EADS : en 1999 le contribuable était-il à un dîner de cons ?
Citoyens et contribuables irréprochables, nous nous inquiétons de la tournure prise par les auditions parlementaires sur EADS. Notre argent semble être consacré à faire le procès de la Caisse des dépôts et à réfléchir à chaud, en direct, sur de nouveaux modes de gouvernance. Pourquoi ? Messieurs les présidents Arthuis et Migaud, le délit d’initié n’est pas là et vous le savez ! Vous aurez tout le temps demain, d’optimiser telle ou telle structure ou mode de communication intra ou inter services de l’Etat. Les matériaux ne manqueront pas.

Nous voudrions rappeler aux parlementaires que le macro-planning de l’affaire est composé de trois étapes structurantes pour le délit.
1999 : un pacte d’actionnaires est signé entre l’Etat, Lagardère et Daimler. Dans ce pacte secret, le contribuable via le gouvernement de Lionel Jospin, renonce à tous ses droits fondamentaux d’actionnaire. Mais, il en accepte l’obligation principale, celle d’acheter. Soit plusieurs milliards pour 15 % du capital d’EADS.
2006 : au printemps, les deux actionnaires du pacte, Lagardère et Daimler, vendent subitement, simultanément et pour l’un d’eux aux enchères avec paiement immédiat, la moitié de leurs actions. Quelques jours après, le cours EADS s’effondre, suite à la publication des retards sur l’A380.
2007 : l’AMF, qui avait été saisie pour un éventuel délit d’initié, déclare début octobre, qu’il y aurait bien eu délit et qu’il serait massif.
Soyons pragmatiques ! Y aurait-il pu y avoir délit d’initié si l’Etat n’avait pas volontairement réduit à néant ses droits d’actionnaire dans le pacte de 1999 ? Avec un pacte normal, l’Etat aurait-il pu ignorer les retards techniques qu’allait connaître l’A380, alors qu’il avait nommé l’un de ses proches, M. Pontet, président du conseil d’administration de la Sogeade, holding des actions EADS ? Avec un pacte de droit commun, Lagardère et Daimler auraient-ils pu vendre sachant que l’Etat disposait des mêmes informations qu’eux et qu’ils auraient à le prévenir avant de vendre ?
Les réponses à ces trois questions sont catégoriquement : NON !
Alors, le fait générateur du probable scandale EADS, c’est effectivement la position dans laquelle l’Etat français s’est volontairement placé en 1999. Comment le gouvernement de l’époque, celui de Lionel Jospin, a-t-il pu mettre la France dans une telle situation de dépendance ? Situation porteuse de la bombe à retardement qui nous éclate aujourd’hui en pleine figure.
Nous, Etat français, avons-nous été invités à un dîner de cons pour signer le pacte qui allait faire de nous la risée du monde des affaires ? Attendu que, nous étant placés nous-mêmes dans cette situation grotesque, sommes-nous aujourd’hui en position de clamer haut et fort notre irréprochabilité ?
Dans ces circonstances, comment le gouvernement de l’époque, qui a signé un tel pacte, ne pourrait-il pas être soumis rapidement à la question. Celle que la justice de notre pays devra lui poser, à lui ainsi qu’à son capitaine, Lionel Jospin.
Cette affaire est tellement ubuesque, qu’il nous paraît utile de rappeler que, dans le business, un contrat est toujours un deal donnant-donnant. Nous avons payés plusieurs milliards pour détenir 15 % d’EADS. Qu’a-t-on reçu en échange pour nous taire définitivement et pour rester prostrés encore aujourd’hui, alors que notre pays vient de perdre des milliards ? Si nous sommes vraiment irréprochables, nous devons dire pourquoi, pourquoi nous le sommes ?
C’est sur le pacte de 1999 et pas sur autre chose, que va s’appuyer Lagardère quand il sera entendu, en justice, pour éventuel délit d’initié. D’ailleurs, dès ce week-end, dans son journal le JDD, il énonçait déjà les grandes lignes de sa future défense.
A l’heure où nous écrivons, les équipes juridiques de Lagardère travaillent jour et nuit pour fabriquer leur argumentation. Pour beaucoup de jeunes juristes de cette équipe - dont certains ont les canines du haut qui rayent le plancher - le jeu a commencé. C’est désormais leur jeu. Véritable défi sur PC portables, dont ils vont être les acteurs ces prochaines années. Un seul objectif : "notre groupe doit sortir gagnant de ce duel avec l’Etat. Sinon notre faillite peut être au bout". Très motivant pour des professionnels du privé, qui en veulent. D’ailleurs, beaucoup vont voir leur CV boosté grâce à cette affaire !
Alors, quels vont être, selon nous, les arguments que pourrait avancer l’équipe Lagardère ? Très probablement les suivants :
"Bien sûr nous sommes innocents et irréprochables. L’Etat le sait très bien. Nous pouvons être traités d’incompétents, d’irresponsables, de menteurs, d’héritiers trop gâtés... mais jamais d’avoir voulu malhonnêtement trahir la signature de notre pays. Ici, en disant "notre" pays, Lagardère va marquer un point psychologique, car de l’autre côté on dira plutôt "ce" pays.
Je vous parle en homme d’affaires : quel responsable est-on quand on met sa signature au bas d’un pacte qui nous lie pieds et mains ? Et cela, après avoir payé des milliards. Aucun vrai capitaine d’industrie n’aurait fait une telle erreur. Il aurait immédiatement été viré par son conseil d’administration et, ad nutum.
Nous sommes innocents et irréprochables, car si nous ne l’étions pas, comment comprendre alors le silence de l’Etat, pourtant président de la Sogeade à travers M. Pontet qu’il avait nommé pour ses compétences ? S’il avait été courant d’un quelconque délit, son mandant, l’Etat, n’aurait pas hésité à rompre le silence que lui imposait le pacte de 1999, car des milliards de perte potentielle étaient en jeu. Les milliards du contribuable. Je rappelle ici, à toutes fins utiles, que le pacte réduisait la France au silence, pas à l’ignorance des faits, ni au suicide !
L’Etat français ne peut plus s’abriter derrière le fait que, pour lui, ne pas honorer sa signature était impensable. Sinon pourquoi, cette impossible rupture serait-elle devenue aujourd’hui possible ? Oui, nous venons d’apprendre par la presse, que notre partenaire, l’Etat français, possède désormais 17,25 % d’EADS. Le pacte prévoyait qu’il ne puisse pas aller au-delà de 15 % ! Quelles vont être les conséquences de cette position dominante de l’Etat, sur les actions EADS que porte encore notre groupe ?
Pour ces motifs, nous, groupe Lagardère, nous nous réservons le droit de poursuivre l’Etat français pour rupture de contrat...".
Alors, oui, il y avait bien un contribuable invité au fameux dîner de cons de l’année 99.
Afin qu’une telle invitation à dilapider les deniers de l’Etat ne puisse jamais plus être acceptée et jamais plus pouvoir porter préjudice à la crédibilité de la France, nous émettons le souhait que deux propositions de loi soient rapidement étudiées.
Première proposition de loi : "Aucun représentant de la nation ne peut engager l’Etat dans un contrat qui priverait ce même Etat de tout ou partie de ses droits, sans avoir obtenu, ex ante, l’autorisation des commissions parlementaires appropriées".
Deuxième proposition de loi : "Désormais, comme certains hauts fonctionnaires, le Premier ministre pourra être tenu responsable sur ses biens propres, des fautes professionnelles commises lors de l’exercice de ses fonctions alors qu’il aurait indûment engagé les deniers du contribuable sans autorisation préalable".
Une proposition de loi sur le mensonge qualifié pourrait aussi être étudiée, car en mentant effrontément, un ministre trahit l’honneur et la confiance que lui a fait la nation en le nommant.
Ces propositions s’inscrivent parfaitement dans l’esprit de rupture cher à Nicolas Sarkozy. La future gourvenance de l’Etat ne plus être une simple dédicace du passé. L’argent du contribuable est désormais définitivement trop précieux pour qu’il soit confié à des irresponsables qui diront trop facilement qu’ils ont pourtant été irréprochables...
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