La gratuité est-elle synonyme de liberté et de qualité ?
Ce qui frappe l'observateur de la société française c'est sa faculté à envisager de recevoir -sans sourciller ni interrogation- la plupart des activités et services gratuitement (ou contre un paiement faible ou symbolique)
Les Français semblent accros à la gratuité mais l'éducation, la santé, les transports, les loisirs, la sécurité..gratuits sont-ils aussi avantageux que cela ?
Nos concitoyens sont nombreux à souhaiter qu'un maximum de services soient donc gratuits en France.
Le cas d'école de l'école
Selon les tenants du tout gratuit, l'école (depuis Jules Ferry) doit nécessairement être gratuite (et obligatoire). Il s'agit non seulement de l'école primaire (les apprentissages de base) mais aussi du secondaire (des apprentissages plus secondaires et parfois artificiels) comme du supérieur (tout le monde étudiant jusqu'à 30 ans..ou plus)
Dans une société matérialiste ce qui est gratuit ne vaut (presque) rien
Le progrès qu'a pu représenter il y a 100 ans l'école gratuite pourrait aujourd'hui bien se retourner contre ses supposés bénéficiaires qui sont les "classes" défavorisées, les enfants issus de milieu familial peu éduqué ou mal équipé.
Les dérives de l'école gratuite et obligatoire
1) Dévaloriser l'acte d'apprendre (et celui d'enseigner) : puisque c'est gratuit l'intérêt de bien utiliser chaque heure d'apprentissage, de valoriser son temps éducatif, de réclamer le meilleur enseignement possible (ce que font les familles et les enfants du secteur privé), cela s'est évanoui dans l'enseignement public, devenu pour beaucoup une super-garderie
Pourquoi le privé réussit-il bien mieux que le public en matière d'éducation ?
Il est de plus en plus difficile de nier que l'éducation nationale connaît un véritable effondrement depuis une trentaine d'années. Cet effondrement est mesuré aussi bien par les indicateurs internationaux (comme PISA) que par ses propres indicateurs dcomme cette étude -CEDRE- parue en juillet dernier et qui indiquait que 40 % des enfants à la sortie du primaire n'ont pas le niveau de pratique et de compréhension de la langue française minimum pour poursuivre leur formation (mais à contrario l'étude se rengorgeait en prétendant que 60 % des enfants avaient un niveau SUFFISANT pour aller plus loin (le terme suffisant démontrant sans doute que l'institution n'était pas très exigeante désormais).
Les explications des meilleurs résultats du privé sont nombreuses mais la plupart sont idéologiques (et bien peu coroborées par les faits sur le terrain)
a) les familles du privé seraient privilégiées et l'école privée seraient une école de caste qui refuse le mélange avec les pauvres
Cette explication n'est malheureusement pas démontrée par les faits. Les écoles privées sont loin d'être homogènes comme le disent certains et elles donnent à certains élèves venant de quartiers difficiles une vraie chance de réussir leur éducation.
Par ailleurs cette interprétation part du principe que les familles des enfants pauvres seraient incapables de leur donner une éducation de qualité, qu'un enfant pauvre en France part avec un véritable handicap dans la vie et que si le bazar règne dans les établissements scolaires des banlieues difficiles ce n'est ni la faute de l'éducation nationale ni même des familles ou de leurs enfants mais ce serait dû à une sorte de fatalité sociale qui entraîne les pauvres vers la paresse intectuelle, la violence sociale ou le refus d'apprendre.
b) les écoles publiques n'auraient pas suffisamment de moyens pour faire progresser les élèves. Les enseignants seraient démunis dans les établissements du fait de la pingrerie de la Nation qui ne donnerait jamais assez d'argent pour créer des postes et mettre en oeuvre un enseignement de qualité
Cette légende urbaine n'est pas avérée sur le terrain
Exceptée l'école primaire qui dispose de moins de moyens que dans les autres pays développés (une aberration qui s'explique syndicalement parlant puisque le SNES oeuvre d'abord pour les carrières des enseignants et notamment leur accès au professorat), le système scolaire français est la fois un des plus couteux d'Europe (un lycéen coute 35 % de plus en France qu'ailleurs en Europe) un des moins efficace (on le voit quand 40 % au moins des écoliers arrivent au collège sans maîtrise du français) et surtout un des plus inégalitaires (du fait de la carte scolaire qui assigne à résidence les meilleurs élèves et tentent sans succès de remonter le niveau en mêlant ceux qui ne veulent pas apprendre à ceux qui ont soif d'apprendre)
c) Les écoles privées n'auraient pas les mêmes obligations que celles du public
C'est peut-être la seule explication qui tienne, elle ne concerne pas tellement l'école en elle-même mais bien le contrat qui lie l'école privée, le jeune et sa famille.
Ce contrat tripartite pose que la place du jeune dans l'établissement n'est acquise ni définitive, ce n'est pas un droit, qu'elle se mérite et qu'elle peut être remise en cause au cours de l'année (en cas de manquement grave à la discipline) ou en fin d'année scolaire (en cas de résultats insuffisants).
Cette simple possibilité de quitter une école recherchée pour ses résultats ou son cadre éducatif pousse les familles et les enfants à donner le meilleur d'eux-même. Quand sa place dans une école dépend du travail que l'enfant fournit celui-ci a évidemment tendance (dans la mesure où sa famille est impliquée aussi dans son éducation) à mieux travailler, à âtre motivé et à réussir.
L'apprentissage est bien plus qu'une activité individuelle, une activité sociale et quand l'émulation et le sens du travail règne dans une classe une brebis égarée n'a comme choix que de s'adapter aux autres ou de partir.
L'école publique française s'est transformée en (mauvaise) garderie sociale (mais gratuite) de la maternelle à l'université
- via le démagogique collège unique (inventé pourtant par la Droite mais peu d'années après le catastrophique mai 68)
- via le traitement social du chômage (inauguré dans les années 80 par les socialistes) qui assigne à l'école une nouvelle mission : celle de garder au chaud tous les jeunes jusqu'à un âge avancé dans le système scolaire afin de permettre aux travailleurs actifs (de 30 à 55 ans) de conserver une activité.
- en niant l'intérêt du travail manuel, de l'apprentissage précoce (14 ans) et en stigmatisant les entreprises privées (qui le rendent bien à l'école désormais).
L'école privé responsabilise les enfants, les familles, ses personnels alors que le public à force de démagogie (80 % de bacheliers) déresponsabilise en transformant l'école publique en un centre d'animation sans qualité (sauf pour ceux des centre villes qui viennent avec beaucoup)
La gratuité à l'école est une catastrophe nationale dont le pays n'est pas prêt de se remettre et sans l'adoption de mesures innovantes et fortes comme
- l'abandon de la carte scolaire
- la libre concurrence du privé et du public via un chèque éducation
- la déprofessionnalisation de l'enseignement (des parents d'élèves sont souvent plus capables de transmettre avec profit que des "professionnels" de l'éducation)
- la sélection des élèves avant le lycée et à l'entrée en fac
- le paiement des études au delà de la scolarité obligatoire (14 ou 16 ans) avec un système de bourses pour les seuls élèves méritants et sérieux
- la reprise en main de l'enseignement professionnel par le monde de l'entreprise (les lycées professionnels doivent être privatisés et leurs personnels venir du monde de l'entreprise)
- la fin du fonctionnariat pour les enseignants (qui devraient avoir travaillé dans le privé durant 10 ou 20 ans afin de servir d'exemple à des jeunes qui ne veulent plus d'adultes jamais sortis du système scolaire et ne connaissant pas la vraie vie sociale).
- la décentralisation intégrale des établissements avec le recrutement local par les municipalités, les régions, les familles des adultes devant faire la classe
Ce type de programme libéral fonctionne dans d'autres pays et ceux qui n'ont que Jules Ferry comme modèle devraient réfléchir aux vrais résultats de l'école publique française aujourd'hui.
Si l'avenir des enfants leur importe ils pourraient se demander pourquoi les solutions du XIXème siècle ne fonctionnent plus aujourd'hui, pourquoi cette gratuité de l'école et l'obligation scolaire qui va avec ne sont absolument plus des garanties d'équité et de progrès social.
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