• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > « La femme au miroir » recèle-t-il un message évangélique ?

« La femme au miroir » recèle-t-il un message évangélique ?

Auteur à succès de romans, nouvelles, pièces de théâtre, films, etc., Eric-Emmanuel Schmitt a dernièrement publié un beau livre, La femme au miroir, bâti autour de trois personnages, trois femmes qui, à différentes époques, luttent pour sortir du système d’attentes au travers duquel la société se perpétue en produisant et consommant des êtres conformes à ses besoins. Ces femmes qui, tour à tour, briseront le miroir social devant lequel la plupart d’entre-nous restent hypnotisés, seraient-elles en définitive la même femme ? Cette question posée en quatrième de couverture ouvre sur la possibilité que le livre n’ait qu’un seul héros, une femme qui, lors de trois incarnations successives, s’invente à chaque fois un chemin vers la liberté. La manière dont elle le fait ne peut manquer d’interroger lorsqu’on sait qu’Eric-Emmanuel Schmitt a connu une expérience de conversion. Se pourrait-il qu’après avoir abordé les traditions chrétienne, coranique, juive mais aussi le bouddhisme, tant tibétain que zen, Eric-Emmanuel Schmitt soit revenu, l’air de rien, nous camper une héroïne proprement christique ? C’est ce que l’on pourrait penser en observant que, tout en restant discret, le sacrifice constitue la pierre angulaire de ce livre. Cet article est une manière personnelle d’adresser la question à l’auteur et de le remercier pour son témoignage.
Je ne lis jamais de romans. Jamais. A l’exception de Une amitié absolue, polar un peu décevant de John Le Carré, le dernier que j’ai en mémoire, c’est Le Parfum de Süskind, enthousiasmant mais, voyez, je vous parle d’un autre siècle...
Pourtant, quand j’ai vu qu’Eric-Emmanuel Schmitt était de passage à la Réunion à l’occasion de la sortie de La femme au miroir, j’ai senti qu’il fallait que je m’y intéresse. La voix silencieuse de celui qu’après avoir lu Jovanovic j’appelle mon ange me poussait à nouveau à bousculer mes habitudes.
J’ai cédé parce que j’avais lu récemment qu’Eric-Emmanuel Schmitt a connu une expérience de conversion et j’ai senti que ce qu’il avait à dire pourrait me concerner.
Dans un premier temps, aussi bien écrit qu’il soit, le livre m’a déçu. Ce n’était donc que cela ? Trois histoires de femmes en lutte avec leur temps ? Et quelle importance qu’elle ait pu être la même ? Il faut dire que j’avais eu du mal avec le personnage d’Anne, qui vit au XVIe siècle, mais qui m’est apparue bien trop actuelle dans sa psychologie pour ne pas susciter une dissonance qui m’a interdit d’entrer pleinement dans l’histoire.
Plutôt que de me laisser emporter par cette dernière, je l’ai analysée, mais ma grille de lecture s’est révélée un piètre filet. Même la légèreté, presque la joie avec laquelle Anne consentira à sa mise au bûcher, bien que lourde de signification sous le rapport du sacrifice, me paraissait trop isolée pour faire sens.
Malgré tout, ma petite voix me disait que je n’étais pas quitte avec ce livre et que la frustration, presque la colère que j’éprouvais était une erreur due à mon empressement.
C’est pourquoi je l’ai proposé à ma compagne, que je sais délicieusement hystérique au sens lacanien du terme donc fervente amatrice de bons livres. Il me semblait qu’elle pourrait adorer celui-ci, ne serait-ce qu’en raison de l’orientation féministe de l’ouvrage. C’est ce qui s’est passé. Elle l’a lu avec passion et tout du long n’a cessé de m’en parler, tant pour s’extasier des passages forts qu’elle y trouvait que pour s’interroger sur la signification des situations décrites.
Nous y avons passé le week-end. J’ai pris un immense plaisir à ruminer avec elle le détail et la trame de ce livre. Mais nous n’avons abouti à rien de bien clair, la thèse de l’ouvrage ne m’apparaissait pas et je commençais à douter qu’il en ait une. Le fait que les héroïnes brisent le miroir social pour agir librement selon leur nature plutôt que selon les conventions du temps me paraissait trop peu original pour constituer un « message ».
C’est la veille du passage de Eric-Emmanuel Schmitt à Saint Pierre où j’habite que les pièces du puzzle se sont soudainement agencées.
La première chose qui m’a frappé, c’est un jeu de miroir entre le passé et l’avenir au sens où tout en s’incarnant dans une histoire ancienne, le personnage d’Anne apparaît comme le reflet exact ou le portrait parfait de l’être « réalisé », accompli, dans la « présence  », présence à soi, à la réalité, à Dieu, vers lequel s’efforcent actuellement de tendre les personnes et les mouvements religieux ou spirituels un peu sérieux.
La deuxième chose qui me semble très significative, c’est le dévalement qui, d’Anne à Hanna puis Anny, reproduit l’évolution des sociétés modernes et postmodernes. En effet, Anne, qui vit à la Renaissance, est un être intègre avec une âme en paix quand Hanna, qui vit au tournant du XXe siècle, a seulement un ego tourmenté par les conflits de la névrose et qu’Anny, notre contemporaine, désintégrée, véritable champ de bataille, n’a plus qu’un corps meurtri, sans personne à bord, sans pilote autre qu’automatique, puisque l’auteur lui fait avouer qu’elle ne parvient au sentiment d’exister que dans la fiction, dans le jeu d’actrice dont elle a fait métier.
Si on tient ces deux observations ensemble, la question qui vient alors tout naturellement est de savoir comment nos sociétés, c’est-à-dire, l’humanité qui — il suffit d’observer la jeunesse actuelle pour s’en convaincre — a dévalé jusqu’au stade où se trouve Anny pourrait espérer reconquérir les sommets et rejoindre cette Eve future qu’est Anne ?
De prime abord, il semble que le livre n’aborde pas ce thème redoutable puisqu’il se termine sur une impression de boucle bouclée avec l’actrice Anny jouant Anne de Bruges mise au bûcher dans un film qui lui est consacré.
Cependant, ma petite voix me disait que, l’auteur étant croyant, non par héritage mais par conversion, le livre devait forcément aborder le thème de la reconquête de l’Etre, serait-ce même de manière seulement allusive.
De fait, si on imagine le miroir où Anne se mire et nous donne à voir l’image de l’être humain « réalisé » de l’avenir, la désescalade de Anne à Anny n’a-t-elle pas pour reflet une pente inverse, celle de la rédemption qui va de Anny jusqu’à Anne ?
Il ne me semblait pas possible qu’après qu’il ait tracé la trajectoire du dévalement des êtres, le livre s’arrête comme cela, en nous laissant tout en bas, au pied du miroir, dans une vallée de larmes, dans un présent aussi déjanté, effondré, conflictuel et désespéré que pouvait l’être Anny.
C’est alors qu’il m’est apparu que, l’air de rien, avec, pourrait-on dire, des femmes comme miroirs aux alouettes, l’auteur avait bel et bien placé au cœur de son ouvrage, l’élément clé de la rédemption dans la tradition chrétienne, à savoir, le sacrifice.
Je m’explique et je finirai par là : il y a des raisons théologiques et anthropologiques de penser que la révélation chrétienne constitue un moment de bascule dans l’histoire de l’humanité. Un moment marqué par le passage d’une forme sacrificielle à une autre.
La première, archaïque, assure, selon René Girard, la réconciliation des communautés par la violence : la violence de l’accusation et de la mise à mort de l’autre, le monstre dont la disparition nous laisse en paix les uns avec les autres bien qu’il ne soit qu’un bouc émissaire.
La seconde forme de sacrifice, dont le Nouveau Testament s’est fait porteur en nous révélant, justement, l’existence du mécanisme du bouc émissaire et le caractère frauduleux de la réconciliation violente qu’il amène, c’est le renoncement à soi, le sacrifice de soi, qui seul permet une réconciliation non violente des groupes humains justement parce que celui qui se sacrifie n’accuse personne, il « prend sur lui », comme l’a fait le Christ.
A ceux qui se croiraient absolument étrangers à tout cela et ressentiraient l’aversion, le dédain ou l’irritation avec lesquels l’époque traite des convictions chrétiennes lorsqu’elles font irruption dans l’espace public, je dirai que, pourtant, sans le savoir, non seulement ils baignent, mais ils nagent à tout instant dans cet univers néotestamentaire, comme le montre très bien la question de la responsabilité.
Il est un fait que nos sociétés, justement parce qu’elles sont individualistes, ont amplement contribué à faire de la responsabilité sinon une vertu, du moins une valeur, un pilier du vivre ensemble. Tous, pour la plupart, nous tentons d’éduquer nos enfants avec l’espoir qu’ils deviennent des personnes responsables. Or que veut dire être responsable ?
Entre autres choses que nous n’allons pas recenser ici, ce terme désigne la capacité à assumer ses erreurs, ses fautes, ses manquements, etc. Lorsque dans un groupe qui vit un échec quel qu’il soit une personne sait reconnaître qu’elle est en cause et s’abstient par là même d’accuser les autres — en particulier, le lampiste qui, tout en bas de la hiérarchie, sert généralement de bouc émissaire —, cette personne apaise immédiatement le groupe car chacun sait alors qu’il n’aura pas à se défendre d’accusations qui pourraient tomber sur n’importe qui, comme on tire le roi de pique dans un jeu de carte. Prendre l’accusation pour soi, « prendre sa patate chaude » comme on dit, voilà bien le sacrifice de soi porteur de paix dont nous reconnaissons la légitimité mais pas l’origine. Or, on peut penser que l’essence du message christique se trouve là : dans cette capacité à renoncer à sa propre défense pour en venir, unilatéralement, sans condition, à reconnaître ces choses qui nous mettent en cause, et contribuer ainsi, autant que faire se peut, à la paix.
C’est, bien sûr, la chose la plus difficile du monde puisqu’en agissant de la sorte, nous allons directement à l’encontre de nos tendances narcissiques. Nos politiciens, par exemple, en sont absolument incapables. A l’exception de ceux qui viennent du monde anglo-saxon où, après la révélation de quelques frasques, sexuelles ou autres, la confession des hommes publics est devenue un rituel indispensable à la réconciliation avec le peuple.
Pour Anny, qui n’existe que lorsqu’elle est actrice, la venue au sacrifice de soi ne sera cependant pas trop difficile car elle s’accomplira précisément dans le jeu, lorsqu’Anny a l’intuition (son ange ?) que pour jouer de manière juste la scène du bûcher, elle doit cesser de subir le supplice pour y venir avec un plein consentement, comme l’a fait Anne.
Il semblerait qu’en rejouant cette scène, en en faisant le reflet de la précédente prise, mais sur le versant du consentement au sacrifice, Anny traverse le miroir et vienne ainsi sur le chemin de la rédemption, en route vers Anne qui, par cela même, apparaît pour ce qu’elle est en définitive : une figura Christi.
De fait, Anne est intemporelle, éternelle, idéale. S’il y a eu semblant de reflets entre le passé et l’avenir, c’est tout simplement parce qu’elle ne change pas, elle ne passe pas.
C’est elle qu’Hanna rejoint aussi lorsqu’au lieu d’aller au devant de ses compatriotes pour se sauver, elle se solidarise du groupe qu’ils vont massacrer. Elle fait le choix d’être avec les victimes, le choix, encore une fois, du sacrifice de soi.
Ce que le livre La femme au miroir donne alors à voir, je crois, c’est le fait que, quel que soit notre dévalement personnel, nous sommes toujours à une bascule près de la rédemption ; cette bascule consistant à lâcher l’incessant souci de soi qu’est l’ego pour vivre enfin, sans peur, rendus au présent par l’abandon de soi, par le sacrifice de soi.
Nous aimons tous cette bascule lorsqu’elle advient pour le meilleur, lorsque nous tombons en amour. Ce à quoi le message évangélique nous invite, c’est à l’accepter aussi lorsqu’elle advient pour le pire : notre mise en cause. La paix est à ce prix, notre rédemption est à ce prix.
Mais nous le valons bien n’est-ce pas ?
* *
*
Lors de la soirée littéraire organisée à Saint Pierre j’ai pu exposer, au moins dans leurs grandes lignes, ces quelques réflexions à Eric-Emmanuel Schmitt. A ma grande joie, il les a grosso modo validées avec seulement quelques réserves marginales.
Bien entendu, comme il n’avait guère le temps d’approfondir, j’imagine que de nombreux points ici avancés pourraient prêter à discussion, sinon à controverse, de sorte que le présent texte est seulement une interprétation et non pas un dévoilement de la pensée de Eric-Emmannuel Schmitt, même s’il a déclaré fort gentiment que je l’avais « déshabillé ».
Pour finir, je crois savoir pour quelle raison j’ai pu être « poussé » à venir rencontrer cet auteur. Ce n’est pas seulement pour la découverte de son livre et la jouissance intellectuelle que m’a procuré le fait de le lire sous l’angle de l’anthropologie girardienne et du message évangélique.
C’est aussi parce qu’une personne lui a demandé de raconter sa conversion. Il nous en a fait le récit avec beaucoup de simplicité et de naturel. Et il a complètement changé le sens de ce que j’avais moi-même vécu de semblable. Cela simplement en m’y ramenant, en ravivant la mémoire de ce moment indescriptible où une présence infiniment bienveillante m’avait amené à porter, sur le monde et sur la vie, un regard débarrassé de toute peur, de toute angoisse, de toute crainte des vicissitudes. Il m’a rappelé que si la con-fiance (avec foi) n’est pas à l’origine de nos actes, elle n’en sera jamais la conséquence.
 Je voulais le remercier pour cela et ce texte en est le moyen.

Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (7 votes)




Réagissez à l'article

17 réactions à cet article    


  • Gabriel Gabriel 9 février 2012 08:31

    Auteur à la plume mystique intéressante, dans son ouvrage « l’évangile selon Pilate » j’ai trouvé de fortes similitudes quant à la posture intellectuelle avec celui de Gérald Messadié dans « L’homme qui devint Dieu » Il m’apparaît comme une évidence que la générosité littéraire de ces auteurs transpire dans les messages issues de leurs expériences christiques qu’ils veulent nous faire partager. Merci pour votre avis sur ce dernier livre, vous m’avez donné l’envie dans faire une de mes prochaines lectures.


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 février 2012 10:24

      Merci pour vos informations qui m’intéressent grandement et ravi d’apprendre que je vous ai donné envie de lire « La femme au miroir »  !


    • easy easy 9 février 2012 10:04

       «  »«  »" Or, on peut penser que l’essence du message christique se trouve là : dans cette capacité à renoncer à sa propre défense pour en venir, unilatéralement, sans condition, à reconnaître ces choses qui nous mettent en cause, et contribuer ainsi, autant que faire se peut, à la paix.

      C’est, bien sûr, la chose la plus difficile du monde puisqu’en agissant de la sorte, nous allons directement à l’encontre de nos tendances narcissiques. «  »«  »«  »

      Ici, vous nous invitez à focaliser sur le problème du rapport de soi aux autres en considérant que ça définit le message christique.
      Je conviens qu’il y a de quoi le penser.
      Et pour établir votre thèse, vous avez donc rassemblé le maximum d’arguments exprimant cette relation aux autres (avec souffrance, sans souffrance).

      Mais surlignez tous les mots de votre texte exprimant un moindre rapport au temps et vous constaterez que même en écartant le principe de la conjugaison que notre langue oblige, il y en a beaucoup.

      Il y en a beaucoup alors que ce n’était pas du tout ce que vous cherchiez à amasser

      Il se pourrait donc que notre problématique, quoique apparemment liée à notre rapport aux autres, soit en réalité liée à notre rapport au temps et plus exactement au fait que les autres ensemble l’incarnent mieux que soi seul.

      Un monde où 7 milliards d’individus naîtraient et mourraient en même temps, serait très différent et se passerait complètement de toute métaphysique.


      Alors que là, chacun de nous se retrouve mortel face à une masse immortelle surgie on ne sait d’où, allant on ne sait où.

      C’est du reste pour s’approprier cette propriété divine qu’a la masse, même hyper gentille et câline, d’être éternelle, que chacun de nous la triture, tente de s’en saisir, de la bouffer, d’une manière ou d’une autre jusqu’à parfois la haïr de dépit.

      Eh oui, même une masse constituée de gentils, par sa seule immortalité, nous poserait problème métaphysique.

      Ce serait dans cette problématique métaphysique que s’inscrirait la propension des hommes à faire des enfants.

      Dieu serait le temps que la masse révèle à chacun et les Evangiles seraient une proposition de pensée consolatrice.

      « Buvez le message évangélique et vous deviendrez toujours partout »
       

      • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 février 2012 10:22

        @ easy

        "Mais surlignez tous les mots de votre texte exprimant un moindre rapport au temps et vous constaterez que même en écartant le principe de la conjugaison que notre langue oblige, il y en a beaucoup.« 

        Désolé, je ne vois pas de quoi vous parlez. Mais alors pas du tout. Vous m’invitez à surligner. Mais pourriez-vous le faire vous-même puisque vous voyez de quoi vous voulez parler et pas moi ?

        Le temps qui passe, la finitude, la certitude de la mort ne sont pas des conceptions apparues dans un champ conceptuel »laïque« qui aurait ensuite, secondairement, amené l’invention de la religion comme consolation.

        C’est une hypothèse assez faible (comme en voit beaucoup dans les approches scientifiques ou philosophiques). Elle est faible ou triviale car elle méconnait le fait que la pensée humaine et, je dirais même la conscience proprement humaine se sont constituées (selon l’hypothèse de René Girard, que je suis complètement ici même si c’est avec des nuances importantes) dans le sacrificiel sur lequel est fondé l’ensemble des cultures premières, qui toutes avaient trait au sacré et étaient donc de nature religieuse.

        La pensée »laïque", naturalisée, scientifique qui nous semble l’évidence actuellement est liée à un retrait du religieux, du sacré.

        Nous sommes comme ces hommes évoqués par Nietzsche qui, parce qu’ils échangent des pièces usées dont la marque s’est effacée, croient qu’elles sont naturelles, faites de métal, et oublient qu’elles sont issues d’un sacré à présent disparu à nos yeux, mais qui pourtant reste à l’oeuvre.


      • easy easy 9 février 2012 12:07



         

        Vos mots ayant quelque rapport au temps.

        Dernièrement
        différentes époques
        système d’attentes 
        société se perpétue 
        tour à tour
        définitive
        lors de trois incarnations successives
        à chaque fois
        a connu
        après
        traditions
        soit revenu
        jamais
        Jamais
        Dernier
        Mémoire
        autre siècle...
        passage
        à l’occasion
        après
        à nouveau
        mes habitudes.
        j’avais lu récemment
        a connu
        Dans un premier temps
        en lutte avec leur temps
        elle ait pu être la même
        qui vit au XVIe siècle
        bien trop actuelle
        histoire.
        mon empressement.
        C’est ce qui s’est passé
        tout du long n’a cessé
        Nous y avons passé le week-end
        je commençais
        conventions du temps
        C’est la veille
        se sont soudainement
        La première
        entre le passé et l’avenir
        histoire ancienne
        l’évolution des sociétés modernes et postmodernes
        Renaissance
        qui vit au tournant du XXe siècle
        notre contemporaine
        jusqu’au stade
        De prime abord
        l’avenir,
        s’arrête
        dans un présent
        m’est apparu que
        je finirai par là
        moment
        Un moment
        La première
        l’époque
        à tout instant
        néotestamentaire
        deviennent
        l’origine
        la venue
        définitive
        intemporelle, éternelle, idéale.
        passé et l’avenir
        ne change pas, elle ne passe pas.
        rendus au présent
        advient
        advient
        Lors
        guère le temps

         


         
        Il se pourrait, c’est à vérifier, que bien que vous vous soyez efforcé de rassembler tout ce qui a trait au sacrifice, il y ait moins de mots s’y rapportant que de mots se rapportant au temps.


        Mais entendez-moi bien, il y a sacrifice.
        Il nous apparaît bel et bien un sacrifice. Oh oui.
        Quiconque vit la vie la plus tranquille qui soit, ressent, du fait de la problématique que lui pose l’immortalité révélée par la masse qui est éternelle, l’impression que sa vie est un sacrifice. Et que ce sacrifice de chacun, parce qu’il est décalé en date par rapport aux autres, forme in fine l’immortalité de la masse.

        Il ressort aux yeux de chacun que son propre sacrifice profite à l’immortalité de la masse alors qu’il en subit le fouet s’il ne sait en tirer profit.

        Ce sacrifice de base (accompli dans le cadre d’une vie peinarde) ressort à chacun plus important et alors injuste si, au lieu de vivre tranquille, il se voit devoir supporter des souffrances plutôt exceptionnelles, s’il a trop l’impression d’être imposé et si, in fine, il se voit mourir vraiment trop jeune.


        Je suis parfaitement d’accord sur tout ce que vous dites autour du sacrifice. Mais je le comprends, ce sacrifice, comme étant l’avatar de notre problématique face au dieu temps.


        Vous iriez à placer le concept du sacrifice plutôt en amont de tout, moi plutôt en aval


        «  »«  »La pensée « laïque », naturalisée, scientifique qui nous semble l’évidence actuellement est liée à un retrait du religieux, du sacré.«  »«  »
        Un enfant grandissant seul sur une île, sera et restera laïc.
        Le sacré, le religieux naît du constat de notre finitude ./. à l’infinitude de la masse

        Arrive alors la question :
        Si donc au départ, Adam seul ne ressentait pas la problématique du temps et de sa finitude, si la finitude n’a été révélée à ses descendants qu’au fur et à mesure qu’ils ont constaté leur mortalité face à la masse immortelle, s’ils ont donc bu des Evangiles pour se consoler, pourquoi, au moment où la masse est devenue énorme, des hommes se sont mis à laïciser ?

        Ma réponse à cette question est que nous n’avons pas d’abord laïcisé au XVIII ème, nous avons d’abord et surtout scienticisé. La science nous sera apparue comme plus prometteuse d’immortalité et en tous cas plus prometteuse de « pleine vie agréable tout de suite » que les Evangiles qui promettaient certes une immortalité plus infinie mais peu prouvée et nécessitant de la frugalité voire de l’ascèse. Au XVIIIème nous n’avons pas réellement laïcisé, nous n’avons fait que changer de religion.

         
        Adam et Eve auraient été les seuls véritables laïcs.

        Puis, la masse immortelle surgissant, nous confrontant à son immortalité, nous serions tous devenus croyants à l’exception des Diogène qui auront réussi à faire abstraction totale de la masse sans s’accrocher à quelque branche métaphysique.
        Longtemps nous aurions été des croyants déistes
        Et depuis le XVIIIème nous devenons des croyants scientistes, matérialistes.
        Cette dernière religion se proposant d’une part de nous faire vivre un peu plus longtemps, d’autre part un peu plus agréablement et nous offrant des impressions d’ubiquité et de pouvoir voyager dans l’espace, dans le temps, même jusque dans des temps jurassiques, même jusqu’au Big Bang.

        Alors qu’on ne cesse de nous répéter que nous sommes devenus individualistes, ce qui est vrai selon une certaine acception en égoïste Vs altruistes, nous sommes en réalité devenus individuellement plus massifs. Je veux dire que chacun de nous, grâce à des prothèses bioniques certes, incarne à lui seul quelque chose de plus grand que l’individu et commence à posséder les propriétés de la masse.

        Un bon hacker peut former de lui une extension virtuelle vivant indéfiniment sur la Toile, il peut s’y multiplier et peut même agir. « Je peux être million-toujours-partout »

        Je crois complètement à tout ce que vous dites sur le sacrifice (et vous le dites très bien) mais je le situe dans ce cadre.





      • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 février 2012 13:14

        Merci pour le surlignage très visible !

        Le problème pour votre démonstration est qui si je collectais pareillement les mots parlant d’espace (autour, sortir, etc. il y en a une ribambelle) vous pourriez voir qu’il y en a bien davantage que ceux parlant de sacrifice.

        Qu’est-ce que cela signifie ?

        Tout simplement que la pensée s’est déployée de la manière la plus pertinente pour des proto-hominiens descendus de l’arbre : en traduisant le mouvement, dans l’espace, ce qui a justement permis d’exprimer le temps sur un mode spatial.

        Notre pensée est spatio-temporelle autant que causale. Dès lors, pourquoi privilégier l’un plutôt que l’autre ?

        Pourquoi ne me parlez-vous pas du dieu de l’espace au lieu de celui du temps ?

        Ceci, cependant, ne retire rien à l’intérêt des réflexions que vous proposez, mais j’avoue être un peu désemparé car il s’agit d’une vision qui m’est assez étrangère.

        Je travaille dans le contexte girardien et j’ai mené une réflexion sur la construction mimétique de la réalité comme attribution causale mimétique (accusation collective si vous voulez) à l’égard d’une chose, jugée cause.

        A l’origine, la première cause était la « cause première », cad, le divin.
        Il y aurait une foultitude de livres à écrire à partir de là et ce n’est pas le moment d’aller plus loin.
        Je dirais donc simplement qu’on peut faire fonctionner comme cela le modèle girardien et je m’y emploie depuis de nombreuses années dans toutes les dimensions de la psychologie.

        J’avoue que j’ai peu exploré la question du temps. Mais j’ai peur qu’il me soit difficile de tirer profit de vos propositions, car je ne pars pas d’Adam.
        Tout croyant que je suis, je reste évolutionniste car il n’y a pour moi aucune espèce de contradiction. Et c’est dans le cadre évolutionniste que le modèle girardien, le modèle de la genèse sacrificielle d’un culturel religieux prend toute sa signification.

        Du moins, c’est ce que je crois smiley

        Quoi qu’il en soit, merci pour votre intervention.


      • easy easy 9 février 2012 13:57

        C’est moi qui vous remercie

        En me levant ce matin, je ne savais pas encore que j’avais cette vision. Ce n’est qu’en regardant votre vision que j’ai vu la mienne, encore toute mouillée de ses eaux.

        Vous le savez aussi bien que moi, c’est en écrivant qu’on pose enfin sa pensée et qu’elle nous apparaît.

        Du coup, je vais abuser encore un peu de votre hospitalité pour parfaire deux points

        Adam et Eve que j’évoque dans ce texte traitant de la question de la masse symbolisent non les personnages bibliques mais les « premiers individus qui n’auraient donc pas eu la masse en face d’eux » (A entendre que dans la réalité, il s’agissait probablement plus de sortes de singes accédant progressivement à la conscience et qu’il n’y aurait donc jamais eu d’oeuf sans poule)

        Vous me reprochez de n’avoir retenu que les mots indiquant une considération du temps.
        J’ai écrit, en sorte de formule condensant mon propos, « Je peux être million-toujours-partout »
         
        On y voit la considération de la quantité (la masse), du temps et de l’espace.

        Or, s’il fallait classer ces trois éléments je mettrais le temps au sommet car nous avons toujours l’impression qu’en disposant de temps, nous pourrions tout faire. Le temps serait alors le déterminant principal de notre finitude. Du reste, la première propriété que nous accordons aux dieux c’est d’échapper totalement à l’emprise du temps et ça vaut pour le moindre de nos héros de BD.

        D’où le temporel et l’intemporel

        On insiste, dans les religions monothéistes sur le côté Unique de dieu mais c’est en manière d’interdire toute concurrence. Passé ce détail, on dit qu’il est l’Eternel sans trop s’attarder sur ses autres talents.

        C’est donc bien le temps qui nous fait souci, non exactement parce qu’il nous est limité mais parce que nous nous trouvons face à une masse qui nous nargue de son Eternité.

        C’est un souci relatif
        C’est un souci de relation à
        C’est un souci de relation à l’Eternel.

        C’est pour discuter, pour traiter de cela et pour jouer avec les prothèses nouvellement offertes en ce sens que nous sommes ici, sur AVox.

        Toute la souffrance, tout le sacrifice de chacun se situe à l’intérieur de cette enveloppe.



        Encore merci.






      • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 février 2012 14:09

        Merci à vous pour ces réflexions.
        L’argumentation pro-temps est pas mal amenée.
        Mais je reste centré sur la causalité.

        Votre intérêt pour le rapport de l’individu à la masse m’amène à vous suggérer de lire Girard dans son analyse sur les Notes dans un souterrain de Dostoievski où le héros dit à un moment donné :

        « Moi je suis seul, eux ils sont tous »

        Ici la problématique est de construction identitaire. Donc spatiale, puisqu’il faut fixer les limites.
        Mais je ne doute pas que le temps s’y loge smiley


      • easy easy 9 février 2012 14:14

        «  »«  »Moi je suis seul, eux ils sont tous«  »«  »"

        Whaouuuuhhh !

        Bravo !
        C’est exactement ça


      • Gollum Gollum 9 février 2012 11:22

        Je n’ai pu résister à la tentation d’aller voir le thème astrologique de Schmitt, que je ne connaissais pas. Comme bien souvent chez ce genre de personnages, on trouve des éléments de mysticisme inclus dans le thème. Ici, un Neptune en Scorpion culminant en trigone d’une conjonction Mercure/Vénus en Poissons. Le tout sur fond d’un Saturne Capricorne au lever..


        Les connaisseurs apprécieront. Bien évidemment son expérience mystique de février 1989 coïncide avec un transit de Pluton sur cette culmination, tout comme Neptune s’approchait du Saturne natal...

        Tout ceci pour dire que tout se trouve déjà là en germe et que le temps ne fait qu’actualiser quelque chose qui a été prévu et donné depuis toute une éternité. smiley

        • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 février 2012 13:19

          Merci pour ces informations, notamment concernant EE Schmitt.

          J’avoue que je suis sympathisant mais pas connaisseur smiley

          Par contre, concernant le déterminisme, même si je n’ai rien à redire à votre formulation, je m’empresse d’indiquer que le destin écrit de toute éternité s’accomplit par... les actes «  »volontaires«  » de l’homme.

          Nous ne sommes pas dispensés de choisir et d’adhérer.
          C’est un droit.
          C’est probablement un devoir smiley

          Et cela reste conciliable avec l’idée de destinée
          Peut-être y reviendrai-je un jour...


        • Gollum Gollum 9 février 2012 13:52

           je m’empresse d’indiquer que le destin écrit de toute éternité s’accomplit par... les actes «  »volontaires«  » de l’homme.

          Nous ne sommes pas dispensés de choisir et d’adhérer.
          C’est un droit.
          C’est probablement un devoir 


          Certes, cela n’est pas faux... Mais il semble que les religions asiatiques n’adhèrent pas totalement à ce genre de vision des choses. Pourquoi ? Tout simplement parce que si je suis un ego « libre » de choisir, alors je crée une frontière irrémédiable entre l’homme et Dieu.

          Une grande mystique indienne, Ma Ananda Moyi, disait que tant que nous croyons que nous sommes à l’origine de nos actes nous sommes dans l’erreur...

          Bien que j’adhère donc à votre phrase, pour la bonne raison que quelque part je ne peux faire autrement, la philosophie qui veut que je sois agi me semble supérieure...

          On trouve d’ailleurs la même chose dans le monde néo-testamentaire. St-Paul : « c’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire ». Ou encore dans l’ancien Testament : « ce n’est pas à l’homme quand il marche de diriger ses pas »... 

          Bien évidemment, l’astrologie est plus cohérente dans un tel système de pensée.. smiley




        • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 février 2012 14:02

          J’ai fait une thèse pour montrer que ce que nous appelons « volonté » et « libre-arbitre » ne sont que fiction, parce que le « soi » est lui aussi une fiction.
          Donc je suis complètement d’accord avec la sage indienne.

          Sauf que le soi, la volonté, le libre-arbitre, tout fictions qu’ils soient, sont des fictions « utiles » ne serait-ce que parce que la société représente les interactions entre individus sur cette base, sans faire référence à des déterminismes externes (à l’exception parfois des procès).

          Sans parler du fait que toutes les réalités auxquelles nous nous adressons sont aussi des constructions sociales, donc des fictions du même ordre.

          Maintenant, si le déterminisme ne nous dispense pas du choix, nous pouvons il est vrai nous dispenser de rapporter le choix à une entité telle que le « soi ».

          Mais c’est un peu dommage. Un peu comme de refuser de boire du vin quand on habite en Bourgogne smiley


        • Furax Furax 9 février 2012 11:34

          Merci pour ce très beau texte et pour le rappel de René Girard.
          Je me souviens du récit de ce qui est arrivé à E. E, Schmitt dans le désert.
          Il serait passionnant de revenir sur votre propre conversion.


          • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 février 2012 13:23

            Merci pour le compliment et pour la suggestion.

            Je n’exclue pas d’y venir un jour mais comme c’est quelque chose de très personnel qui porte à généralisation et donc partage, je me dis que j’ai quand même bien d’autres choses à écrire avant.

            Mais pourquoi pas dans le cadre plus général d’un papier sur les expériences de conversion ?

            Je vais y réfléchir... smiley


          • Eleostearique 9 février 2012 17:48

            Quelle démonstration, j’en suis restée bouche bée ! Il n’y a pas de doute, il me semble que vous l’avez bien déshabillé. 

            J’ai lu ce livre qui m’a fait une très forte impression. Le personnage Anne était ma favorite maintenant grâce à vous, je sais pourquoi elle m’a plu. Elle était celle qui savait, elle n’était pas empli de doutes ou de peur comme les autres héroïnes, elle avait une confiance pleine et entière en...la vie.
            Le moment où elle affrontait ou devrais-je dire rencontrait le loup était mon passage préféré. Elle a dépassé sa peur et est venue à la rencontre de ce qui terrifiait les autres au point qu’ils avaient levée une « armée ». 

            • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 10 février 2012 17:27

              Merci pour le compliment ! smiley

              Oui, je comprends que Anne soit votre favorite. Elle a toutes les grâces.
              D’ailleurs EE Schmitt disait dans un interview être amoureux d’elle !
              C’est dire...

              Et oui, il semblerait que toute la vie ne soit que ça : des épreuves où nous apprenons à avoir confiance et à surmonter nos peurs et à ne pas entrer dans le cycle de la violence réciproque qui vient de la peur réciproque.

              La rencontre avec le loup est sous ce rapport un bel exemple.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès