Castration chimique : Justice Fast-food
Michèle Alliiot-Marie dévoile aujourd’hui une partie de la loi sur la récidive qui sera présentée au parlement la semaine prochaine. Cette loi a été commandée , juste après l’assassinat d’une femme dans l’Essonne en septembre dernier, par le président.
Suite à l’émotion suscitée par ce meurtre, Michèle Alliot-Marie tape vite et fort puisqu’elle va rendre la "castration chimique obligatoire" après la sortie de prison. Une peine à vie sera donc infligée à des individus ayant purgé leurs peines mais ne souhaitant pas prendre ce traitement puisqu’ils retourneront alors en prison.
Encore plus loin, encore plus fort et encore plus sensationnel, la castration physique est également du menu - je cite Michèle Alliiot-Marie : "Je pense que cela mérite une analyse et qu’aujourd’hui la question de la castration physique peut se poser et être débattue, y compris au Parlement". Le billot revient donc par la petite porte de la castration.
La castration sous toutes ses formes
Je me suis déjà exprimé au sujet de la castration chimique qui est pour moi une régression importante de notre société. J’ai publié ce billet sur Agoravox pour toucher un public plus large, puisque je pense que c’est à nos valeurs et à notre civilisation que cette loi est en train de s’en prendre, j’ai été surpris par les commentaires qui ont été d’une rare violence. Un ami blogueur est également en désaccord sur ce thème avec moi.
J’écrivais dans ce billet : "La punition infligée - au nom de la société saine de corps et d’esprit, celle-là même qui décide de ce qui est a-normal - serait donc la mutilation !."
Nous avons une proposition de loi décidée sous le coup de l’émotion. La loi sera donc une loi cynique au regard du droit. Elle sera au regard de notre justice ce qu’est le Fast Food à la cuisine traditionnelle : du Quick and Dirty.
C’est de cette société-là dont je ne veux pas et qui m’est étrangère : celle d’un Frédéric Lefebvre, instigateur de la castration chimique, devenu depuis lors avocat à ses heures perdues. Il est le meilleur symbole du pouvoir actuel, tout à la fois imprécateur, procureur, juge, avocat et peut-être bientôt directeur de prison et visiteur de prison.
Quel est donc ce mélange des genres !
Les réactions
La réaction du syndicat de la magistrature a été prompte et sans équivoque :
"Prenant acte de cet hommage au Moyen Age, le Syndicat de la magistrature suggère une simplification de l’échelle des peines :
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l’amputation de la main pour les voleurs et de l’autre main pour les voleurs récidivistes (dans le respect des principes qui gouvernent la loi sur les « peines-planchers »)
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l’ablation de la langue pour les escrocs et le prélèvement du foie pour les conducteurs sous l’empire d’un état alcoolique
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le supplice dit du « croc de boucher » pour les auteurs de dénonciations calomnieuses
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S’agissant des infractions économiques et financières, un simple retrait des boutons de manchette en place publique devrait suffire.
Le syndicat rajoute :
La suggestion de Michèle Alliot-Marie pourrait prêter à la dérision si elle ne traduisait une conception caricaturale et abjecte du traitement de la délinquance sexuelle. La « réflexion » que propose d’engager le garde des Sceaux consiste rien moins qu’à évaluer l’opportunité de recourir à un traitement inhumain et dégradant dans une logique de « précaution ».
On retrouve ici le fantasme malsain d’une justice d’élimination qui tend progressivement à défigurer notre droit pénal. Il s’agit en somme, comme avec la « rétention de sûreté », de renoncer à l’effort de réinsertion en ciblant le corps du condamné. Ainsi, pour ceux qu’ils considèrent comme « irrécupérables », les idéologues de l’élimination n’ont d’autre projet que l’enfermement préventif, potentiellement perpétuel, ou la mutilation définitive.
Au fond, ces reculs de civilisation expriment la frustration de ceux qui n’ont jamais pu se résoudre à l’abolition de la peine de mort.
Une loi en service commandé
Nous avons donc eu un appel d’offre de la part d’un Nicolas Sarkozy souhaitant lisser dans le sens du poil les sentiments les plus bas qui siègent au coeur de l’esprit humain. Le résultat est à la hauteur des espérances, puisque l’imprécation un peu folle d’un Frédéric Lefebvre du mois dernier est en passe d’être transcrite dans la législation.
La séparation des pouvoirs, cette notion intangible pourtant toujours sur la brèche, est en régression constante. Ce n’est sans doute pas un hasard si le classement de la France baisse encore et toujours dans le classement international de RSF pour la liberté de la presse.
Qu’importe si cette loi, n’arrive maintenant que pour rasséréner un gouvernement en mal de stratégie et en butte à une forte résilience populaire. Elle ne sera qu’un alibi de plus à sa soi-disant pugnacité.
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