L’accusation d’antisémitisme
Il fut une époque où l’autorité ecclésiastique pouvait éliminer un gêneur en le frappant d’anathème. « Antisémite ! » joue ce rôle. Bienvenue au Moyen-Âge 2.0
Le problème de nos contemporains est qu’ils se forgent trop souvent une opinion, sur à peu près tous les évènements, sans jamais prendre la peine de diversifier leurs sources d’information. Les journaux télévisés et le traitement qu’ils proposent de l’information sont devenus l’unique source du « savoir » pour de très nombreux Français. Or, l’affaire Dieudonné nous a fait entrevoir à quel point l’information peut être manipulée, travestie, caricaturée pour être adaptée aux intérêts de ceux qui la traitent et la diffusent. Sans parler des informations qui, non conformes avec le « savoir » que le grand public est autorisé à détenir, ne sont tout simplement pas diffusées, ou avec partialité. Ainsi, ceux qui désirent approfondir certains évènements, ou entendre un autre son de cloche, sont souvent obligés de se tourner vers les médias alternatifs indépendants, visibles uniquement sur Internet. C’est en ceci qu’Internet représente un réel danger pour le pouvoir, lui qui avait traditionnellement compté sur les médias pour faire savoir au peuple ce qu’il voulait qu’il sache ; voilà pourquoi il ambitionne à ce point d’en prendre le contrôle, son but étant d’en adapter le contenu, ou plus précisément le « conformer », ce qui constituerait une entreprise de rééducation au sens que l’entendent les pouvoirs totalitaires.
Il en est ainsi des concepts de racisme et d’antisémitisme. Ces mots, très mal compris de nos contemporains, pour lesquels on avait pu jusqu’à présent se contenter de définitions pour le moins assez floues – car ils n’avaient jamais été à ce point au cœur de l’actualité ni utilisés à une telle fréquence, avec tant d’insistance -, appellent aujourd’hui à un meilleur éclairage.
Qu’est-ce donc que le racisme ? D’après le dictionnaire, il s’agit d’un ensemble d’idées, d’attitudes et de pratiques destinées à opérer une discrimination et une hiérarchisation entre des groupes humains, certains étant considérés comme supérieurs à d’autres. Comme on le voit ça ne veut pas dire grand-chose, ou pour le moins, c’est assez éloigné de la réalité quotidienne, et même passablement abstrait.
Qu’est-ce que l’antisémitisme ? Il faut tout d’abord noter que ce mot n’est pas approprié. Le mot sémite désigne à la fois les peules arabophones, les Ethiopiens sémitiques, et les juifs, bien que ces derniers soient en réalité, d’après certaines études, majoritairement représentés par les Ashkénazes originaires d’Europe, dont les ancêtres se sont convertis au Judaïsme et qui en conséquence ne sont pas à proprement parler des sémites. Remarquons d’ailleurs que l’image du juif véhiculée par la propagande vichyste était caricaturale, la judaïté ne pouvant dans la plupart des cas être associée à des caractéristiques physiques précises (du moins visibles), méditerranéennes par exemple.
Les notions de hiérarchisation et de supériorité, si elles interviennent dès lors qu’il est question de race – ainsi les Blancs considérés longtemps comme fondamentalement supérieurs aux Noirs -, se trouvent totalement privées de sens lorsqu’elles s’appliquent à une confession. Et le Judaïsme est une confession, pas une race. Des Blancs, des Arabes, des Noirs, peuvent être nés juifs ou s’être convertis au Judaïsme. Par conséquent, lorsqu’un Blanc catholique méprise son voisin juif, Blanc lui aussi, au seul prétexte qu’il est juif, peut-il raisonnablement être qualifié de raciste anti-juif ? Non, puisque la notion de race n’intervient pas dans ce cas ! On ne doit pas parler de racisme anti-juif mais d’une hostilité au peuple juif, ce qui représente d’ailleurs la définition de l’antisémitisme. Pourtant, là encore une question se pose : qu’est-ce que le « peuple juif » ? Je ne vais pas m’appesantir sur le sujet, car il est très vaste, mais plutôt renvoyer ceux qu’il intéresse à l’ouvrage de Shlomo Sand, historien israélien et professeur à l’Université de Tel-Aviv, « Comment le peuple juif fut inventé », chez Fayard (voir Wikipedia). Pour cet auteur, qu’on ne saurait taxer d’ignorance et d’incompétence, voire d’antisémitisme, il n’existe pas de peuple juif. Il existe bien entendu un peuple israélien, c’est-à-dire un ensemble d’êtres humains vivant sur le territoire d’Israël, qu’ils soient juifs, catholiques ou musulmans. Mais puisqu’il n’existe pas à proprement parler de peuple juif, le terme d’antisémitisme doit être compris uniquement comme visant une communauté religieuse, celle des êtres humains de confession juive, à quelque race ou contrée qu’ils appartiennent, et non pas seulement aux habitants juifs d’Israël. Pourtant les sionistes, c’est-à-dire les personnes qui revendiquent l’héritage du mouvement politico-religieux visant à créer un Etat juif en Palestine – ou qui plus généralement approuvent la politique et les ambitions de cet Etat -, se le sont approprié, et plus encore, ont été jusqu’à confondre dans une même ignominie les concepts d’antisionisme et d’antisémitisme.
Il faut savoir que le sionisme n’a dérangé personne jusqu’à la première Intifada, mais que celle-ci s’est révélée désastreuse pour l’image d’Israël. C’est en effet à cette date que le pays est apparu aux yeux du monde comme un Etat colonisateur, et que le mot sionisme a été associé à celui de colonisation, avec tout ce qu’il implique de brutalité. La posture visant à confondre en un seul concept antisionisme et antisémitisme visait probablement à interdire toute critique du sionisme, à cause de l’image négative qu’il avait acquis … et qui l’avait rendu critiquable aux yeux des partisans de la cause Palestinienne. Ne restait plus qu’à convertir ce tour de passe-passe (antisioniste = antisémite) en une vérité universelle en laquelle tous les peuples croiraient. Objectif atteint, on ne sait trop comment mais on est en droit de se poser la question, et ceci malgré que l’antisémitisme n’ait fondamentalement aucun lien, proche ou lointain, avec l’antisionisme. Ceux qui prétendent le contraire sont soit des ignorants, soit des manipulateurs. L’antisémitisme a toujours existé en Europe au cours des deux derniers millénaires, alors que le sionisme date de la fin du 19ème siècle. Maintenant, on peut toujours élever au rang de vérité biblique l’affirmation selon laquelle l’antisémitisme a trouvé une source supplémentaire de nourriture dans la condamnation du sionisme en tant qu’avatar du colonialisme. C’est un petit jeu sans fin, mais dont les conséquences sont gravissimes sur l’image du voisin juif.
Notre catholique de tout-à-l’heure ne se sent pas supérieur au juif en tant qu’être de chair et de sang, le méprisant alors pour sa prétendue infériorité raciale ; il le méprise parce qu’il appartient à une confession différente de la sienne, tout comme il mépriserait un musulman. Mais ce n’est pas tout, et la réalité est loin d’être aussi simple. Car il faut ajouter une autre composante, qui est celle de la réputation. Le catholique méprise le juif parce qu’il le dit assoiffé de pouvoir et adorateur de l’argent, tout comme il mépriserait le musulman au prétexte que ce dernier refuse d’adopter les coutumes de son pays d’accueil et qu’il est possédé par une propension compulsive au jihad. La première Intifada est venue ajouter un ingrédient à la perception quasi inconsciente qu’avait le catholique de son voisin juif : celui de tyran, de tueur d’enfants palestiniens. Bien stupidement il faut l’admettre, car aucun juif n’est de par sa naissance membre de la Knesset, ni conséquemment ne participe à la politique de colonisation des Territoires palestiniens. Ni même ne possède la moindre influence sur ceux qui la conduisent. Mais mieux encore, il n’est pas nécessairement sioniste, loin s’en faut, et répandre l’idée contraire serait une atteinte à la liberté d’être et de penser du voisin juif. On trouve par ailleurs de nombreux rabbins antisionistes.
Alors que signifie l’accusation d’antisémitisme lancée par un sioniste de dimension publique à un détracteur de la politique israélienne ? Elle vise à le culpabiliser aux yeux de tous, donc à dévaloriser sa parole, ce qui permet de faire passer les vérités qu’il proclame pour autant d’affabulations mal intentionnées. Elle est l’équivalent de « sale raciste », ou plus précisément de « sale raciste anti-juif ». Une fois que vous portez l’étiquette d’antisémite, ce que vous dîtes perd toute autorité. Vous vous retrouvez faire partie de l’extrême-droite et posséder un cerveau malade. Vous êtes mat avant d’avoir pu bouger une pièce, et dans les médias la chasse est déclarée ouverte. Du bon boulot de terminator !
Cette entreprise d’élimination de la parole contradictoire ne repose pourtant que sur deux principes : l’ignorance et la culpabilité. S’agissant de l’ignorance elle est facile à entretenir : il suffit de conserver en l’état tout ce qui est diffusé à la télévision, et notamment dans les journaux télévisés (Arte journal mis à part), comme je l’ai dit principale source de « savoir » des peuples. Pour ce qui concerne la culpabilité les choses sont plus compliquées. Ce n’est pas un objet palpable, on ne la manipule pas facilement. On peut cependant s’arranger pour que le passé se conjugue au présent. Ce passé c’est Vichy, c’est l’odieuse déportation des juifs de France, c’est aussi l’Holocauste. La culpabilité doit être entretenue, elle porte alors le nom de devoir de mémoire : « voyez comment vous avez traité vos compatriotes juifs, ô barbares ! Que la honte soit sur vous et sur les fils de vos fils, et que tous se souviennent et se repentent à jamais ! ».
Imaginons le climat des relations franco-allemandes si chaque jour qui passe nous rappelions à nos voisins les actes horribles auxquels ils se sont livrés durant l’Occupation, ou si de leur côté ils nous remettaient en mémoire les ravages que les guerres napoléoniennes ont occasionnés sur leur sol ! Imaginons encore ce qu’il en serait des relations américano-japonaises si ces derniers réclamaient de la part de l’Amérique qu’elle se repente éternellement pour les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ! L’histoire des peuples, et il suffit pour s’en convaincre de consulter les livres d’Histoire, s’est construite autour de conflits et de guerres. On ne peut pas élever un mémorial à chacune des horreurs auxquelles les hommes se sont livrés, on ne peut pas se repentir ad vitam aeternam de toutes les atrocités commises.
Il faut que chacun apprenne à pardonner le passé et permette ainsi à tous de tourner les pages douloureuses. Il faut que cesse le climat de violence entretenu en France par certains à seule fin de servir leurs intérêts. Il faut que le gouvernement cesse de s’associer à leur entreprise et mette fin à la déconstruction sciemment orchestrée de la cohésion sociale. Il faut pouvoir se souvenir sereinement, ce qui veut dire mettre un terme à la culpabilisation, et pour cela il faut que chaque Français se demande ce que signifie pour lui être dès sa naissance déclaré coupable d’actes qu’il n’a pas commis.
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