• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Eléments pour une nouvelle « Psychologie des foules »

Eléments pour une nouvelle « Psychologie des foules »

Quand on veut parler des comportements de foule on se réfère toujours à Gustave Le Bon. Ce qu'il écrit est assez vrai mais est surtout de l'ordre du sentiment et d'une sorte de condamnation morale plus que de l'analyse de son fonctionnement. Or c'est ce plan qui serait plus utile et qui manque réellement. Comme il ne suffit pas de critiquer sans rien proposer je préfère quant à moi, en tant que psychologue, esquisser ce que pourraient être les grandes lignes d'une analyse de ce fonctionnement des foules en mettant en avant les grilles et concepts suivants :

 

ELEMENTS POUR UNE NOUVELLE « PSYCHOLOGIE DES FOULES »

  • L'analyse des organisations avec notamment la problématique d'Eugène Enriquez sur les groupes et organisations (De la Horde à l'état Gallimard) et « La problématique du changement ». il y indiquait que « Les individus, groupes, organisations fonctionnent plus dans le registre de l'imaginaire que sur celui du réel ». C'est-à-dire que ce sont les mécanismes de l'inconscient qui sont aux manettes : sentiments-stéréotypes sociaux, pulsions et besoins primaires, abaissement du refoulement (sentiment de toute-puissance) avec dissolution des valeurs au profit du sentiment de violence-justice par soi-même, phénomènes d'action-réaction bruts (compensation, « justice » immédiate, vengeance, etc.), phénomènes collusifs d'étayage et de renforcement, (effet normatif réducteur, « mauvais objet » désigné) etc.

  • Les explications-analyse de René Girard sur les phénomènes de crises d'indifférenciation (quand le groupe ou la société a peur, perd son sentiment d'identité, etc.), phénomènes de rivalités mimétiques entre personnes ou groupes (phénomènes de bandes, gangs, partis politiques, entreprises concurrentes, etc.), phénomènes de bouc émissaires (racismes, antisémitisme, dépréciations-rejet de minorités sexuelles, etc.), meurtres collectifs (lynchages, pogroms, éliminations de catégories sociales ou professionnelles, génocides, famines organisées, etc.).

  • Dimension de l'inconscient collectif : cet inconscient n'est pas pérenne mais comme chez l'individu (puisqu'il est partie intégrante de son ego), il est au contraire temporaire (de momentané pendant l'état de foule à persistant même en l'absence de foule constituée) ; mais est doté du sentiment de toute-puissance et du sentiment impérieux de se faire justice par rapport à une injustice (cas des foules-manifestations de revendication économique ou politique) ou besoin de sur-affirmation de son identité : supporters de sports collectifs en foule sur gradins, mais aussi à l'échelle individuelle : les personnes seules ou en petits groupes peuvent avoir le même comportement de collusion avec leur groupe de référence, de soutien inconditionnel et de mauvaise foi ou déni de réalité.

  • Le fonctionnement de l'inconscient proprement dit : il est le même que celui qu'on observe dans le phénomène dit de « Rumeur » et que l'on peut recréer en stage de formation sur la vulnérabilité de la communication : on y voit le message se déformer selon des « lois » qui ne sont pas anecdotiques ou limitées à la déperdition de la communication orale. En effet elles sont à l'oeuvre dans l'élaboration des productions de l'inconscient, puisque ce sont les mêmes qui produisent : actes manqués, lapsus, rêves, transferts, etc. Ce sont :

      • Cristallisation  : focalisation sur un « objet » matériel ou immatériel (idéologie, religion, « concept », image, etc.), ou personne (leader, gourou, chef dit charismatique, tout autant que bouc émissaire, individus ou groupes rejetés,, etc.)

      • Réduction du message certes, amis aussi du raisonnement : simplisme, plus petit commun dénominateur, « causalité » primaires et supposées devenant « sûres », bruits accrédités, etc.

      • Inversion  : renversement en son contraire : l'agresseur devient l'agressé, le fautif la victime, l'exploiteur l'exploité, etc. Mais aussi le cours des événements peut être inversé, les quantités, etc. On observe aussi des glissements sémantiques de termes-représentations proches mais qui peuvent être lourds de conséquences en un à deux glissements.

      • Accentuation du ressenti : le « fait » (à supposé qu'il soit exact ou qu'il y en ait eu un) est accentué, grandi, monté en épingle même sans volonté manifeste de déformation.

      • Défense : individu, groupe, foule ont toujours tendance prioritairement à se défendre c'est-à-dire à justifier leur comportement, les raisons qui les ont poussé à agir et même à se tromper (affaire Dreyfus, justifications-négations du réel de la part des entreprises polluantes, « raison d'état » pour les dirigeants, etc).

 

Voilà les éléments que l'on peut privilégier pour rendre mieux compte, à mon sens, des phénomènes de foule. Il reste à les développer. On les retrouve, accentuées, dans ces manifestations d'exacerbation temporaires ou durables, que sont les fanatismes qu'ils soient religieux ou non. N'oublions pas que religion et fanatisme (malgré l'étymologie) ne sont pas obligatoirement liés, le nazisme et le communisme nous l'ont prouvé.

J. Laffitte

 

Pour une analyse approfondie du phénomène fanatique sous l'angle psychologique et de groupe, voir mon livre sur le fanatisme « Mais...Comment peut-on être fanatique ? » Ed° L'Arbre aux Signes 2012. Site : http://arbreauxsignes.com/

Site perso : http://www.spiritualite-libre.com/

D'autres éléments sur mes Curations sites :

ScoopIt (sorte de blog d'articles sélectionnés par moi) : http://www.scoop.it/t/spiritualite-mythes-psychologie

Pearltrees : arborescence de textes et autres éléments choisis : Religions.Spiritualités. Psychologie : http://www.pearltrees.com/#


Moyenne des avis sur cet article :  4.33/5   (12 votes)




Réagissez à l'article

32 réactions à cet article    


  • Christian Labrune Christian Labrune 29 décembre 2012 11:01

    à l’auteur

    Pour qui en aurait le temps et le courage, AgoraVox constituerait un réservoir inépuisable de phénomènes pour illustrer et étudier les cinq « lois » que vous définissez !


    • Gaetan de Passage Gaetan de Passage 31 décembre 2012 14:33

      @Labrune


      Non sans blague ... vous croyez ?

       smiley


    • jef88 jef88 29 décembre 2012 11:10

      Pas mal !
      Cet article est un complément utile à l’œuvre de Le Bon...
      Mais n’oublions pas que la « Psychologie des foules » a été écrite en 1895 et que les sciences de la cognition n’existaient pas....
      Le Bon a écrit d’autres ouvrages qui ont tous encore une valeur évidente !
      L’Homme et les sociétés - Leurs origines et leur histoire (1881)
      La Civilisation des Arabes (1884)
      Voyage au Népal (1886)
      Les Premières Civilisations de l’Orient (1889)
      Les Civilisations de l’Inde
      (1893)
      Les Monuments de l’Inde
      (1893)
      Lois psychologiques de l’évolution des peuples
      (1894)
      Psychologie du socialisme (1898)
      Psychologie de l’éducation (1902)

      Et j’en passe !
      Lisez Le Bon sur Gallica ....


      • LAFFITTE Jacques LAFFITTE Jacques 29 décembre 2012 14:41

        Merci Jef88, de votre message sympa et des références que vous donnez sur Le Bon dont je ne connaissais que les extraits bien connus et qui remontent au temps de mes études en fac. Il faudra que j’aille faire un tour sur Gallica. Merci du renseignement.
        Bien à vous.


      • Spip Spip 29 décembre 2012 13:29

        Il y a les livres et ce qu’on en fait, ce qu’on veut bien en comprendre. Psychologie des foules de Le Bon était le livre de chevet du Dr Goebbels...


        • Spip Spip 29 décembre 2012 13:48

          « religion et fanatisme (malgré l’étymologie) ne sont pas obligatoirement liés, le nazisme et le communisme nous l’ont prouvé ». A partir du moment où ces deux idéologies s’appuyaient beaucoup plus sur croire que penser, avec leurs grand-messes, n’étaient-elles pas de nouvelles formes de religion ?


          • LAFFITTE Jacques LAFFITTE Jacques 29 décembre 2012 14:34

            Bonjour,

            Votre remarque est pertinente. Pour ma part je préfère ranger nazisme et communisme dans la catégorie des fanatismes plutôt que des religions parce qu’il n’avaient pas de dieu(x) revendiqués comme tels, même s’ils avaient sinon des demi-dieux du moins des quarts-de-portion (Staline, Hitler, Pol Pot, etc).

            Mais effectivement on retrouve dans le fonctionnement de ces fanatismes ce que j’appelle un « habitus religieux » c’est-à-dire un schème de comportement-valeurs-défenses etc., que l’on retrouve dans les religions. Mais le fanatisme est une forme exacerbée de cet habitus qui en quelque sorte (pour prendre une métaphore nucléaire) entre en fusion et ne peut plus être contrôlé.
            Je travaille actuellement sur cette notion que j’appelle « habitus religieux » en référence à la notion d’habitus de Bourdieu et Passeron, hommage leur soit rendu.


          • LAFFITTE Jacques LAFFITTE Jacques 29 décembre 2012 14:18

            Bonjour à tous et merci de vos réactions.

            Bien sûr chacun se sent concerné car les foules sont composées... d’individus, comme nous. Le but n’est pas de dire du mal des foules ou de les condamner par principe, pas plus de les encenser même si des manifestations peuvent être très généreuses et l’ont démontré (défense d’opprimés, lutte pour les droits de l’Homme, la démocratie, etc.). Mais l’intérêt est de comprendre comment elles fonctionnent.
            Ceci afin d’être moins dupes de ce qui paraît être des « évidences », des automatismes de pensée, ou de « bons sentiments », qui nous font donner notre accord par « affect » sans voir tous les éléments (voir les expériences de Milgram et de Ash sur l’unanimisme, article et vidéo sur Agoravox).

            Le but, ici (comme dans d’autres recherches), est de moins être le jouet de notre ignorance ou de nos fonctionnements inconscients (l’inconscient n’est pas que le méchant truc profondément enfoui et auquel on n’aurait accès qu’avec un psychanalyste très cher). Il y a toute une marge importante de notre inconscient qui chevauche notre conscient et qui est accessible à la réflexion si on laisse à cette dernière le temps de remplir sa fonction.

            But donc, d’être moins victimes des manipulations que peuvent effectuer des leaders (appels au mépris, aux « causes » faciles, boucs émissaires, etc.), d’être moins dupes également des discours idéologiques ou politiques (quelle que soit l’orientation) ou religieux (quelle que soit l’étiquette). Car l’essence des foules (presque au sens de ce qui alimente son moteur) ce à quoi elles fonctionnent préférentiellement c’est l’unanimisme : cf. votes des Plénums soviétiques / « extra ecclesiam nulla salus » / mais aussi c’est la fonction des rituels que de rendre visible cette unanimité puisque tout le monde fait le même geste en même temps) faisant ainsi pression sur les éventuels récalcitrants, et autres dissidents, déviants, etc.

            Ce qui importe c’est de percevoir quand ils font vibrer chez nous ces leviers, ces automatismes de pensée : ceux-ci sont en fait des « valeurs » + - avec lesquelles on entre en résonance souvent sans en être conscients parce qu’elles sont « primaires » (simples, globales et basiques) ou nous ont été parfois apprises sans qu’on s’en rende compte en même temps que d’autres choses. Ou également on les a intégrées par « imprégnation » auprès des êtres avec lesquels nous étions liés.
            Un exemple de ces « valeurs » ambivalentes est l’obéissance : celle-ci n’est ni bonne ni mauvaise en soi, elle peut être les deux tout dépend des circonstances et de qui nous demande quoi. Elle est bonne et absolument bonne par exemple dans le cas du code de la route, mais elle nécessite réflexion dans le cadre du « travail » dont on a vu avec les nazis, mais aussi avec l’expérience de Milgram, qu’il suffit d’une blouse blanche et de sa respectabilité pour faire effectuer des actes de torture.
            Rien ne doit nous faire faire l’économie de la réflexion, de la raison, de l’appréciation des valeurs... et des situations.

            Et parfois, pour rajouter en complexité (et sans vouloir vous désespérer), la volonté de se démarquer de ces « influences » par un rejet massif nous inscrit en contre-dépendance tout en nous donnant l’illusion d’une évasion réussie.

            Merci à vous et Vive les neurones qui pétillent !
            J. Laffitte

            PS : Sur l’unanimisme voir mon ouvrage « Les Tours de Bab’El » sur l’analyse du mythe de la Tour ; j’y analyse aussi les monothéismes ainsi que bouddhisme et hindouisme ; les religions comme tour montant à l’assaut du pouvoir absolu. Rêve qu’incarnait le commune-un-isme. 


            • Spip Spip 29 décembre 2012 14:35

              Ce n’est pas à un DESS de psychologie que j’apprendrais l’existence de gens comme Rodgers, Berne, Karpman, etc. Chacun d’eux peut nous éclairer d’abord sur nos mécanismes personnels et ensuite sur nos inter-relations qui peuvent aller jusqu’à la foule.

              L’analyse des phénomènes collectifs ne peut pas faire l’économie de ça au départ (à mon avis) même si le collectif semble avoir sa dynamique propre.


              • LAFFITTE Jacques LAFFITTE Jacques 29 décembre 2012 14:47

                Bien sûr, mais je n’ai pas souvenir de grands développements sur les foules qui me satisfassent autant que l’ont été pour moi les analyse de Enriquez et de René Girard par exemple. Mais j’avais trouvé très pertinentes les grilles d’Eric berne notamment sur le triangle Persécuteur-Victime-Sauveur.

                Les lois sur la proxémique sont aussi intéressantes et également (mais vous les connaissez certainement) les travaux de l’école de Palo Alto notamment « Une logique de la communication » de Watzlawick, Beavin et Jackson (sans garantie sur l’orthographe) où ils dévoilent de très pertinents leviers de la dynamique entre les personnes notamment « complémentarité et symétrie ».


                • Fred94 29 décembre 2012 15:26

                  Le constat psychologique varie selon les sociétés mais est utilisé seulement par ceux qui veulent manipuler alors qu’il devrait être utilisé pour sortir des l’inconscient collectif afin de vivre de manière plus saine. Plus généralement, l’élitisme, qu’il soit psychologique, philosophique, sociologique,... est affligeant car il ne prend pas parti et se contente de parler aux initiés alors qu’il a une responsabilité quant aux outils qu’il donne aux puissants.


                  • volt volt 29 décembre 2012 15:32

                    Oui... Entre temps, après Le Bon qui est quand même déjà bien 19e... Il y a eu « Psychologie des Foules et Analyse du Moi », texte fondamental de Freud qui est, en ce listing, bien étrangement contourné. 

                    On y trouve deux points importants pour l’étude de ce champ qui sont ignorés ici : 
                    -la prégnance du mécanisme de l’Identification, dont tout « équivalent » serait presque réduction...
                    -et l’inexistence, sinon très hypothétique, de ce qu’on appelle trop vite le sac de « l’Inconscient Collectif »...

                    Sans ces deux points fondamentaux, bien sûr il reste Girard, et on peut même aller puiser dans Stendhal, mais à quoi bon ces visières ? Comment raisonner sur tout cela sans tenir compte, malgré ses défauts, de Totem et Tabou ? Pourquoi ignorer les travaux de Kaufman sur Psychanalyse et Politique ? Même Anzieu sur la Dynamique des Groupes est indispensable. 
                    On dirait presque, en ce mélange de Girard saupoudré de Jung, qu’il s’agit de faire l’impasse sur tout un vingtième siècle qui, sur cette question précise, aura été d’une précision inégalée à défricher ce champ.

                    Votre listing relève de la prise de notes incomplète, il frise à l’insulte d’un siècle de théoriciens chevronnés, et ne se risque à poser aucune problématique réelle. On se demande où est le propos...
                    Vous direz avoir titré sur « Eléments », juste prudence... nous serions d’accord, mais à proposer du « nouveau », il faut bien au préalable démontrer en quoi toute une Science détaillée (des bibliothèques entières) qui a précédé ces deux trois feuillets de croquis, en quoi donc tout cela vous semble insuffisant ou sinon ne pas tenir la route...

                    • LAFFITTE Jacques LAFFITTE Jacques 30 décembre 2012 11:58

                      Merci pour votre message malgré son ton sur...volté !

                      On ne peut certes tout citer, notamment tous les auteurs, et particulièrement Freud, mais on ne saurait limiter les apports ou grilles intéressantes à Freud. Mais n’hésitez pas à développer vos arguments au lieu de simplement « noter » comme un professeur cela serait plus intéressant pour tout le monde et ferait avancer le débat.

                      Quelques remarques pour préciser ce que j’ai écrit et que vous avez peut-être mal interprété :

                      - Identification se retrouverait plutôt du côté de la cristallisation sur la-les personnes du-des leaders et sur le phénomène d’identification-confortation latérale avec les effets de groupe et de norme de groupe.

                      - Inconscient collectif  : j’ai bien précisé qu’il était temporaire, lié à l’existence de la foule, donc il n’est pas pérenne comme celui de chaque individu. Je ne le réfère pas à la notion Jungienne non plus ; j’ai employé ce terme parce que les foules fonctionnent sans en être conscientes de façon brute et brutale (par ex. avec racisme, misogynie, mépris des minorités sexuelles ou physiques, phénomène de bouc émissaire, etc.,). Elles fonctionnent ainsi et même avec une sorte de bonne conscience irresponsable et qui peut facilement être meurtrière. Cette « bonne conscience » est liée au fait « nombre » et au sentiment de puissance qu’il induit « autorisant » à ne plus se contrôler s’il n’y a pas leur propre service d’ordre. 
                      L’inconscient collectif n’est pas de même nature que celui des personnes car il n’a pas de passé (ou peu, mais ce peut être l’histoire, les luttes passées etc.,mais dans ce cas-là on n’est plus dans la foule mais dans l’organisation, par exemple syndicale qui est très différente parce que réfléchie, élaborant des stratégies, pensant ses buts, etc).
                      L’inconscient collectif apparaît surtout une résultante, presque au sens mathématique du terme, il est (ou devient rapidement en situation) le plus petit commun dénominateur avec des effets réducteurs en termes de raisonnement au profit du simplisme, etc.

                      Cordialement.


                    • volt volt 30 décembre 2012 15:39

                      désolé pour le ton qui m’a dépassé encore une fois, vu que j’avais l’impression d’être d’abord confronté à une grande gomme, face à un domaine que j’ai exploré...


                      J’ai bien compris qu’il s’agissait d’« Eléments », vous lancez des pistes, c’est déjà ça.
                      Et le mérite en est encore que votre utilisation du concept d’inconscient collectif y est bien conditionnée, parfaitement contextualisée et tibutaire de l’événement foule ; on saisit qu’il ne s’agit pas de délire jungien même si le danger porté par cette appellation si peu contrôlée demeure.

                      Sur l’identification par contre, il me semble qu’il y a menace : Le concept n’a pas simplement été posé là par Freud puis abandonné, il a été développé, détaillé par la suite, et sur la question des foules en particulier ; d’autres mécanismes afférents y ont été joints, voilà pourquoi son évacuation/remplacement par la beauté séduisante de la « cristallisation » me semble moins porteuse que perdante, à moins de retravailler tout le champ.

                      Par ailleurs, si Girard a bien exploré la question du bouc émissaire, des décennies de psychanalyse appliquée à l’échelle du focntionnement des groupes (et pas que la psycha) ont presque définitivement démontré que le bouc émissaire n’est plus pensable hors la question du leadership (depuis même Frazer, allez...), mais cela s’intègre donc comme une totalité qui demande à être théorisée, conceptualisée, voilà pourquoi je citais Kaufman et Totem et Tabou, malgré la maladresse du mythe. Ce fonctionnement global et immanquable dans le moindre noyau de groupe ne serait pas sans applications lisibles à l’échelle des grandes foules, sans plus.

                    • Spip Spip 29 décembre 2012 16:13

                      @ Fred94.


                      « utilisé seulement par ceux qui veulent manipuler... ». Pas faux, mais ces outils, s’en saisit qui veut.


                      Pour moi, l’exemple le plus frappant a été l’Analyse Transactionnelle de Berne (AT). A la suite d’une formation en santé mentale je m’étais procuré le Que Sais-Je sur le sujet, écrit par deux psychologues. Je m’attendais à deux cliniciens mais c’étaient deux psychologues d’entreprises... Pourquoi ? Parce que, en France, tout ce qui était thérapies « américaines » subissait, sans nuances, l’ostracisme d’un milieu thérapeutique nourri majoritairement de freudisme et qui ne voulait pas entendre parler d’autre chose. Par contre, les DRH ont vite vu ce qu’ils pouvaient en tirer pour manipuler plus en douceur...


                      Ca ne disqualifie pas pour autant le concept, il m’a bien servi dans le travail que j’avais à faire avec des souffrants (et pour moi-même à l’occasion...)


                      • Fred94 29 décembre 2012 17:16

                        @ Spip

                        Vous mettez le doigt sur un des problèmes de nos sociétés qu’est la doctrine comme par exemple, en France, l’éducation nationale ou comment infliger de multiples souffrances psychiques, physiques et morales à des enfants. Et comme nous y sommes passés, pkoi devrions nous la changer... 

                        • ptimarc 29 décembre 2012 17:48

                          pour ma part,j’ai toujours du mal à lire des édifiantes démonstrations hautement scientifiques,plus loin que« nazisme et communisme »

                          déja,à parir de là je raye de ma pensée le mot « scientifique »

                          mettre dans le meme sac deux pensée aussi différentes que « nazisme » et communisme devient du charlatannisme.


                          • epicure 29 décembre 2012 19:51

                            C’est marrant, tu fais un exemple de ce qui est dit dans l’article  : cristallisation et réduction.
                            Tu cristallises ta lecture sur une élément de l’article, secondaire, et tu réduis le message de l’article à cette référence au nazisme et au communisme.
                            On dirait que tu as survolé l’article pour te fixer sur des mots vers la fin, en oubliant le contexte dans lesquels ils sont cités : c’est à dire les meilleurs exemples de manipulation de l’inconscient collectif des masses d’origine profane, par le nazisme et le stalinisme (et ses dérivés).
                            Dans ces deux cas le phénomène est flagrant et très visible.
                            Le monde capitaliste peut offrir des manipulations de l’inconscient collectif des masses (par la publicité, al culture, la propagande médiatique etc....), mais c’est moins flagrant et plus disparate.
                            Mais on peut trouver ces phénomènes pratiqués dans la communauté musulmane d’internet aussi, notamment chez ceux qui renvoient toute critique de l’islamisme, de l’intégrisme musulman à l’islamophobie et au racisme, mais là on rejoint le lien fanatisme et religion.


                          • Spip Spip 29 décembre 2012 18:23

                            @ Fred94.


                            Pour moi là où ça dérape, c’est quand des concepts, plus ou moins valables au départ, deviennent intangibles et qu’on ne peut pas les remettre en question alors qu’ils montrent des insuffisances voire des erreurs, à l’épreuve du temps. A partir de là on est dans une sorte de croyance et pas du tout dans une réflexion.


                            Concernant l’Education Nationale, ce serait plutôt le contraire (mais pas mieux). Chaque Ministre, à peine arrivé, met un point d’honneur à pondre SA réforme, son prédécesseur ayant été incompétent bien sûr... Ajoutez à ça les délires pédagogiques pondus par les spécialistes de la spécialité, que les enseignants sont censés appliquer et le tableau est en place.


                            Quant à pourquoi changer, on pourrait trouver des réponses chez Berne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_transactionnelle et d’une manière générale chez tous les tenants de l’Ecole de Palo Alto.


                            • COVADONGA722 COVADONGA722 29 décembre 2012 18:46

                              bonjour , modeste contribution d’un ex technicien de l’ordre je n’ai pas les notions philosophiques de l’auteur et de certains intervenants, mais pour mettre un peu de trivial et de concret dans ce qui n’est que concept pour certain, professionnellement j’ai vecu deux instant de terreur pure l’un d’eux est d’avoir eté pris dans une émeute de rue en Afrique , la foule est devenue une hydre tueuse et hysterique
                              en moins de 10mm de ce qui n’etait au début qu’une manif revendicative mais bonne enfant.

                              Pas de conclusion attive , je suis sur qu’une foule européenne pour des motifs différents
                              peu agir de meme .
                              Asinus : ne varietur


                              • LAFFITTE Jacques LAFFITTE Jacques 30 décembre 2012 11:24

                                Merci pour votre témoignage d’autant que dans nos pays on est habitué à des foules quand même assez pacifiques et encadrées.
                                Votre citation en appelle une autre « asinus asinum fricat » (l’âne frotte l’âne) qui correspond bien à la foule et à l’effet d’auto-entrainement des gens qui la composent ; dans une foule (mais souvent aussi dans l’inter-individuel) on se conforte et il est difficile de dire son désaccord sans vexer l’autre.

                                 Ce qui importe de façon primordiale, dans les situations de conflit ou désaccord, c’est de montrer qu’on comprend ce que ressent l’autre sans abonder dans son sens, uniquement reconnaître son état émotionnel (pour qu’il se sente compris) sans approuver ni dire qu’il a raison, alors seulement on peut examiner avec lui les données réelles (techniques notamment, les faits) du pb ; la personne est souvent, de façon étonnante, prête à revenir sur son opinion première et change son attitude (elle devient visiblement plus posée) parce qu’elle a été entendue, comprise (dans son état émotionnel premier, de révolte, sentiment d’injustice, etc.).
                                On a alors la même chose que le « asinus-asinum fricat » mais inversé de valeur dans le sens cette fois de l’apaisement et du retour au fonctionnement de la raison.
                                Crdlmt.
                                J.L.


                              • ptimarc 29 décembre 2012 20:38

                                en fait nous sommes tombés d’accord ,car curieusement,l’inconscient,sans doute« nazisme et communisme »deviennent chez toi « nazisme et stalinisme ».en fait,j’aurais volontiers été plus loin dans la lecture,parceque c’est un sujet interessant.mais le fait que se soit biaisé au départ m’a découragé.la philosophie,comme l’histoire se doit d’etre rigoureuse,et sans a priori.

                                si l’auteur avait ecrit « nazisme et stalinisme » c’eut ete different.

                                mais il a sorti le bout de son nez.on retrouve les memes termes chez les nouveaux philosophes.

                                maintenant que les grands comme pierre bourdieu ne sont plus.

                                les nouveaux peuvent sortir du bois,pour essayer d’exister.

                                 


                                • LAFFITTE Jacques LAFFITTE Jacques 30 décembre 2012 00:44

                                  Bonsoir,

                                  J’ai utilisé le mot communisme et je le maintiens car stalinisme permettrait de réduire le pb à la déviance d’un homme, Staline, qu’on qualifierait vite de pathologique pour nous rassurer et éviter de remettre en question nos certitudes. En en faisant la faute personnelle d’un Staline cela permettrait d’exonérer d’autres « leader maximo » Conducator, Grand Timonier, etc., qui n’ont pas valu mieux et se sont réclamé du communisme : Pol Pot, Kim Il jung, Kim Jong Il, et Mao avec 30 ou 50 millions de mort par famine organisée lors du Grand Bond en avant.

                                  Par contre je n’assimile pas communisme et marxisme contrairement à ce que fait le langage courant et journalistique car le marxisme était à mon sens une analyse intéressante et pertinente et le reste pour analyser les rapports entre forces productives, ou de pouvoir financier, classes sociales, groupes, etc. même si comme toute théorie il est à réactualiser ; mais il n’y a que les pensées mortes qui ne sont plus à réactualiser.
                                  Cordialement.
                                  J.L


                                • epicure 30 décembre 2012 01:58

                                  En fait pour moi stalinisme ne se limite pas à staline mais à tous les régimes qui l’on copié, qui s’en sont inspirés. C’est plus approprié que communisme, car à l’origine le communisme ne repose pas sur les mêmes base que le stalinisme.
                                  Mais staline et ses consorts on fait travailler l’inconscient pour qu’ils soient assimilés au communisme, et non identifié pour c qu’ils étaient vraiment.
                                  D’où les critiques de ptimarc.

                                  @ptimarc :
                                  non ce n’est pas de l’inconscient c’est de l’analyse politique, car les seuls régimes réels qui ont porté l’étiquette communisme en pratiquant la manipulation de masse, méritaient plus le nom de stalinisme, ou un terme décrivant ce genre de régime autre que communisme. Et donc en voyant l’article j’ai rectifié les propos de l’auteur sur ce qu’il voulait signifier ( inconsciemment ? ).


                                • COLRE COLRE 30 décembre 2012 12:47

                                  Passionnant.

                                  J’évoque souvent les effets de « meute », mais c’est évidemment péjoratif. Effet de foule, est préférable, je retiens l’idée.

                                  Tous les éléments que vous listez font « tilt ». On les a tous rencontrés, que ce soit dans les médias ou sur les forums d’internet. « Sans vouloir vous désespérer » dites-vous dans un commentaire, mais vos analyses y conduisent pourtant, car finalement, même si l’individu est conscient des phénomènes de fanatisme dans lesquels il baigne et qui tendent à l’entraîner, que peut-il faire pour contrer cela ?

                                  Une question que je me pose : il existe des moments bien connus dans l’histoire qui expriment ces phénomènes de cristallisation « toxique ». Aujourd’hui, il semble que se développe ce type de processus où l’inconscient collectif se fanatise. Le mot « crise » est le mot attrape-tout. Avez-vous une réponse à l’inéluctabilité ou non de ce phénomène ? sa cause est certainement systémique et complexe, mais avez-vous une explication qui dépasse la classique explication par l’économie, la pauvreté, le chômage, la crise financière ? S’agit-il d’une sorte de loi cyclique inexorable à l’échelle d’une ou deux générations ?

                                  Existe-t-il des liens pluridisciplinaires entre l’histoire et la psychologie sociale ?


                                  • Shawford42 30 décembre 2012 13:10

                                    Éloge de la Fuite : Henri LABORIT / folio essais


                                  • voxagora voxagora 30 décembre 2012 17:41

                                    Il y a les excellents ouvrages de Pierre Mannoni :

                                    - « Les représentations sociales » à l’interface du psychologique et du social,

                                    « De la peur au terrorisme », sur la peur et les phénomènes de foules.

                                    .

                                  • voxagora voxagora 30 décembre 2012 17:43

                                    Bon réveillon à toutes et tous !


                                  • LAFFITTE Jacques LAFFITTE Jacques 30 décembre 2012 22:42

                                    Merci de votre message encourageant.
                                    Votre question est très pertinente mais il n’est pas aisé d’y répondre. Mais comme cela demandera pas mal de développements je vais en faire un article que je soumettrai à Agoravox.
                                    A bientôt donc.


                                  • LAFFITTE Jacques LAFFITTE Jacques 3 janvier 2013 14:05

                                    Merci de votre message encourageant.
                                    Votre question est très pertinente mais il n’est pas aisé d’y répondre. Mais comme cela demandera pas mal de développements j’en ai fait un article que je viens de soumettre à Agoravox. Mais il sera vraisemblablement dans la rubrique Faits de société, s’il est accepté.
                                    A bientôt donc.
                                    Et Bonne Année


                                  • plexus plexus 30 décembre 2012 23:39

                                    Je crains la foule, je la déteste, je l’ai vue à l’oeuvre, pas qu’une fois : rien de bon.
                                    D’abord, elle n’est pas courageuse, s’enflamme, gueule, mais il n’y a plus personne, en dehors des « agiprop » dès que les affrontements risquent de générer plaies et bosses. ;
                                    Si vous en avez l’occasion, vous pouvez visionner les images de la prise d’assaut du siège de l’assemblée nationale chez les rousskis.
                                    C’est éloquent, c’est une belle illustration, et démontre ce que je dis.
                                    Il suffit que soit lancé un mot d’ordre à la con pour que s’enfle la voix de la foule, qui ne réfléchit même pas à la réalité des choses.
                                    A partir de quelques coups de matraque sur la tronche, de jets d’eau, de gaz lacrymogène ou de balles de caoutchouc, tout le monde fout le camp boire un coup au troquet du coin en se racontant ses merveilleux exploits et son imprescriptible défi à l’ordre établi.
                                    Ce qui n’empêche pas mon respect pour votre belle étude.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès