Ma matière principale était donc l’économie, d’autant que j’en avais fait ma spécialité.
Au cours de mes trois années de seconde, première et terminale, j’eus le même professeur. La matère des sciences économiques est par essence politique. Il est très difficile d’exiger une parfaite impartialité dans l’enseignement d’une telle matière, encore plus sans doute qu’en histoire.
J’étais déjà très politisé à l’époque (mais pas encore à Alternative libérale lol), mais pas nécessairement sur les problèmes économiques, et je n’avais que des connaissances très superficielles sur le plan de la théorie économique et sociale. Mais le cours de cette prof était tellement marqué à gauche, qu’il éveilla en moi une sorte de réflexe de résistance qui me poussa à aller lire beaucoup sur le sujet. Paradoxalement, les cours de cette prof ont sans doute contribué de façon importante à faire de moi le libéral que je suis aujourd’hui.
Or, ce professeur avait exigé en début d’année de première que tous les élèves de la classe s’abonnent à un mensuel sur le thème de l’économie, impérativement désigné, et qui se trouvait être Alternatives économiques. Mon père avait tenté une vaine résistance en protestant qu’il refusait de financer pareil prospectus militant, mais on ne nous laissait guère le choix, puisque nous devions rendre des devoirs sur les articles publiés dans ce magazine ; ne pas m’y abonner me condamnait à ne pouvoir effectuer mon travail, et donc à avoir de mauvaises notes.
Un beau jour, on nous demanda de faire une note sur un article de fond de cette publication. Cet article était tellement partisan, politisé, sélectif dans ses informations, que j’avais l’impression de renier toute mon honnêteté intellectuelle en me limitant à un pur et simple travail de synthèse. J’allai trouver mon père, qui me donna quelques coupures issues de la presse respectable (pas nécessairement libérale, d’ailleurs), autant d’éléments que je confrontai à ceux d’Alternatives économiques pour pondre un devoir construit sur le plan classique thèse-antithèse-synthèse.
Je rendis mon travail le lundi, après ce week-end pour le moins studieux. J’étais très fier et satisfait de mon travail. Je rendais un travail "intelligent", non pas une simple note de paraphrase (quel intérêt peut-il y avoir, pour un professeur, à demander à ses élèves de faire une note paraphrasant bêtement un article ? Cela ne requiert aucune créativité ni exercice d’esprit critique de leur part. Un tel exercice ne peut avoir pour objectif que de marteler un message de propagande dans la tête des enfants) mais un travail critique, équilibré et fondé pour une part, sur des recherches personnelles.
Mon devoir était naturellement beaucoup plus long que celui de mes camarades, qui s’étaient contentés pour la plupart de paraphraser bêtement l’article, aussi vite que possible.
Quelques jours plus tard, on nous rendait les devoirs. J’avais la plus mauvaise note de la classe. Largement en dessous de la moyenne (7/20, je crois me souvenir... c’est vous dire comme ça m’a marqué). Naturellement, tous mes camarades en profitèrent pour se moquer de moi, de mon travail, trop contents de pouvoir ainsi ridiculiser celui qui avait voulu trop bien faire.
Ma prof me convia à son bureau pour me dire qu’elle m’avait mis une très mauvaise note car j’avais rendu un travail qui ne correspondait pas à ce qu’elle avait demandé. Elle m’expliquait qu’à la fac, si je m’amusais à faire ça, je me ferais sacquer. Ce en quoi elle avait tout à fait raison.
J’en éprouvai un profond sentiment d’injustice, et cette sanction inique n’entamait en rien mes convictions et ma résolution de ne pas me soumettre à pareil reniement de mes opinions.
Depuis lors, j’ai appris qu’Alternatives économiques était un mensuel qui servait de base à l’enseignement de l’économie dans la pluplart des classes de France. Le cas de mon lycée n’était pas du tout isolé. Et ce mensuel s’était vu reconnaître une sorte de statut officieux de manuel scolaire. L’Education nationale n’y trouvait rien à redire.
La semaine dernière, Le Monde publiait un article intitulé : "Politis" et "Alternatives économiques" s’engagent dans la crise d’Attac. On pouvait y lire : C’est au tour de deux publications, Politis et Alternatives économiques, elles aussi à l’origine d’Attac, de se rebeller contre les pratiques de la direction.
Alternatives économiques est donc officiellement, et de notoriété publique, un organe politisé, qui s’inscrit dans le militantisme politique auprès d’associations d’extrême gauche. C’est naturellement un droit sacré pour un organe de presse de faire allégeance à un parti ou à une association, et de relayer sa propagande.
Mais selon moi, un pareil choix de partialité, qui transparaît d’ailleurs, j’insiste encore sur ce point, dans chaque article, aurait dû disqualifier cette publication pour jouer le rôle de manuel scolaire. Les manuels scolaires et autres ouvrages qui servent de base à l’enseignement de ces matières ne doivent pas avoir pour but de relayer la propagande d’un parti, d’une sensibilité, surtout lorsqu’il s’agit d’options extrêmes. Ils doivent offrir, de manière impartiale, les éléments nécessaires pour que chaque élève puisse se faire sa propre opinion en son âme et conscience. On peut naturellement produire en cours des articles partisans, mais pareille sélection ne peut pas être exclusive, et d’autres articles présentant une opinion contradictoire doivent aussi être étudiés pour équilibrer le tout.
Il est scandaleux, en tous cas, que l’achat et l’étude d’Alternatives économiques, qui a habilement fait le choix d’une présentation ludique et d’une rédaction simple afin d’être accessible aux jeunes et pas trop ennuyeux, soient imposés partout en France dans les lycées. Encore un autre journal d’obédience marxiste qui ne survivrait pas s’il ne profitait pas, comme L’Huma, de subventions de l’Etat déguisées (ou pas).
L’espèce de propagande qui se fait dans les écoles et qui se donne pour but d’enrégimenter les jeunes avant qu’ils n’aient eu la chance de se forger eux-mêmes une opinion et une identité personnelles est la plus méprisable, la plus lâche, la plus mesquine, et la plus haïssable de toutes.
Alors ATTAC, bas les pattes !