La dernière tentation du brochet
Voilà un petit billet qui ne fera pas date et sera sans doute vite oublié, comme beaucoup d'autres, par les fidèles d'Agoravox. Car la souffrance animal est un sujet particulièrement gênant et culpabilisant pour les consommateurs que nous sommes de cadavres mijotés ou grillés, ainsi que pour les malades qui n'ont pas d'autres choix que de se soigner à l'aide de médicaments d'abord testés sur ceux que nous appelons hypocritement nos amis les animaux. Je ne me fais aucune illusion, après la lecture de ce texte sans prétention personne ne versera une larme en dévorant son steak saignant ou n'aura une pensée reconnaissante et attristée pour la vache victime de notre gourmandise. Il faut bien vivre !
Rassurez-vous, il n'est nullement question ici de vous décrire l'agonie du poulet qu'on égorge ; pour les détails adressez-vous plutôt à Brigitte Bardot. Et puis n'avons-nous pas tellement d'autres sujets de préoccupation que la condition animale. La pauvreté, la faim dans le monde et bien d'autres encore, comme en ce moment la guerre au Mali ou l'état d'âme des curés. Alors en comparaison avec la misère du monde, l'avenir des petites bêtes qui nous entourent dans tout cela, a semblerait-il si peu d'importance.
C'est un article du Canard enchaîné de cette semaine, dans la rubrique "Conflit de canard" et intitulé "La conscience du poulpe" qui a aiguisé mon sentiment de culpabilité envers ces créatures que nous aimons... manger. Saviez-vous que "depuis le 1 janvier, une directive européenne interdit de martyriser les poulpes et consorts au motif que " leur aptitude à éprouver de la douleur, de l'angoisse et un dommage durable est scientifiquement démontrée".
Quelle terrible nouvelle, le poulpe aurait donc conscience qu'il va être bouffé. Mais alors on peut aussi imaginer que l'ablette que le pêcheur a loché soigneusement au bas de ligne avec une aiguille passée sous la peau du poisson, pourrait souffrir d'abord physiquement puis psychologiquement à l'approche du brochet. Inutile ensuite de vous décrire la terreur du carnassier qui sait parfaitement qu'il ne pourra pas survivre en dehors de l'eau, si malgré sa lutte désespérée il n'arrive pas à échapper à la convoitise de son prédateur. Dans le même ordre d'idées, à quoi peut bien penser la biche lorsqu'elle comprend qu'elle n'a aucune chance d'échapper aux chasseurs, ou le boeuf dans l'abattoir qui sent l'odeur du sang et que sa fin est proche, ou la souris devant la seringue qui va lui inoculer une grave maladie.
Pour autant, même si vous êtes rongés comme un os par vos remords carnivores, faut-il cesser de manger de la viande ou ne plus se soigner pour éviter un calvaire aux animaux. Sans doute non ! En conclusion le Canard enchaîné qui a peut-être publié cet article par crainte d'être plumé déclare : "De quoi regarder différemment le poulpe dans son assiette ou le homard au moment de le précipiter dans une casserole d'eau bouillante !" Ce qui ne changera rien à la destinée cruelle de toutes ces bêtes que nous dévorons. Bon appétit quand même !
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