Des petits trous, des petits trous... pour des hommes devenus de simples numéros (4)
Comment a-t-on pu passer autant d’années devant cette évidence ? Partout, depuis des années et dans tous les livres d’histoire, j’avais lu de constantes allusions à la « science de l’organisation » et à la « discipline » allemandes... cela ne m’avait jamais totalement convaincu : les chiffres faramineux de tués ne pouvaient s’expliquer par une simple question... d’éducation allemande, de simple discipline culturelle. Des camps dont la liste, 65 années après, n’est pas encore totalement exhaustive : chaque camp de travail principal entretenait d’autres camps de taille bien inférieure, qui ont été les premiers à disparaître au fur et à mesure de la retraite allemande. Mais les chiffres d’extermination sont bien là, ils ont été depuis recoupés et recomptés, pour arriver à la conclusion que seul un système extrêmement sophistiqué avait pu y arriver : le traitement mécanographique de la gestion des camps s’impose alors de lui même, car cela n’impliquait pas que les camps, c’étaient aussi les trains d’arrivage à gérer, les usines à repartir selon les compétences, et il fallait tenir l’effroyable comptabilité morbide de cet holocauste, pour satisfaire les déments qui l’avaient décidé en 1941, à Wannsee. Avec la découverte d’Edwin Black, la vision de l’histoire concentrationnaire nazie change, et il devient encore plus difficile d’être négationniste, avec ces révélations, tant les plans ont été précis et échafaudés avec une rare précision. Tout était programmé à l’avance, tout avait débuté dès 1933... avec un tout premier recensement...racial. Si les nazis n’avaient pas au départ planifié l’extermination des juifs, ils prévoyaient dès le début de regrouper, puis d’expulser d’Allemagne ces même juifs, vers les pays conquis, dont la France. En 1941, poussés par leur folie, ils décidèrent le chemin inverse, avec un but final différent. Un pareil holocauste nécessitait bien une infrastructure que l’on aura mis plus de 50 ans à élucider.
C’était évident, mais il aura fallu chercher longtemps le lien : les machines mères étaient rarement sur place, dans les camps (ou avaient été déménagées lors des derniers mois du conflit) et beaucoup d’archives avaient été brûlées par des nazis désireux de maquiller leurs traces. Un ancien prisonnier avait été le témoin, pourtant, à la fin de la guerre, de la destruction de milliers de cartes perforées, à Cracovie même :"Krzemieniecki is convinced obtaining such documents would be difficult. "It would be great to have access to those documents," he said, "but where are they ?" He added, "Please remember, I witnessed in 1944, when the war front came closer to Poland, that all the IBM machines in Krakow were removed. I’m sure the Farben machines were being moved at the same time. Plus, the Germans were busy destroying all the records. Even still," he continues, "what has been revealed thus far is a great achievement." Heureusement, des cartes ont été retrouvées, à Cracovie, justement. Et elles étaient parlantes : oui, les machines Hollerith-IBM avaient bien directement aidé à la solution finale des nazis. Terrible révélation !
Un autre prisonnier survivant d’Auschwitz, Sigismund Gajdawas, dont on a retrouvé la carte perforée, avait été marqué par exemple par l’administration comme pouvant exercer neuf activités dans son camp, et ce à partir des données provenant de Kielce, son lieu de naissance : tout y était : sa religion, son nombre d’enfants, ses capacités et ses diplômes : l’administration allemande, grâce aux trieuses de cartes Hollerith alimentait bien directement les camps de concentration et d’extermination ! "Sigismund Gajdawas another Auschwitz inmate processed by the Hollerith system. Born in Kielce, Poland, Gajda was about 40 years of age when on May 18, 1943, he arrived at Auschwitz. A plain paper form, labeled "Personal Inmate Card," listed all of Gajda’s personal information. He professed Roman Catholicism, had two children, and his work skill was marked "mechanic." The reverse side of his Personal Inmate Card listed nine previous work assignments. Once Gajda’s card was processed by IBM equipment, a large indicia in typical Nazi Gothic script was rubber-stamped at the bottom : "Hollerith erfasst," or "Hollerith registered." Chez un autre, un ouvier charpentier, c’était libellé de la même façon : "for example, Alexander Kuciel, born August 12, 1889, was in 1944 deployed as a slave carpenter, skill coded 0149, and his Hollerith printout is marked "Sch/P," the Reich abbreviation for Schutzhäftling/Pole. Schutzhäftling/Pole means "Polish political prisoner". Chaque prisonnier avait donc sa "Häftlingskarte", sa carte de détenu, qui déterminait ses attributions dans le camp où on l’avait expédié, à partir des cartes régionales envoyées par l’administration allemande.
Chacun bien dans sa case, le système nazi se voulait ordonné, "la loi et l’ordre" étant son leit-motiv, et les machines IBM n’étaient que le prolongement mécanique parfait de ses vues sur la société, ou chacun devait assigner une case et ne pas chercher à en sortir. La hiérarchie faramineuse du système hitlérien reposait comme une pyramide sur une base large, mais ou seul le sommet comptait : passé un certain stade, les gens n’étaient plus que des numéros. Ce qui évitait aussi, d’une certaine manière, les remords à ceux qui exécutaient les autres. Pour paraphraser Darquier de Bellepoix, les nazis ne tuaient pas des juifs ni des poux : ils rayaient simplement des listes et des numéros. Et non pas des êtres humains : chez eux, la notion de "sous-homme" ne servait qu’à ne pas avoir de remords. C’était d’une froideur infinie, d’une abjection extrême : les nazis avaient aboli la notion d’être humain chez certains, par décret.
Et cela remontait déjà à loin. Tout d’abord, il fallait se remémorer un recensement, celui de 1939 décidé par Adolph Eichmann en personne :" In 1939, the German government conducted a census of all persons living in Germany. Census takers recorded each person’s age, sex, residence, profession, religion, and marital status, and for the first time, they also listed the person’s race as traced through his or her grandparents. This information was later punched into coded cards by thousands of clerks". Une décision d’Eichmann vite étendue à l’Autriche et aux Sudètes : "the information from the 1939 census helped Nazi official Adolf Eichmann to create the Jewish Registry, containing detailed information on all Jews living in Germany. The Registry also recorded the names of Jews in Austria and the Sudetenland of western Czechoslovakia, which were occupied by German troops in 1938 and 1939 and made part of the Reich (German empire). Nazi racial ideology and policies did not stop at Germany’s borders". En réalité, les chiffres d’achat de matériel mécanogaphique le prouvent, cela avait déjà commencé six années avant : dès l’avènement au pouvoir des nazis, qui souhaitaient en fait... trier les gens au plus vite ! Comme le note Edwin Black dans son formidable ouvrage, l’outil vanté par Schotte, le responsable d’Hollerith-Dehomag pour la Hollande, était parfait pour la tâche : "Les militaires européens avaient enfin compris les avantages vitaux que les systèmes Hollerith offraient à la guerre moderne, se flattait Schotte. Les cartes perforées libéraient de la main-d’oeuvre. II citait un exemple typique : « En Hongrie, avec un jeu de machines et quelques opérateurs, nous avons remplacé près de soixante hommes. [Les machines], travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L’emplacement est sans importance, et on a installé des machines dans des caves à l’abri des bombes. [...] Il n’y a aucune limite à la flexibilité et à l’adaptabilité des machines, à condition que la masse de données à traiter soit suffisamment importante". La machine, au service de la folie meurtrière et du racisme..
En réalité, c’était le second recensement, un précédent avait eut lieu deux ans avant déjà. C’était en fait le calme avant la tempête que cette année 1937 : "in 1937, the Nazi regime ordered another nationwide census. This one was decisive for Hitler’s war preparations and “for the Jews it would be the final and decisive identification step”. In accordance with the Nuremberg race laws, it meant tracing any Jewish ancestry. IBM bought in 70 card sorters, 60 tabulators, 76 multipliers and 90 million punch cards for the 3.5 million Reich Mark contract (worth about $14m today). Hitler avait investi l’équivalent de 14 millions de dollars actuels dans le calcul de sa population, le plus finement possible. Alors qu’il consacrait avant tout une bonne partie de ses efforts à son réarmement, et peinait financièrement à le faire, ça paraissait incompréhensible. Dans quel but, c’était pourtant facile à deviner. Toute la base des discours nazis depuis 1933 reposait sur la notion "d’hygiène raciale" ; de "nettoyage ethnique’", de racisme , anti-juif surtout. Les nazis avaient inventé de toutes pièces la notion de "l’état biologique" comme le disait Rudolph Hess. On commençait déjà à mesurer les gens, pour y déterminer soit disant des critères raciaux, établis sur des bases fumeuses. La science était détournée au profit des idées. Le concept vicié de "race supérieure" s’étalait partout dans les rues.... on opposait ouvertement cette fameuse race pure, vue de l’esprit, aux juifs, censés être à l’origine de tous les maux. dans les villages les plus reculés, on apposait "pas de contacts avec les juifs", ou "les juifs ne sont pas les bienvenus". D’autres injures fleurissaient. Dans les écoles, on enseignait.... la haine du juif. Les livres d’enfants des écoles n’y échappaient pas. Dans la rue, on n’hésitait pas à humilier les juifs, ouvertement... sans que la populace ne réagisse... par peur des représailles, déjà. Dans les squares, on indiquait où les juifs devaient s’asseoir. Ce qui n’était pas non plus sans rappeler l’apartheid au Sud des Etats-Unis au même moment, remarquez... où ça durera jusque dans les années soixante... et même plus, dit-on encore en 2009... Les nazis en avaient déjà fait quatre de recensement successifs en 1939, un tous les deux ans, les deux principaux étant ceux de 1933 et 1939. Les deux autres étant semble-t-il des ajustements locaux davantage que des recensements complets. Depuis 1933, ils affinaient consciencieusement la connaissance de leur population, pistant depuis le début en son sein les juifs, pour mieux les traquer et les regrouper quand ils le désireraient. Le recensement de 1939 avait été décidé, car depuis 1933, la notion de "race" avait évolué dans la pensée nazie. En 1937, s’ouvrait déjà le camp de concentration de Buchenwald, qui fut agrandi en 1938 pour recevoir les premiers juifs emprisonnés.
L’eugénisme qui en découlait devint évident dès 1935, avec une loi sur la "Santé dans le Mariage" qui bannissait déjà les personnes jugées inaptes. Deux ans auparavant, ils avaient même déjà commencé à stériliser une partie de la population : "On July 14, 1933, the Nazi dictatorship fulfilled the long-held dreams of eugenics proponents by enacting the Law for the Prevention of Genetically Diseased Offspring, based on a voluntary sterilization law drafted by Prussian health officials in 1932. " Pour cela, il leur fallait établir des arbres généalogiques, à partir de données collectées par leur administration et calculés par... des machines, sinon la tâche aurait pris des siècles, faite manuellement. Les machines IBM leur étaient donc là encore.... indispensables. Elles seules permettaient de croiser rapidement les données.
C’est Willy Heidinger directeur de la Deutsche Hollerith Maschinen Gesellschaft, ou Dehomag, qui avait acheté les droits des machines Hollerith en 1910, qui expliquera dès 1934, quel était le but exact visé dès le départ . Un but éminemment racial, purement et froidement expliqué, dans une lettre d’intention obséquieuse envoyée au Fuhrer : "Nous enregistrons les caractéristiques individuelles de chaque membre de la nation sur une petite carte....Nous sommes fiers de contribuer à cette tâche, une tâche qui offre au docteur de notre corps politique allemand le matériel [dont il a besoin] pour son examen, de façon à ce que le médecin puisse déterminer si, du point de vue de la santé de la nation, les données ainsi obtenues sont corrélées par une relation harmonieuse, c’est-à-dire saine, ou si les maladies doivent être soignées par le biais d’interventions correctives....Nous avons une totale confiance en notre médecin et suivrons ses ordres aveuglément, car nous savons qu’il conduira notre nation vers un avenir glorieux. Heil au peuple allemand et à son leader !" IBM-Hollerith-Dehomag avait préparé l’holocauste dès 1934 en toute connaissance de cause ! Le responsable de Dehomag pouvait bien se vanter : "Les données d’IBM Europe sur l’Allemagne comme sur ses adversaires étaient si complètes qu’il était en mesure d’affirmer que "les cartes perforées conservaient « la trace du moindre communiste comme du moindre nazi", cite Black. Effectivement : sur une de ses rares publicités, Hollerith se vante de pouvoir effectivement surveiller les citoyens. C’est bien la première machine de Big Brother ! Bien plus tard, sans que l’on ait encore découvert l’implication d’IBM dans l’holocauste, "Big Blue" comme on la surnommera sera assimilée à Big Brother. Les gens de chez Apple qui l’avaient fait en cette année fatidique de 1984 avaient-ils eu une superbe intuition ? Etaient-ils déjà au courant ? L’univers concentrationnaire décrit assimilé à IBM était fort troublant...
En Roumanie, ce sont les tziganes qui seront ainsi visés et recensés. Le 22 juin 2001, un juge avait précisé dans une action intentée contre IBM que sans cette entreprise les tziganes roumains n’auraient pas pu être traqués : "The precision, speed and reliability of IBM’s machines," the Swiss judge ruled, "especially related to the censuses of the German population and racial biology by the Nazis, were praised in the publications of Dehomag itself, the branch of respondent IBM. It does not thus seem unreasonable to deduce that IBM’s technical assistance facilitated the tasks of the Nazis in the commission of their crimes against humanity, acts also involving accountancy and classification by IBM machines and utilized in the concentration camps themselves." En définitive, les tziganes perdirent leur procès en 2005, hélas. IBM s’était battu sur le fait qu’en Suisse ce n’était que le bureau d’une filiale et que son attitude ne représentait pas l’ensemble de la société. En fait la Suisse avait été soigneusement choisie pour y cacher les activités européennes douteuses d’IBM. Sa neutralité a été fort pratique pour beaucoup, on le sait. Selon Black "la Suisse avait été l’interface commerciale de la Seconde Guerre mondiale. Son secret bancaire, sa neutralité et sa bonne volonté à flirter avec l’ennemi avaient fait de ce pays le dépôt privilégié du Reich pour le fruit de ses rapines, et une véritable plaque tournante manipulations commerciales de l’ère nazie." On ne peut être plus clair : c’est bien de qui expliquait depuis toujours la difficile levée du secret bancaire suisse...soi-disant adopté récemment, avec de belles parts d’ombre encore, ne nous leurrons pas.
Les machines d’Hollerith-IBM étaient connues de tous, les américains les employaient pour leurs propres recensements. Sur un bien étrange cliché, datant de 1942, on pouvait voir des opératrices chargées de perforer les mêmes cartes que celles servant en allemagne au même moment.. Un cliché avec un détail saisissant ; toutes les opératrices de la salle de saisie étaient noires.... la seule responsable présente étant blanche. En matière de racisme, il y avait bien à dire de l’autre côté de l’atlantique : souvenons nous de l’affaire lamentable des Tuskegee !!! Une page très intéressante visible ici nous montre qu’au sein de l’US Army on utilisait à fond les cartes perforées, notamment à Mobile, Texas, (le bien nommé !), ou était situé le centre de calculs du "Machine Record Units", des unités qui disposaient de stations itinérantes de calculs, à bord de deux camions, capables de gérer les unités sur les champs de bataille eux-mêmes. En illustration, la carte Hollerith de George Patton lui-même. Les cartes étaient préparées selon les besoins et codées : "Daily Morning Reports, the backbone of the Army’s Personnel Accounting program, were the source for Status Cards. Examples of cards compiled by Mobile MRUs were Morning Report Locator Cards (WD AGO Form 302), Organizational Master Cards (WD AGO Form 308-1), Officers’ Qualification Cards (WD AGO Form 367), Enlistment Cards (WD AGO Form 372), Enlisted Separation Cards (WD AGO Forms 0363-1, 363-2, and 363-3). Other cards served other purposes. Accident Cards compiled data about Motor Pool drivers to generate statistics concerning soldiers’ driving habits. Language Cards kept track of personnel fluent in foreign languages." Les américains y ajoutaient parfois leur touche "artistique", ou d’humour en faisant dessiner par les trous "punchés" des dessins plus ou moins explicites : "Creative operators discovered that patterns of holes in card decks could print Santa Claus and his reindeer, Christmas candles, wreaths, and other simple items. Some "artists" created pin-up girl silhouettes emphasizing their pronounced attributes. In the 1960s card decks of Playboy centerfold models were popular. At least one resourceful operator hit on a unique "publishing" method to enhance his meager pay. French "Green Books" were punched into card decks, printed, and sold for profit. Green Books were sexually explicit paperbacks with green covers. They were mostly found in Paris bookstores. Such is the nature of capitalism and youth." En 1937, à Endicott, les cartes étaient fabriquées à plein régime... la moitié partait en Europe, la majeure partie... en Allemagne....
Les numéros étaient donc bien la clé du système en fait : comme celui tatoué sur l’avant bras d’un marchand de bois polonais, N° 44673, qu’il reçu à Auschwitz. "In August 1943, a timber merchant from Bendzin, Poland, arrived at Auschwitz. He was among a group of 400 inmates, mostly Jews. First, a doctor examined him briefly to determine his fitness for work. His physical information was noted on a medical record. Second, his full prisoner registration was completed with all personal details. Third, his name was checked against the indices of the Political Section to see if he would be subjected to special punishment. Finally, he was registered in the Labor Assignment Office and assigned a characteristic five-digit IBM Hollerith number, 44673". Ce numéro de carte aura une traçabilité (outre celle de son porteur !) : on la retrouvera à Orianenbourg, sa fameuse "Häftlingskarte", dans un autre système Hollerith-IBM, celui du "Départment DII" de l’Administration Economique SS : celui qui gérait les esclaves chargés de construire des armes ou des équipements. Chaque détenu avait bien sa carte perforée personnelle. A New-York, en 1943, Schotte, le responsable d’Hollerith-Holllande, explique tranquillement aux américains jusque où va le système mis en place : "dans son bureau de New York, Schotte expliquerait à un fonctionnaire du gouvernement américain le fonctionnement exact du système de pointage de la main-d’oeuvre dans les territoires occupés par les nazis. « Par exemple, devait écrire ce fonctionnaire, si un gauleiter de Pologne réclamait des techniciens non polonais mais parlant la langue, on peut lui fournir une liste de noms et lui indiquer le lieu où travaillent actuellement ces hommes en introduisant les cartes perforées dans la trieuse et en réglant la machine pour qu’elle donne la réponse. Si les effectifs demandés sont atteints, la machine s’arrête". Tout le monde savait qu’il y avait des camps de concentration en Allemagne : et mieux encore, aux Etats-Unis on savait comment et par qui ils étaient gérés. Par ceux qui se chargeaient depuis le début du siècle des recensements.. américains. Les recensements allemands étaient des recensements essentiellement... raciaux. Les machines Hollerith avaient été en priorité mises au service de la folie nazie.
Des numéros, donc, pour trier et étiqueter, liés automatiquement aux cartes Hollerith à entrées croisées : "the sequence according to which serial numbers were issued evolved over time. The numbering scheme was divided into "regular," AU, Z, EH, A, and B series’. The "regular" series consisted of a consecutive numerical series that was used, in the early phase of the Auschwitz concentration camp, to identify Poles, Jews, and most other prisoners (all male). This series was used from May 1940-January 1945, although the population that it identified evolved over time. Following the introduction of other categories of prisoners into the camp, the numbering scheme became more complex. The "AU" series denoted Soviet prisoners of war, while the "Z" series (with the "Z" standing for the German word for Gypsy, Zigeuner) designated the Romany. These identifying letters preceded the tattooed serial numbers after they were instituted. "EH" designated prisoners that had been sent for "reeducation" (Erziehungshäftlinge)." Comme pour celui d’Henri Oertelt, revenu d’Auschwitz avec le numéro B-11291.
Face à l’afflux, il faudra changer les codes au printemps 1944 : "In May 1944, numbers in the "A" series and the "B" series were first issued to Jewish prisoners, beginning with the men on May 13th and the women on May 16th. The "A" series was to be completed with 20,000 ; however an error led to the women being numbered to 25,378 before the "B" series was begun. The intention was to work through the entire alphabet with 20,000 numbers being issued in each letter series. In each series, men and women had their own separate numerical series, ostensibly beginning with number one". Les nazis avaient vu large : c’était bien la solution finale qui était en place, et qui reposait sur le système Hollerith, seul capable d’extraire les chiffres ou les statistiques, pour constater l’avancée du plan infernal, augmenter les cadences ou les ralentir selon les arrivées successives des convois de trains venus de toute l’Europe. Les prévisions pour un Reich de 1000 ans étaient beaucoup plus vastes en effet :"En juillet 1941, Heydrich est chargé par Göering de préparer la « solution finale de la question juive en Europe », ce qui signifie en clair l’extermination de plus de 11 millions de personnes. Il ne s’agit là que de la première étape d’un projet bien plus vaste. Le « Nouvel ordre politique racial européen », pour lequel Himmler fait préparer le « Plan Général Est », prévoit la « déportation » de 30 millions de slaves ; certains experts avancent même le chiffre de 50 millions." Imaginons le monde si personne ne les avait arrêtés...
La solution finale avait trouvé en la trieuse de cartes Hollerith son outil fondamental ! La numération humaine par tatouage avait débuté en mai 1940, dans les camps... l’année du plus gros achat de machines à cartes. pour certains, c’est l’année suivante seulement : "It is generally accepted that the tattooing of prisoners began with the influx of Soviet prisonersofwar into Auschwitz in 1941. Approximately 12,000 Soviet prisoners of war were brought to and registered in the Auschwitz concentration camp complex between 1941-1945 ; most arrived in October 1941 from Stalag 308 in Neuhammer." A Auschwitz, 202 499 nombres de ce type furent attribués. A ceux qui restaient : 900 000 n’ont pas eu cette "chance" : ils ont été gazés tout de suite. Les équipements affluaient pour comptabiliser, exclure... et supprimer. IBM a bien été partie prenante de l’holocauste.. La preuve : le 4 juillet 1947, T.J Watson débaptise enfin la Dehomag, qui prend le nom d’IBM Deutschland... pendant la guerre, son fils était devenu discrètement le pilote du général Bradley, l’inspecteur général des armées US... et s’apprêtait à prendre les rênes de l’entreprise. Il deviendra aussi ambassadeur en URSS de Jimmy Carter...
Plus tard, certains américains d’origine juive, à la lecture du livre révélation d’Edwin Black auront l’outrecuidance de demander à IBM des comptes sur ses activités en Allemagne pendant la guerre, notamment à son porte-parole Carol Makovich. Il se verront renvoyer une fin de non-recevoir : "Repeated attempts to obtain IBM reaction to the newest disclosure were rebuffed by IBM spokesman Carol Makovich. I phoned her more than a dozen times, but she did not respond, or grant me permission to examine Polish, Brazilian and French subsidiary documents at the company’s Somers, New York archives. Nor has the company been forthcoming to numerous Jewish leaders, consumers and members of the media who have demanded answers. " IBM a toujours ignoré cette demande, sous des tas de prétextes fallacieux, le pire étant la réponse infâme de Makovich : "At one point, Makovichquipped to a Reuters correspondent, "We are a technology company, we are not historians."
Une compagnie informatique qui n’avait pas d’histoire, donc. Ah tiens... Selon Black, la réponse de Makovich frisait le déni pur et simple : "the architect of IBM’s denial of Holocaust involvement is PR manager Carol Makovich. She has developed a carefully crafted, confidential, 12-page memo that she faxes or e-mails to reviewers and writers. CNET received a copy. There are a few elderly historians who are skeptical about the book. They don’t understand the power of relational databases, and information technology confuses them. IBM quotes this handful, hoping that message will influence reporters on deadline." IBM avait tenté de répondre en laissant planer le doute, assez misérablement en fait. Sur le fait par exemple que le nom d’IBM n’apparaissait pas, mais celui de Dehomag seulement, l’astuce ce Watson décrite ici-même. En 2002, la firme IBM, en difficultés, faisait un dernier effort de publicité (raté). Le 1er mai 2005, Carol Makovich était obligée d’annoncer son rachat par le chinois Lenovo.
60 ans auparavant, jour pour jour, l’armée rouge libérait le camp pour femme de Ravensbrück, à 80 km à peine de Berlin. Les nazis y avaient inauguré les assassinats par injection de Phénol. 92 000 femmes et enfants y avaient été exterminés. A Ravensbrück (ou fut déportée Germaine Tillon) femmes et enfants travaillaient pour l’industrie textile et fabriquaient des uniformes pour l’armée allemande ( l’Industrie-hof) , ou dans l’armement, pour Siemens-Halske (et ses V-2). 29 autres camps dépendaient de l’administration de Ravensbück. Tous appartenaient à l’organisation du Bureau du Travail nazi, géré entièrement par des machines...IBM. "Le camp ne fournissait pas seulement la main-d’œuvre bon marché aux entreprises dont les ateliers étaient à proximité, mais il en expédiait sur commande dans toute l’Allemagne. Pour le prix convenu, le commerçant ou l’industriel recevait les 500 ou 1 000 femmes demandées, ainsi que les Aufseherinnen armées de gourdins et les chiens dressés, capables de faire travailler douze heures par jour des femmes épuisées et pas nourries, jusqu’à ce qu’elles en meurent. Elles étaient alors remplacées par d’autres, sans supplément de dépense pour l’employeur."
Mais cela, Carol Makovich, amie de Rudolph Guliani, l’ignorait sans doute, trop jeune pour le savoir, sans doute.... En 2001, elle déclarait :"I’m computer literate ; I know how to use the computer but had no idea about what goes on underneath the keyboard. I’ve found that to be fascinating, but I still have much to learn." En quatre années, elle n’avait pas beaucoup appris ce qui se cachait sous les claviers ’fascinants" d’IBM... et non "fascisants". Selon son CV, elle possèdait pourtant "an undergraduate degree in Journalism from the University of Rhode Island"... Aux dernières nouvelles, elle avait rejoint... Lenovo. On ignore si depuis elle a fait des progrès en histoire.
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