Du foulard de nos mères au voile islamique

 Un débat devenu récurrent dans la société française vient de connaître une nouvelle série - pas encore entièrement close - de développements avec la décision commerciale de la chaîne H & M de proposer à sa clientèle des tenues censément conformes au code vestimentaire de la rigueur islamique.

Madame Rossignol, interrogeé par JJ Bourdin sur cet évènement fort important comme chacun sait et comme le savent surtout les vaillants occupants de la Place de la République en quête d'utopie, a surjoué son émoi, suffocant d'indignation, ainsi que l'espérait le malicieux journaliste habitué prendre dans ses filets les politiques distraits. Elle y perdit avec son vocabulaire l'occasion de se taire même si, s'avisant de sa bévue, elle appela à la rescousse ce brave Montesquieu, ce qui à une heure de grande écoute n'est pas banal : on imagine bien le quidam, occupé à se récurer le nez et les oreilles entre deux bâillements, établir pour peu qu'il en eût eu connaissance, le lien avec le fameux texte de Montesquieu.

Pourquoi me direz-vous, revenir sur cette affaire ?

Parce que chaque jour l'une ou l'autre personnalité interrogée par les médias est invitée à donner son avis éclairé sur ce grave problème existentiel et j'imagine qu'ils sont nombreux, ceux qui sont dans la file d'attente pour témoigner de leur aversion pour ce satané voile, signe évident d'asservissement.

Après Laurence Rossignol assez malheureuse dans ses formulation, Elisabeth Badinter vient à la rescousse et relance le carrousel, Bayrou prend plutôt sagement ses distances mais Mélenchon en remet une couche et, last but not least, comme il n'est de bonne lapidation que collective, Valls ajoute sa pierre …

Tout d'abord je ne prêterai pas à Madame Rossignol, ministre en charge des Droits de la femme, des sentiments racistes à l'égard des Noirs mais sans doute a-t-elle cédé à une facilité de langage dans cette séquence détonante.

 Il est seulement regrettable qu'elle se soit laissée aller aux simplismes du climat ambiant qui n'est sans doute pas encore de l'islamophobie mais qui flirte avec ses limites.

 Que certains accoutrements extravagants comme la burqa ou le niqab ( dont l'origine est largement préislamique, ce qui ne les exonère pas) aient été récupérés par l'Islam rigoriste et rétrograde n'est que trop réel. 

Il n'en demeure pas moins que c'est une appropriation dont la codification dans les soi-disant textes qui fondent le dogme est récente et d'ailleurs très controversée dans une vraie querelle des Anciens et Modernes que les médias se gardent généralement d'évoquer, le sujet n'étant guère porteur…

Ainsi donc le voile qualifié d'islamique est redevenu le nouveau sujet à la mode depuis que quelques enseignes plus ou moins prestigieuses ont décidé d'exploiter le filon.

On aurait pu croire que, femme de Gauche, Madame Rossignol se fût insurgée sur l'exploitation de la crédulité ou la naïveté des consommateurs pour le profit.

Que nenni, cela nous conduisait à un débat bien plus profond et fondamental sur les ressorts de la consommation et donc de l'idéal de vie de nos sociétés dont le PS est un des chiens de garde, fonction qu'il assume d'ailleurs de plus en plus volontiers : ce qui rend encore plus surprenante cette condamnation d'une initiative privée fustigeant une entreprise qui vise, en parfaite logique capitaliste à accroître ses bénéfices ( vous savez ces fameux qui sont les emplois de demain ) en captant l'intérêt d'une certaine clientèle. Bref, tout ce qui oriente la publicité en charge de la création de besoins - parfois artificiels - que l'économie productive s'empresse de satisfaire chez ceux que l'impécuniosité n'a pas encore rejeté au bord du chemin.

S'insurger contre un accessoire de mode, le foulard est d'ailleurs assez dérisoire alors que la France s'enorgueillit à juste titre de son industrie du luxe donc de la mode grande pourvoyeuse de devises et d'emplois mais néamoins expression de la futilité.

Cette publicité dont Madame Badinter, autre personne fort engagée dans la stigmatisation orientée, tire des revenus et qui est un instrument d'aliénation au même titre que la religion musulmane ou les autres.

En parallèle de la quête de consommation, moteur supposé de la croissance, se développe aussi le sentiment d'insatisfaction chez les exclus, ou chez ceux qui, comme beaucoup de jeunes, trépignent d'impatience devant les difficultés qu'ils rencontrent pour se frayer un passage vers la Sainte Table.

On comprend mieux que, dans un contexte troublé, Madame Rossignol se soit précipitée sur le voile comme la vérole sur le bas clergé, même s'il y a quelque inconséquence à dénier moralement à une entreprise le droit d'améliorer son potentiel de croissance par une initiative essentiellement mercantile.

Quoi qu'il en soit, sur un certain nombre de sites, les nouveaux pères « la pudeur «  de notre temps que la simple vue d'un foulard grattouille se sont précipités vers leur ordinateur pour en chatouiller le clavier et nous faire part de leur indignation.

Avec les sempiternels mêmes arguments qui témoignent davantage de leurs obsessions identitaires que de l'esprit d'ouverture, une qualité en perdition en ces temps troublés.