Christian Ranucci, halte à l’intox
A la faveur du livre "le pull-over rouge" de Gilles PERRAULT, Christian RANUCCI est devenu le symbole des erreurs judiciaires. A-t-on cependant bien lu la thèse alternative proposée par l’auteur ?
Christian RANUCCI fut l’un des derniers condamnés à mort sous GISCARD, le 28 juillet 1976, pour l’enlèvement et le meurtre de Marie-Dolorès RAMBLA. Défendu par trois avocats, dont le ténor du barreau marseillais Maître Paul LOMBARD, Christian RANUCCI est devenu le symbole de l’erreur judiciaire à la faveur du livre de Gilles PERRAULT, « le pull-over rouge », que bien peu des journalistes s’appuyant dessus ont dû lire. Encore récemment, cette histoire a eu les honneurs de l’adaptation sous forme d’un téléfilm, et on peut voir fleurir des comités de soutien à la réhabilitation de Christian RANUCCI, composés de gens aveuglés par la cause à défendre et qui ne se rendent pas compte de la manipulation opérée par Gilles PERRAULT.
Christian RANUCCI est ressurgi dans l’actualité récente à la faveur d’une émission FAITES ENTRER L’ACCUSE, toute à la gloire de Gilles PERRAULT, et usant de tous les artifices pour enfoncer la thèse de l’innocence. Alors que le principe de l’émission est de faire participer les témoins de l’époque, tous ceux à charge de Christian RANUCCI ont cette fois été escamotés. J’ai d’abord cru qu’ils étaient décédés. Mais quand 2 ou 3 ans plus tard, je vois dans une émission LE DROIT DE SAVOIR Vincent MARTINEZ, les enquêteurs, dont celui qui a recueilli les aveux de RANUCCI, ou encore Eugène SPINELLI, j’ai compris l’arnaque. En outre, alors que FAITES ENTRER L’ACCUSE répugne habituellement aux reconstitutions du type de SECRETS D’ACTUALITE, on a carrément droit à une lecture sur fond de musique douce des lettres que RANUCCI écrit à sa mère depuis la prison.
L’autre participant vedette de l’émission de Christophe HONDELATTE est Maître Jean-françois LE FORSONNEY, avocat qui lui au moins témoigne de respect envers la famille de la victime. Jamais en effet ne l’entend-on dire que RANUCCI était innocent, pas plus que les deux autres ayant participé au procès. Sans doute parce qu’ils ont lu le dossier. On ferait bien de les imiter.
Le visonnage de cette émission m’a donc amené à lire le livre de Gilles PERRAULT, et un temps, à croire en la possibilité de l’innocence de RANUCCI. Dieu sait si la thèse alternative de PERRAULT est sans queue ni tête pourtant, mais le matraquage des médias est redoutable, comme la persistance de RANUCCI à nier les faits avait jeté le trouble. L’émission LE DROIT DE SAVOIR allait cependant tout changer, et je découvrais médusée tous ces témoins censurés par l’émission de Christophe HONDELATTE, et une affaire où le doute n’a pas sa place.
Car étant avocate moi-même, je reconnais bien la méthode de Gilles PERRAULT consistant à exploiter la moindre petite faille de l’enquête, il y a toujours une erreur de date ou je ne sais quoi, à dénigrer les policiers forcément tortionnaires dans le secret de la garde à vue. Facile de dire que lorsque RANUCCI donne des détails exacts, il lui ont été dictés par les policiers, et que les erreurs prouvent son innocence. Sauf que les éléments à charge de RANUCCI sont accablants. On pouvait difficilement en réunir plus au vu des techniques de l’époque.
Marie-Dolorès RAMBLA est enlevée en plein jour vers 11 heures 30 alors qu’elle joue avec son petit frère. Un homme demande à son petit frère Jean-Baptiste RAMBLA de l’aider à chercher son chient qui s’est perdu, et de faire le tour du pâté de maison. Seul autre témoin, à une cinquantaine de mètres de la scène, le garagiste Eugène SPINELLI. La petite fille suit le kidnappeur sans rien dire dans sa voiture, la scène n’attire donc pas l’oeil du garagiste. Celui-ci dira avoir aperçu au loin une simca 1100. Premier "biscuit" pour Gilles PERRAULT puisque RANUCCI conduit un modèle PEUGEOT. Et PERRAULT de gloser sur les compétences du carrossier incapable de se tromper sur un modèle de voiture même aperçu au loin. C’est la version retenue dans le FAITES ENTRER L’ACCUSE, sans toutefois qu’Eugène SPINELLI n’ait les honneurs de la télévision. On comprend pourquoi en visionnant le DROIT DE SAVOIR. Les deux modèles se ressemblent fortement de dos, et Eugène SPINELLI admet que n’ayant pas fait attention à la scène, vue de loin, il a pu se tromper. Gilles PERRAULT affirme également que Jean-Baptiste RAMBLA du haut de ses 5 ans a également témoigné que le kidnappeur circulait en SIMCA 1100. Fortiche ce gamin. Des journalistes admettront cependant dans LE DROIT DE SAVOIR que ce sont eux-même qui à force de questions ont forgé le témoignage de l’enfant, qui du haut de ses 5 ans ne pouvait évidemment pas reconnaître un modèle de voiture. Mais Gilles PERRAULT préfère inventer la soi-disant passion de Jean-Baptiste RAMBLA pour les voitures, et d’en faire un petit génie capable de reconnaître la plupart des modèles, ce qui a toujours été formellement démenti par les parents.
Reste à savoir comment Christian RANUCCI se retrouve impliqué dans l’affaire, lui qui habite à Nice et non à Marseille, le lieu du rapt. La raison est simplissime : il est aperçu avec un enfant sur les lieux de la découverte du corps de Marie-Dolorès, un vaste terrain vague rempli de broussailles à quelques kilomètres de Marseille, à l’heure où celle-ci a été tuée. Son immatriculation est donnée aux policiers par les témoins. Il est arrêté. Il correspond à la description physique donnée par Jean-Baptiste RAMBLA. Son couteau est souillé de sang, comme son pantalon.
Le titre du livre de Gilles PERRAULT ne doit rien au hasard. Il fait référence au pull de couleur rouge retrouvée dans la champignonnière dans laquelle RANUCCI a "séjourné" avec sa voiture le jour de l’enlèvement de Marie-Dolorès RAMBLA. Ce pull-over rouge servira une contre-thèse d’un pervers au pull-over rouge sévissant à MARSEILLE et vrai coupable du crime. Preuve suprème de l’incompétence des médias et de la mauvaise foi de certains, ce pull-over rouge, qui n’a jamais servi à rien, est cité depuis quelques temps comme ayant permis de retrouver le corps de la victime, on l’aurait fait renifler à un chien qui aurait alors trouvé le cadavre. De quoi accréditer la thèse de l’innocence, sauf que c’est archi-faux !! Gilles PERRAULT ne le dit pas lui-même dans son livre. Si on a bien fait renifler le pull à un chien, c’est un gendarme qui a trouvé le corps en cherchant, puisqu’au vu du témoignage de Vincent MARTINEZ et des époux AUBERT, plusieurs bataillons avaient été envoyés sur place.
Le jour du rapt, vers 18 heures, RANUCCI a été demandé de l’aide à un monsieur pour enlever son véhicule stationné au fond de la champignonnière et embourbé. Pourquoi est-il arrivé là, dans cet endroit sale et humide ? Pour faire une petite halte et manger dira-t-il. C’est le premier mystère de la thèse de l’innocence de Christian RANUCCI, puisque la champignonnière est située sur le terrain où gît le corps de Marie-Dolorès, là où on retrouvera également l’arme du crime, près de l’endroit où Christian RANUCCI a eu un accident de la circulation. Que fait-il ici s’il est innocent ?
Peu de temps avant, Christian RANUCCI a heurté la voiture de Vincent MARTINEZ et pris la fuite. Les époux AUBERT ont pris en chasse RANUCCI et ont vu la voiture de celui-ci garé un peu plus loin. Monsieur AUBERT est descendu de sa voiture et a vu RANUCCI grimper dans les fourrés avec un enfant. Il a pris l’immatriculation et l’a rapportée à Vincent MARTINEZ.
Aux actualités, il parle de l’enlèvement de Marie-Dolorès, ce qui amène Vincent MARTINEZ et les époux AUBERT à rapporter les faits aux gendarmes, qui envoyés sur les lieux où RANUCCI a été aperçu pour la dernière fois, trouvent le corps de Marie-Dolorès RAMBLA, criblé de coups de couteaux.
Le pull-over rouge comme tous les indices trouvés sur place est placé sous scellé mais n’appartient pas à RANUCCI. Il a pu être oublié par un ouvrier de la champignonnière. Cet objet insignifiant en regard des témoignages, des aveux et des preuves matérielles contre RANUCCI servira à PERRAULT pour bâtir l’histoire de l’homme au pull-over rouge, le vrai kidnappeur, qui par un coup de génie a réussi à substituer RANUCCI à sa propre personne, sans qu’on ne sache comment. Les détails donnés par RANUCCI lors de ses aveux lui ont été dictés par les policiers.
A partir de là le roman démarre. Gilles PERRAULT accuse la police de MARSEILLE de l’avoir fait avouer sous la violence, une technique des viets consistant à taper avec un journal derrière la tête. RANUCCI ne dira jamais pourtant jamais ça et sera beaucoup plus inventif à son procès, puisqu’il accusera les policiers de lui avoir versé de l’acide sur le sexe. Une version des faits complètement ridicule qui fait sérieusement douté de la bonne foi et de la santé mentale de RANUCCI. Par ailleurs, c’est oublié que RANUCCI a avoué lors de sa garde à vue non pas lorsqu’il était à huis-clos avec les policiers, mais après avoir été formellement identifié par madame AUBERT, venue à l’Evêché tout spécialement. C’est oublié aussi que le couteau, que RANUCCI a enfoncé dans un tas de tourbe, est retrouvé avec une poële à frire sur ses indications. Christian RANUCCI a également complété ses aveux d’un dessin des lieux du rapt. Un dessin où il manque un platane, ce dont Gilles PERRAULT conclut que le dessin ne veut rien dire, et qu’il lui a sûrement été dicté par les policiers. Des policiers qui ont donc également oublié le platane. Et le raisonnement repart dans l’autre sens, car si les policiers voulaient truquer l’enquête il l’auraient bien fait...
Mais le pull-over rouge a la vie dure, surtout que Gilles PERRAULT ressort l’histoire d’un pervers habillé en pull-over rouge, qui comme par hasard a tenté d’enlever des enfants dans une cité marseillaise en usant du stratagème du chien, qui plus est, en roulant dans une SIMCA 1100 grise. L’histoire vient de Madame Mattéi, rencontrée par la mère de christian RANUCCI au parloir de la prison des BAUMETTES, témoin au procès de RANUCCI, qui n’est pas passée loin de l’inculpation pour faux témoignage. Tous les gens présents diront qu’elle a fait une impression désastreuse, incapable de donner des détails de base. Vaine tentative des avocats de RANUCCI pour faire naître le doute dans la tête des jurés. Gilles PERRAULT dit lui évidemment que la pauvre a été bousculée par l’avocat général et par les avocats des parties civiles.
Il n’est donc pas besoin pour cette affaire de reprendre tous les petits élements qui ne collent pas, Jean-Baptiste RAMBLA qui âgé de 5 ans ne reconnait pas RANUCCI lors des tapissages, Eugène SPINELLI non plus puisqu’il l’a vue de loin. ..En s’entêtant à plaider l’innocence avec arrogance, il avait même loué une grosse cylindrée pour partir à la fin du procès, en proférant des accusations ahurissantes contre les policiers, RANUCCI n’a laissé aucune chance à ses avocats. Les vraies victimes sont ailleurs.
Je ne suis certainement pas la seule à qui la mésaventure est arrivée, celle de tomber dans le panneau du récit du « Pull-over rouge », qui là où il n’y a pas de place au doute, réussit pourtant avec le suivisme des médias à faire croire à l’innocence et à l’erreur judiciaire concernant le cas de Christian RANUCCI. Un mensonge si bien entretenu qu’il a réussi à éclipser la petite victime et sa famille, qui malgré qu’elle ne soit pas prononcée pour la peine de mort dans le procès, subit depuis la parution du livre de PERRAULT les foudres des partisans farouches de Christian RANUCCI. Car il faut bien souligner qu’à la souffrance de voir étaler dans les médias la thèse de PERRAULT, s’est ajoutée pour les parents de Marie-Dolorès celle de se voir harceler par des partisans de l’innocence de RANUCCI désireux de renverser les rôles et de faire de ce dernier le martyr de cette affaire. Quant à dire que c’est ce qui a détraqué Jean-Baptiste RAMBLA, le petit frère de Marie-Dolorès et l’a poussé à commettre un crime à son tour...L’attitude du père RAMBLA à l’audience de son fils, repoussant les journalistes, est en tous cas la démonstration de la profonde injustice qu’ont subi ces gens. L’avocat de Jean-Baptiste RAMBLA n’hésite lui pas à faire le lien :
Interview de Maître PESENTI, avocat de Jean-Baptiste RAMBLA, pour FRANCE-SOIR, sur la défense qu’il compte plaider :
Me JEAN-MICHEL PESENTI.
Pourquoi le dossier Ranucci sera-t-il évoqué ?
Pourquoi ?
"Jean-Baptiste Rambla est " le " témoin de l’affaire Ranucci, le dernier à avoir vu sa sœur vivante. Il avait 6 ans quand Ranucci arrive au volant de sa voiture et lui demande d’aller chercher son chien. Quand il revient, sa sœur a disparu. Et, depuis ce jour de 1974, il vit avec cette double culpabilité : il n’a pas défendu sa sœur et, lorsqu’il a été entendu par le chef d’enquête, le commissaire Alessandra, il n’a pas été formel sur la marque de la voiture ni sur le visage de l’homme qui a emmené Maria-Dolorès. Il faut comprendre qu’aujourd’hui son témoignage, son imprécision est la clé de voûte de la thèse des partisans de l’innocence de Ranucci. Cet enfant a été élevé dans un phalanstère de douleur dont il ne s’est extrait qu’en détention provisoire. En prison, il voit enfin un psychiatre toutes les semaines."
"A l’issue de sa garde à vue, lorsqu’il est présenté au juge André, Jean-Baptiste Rambla lâche cette phrase (NDLR : " Ranucci aurait dû nous prendre tous les deux, ma sœur et moi ") qui amène le magistrat à se rapprocher de la cour d’appel d’Aix et à annexer le dossier Ranucci au sien. Car il est certain que, pour comprendre l’affaire Rambla, on ne peut pas faire l’économie du crime de Ranucci."
"Elle est simple, puisque Jean-Baptiste Rambla a reconnu les faits. Vous noterez au passage que le juge d’instruction a requalifié le dossier en meurtre alors qu’au départ l’information visait également l’enlèvement et la séquestration de Corinne Beidl. Il a donc écarté le crime crapuleux et a considéré que mon client a agi sur une impulsion. Il risque donc une peine de trente ans et non plus la réclusion criminelle à perpétuité."
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