Energies renouvelables en France : un miroir aux alouettes ?
Les énergies dites « renouvelables » ont le vent en poupe depuis plus de deux décennies déjà. Les motivations de leur regain d'intérêt sont multiples, inquiétude propagée par le travail de compilation du GIEC sur une possible dérive préoccupante du climat sur Terre, inquiétude propagée par les médias sur la quantification des risques nucléaires et refus de l'expertise dans ce domaine du pendant du GIEC, l'UNSCEAR et de ses études sur ce risque, avancée vers le pic de production mondial du pétrole, puis du gaz et à plus long terme du charbon (les stocks d'énergies fossiles sont finie), pollutions multiformes engendrées par leur cycle complet d'utilisation à grande échelle, disponibilité locale pour des pays sans réelles ressources fossiles domestiques, coût d'achat de ces ressources, instabilités politiques des pays fournisseurs, etc...
L'utilisation de la biomasse et l'hydroélectricité sont bien sûr de loin, les principales sources d'énergie renouvelable, historiquement. Mais c'est l'apparition récente de l'utilisation électrique de la ressource éolienne et solaire, qui fait l'objet de la plus forte progression, à la fois technique, industrielle et en terme de production d'énergie.
Sommes-nous à l'aube d'un renouveau important du paysage énergétique ?
Ne sommes nous pas plutôt face à un ensemble d'illusions qu'il faudrait décortiquer pour en examiner l'aspect contournables ou pas ?
Une audition récente (mai 2019) de M. Jancovici par une commission, servira de trame à cette discussion. Elle apporte en effet de nombreux éléments factuels qu'on ne peut esquiver d'un revers de main.
Le premier point bien connu est que ces sources ne sont pas constituées sous la forme d'un stock fini, contrairement aux fossiles. Leur source est le soleil et l'espérance de vie de ce gros réacteur thermonucléaire extra terrestre se chiffre en milliards d'années. Donc pas de pic éolien ou solaire prévisible au sens connu pour les fossiles. Par contre, il y a une double limite à leur exploitation qui est le volume de la ressource disponible sur un intervalle de temps et sur un secteur géographique donné, d'une part, d'autre part sur les ressources minérales nécessaires pour fabriquer les convertisseurs de ces deux formes d'énergies en électricité. Nous avons des stocks finis au sens classique pour de nombreux éléments rares du tableau des éléments, indispensables pour les convertisseurs en usage actuellement.
On doit d'ailleurs y ajouter les minéraux nécessaires pour stocker leur production, car leur insertion à petite échelle dans un réseau majoritairement constitué de centrales électrogènes pilotables permet de gérer leur caractère aléatoire et/ou fatal, mais s'ils doivent se substituer à terme aux énergies fossiles, voire au nucléaire, ils faut impérativement inclure dans l'équation d'un réseau pilotable, tout le volet stockage, y compris son coût. Or quand on parle d'un accès à la parité des coûts de production du kwh éolien ou solaire, on compare d'un côté un kwh disponible quand on en a besoin et un disponible quand le vent souffle ou le soleil brille.
Jancovici indique en particulier, qu'en ordre de grandeur, il faut 100 fois plus de métaux pour un réseau électrique basé essentiellement sur des éoliennes et panneaux solaires, avec le stockage à échelle pour remplacer le réseau actuel, chez nous ou ailleurs et le réseau qui va avec. A l'examen, on voit donc qu'on substitue essentiellement à des stocks finis d'hydrocarbures fossiles localisés dans des pays précis, des stocks finis d'éléments du tableau (cuivre, lithium, cadmium, néodyme, etc) situés dans d'autres pays. Cela limite la portée du sentiment d'autoproduction énergétique, de l'aspect écologique avec les multiples exploitations minières à entreprendre pour exploiter vent et soleil et surtout de la montagne de déchets inéluctables dès qu'éoliennes et panneaux solaires seront à grande échelle en fin de service (l'aspect recyclage et élimination).
Il ne faut en effet pas perdre de vue que ce sont deux énergies diffuses (310 km2 de panneaux solaires pour alimenter, au pic de production (soit 10% du temps au maximum) une ville comme Paris ou des éoliennes aux pales de 30m de long sur 800km pour produire autant d'électricité qu'un EPR) qui nécessitent des installations gigantesques (mais dispersées) et des investissements qui le sont tout autant.En ordre de grandeur l'Allemagne a dû investir 300 milliards d'euros pour produire 30% de son électricité avec de l'éolien et du solaire. Somme à renouveler dans 25 ans probablement.
Dans les années 1980, la France dépensa le tiers de cette somme (valeur actuelle) pour produire 75% de son électricité via le nucléaire. Ces centrales pourraient durer 60 ans voire plus avant un éventuel remplacement.
Il faut également remarquer que le coût du kwh éolien et solaire provient du fait qu'il peut compter sur un réseau électrogène pilotable pour fonctionner. Si les allemands ne pouvaient vidanger leurs excédents éolien et solaire sur le réseau européen et si les producteurs de renouvelables devaient assurer la continuité du service 24h sur 24 via le stockage, le coût estimé serait triple, voire sextuple selon les technologies employées. Autant le dire, on se sait pas comment faire tourner un pays entier comme la France ou l'Allemagne sur batterie quand le vent ne souffle pas au milieu de la nuit européenne...
De surcroît, toute production stockée implique des pertes importantes de l'ordre de 25% de l'électricité produite.
Il faut aussi tenir compte du fait qu'il n'y a pas de foisonnement réel en Europe, au sens où globalement il fait jour partout au même moment et le vent souffle un peu partout ou pas au même moment. A un instant donné, la totalité du parc éolien européen peut ne produire que 5% de la puissance installée. Cela a pour conséquence que si tous les pays de la zone d'europe de l'ouest imitaient les allemands, il n'y aurait plus aucun réseau pour éponger les excédents de production, les intervalles de surproduction intervenant aux mêmes moments un peu partout.
Actuellement, le retour d'expérience en Allemagne et en Espagne par exemple indique qu'ils ont résolu le problème d'une production satisfaisant la consommation électrique 24h sur 24 en ajoutant un parc « fatal » (éolien et solaire) à leur ancien parc pilotable (charbon, gaz et nucléaire). Ils ont juste réduit la production de leurs centrales classiques et ont donc un double parc pour un résultat qui en terme d'émissions de CO2 est indiscernable de la pente de régression qui existait auparavant dans ce pays. Cela se comprend quand on ferme des centrales nucléaires en rajoutant des centrales à gaz et charbon pour compenser l'intermittence des renouvelables.
Ces quelques éléments montrent de façon indiscutable que les nouveaux renouvelables ne sont absolument pas une panacée évidente. Ils substituent des dépendances à d'autres, des problèmes environnementaux à d'autres, des coûts à d'autres. Le fait que leur retour sur investissement énergétique soit bien plus faible que le nucléaire et les fossiles n'est qu'un indice qu'il y a encore énormément de travail à faire pour contourner leurs handicaps majeurs.
On ne sait pas faire fonctionner un pays, voire un continent sur « batteries », quel que soit le bouquet de solutions de stockage envisagé. Or empiriquement au milieu de la nuit européenne l'éolien peut ne fournir que 5% de notre consommation électrique. Donc il faut des centrales électrogènes pilotables pour fournir à ce moment 95% de la consommation. Lesquelles ?
Absolument rien n'indique qu'on a et qu'on pourrait exploiter sans conséquences environnementales majeures tous les éléments nécessaires pour fabriquer et centrales et stockage à échelle continentale, voire mondiale. Quid du recyclage de milliers de pales de 30m, des socles en béton qui ne sont pas éternels, des centaines de milliers de km2 de panneaux solaires qui ne sont pas aisément recyclables et peu écolos à la production ? Ne parlons même pas des batteries (au lithium par ex), le stockage en barrage réversible ayant vite ses limites.
Il faudra une recherche gigantesque pour arriver à trouver des solutions acceptables en terme environnemental et financier. Il n'est pas sûr qu'il y aie des solutions techniques à tous les problèmes identifiés.
En résumé, les nouveaux renouvelables déplacent les pénuries et les dépendances, posent des problèmes techniques encore insolubles, seront bien plus coûteux à mettre en œuvre et vont poser de graves problèmes environnementaux, a minima au niveau des exploitations minières et de l'élimination des déchets.
Leur seul réel avantage est de réduire la pression sur la consommation des énergies fossiles, le pic mondial de production de pétrole conventionnel étant désormais dans le rétroviseur depuis plus de 10 ans. On a vu aussi, que si on supprime les sources électrogènes pilotables « bas carbone », le bilan d'un double parc électrogène (fossile + renouvelable) est quasiment neutre. Donc « les nouveaux renouvelables pour sauver le climat », est juste un slogan pour écolos auto-proclamés. Ce n'est pas ce que dit la réalité dans un pays comme la France et plus généralement dès qu'on remplace des centrales nucléaires par des centrales pilotables (donc brûlant des hydrocarbures) pour assurer la continuité du service.
Les Espagnols ont par ex symétriquement à l'essor de l'éolien et du solaire chez eux construit à peu près autant de GW de centrales à gaz que de GW d'éolien et solaire.
Jancovici a le mérite lors de son audition d'appeler un chat un chat. Il pose explicitement la question de savoir si on peut se permettre chez nous, avec une électricité décarbonnée au maximum, de doubler notre parc de centrale (à l'allemande) en remplaçant inévitablement une partie de nos centrales nucléaires par des centrales à gaz. Cela augmenterait mécaniquement nos émissions de CO2 dues au secteur électrogène, une performance qui n'émeut aucun écolo hexagonal qui promeut la décroissance énergétique comme un nouvel eldorado imposé à tous et qui se moque de l'impact réel de ces nouvelles énergies du moment qu'elles remplacent du « nucléaire ».
On aura quand même réussi dans ce pays à claquer 100 milliards d'euros pour des installations qui ne réduisent en rien notre dépendance énergétique, ne réduisent en rien (c'est le contraire, vu l'empreinte de construction de ce nouveau parc) nos émissions de CO2 et nous occasionnent de nouvelles dépendances et plombent notre commerce extérieur. Tout cela pour satisfaire une utopie partagée par une minorité de la population.
Les réponses pour réduire nos émissions de CO2 à coût minimal sont multiples et fort éloignées de la politique publique énergétique actuelle. Arrêter l'éolien et surtout le solaire pour la production électrique, refaire le parc électronucléaire, remplacer le chauffage par hydrocarbures par des pompes à chaleur avec isolation massive du parc résidentiel actuel et nos véhicules par des véhicules consommant 2l/100km (bien moins massifs) et en développant les alternatives à la voiture. Dans un second temps éventuellement électrification du parc automobile.
En l'absence du recours aux hydrocarbures pour la production électrique, pour le chauffage et le transport par route, nos émissions effectives de CO2 plongeraient bien plus qu'en doublant ou triplant nos investissements actuellement consentis dans l'éolien et le solaire (sachant que la plupart des matériels sont importés). Mais c'est un effet collatéral d'une meilleure utilisation de nos moyens financiers pour réduire nos importations, notre vulnérabilité énergétique et notre empreinte environnementale plus globale.
Est-ce à une poignée d'hystériques de nous plomber financièrement au détriment de tout bénéfice environnemental ? On peut se poser la question en effet.
On posera sans doute la question à M. Jancovici, qui fait partie depuis quelques mois du « Haut conseil pour le climat », une action chargée d'informer la puissance publique notamment sur les moyens à mettre en œuvre pour tenir nos engagements en matière d'émissions de CO2.
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