femme adultère : « Je ne vous condamnerai pas non plus. Allez-vous-en, et ne péchez plus à l’avenir » (Jean 8,11) ?
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                          Mais si Daru rappelle Jésus, qui est Balducci ? À première vue, le souriant gendarme est plutôt sympathique. On imagine sa susceptibilité de « vieux Corse » (H, 1614), et son ton affectueux quand il appelle Daru « fils ». Visiblement son propre fils est mort : « Tu as toujours été un peu fêlé. C’est pour ça que je t’aime bien, mon fils était comme ça » (H, 1616). On se demande pourtant qui est ce vieux père dont le fils est mort. Ou plutôt : qui est ce père qui envoie à la mort celui qui ressemble à son fils mort et qu’il appelle « fils ». Car, n’en doutons pas, en lui ordonnant d’escorter l’Arabe, Balducci met en danger la vie de Daru. On sait bien que Daru « paiera » (H, 1623). Qui est donc ce Balducci qui envoie son « fils » à la mort, ou même, qui envoie ses fils à la mort — et qui était ce fils qui ressemblait tant à Daru et qui est déjà mort[13] ? Et il se pourrait bien que Balducci, ce vieux et gentil gendarme qui sacrifie son fils, soit Dieu en personne.
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                          Mais rien n’est moins sûr. Balducci en Bon Dieu n’est pas convaincant. Il est trop gentil, trop vieux. Il parle de son fils mort avec trop d’insouciance. Il appelle Daru « fils » avec trop de complaisance. C’est un bon imitateur de Dieu, mais c’est sans doute un imposteur. Qui est le meilleur imitateur de Dieu, celui qui a toujours « l’air » d’être Dieu sans l’être, celui qui voudrait, d’ailleurs, être Dieu à la place de Dieu ? Celui qui cherche à séduire en employant les paroles mêmes de Dieu et qui convainc presque toujours qu’il est Dieu, à tel point qu’on n’est jamais sûr — est-ce Dieu ou… ?
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                          Le diable. Balducci est Satan et si on se souvient que Camus voulait écrire un Faust (qu’il n’a jamais écrit) ; on en a une « preuve » page 1616, quand il ordonne à Daru de signer son papier. Daru répond : inutile, je ne nierai pas que tu es venu. « Mais tu dois signer, c’est la règle », insiste Balducci. Quelle règle, se demande-t-on ? Ce n’est pas si souvent qu’un gendarme exige d’un civil d’escorter un prisonnier. Y a-t-il une règle pour de telles choses ? Et pourquoi ce détail de la signature, pourquoi Camus a-t-il mis l’accent sur l’obligation de signer ? Le mot règle est étrange, sauf bien sûr s’il s’agit de la règle de Satan. Signer est alors une règle et obéir est un « ordre, fils » (H, 1616). Daru se sentait moine et seigneur. Balducci exige donc qu’il entre dans son ordre, qu’il suive sa règle, qu’il soit moine à son service : « Tu vas maintenant me signer le papier » (nous soulignons). Et Daru signe. Un nom étonnant, « Balducci » : Camus avait d’abord appelé le gendarme Corsini[14], puis a changé son nom en Balducci. Ne peut-on entendre dans ce nouveau nom l’écho de Baalzebub — Belzébuth Dux — le prince, le roi Satan[15] ?
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                          Si, dès lors, on relit la nouvelle, on découvre que Balducci n’est pas seulement un jovial Méditerranéen en pré-retraite. Au début du texte, il apparaît mi-bête mi-homme sur son cheval qui expire un « jet de vapeur » (H, 1611), et « sous ses moustaches hérissées » (H, 1613). Quand Daru et lui entrent dans la salle de classe, Balducci « trône sur la première table d’élève » comme un souverain (H, 1614). Lorsqu’il s’en va, il « surgit » devant la fenêtre avant de « disparaître ». Balducci n’est-il pas un peu surnaturel ? On n’entend pas ses pas — à cause de la neige. Mais le cheval fait du bruit et les « poules s’effarèrent » (H, 1617)…
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                          Nous pouvons désormais lire « L’hôte » en parallèle avec le texte des Évangiles — la tentation de Jésus dans le désert. Daru s’est exilé, tel un moine et seigneur, dans un désert de pierres, sur des hauteurs où il n’y a rien à manger[16]. Et le diable arrive et le tente, et lui dit : si tu es qui tu es, si tu es le fils de Dieu — Balducci dit : si tu es un « homme », mais il dit aussi : si tu es « mon fils » —, transforme ces pierres en pain. Contrairement à Jésus, Daru accepte, mais il pétrit le pain pour l’Arabe et non pour lui : l’Arabe mange d’abord. Jusqu’ici, la ressemblance entre Daru et Jésus est presque complète puisque Jésus a refusé de manger (et plus tard a distribué du pain. Jésus est né à Bethlehem — Beith Lehem, le lieu ou la maison du pain). Mais Satan ne renonce pas si facilement. Il est écrit : « Et le diable le transporta sur une haute montagne, d’où lui ayant fait voir, en un moment, tous les royaumes du monde / Il lui dit : Je vous donnerai toute cette puissance et la gloire de ces royaumes… » (Luc 4,5-6). Du haut de la montagne, Balducci dit à Daru : regarde autour de toi, ceci est ton pays, ta terre, et tout sera à toi, à toi et aux Français, si seulement tu m’obéis, si tu livres l’Arabe.


                        • Jojo 7 janvier 2010 18:57

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                          Daru regarde autour de lui. Et au lieu de répondre : « Je n’obéis qu’à Dieu » — Jésus lui répondit : « Il est écrit : Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui seul » (Luc 4,8) —, il cherche « la loi ou le Dieu qui serait celui de tous ». Mais comme il n’entend rien, comme Dieu est absent, Camus a effacé les phrases de son premier manuscrit. Dieu est absent du monde et du texte, et le désert est vide. Satan a la voie libre. Au lieu d’entendre la voix divine, Daru pense à Balducci ?[17] : « Accroupi au bord du plateau, l’instituteur contemplait l’étendue déserte. Il pensait à Balducci » (H, 1621). Dieu est absent parce que Daru a déjà signé — quatre pages plus tôt.
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                          Obéir au diable, ce n’est pas livrer l’Arabe, mais lui laisser le choix[18] ; c’est ne pas l’escorter et le protéger jusqu’au bout. Daru laisse l’Arabe choisir sa route, mais laisser le choix à l’Arabe c’est l’envoyer à la mort ou à la prison parce que l’Arabe préférera la mort ou la prison à l’exil. Ce qui devient clair alors, c’est que Satan-Balducci triomphe à cause de l’orgueil de Daru. Daru refuse de livrer l’Arabe par orgueil — pour conserver son honneur, pour éviter la honte — et non par respect de l’Arabe, de sa misère et de ses besoins. L’Arabe maigre, étendu sur son lit, la lumière dans les yeux, implore Daru en vain : « Viens avec nous » (H, 1619). Mais Daru reste insensible à sa demande. Sa morale est égocentrique. Il libère l’Arabe sans l’escorter ni le protéger. L’Arabe, pris de panique, voudra dire quelque chose, mais Daru ne l’écoutera pas : « Non, tais-toi. Maintenant je te laisse » (H, 1623).
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                          La tentation diabolique n’est donc pas de conquérir et de garder un territoire, elle n’est pas de refuser de rendre sa liberté à l’Arabe — puisque Daru libère l’Arabe sans hésiter. La tentation diabolique c’est justement, pour Camus, de libérer l’Arabe et c’est tout. Obéir à Satan c’est refuser toute responsabilité, c’est ne pas protéger jusqu’au bout la victime affamée, l’assassin, l’ennemi, c’est-à-dire ne pas protéger l’Arabe contre les dangers constitués et par les Français, et par l’exil, et par son propre village. Suis-je le gardien de mon frère ? se demande Daru. Tu devrais l’être, répond Camus[19]. Si l’Arabe et Daru sont tous deux des « hôtes », ils sont aussi tous deux Caïn. Dans une précédente version du texte, la menace sur le tableau était non pas « Tu as livré notre frère. Tu paieras » mais « Tu as livré mon frère. Ton école brûlera, et toi avec », et nous pouvons lire cette phrase comme ce que Daru se dit à lui-même, s’accusant : tu as livré mon frère, tu paieras…
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                          Trois conclusions s’imposent.
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                          La première correspond à la lecture postcolonialiste des oeuvres de Camus, celle, déjà, de Sartre, celle de Said et celle de beaucoup d’autres : Camus est paternaliste. Pour cette critique, il fallait donner leur indépendance aux Algériens sans discuter — et sans escorte, ni protection. Les Algériens étaient capables de s’occuper d’eux-mêmes et leur culture ancestrale leur suffisait amplement. On peut imaginer que, selon ce point de vue, Camus aurait dû achever sa nouvelle par un « happy ending » nationaliste, l’Arabe s’enfuyant résolument vers les terres des nomades ou, mieux encore, Daru et l’Arabe rejoignant ensemble les rebelles.
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                          La deuxième est la position explicite de Camus sur la situation algérienne et la décolonisation : la liberté politique n’est pas l’essentiel ni le seul besoin d’un peuple affamé, et il y a des risques à une telle liberté — risques de nationalisme et de fondamentalisme, risque d’exil ou de certaines formes d’exil, à la fois pour colons et colonisés[20]. En outre, dirait Camus, un peuple asservi et affamé n’est pas dans les meilleures conditions pour tirer bon parti de sa culture[21].
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                          Une troisième conclusion pourrait être formulée comme suit : la liberté de l’Arabe est sans aucun doute politiquement nécessaire, mais la responsabilité éthique de Daru est une tout autre nécessité. Il y aurait là, peut-être, deux niveaux indépendants. D’un point de vue éthique, Daru devrait quelque chose à l’Arabe quand bien même celui-ci serait capable d’être politiquement libre. En d’autres termes, la légitime exigence politique de liberté ne résoudrait pas la question éthique soulevée par la domination coloniale. Le vrai paternalisme, issu de l’orgueil, serait la complaisance dans le refus d’aider les affamés à peine sortis de l’oppression.

                          http://www.erudit.org/revue/ETUDFR/2006/v42/n2/013867ar.html


                        • Pierre de Vienne Pierre de Vienne 7 janvier 2010 19:22

                          Beau texte, surtout quand vous nous faites visiter le paysage des Noces, la méditérranée irrigue votre prose d’accents authentiques.

                          Moins intéressant quand vous revenez à vos marottes habituelles, votre critique des « précieuses ridicules » qui selon vous sévissent sur France Culture, avec l’habituel pique sur la « toile blanche ».Comme le pire de ces « féroces philanthropes », en excluant toute compréhension et empathie avec ce qui pourrait faire l’actualité artistique actuelle, vous préférez utiliser la moquerie, le dénigrement.
                          Peut être qu’avec une decennie de plus vous découvrirez une de ces « vérités premières », c’est tout le mal que je vous souhaite.
                          Cordialement, une bonne année de vos articles délicieusement rétrogrades,
                          Pierre.


                          • french_car 8 janvier 2010 07:11

                            Un bon guide touristique, je l’ai toujours dit - cf ses articles sur la Piazza Navona ou ses fugues toscanes.


                          • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed 8 janvier 2010 10:51

                            @Paul Villach

                            Vous connaissez bien l’Afrique du Nord...

                            Albert CAMUS est « Algérien »,
                            pourquoi il remue encore les conciences françaises ?

                            La France a tué deux fois « L’Algérie », c’est assez pour mériter toute la malédiction !

                            Ruminez bien vos histoires du Gaullisme, car c’est là tout l’avenir sombre de la France !

                            Mohammed.


                            • docdory docdory 8 janvier 2010 11:58

                              Cher Paul Villach


                              Votre article émouvant et profond m’incite à lire au plus vite le reste des oeuvres de Camus . A ma grande honte , je n’ai lu de lui que « l’étranger » et « la peste » . 
                              « La peste » est un de mes livres préférés, car jamais, à mon sens, auteur n’a dépeint avec une acuité aussi profonde la vision du monde que peut avoir un médecin ( le Dr Rieux , en l’occurrence ) . 
                              C’est aussi un de mes livres préférés en tant qu’anticlérical ( la scène ou l’enfant meurt de la peste et la conversation qui s’ensuit entre le Dr Rieux et le curé est une des plus fortes attaques jamais faite contre la bondieuserie ! )
                              Une des grandes qualités de « la peste » , c’est que chacun peut avoir une vision très différente de cette oeuvre. L’aspect allégorique sur le totalitarisme que vous soulignez m’a personnellement toujours échappé, mais ça ne m’empêche pas de considérer ce livre comme un des meilleurs romans jamais écrit .


                              • mokhtar h 8 janvier 2010 12:02

                                Très beau texte qui m’incite à relire Camus, ou à le lire plus complètement, après 40 ans, si l’occasion m’en est donnée, à la lumière du soleil en Algérie. En particulier, après le brillant commentaire de Jojo qui m’a paru un peu tiré par les cheveux au fil de sa lecture mais à une conclusion qui m’a finalement interpellé, en tant qu’algérien.
                                J’ai vécu toutes ces années et ces sensations là, dans mon enfance et adolescence d’Alger, avec des intensités inégales selon mes rencontres et mes interlocuteurs de l’époque. Leurs souvenirs qui me remontent me rappellent que Camus n’est pas si Etranger que çà pour moi.

                                Paternaliste, Camus ? J’hésite.
                                Il était jeune, atteint d’une maladie de la misère. L’âge du coeur, et de la disponibilité à la solidarité, quoi. En déliant l’Arabe, agenoullé à coté de lui, il rompait un absurde rapport colonial, établissant une nouvelle relation à codifier.

                                Paternaliste ? Probablement, un dernier souci pour l’hôte de ne pas laisser son invité partir sans quelques chances de poursuivre son chemin.
                                A l’opposé, la politique de l’OAS de la tere brulée avant l’Indépendance de l’Algérie ainsi qu’une campagne de propagande envers les français d’algérie a entraîné un massif exode de ces derniers par centaines de milliers, dans une tentative de faire effondrer la nouvelle indépendance algérienne, privée de cadres.


                                • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed 8 janvier 2010 14:15

                                  @Musima (xxx.xxx.xxx.143) 8 janvier 11:56

                                  Il n’ y a ni haine ni colère dans mes commentaires... Cette impression vous vient
                                  donc tout naturellement comme une auto-défense à cause de ce qu’il y’a au fond de votre inconscient ... inséparable d’un certain inconscient coillectif bien chargé !

                                  De la légitimité, bien sûr, je suis au service de la Vérité et de la Justice et au diable toutes les montagnes d’or, d’argent et de diamant, au diable la fausse reconnaissance et la notoriété au sein des sociétés hypocrites, au diable la corruption spirituelle et matérielle, au diable l’injustice et les les comportements lâches des politiciens pourris !

                                  La paix n’étant pas revenue, je n’ai pas besoin de me redresser encore plus, étant toujours debout je regarde sans d’ailleurs aucune fiéreté mais avec le plus grand dégout les anciens adversaires toujours armés de malice et d’hypocrisie politique !

                                  Je ne suis responsable d’aucun peuple pour prétendre l’élever, ce faisant j’essaie de dépasser la petitesse politique sans rien oublier en faisant mon devoir d’agir et de communiquer honnêtement ce qui me permet de vider ma conscience sans pour autant armer celle des autres et encore moins suggérer le geste !

                                  J’enrtreprends un travail d’information et de pédagogie au sens noble, chacun est libre de croire ou de ne pas croire !

                                  Mohammed.


                                  • L'enfoiré L’enfoiré 8 janvier 2010 15:33

                                    "« La chute  » est-il une fable qui sous une ironie protectrice pour lui-même, est cruelle pour ses ennemis intellectuels"

                                    Non, c’est suite à la vue de son image dans le miroir. Imbu de sa personne, il s’est rendu compte que sa vie sentimentale n’a jamais été qu’une suite de passades et probablement de ratages.
                                    Le film passé à la télé le prouvait bien.

                                    « ... jugement dernier.... Je l’attends de pied ferme ... circonstances atténuantes, ... bonne intention est imputée à crime. »

                                    Tout est dit.
                                    Mériterait le Panthéon ?
                                    Question de grosseur du cou.


                                    • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque 10 janvier 2010 09:56

                                      « De quelque manière qu’on tourne la question, la nouvelle position de ces gens qui se disent, ou se croient, de gauche, consiste à dire : il y a des oppressions qui sont justifiables parce qu’elles vont dans le sens, qu’on ne peut justifier, de l’histoire. Il y aurait donc des bourreaux privilégiés, et privilégiés par rien. [...] C’est une thèse que, personnellement, je refuserai toujours. Permettez-moi de lui opposer le point de vue traditionnel de ce qu’on appelait jusqu’ici la gauche : tous les bourreaux sont de la même famille. » « L’artiste et son temps », (1953), Actuelles II, in Essais, Gallimard, 1965.


                                      • Paul Villach Paul Villach 10 janvier 2010 10:37

                                        @ Senatus populus que romanus

                                        Excellente citation d’Albert Camus que je fais mienne ! Paul Villach


                                      • Francis, agnotologue JL 10 janvier 2010 10:40

                                        Excellente citation, en effet, tous les bourreaux sont de la même famille. Attention, dans certains débats chauds sur AV, cette citation pourrait valoir un point godwin à son auteur, si vous voyez ce que je veux dire !

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