L'histoire a été dissimulée pendant près de quatre années, preuve que le sujet embarrassait fortement. Le temps nécessaire à l'USAF pour effectuer les réparations sur un avion très spécial. C'est dire combien elles étaient délicates. Et c'est aussi dissimuler combien elles dont dû être coûteuses. L'objet de ce ces soins attentifs étant la plus grande danseuse du Pentagone. Quand on ne possède en effet plus que 20 exemplaires d'un bidule volant valant 2 milliards de dollars pièce (l'un d'entre eux ayant été réduit en cendres en 2008 après avoir raté son décollage), la moindre éraflure sur l'un d'entre eux l'envoie automatiquement à l'hôpital des grands blessés pour des soins attentifs, entouré des plus grands spécialistes de la question. C'est en effet ce qui est arrivé au "City of Washington", un B-2 dont de fins observateurs avaient remarqué l'absence dans les cieux depuis 2010. Récit d'une dissimulation de plus du Pentagone, qui n'ose avouer la fragilité de son avion-phare ni ses erreurs manifestes de gestion. Un B-2, effectivement, tel qu'il a été (mal) conçu, ça ne se répare pas chez Speedy...
Le 17 juillet 2009, le Spirit, la rolls des bombardiers, fêtait ses 20 ans d'existence à Palmdale, devant tout un parterre d'invités, dont le Col. James Dawkins, de l'USAF, Commandant du 509eme Operations Group ; Bruce Hinds, le chef des essais de Northrop Grumman qui avait fait décoller le premier exemplaire 82-1066 ("Spirit of America") et Gary W. Ervin, le président de Northrop Grumman's Aerospace Systems sector. Ce jour-là, le B-2 82-1068 "Spirit of New York" faisait un passage remarqué au dessus des invités, car il est vrai qu'on ne l'a pas vu souvent voler, le drôle d'oiseau. Le 7 août, le Global Strike Command était activé à Barksdale AFB, réunissant pour la première fois depuis 1991 toutes les unités de bombardement nucléaires, dont le 508eme, en rappel du SAC de Curtis Le May. Les B-52 devenus trop vieilles danseuses partent se faire découper en plein désert : à la mi février 2010, quatre B-2s et les 270 personnes attachées à leur service au 393 régiment d'Andersen AFB, partent ainsi remplacer les octoréacteurs de la Guerre Froide du 20eme Bomb Squadron. Trompettes, ballons, cotillons, et majorettes ou pom-pom girls, la cérémonie fut parfaite. Et tout le monde de s'extasier ce jour-là sur le machin volant que n'aurait jamais espéré voir un jour voler Jack Northrop, génie incompris des militaires.
Oubliés les bombardements de l'Iran avec une bombe spéciale, le Spirit redevenait livreur de bombes atomiques... et de bombes classiques. Pour saluer la formation du Global Strike Command, resurgence du SAC de Curtis le May, on avait peint sur le fuselage du 93-1087 "Spirit of Pennsylvania" son insigne, l'avion sortant juste de réfection de son hangar, ce 26 janvier 2010, après une maintance classique, l'occasion de le mettre à niveau, comme tous ses confrères. Car c'est le lot du maigre contingent de Spirit : puisqu'un a disparu en 2008, complètement carbonisé après un décollage raté Guam, il ne reste que 20 appareils seulement sur les 21 de départ, et comme on les maintient à niveau par le système classique de "blocks", à savoir des modifications souvent électoniques régulières, il n'y en a jamais 20 de disponibles en même temps. On en est même très très loin, de ce chiffre : "le taux de disponibilité spécifié n'a pas été publié, mais il peut représenter un défi pour l'entrepreneur. Introduite de 1993 à 2000, la flotte de B-2 a toujours eu des taux de disponibilité inférieur à 50% pour un certain nombre de raisons. Dans la pratique, ce que cela voulait dire, c'est que même avec un usage modéré, une moyenne de seulement de 6 à 10 bombardiers furtifs maximum étaient effectivement disponibles pour des missions à un moment donné" notait en 2012 plutôt amer Defense Industry Daily. En faitt, la danseuse se fait rare sur les pistes depuis ses tous premiers tours !
Et c'est indéniable. En mars 1999, pour sa première apparition guerrière, par exemple, ils ne sont que deux exemplaires à bombarder l'ex-Yougoslavie. En octobre 2001, pour attaquer Al-Qaida en Afghanistan, ce sont six appareils qui bombardent pendant trois jours : ils décollent de Whiteman, comme pour la Yougoslavie, bombardent et filent aussitôt après vers Diego Garcia où on leur a dressé de jolis cocons de toile vernie valant eux aussi des fortunes (21,3 millions de dollars pour 5 abris). Furtifs, très furtifs passages ! En 2003, ce ne sont que quatre appareils qui déployés directement à Diego Garcia s'en vont attaquer l'Irak de Saddam Hussein. Bref, on n'en a jamais vu plus d'une demi-douzaine ensemble ! Le premier mai 2003, le dernier B-2 quitte Diego Garcia pour rentrer dans son hangar du Missouri. La danseuse vedette est aussitôt choyée dès son retour. Elle part aussitôt en maintenance : comme la Navette Spatiale, censée repartir tous les deux mois, ses apparitions sont rares et le temps passé au hangar bien plus grand qu'en l'air.
De là à laisser entendre que ceux capables de voler le font davantage, il y a un gouffre. Pour l'instant, c'est le "Spirit of Florida" B-2 premier arrivé à la base Whiteman en juillet 1996, qui détient le record d'endurance avec 7 000 heures de vol à son actif, atteintes le 1er avril 2013. C'est le plus âgé, qui avait déjà franchi les 5 000 heures en mai 2007, et les 6 000 en janvier 2010... un record révélateur, qui montre surtout qu'on les ménage déjà en nombre de sorties, plus ils avancent en âge, ces rolls du bombardement ! L'engin vieillirait-il prématurément, ce qu'il conviendrait de ne surtout pas faire savoir ? Peut-être bien... le bombardier prédécesseur F-117 a été retiré en 2008 après 27 années de carrière, au prétexte de fonds nécessaires au F-22 : pour certains, ses ailes étaient victimes d'une usure prématurée.
On était arrivé là, dans les réflexions, en février 2010, à Guam toujours, le 26 exactement, lorsqu'un événement va raviver les craintes. Ce jour là, le B-2, "Spirit of Washington" N° 0332, (vous avez remarqué qu'ils ont tous des noms de villes américaines) se met en route en faisant chauffer un à un ses moteurs, quand tout à coup, une énorme déflagration retentit. L'un de ses deux réacteurs gauche, noyé au fond de l'aile, vient d'exploser, provoquant dans l'espace confiné où on l'a noyé de sérieux dégâts (invisibles de l'extérieur, en tout cas). Deux ans après le crash au même endroit du Spirit of Kansas... c'est l'affolement chez les militaires. Plus que 19 exemplaires de disponibles, et avec les mises à niveau on l'a vu on descend facilement en dessous de la dizaine en état de voler, sinon à peine... la moitié. L'oiseau se fait effectivement de plus en plus rare chez les spotteurs.
" Neuf seulement en étant généreux" avait écrit récemment encore le spécialiste David Axe, lors de la crise syrienne. Une demi-douzaine en même temps, depuis le début de son apparition en étant plus... réaliste. La décision est prise d'abord de ne rien laisser filtrer à l'extérieur (on ne verra pas qu'une ou deux photos lointaines de l'appareil resté bloqué sur sa piste avec des techniciens juchés déjà dessus, et rien surtout dans les téléviseurs), sinon de préparer au cas où un communiqué parlant d'incident mineur, au cas où, et de parquer le B-2 accidenté en attendant de pouvoir le réparer, ce qui s'annonce délicat, tant l'endroit où s'est produit l'incident pose problème : l'aile est en composite sur cet avion et ses réservoirs sont intégraux (recouverts en interne d'un enduit anti-fuites de 1,5 cm d'épaisseur, posé au pistolet). Pas sûr qu'il sache revoler un jour, tel est le premier verdict. Le problème, c'est qu'on ne sait pas du tout comment le réparer : rien n'a été prévu dans de cas-là. Ouvrir l'engin pour en sortir le réacteur incendié et ses diverses tuyauteries attenantes s'annonce en effet une tâche totalement imprévue par les ingénieurs de chez Northrop !


Ce n'est pas vraiment le moment en réalité, ni l'endroit, pour s'occuper de réparations. Le 21 mars 2011, deux B-2 partent de Whiteman avec un B-1 et effectuent un vol aller-retour de 25 heures pour aller bombarder la Libye. La presse anglo-saxonne
les salue en héros à leur retour... après avoir largué 45 tonnes de bombes guidées par GPS ; l'US Air Force annonçant que les B-2 envoyés en Libye venaient de faire le job de 75 avions classiques, histoire de rappeler que l'engin pouvait se révéler efficace, malgré son coût exorbitant d'achat (2 milliards pièce !)... et de maintenance.
"45 abris contenant des avions libyens" avaient été détruits à l'occasion (Khadafi n'en avait pourtant plus autant !) paraît-il et
"plus de 150 objectifs" avaient été atteints
, selon l'Air Force. A relire les articles, on serait presque tenté d'imaginer qu'ils 'étaient surtout les deux seuls B-2 utilisables ce jour-là ! En mai, 7 appareils étaient en effet à nouveau indisponibles : ils étaient partis chez Raytheon Company à El Segundo, en Californie pour recevoir de nouvelles antennes satellitaires, avec à la clé un contrat de 25,2 millions de dollars effectué par le 448eme Supply Chain Management Wing, des antennes testées sur la base de Tinker AFB, là où se font les modifications de la flotte. Le 4 avril, l'un des sept appareils fait un vol de 18 heures et demie d'Edwards AFB jusqu'au Pôle Nord aller-retour pour vérifier l'installation fonctionnant avec les nouveaux satellites
AEHF. Un trajet inédit qui a un prix. L'ensemble des modifications de communication satellite coûtera au total 372 millions de dollars au total au contribuable US : les habits neufs de la danseuse sont hors de prix, cette saison-là. En 2009, en août, le changement d'armes à bord du B-2, avec les nouvelles bombes GPS, avait déjà coûté la bagatelle de 3,44 miliards de dollars, réparti jusqu'en 2014... Les danseuses du ventre comme le B-2 c'est ruineux à entretenir !

Notre malheureux avion accidenté attendant toujours d'être réparé... à Guam, rentré dans son
hangar de maintenance à air conditionné spécialement construit pour lui pa
r Burns & McDonnell (désolé je n'en ai pas trouvé la facture !). Les techniciens penchés sur lui se demandant toujours comment s'y prendre pour le faire revoler avec une aile aussi abîmée. Pas question de le détruire à la pelleteuse et d'en enterrer les morceaux comme pour le F-117. Finalement, ils vont y arriver ; mais avec au bout une facture conséquente à la clé :
"les militaires ont dit qu'il ne pouvait pas se permettre de perdre un autre de ces appareils. Les réparations nécessitaient plus de 1 000 pièces d'une taille allant de petits clips aux sections massives qui soutiennent la structure de l'avion. Le projet a pris près de quatre ans à un coût de plus de 105 millions de dollars, dont une révision planifiée". Un chiffre non divulgué par l'Air Force, bien entendu. Cent millions le démarrage raté de réacteur !!! Et quatre années passés au garage pour le faire ! On croît rêver ! Et il faut bien se faire à l'idée : on n'est pas chez Speedy !

Car c'est tout le système B-2 qui coûte cher au contribuable, que celui-ci vole ou pas. "
L'Air Force a été décriée pendant des décennies sur les coûts et l'entretien extensif que nécessitele B- 2. L'an dernier seulement , l'Armée de l'Air a passé plus de 1,2 milliard de dollars mise à niveau, le maintien et la révision de la flotte. Pour chaque heure qu'un B- 2 passe dans l'air, cela nécessite 47 heures sur le terrain en maintenance (en 1997 on citait le chiffre de 119 heures, il y a donc un mieux, mais ce qui fait que pour une seule mission de 20 heures, l'avion est immobilisé 15 jours miniumum !). "
Un mécanicien de B-2 a 750 manuels techniques de référence à connaître sur l'avion". Bref un casse-tête à 100 millions, réalisé en deux fois ! L'idée étant d'abord de le faire voler jusqu'à son lieu de naissance pour finir le travail sur place, à Palmdale, faute d'outils adéquats à Guam.
"À Guam, Northrop a déterminé qu'il ferait la réparation en deux phases. Tout d'abord, l'équipage effectuerait les réparations mécaniques - estimés à 67,9 millions de dollars- qui permettraient au B- 2 de se rendre à Palmdale.
Une fois là, l'avion subirait une restauration complète à un coût d'environ 3,2 millions. Les techniciens ont commencé la première phase en arrachant les sous-systèmes de l'avion, faisceaux de câbles, conduites hydrauliques et structures endommagées du compartiment moteur". La merveille du monde moderne s'apprête à subir le sort des avions de collection, retapés à très grand frais parfois. Sans oublier que la moindre modification de surface et on est bon pour ressortir le pot à résine pour fabriquer un revêtement parfaitement lisse, sans quoi l'avion n'est plus aussi furtif.... Avec en prime une difficulté supplémentaire : retrouver certains composants utilisés il y a 20 ans et introuvables depuis, ajoute l'article :
"reconstruire le bombardier dépendait de pièces difficiles à trouver, certains composants ont été découverts sur les étagères des bases aériennes aux États-Unis". Et tout cela a pris quatre années, pendant lesquelles le Spirit of Washington n'a plus été vu, ce qui avait fini par intriguer les "spotters", habitués à compter au moins... jusque 20 !

Et comme un malheur n'arrive jamais seul... lors des visites de maintenance, un problème conséquent était apparu il y a quelque temps déjà. A un endroit sensible, en liaison avec les réacteurs : on a découvert des criques importantes dans les tuyères coudées d'évacuation des gaz des réacteurs. L'avion, on le sait, à noyé ses moteurs dans l'épaisseur de l'aile et fabriqué des entrées et sorties d'air en forme de "s", pour que les aubes du réacteur ne soient pas visibles par les radars adverses (c'est décrit ainsi par les américains :
"the intakes have a zigzag lip to scatter radar reflections"). Si côté entrée les contraintes ne sont pas fortes, côté sortie des gaz brûlants, on conçoit que la fatigue du métal à l'endroit du coude de sortie doivent être fortes. Et c'est exactement à cet endroit qu'on a découvert les criques. Sur ce sujet, pareil, l'Air Force s'était montrée plus que discrète, encore une fois. On l'avait appris par la bande, avec une commande supplémentaire de matériel chez Grumman (on ne touche pas à la danseuse sacrée !) :
"le service a commandé 56 pièces de rechange d'échappement de Northrop Grumman dans un contrat à prix fixe de 76,6 millions accordé l'an dernier, en utilisant des fonds budgétaires de 2011, selon Sue Murphy - un porte-parole de lAir Force Materiel Command à Dayton, Ohio - et d'autres responsables du programme. Les nouvelles pièces seront disponibles pour remplacer les "composants métalliques âgés qui montrent "l'usure typique à la suite de l'exploitation dans un environnement chaud " comme les tuyaux qui véhiculent l'échappement du moteur vers l'air extérieur, selon Gary Roehrig, qui dirige le support technique du B-2 pour l'entrepreneur de la défense Northrop Grumman. Chaque bombardier a quatre sorties d'échappement, une pour chaque moteur. Ces composants particuliers ne sont pas réparables et sont remplacés pour maintenir le fonctionnement à faible visibilité des avions, a dit Roehrig dans une réponse écrite à des questions de journalistes." En fait, on n'avait strictement rien prévu pour changer ces éléments. Personne n'avait imaginé tout simplement qu'ils puissent être changés un jour ! "
Le gestionnaire des systèmes de maitenance à Tinker avait besoin de trois semelles de longeron rénovées pour un kit de ponton arrière de rechange. Les panneaux de ponton arrière sur le bombardier furtif n'ont pas été initialement conçus pour être remplacés, donc il n'y avait pas un seul couple de bons kits de pontons arrière de rechange qui avaient été produits. Lorsque leur fissuration prématurée est apparue sur certains des avions les pièces de rechange ont été rapidement consommées, et la Force aérienne a été confrontée à un problème majeur affectant le taux de mission du B- 2 lorsque un autre panneau de pont arrière droit avait dû être remplacé.
L' Armée de l'Air n'avait pas pu trouver de kits de rechange, parce que la ligne de production d'origine avait été fermée il y a des années et les coûts de démarrage pour obtenir une autre ligne de production en fonctionnement coûterait des centaines millions de dollars au gouvernement ". Résultat, il a fallu refabriquer la pièce en reprogrammant des machines numériques
: "en l'absence de données techniques ou de l'équipement existant pour le faire, l'équipe a dû repartir de zéro . « Nous avons dû concevoir un appareil de calcul pour fabriquer la semelle de longeron sur une machine à programmation numérique",
a déclaré Dustin Kyger , ingénieur en chef du projet avec le 547e PMSS". Bref, pour soigner l'avion du siècle, on avait dû réinventer la roue !!! Aberrant : on avait construit l'engin comme s'il devait rester éternellement imputrescible ! On avait bien habillé à sa sortie il y a vingt ans, la danseuse, mais on avait depuis perdu l'adresse de sa couturière !

Il faut dire aussi que le système de veines d'entrées et de sorties d'air du B-2, c'est un peu un traumatisme pour l'Air Force. Depuis en effet qu'un ingénieur de Northrop Grumman Corporation, nommé Noshir Gowadia, qui y avait travaillé de 1968 à 1986 et notamment sur le design du B-2 avait fait plusieurs voyages discrets en 2003 et 2005 en Chine, le sujet était devenu complètement tabou. Car Gowadia avait joué à l'espion avec son savoir. Le 25 janvier 2011, accusé d'avoir perçu 110 000 dollars en échanges de plans secrets du B-2, il avait été condamné à 32 ans de prison. La même semaine, la Chine narguait les USA avec la
sortie de son premier prototype de J-20, chasseur bombardier aux
technologies furtives. On y avait vu le fruit des fuites de l'ingénieur condamné. Le travail de Gowadia avait essentiellement porté sur la suppression des émissions infra-rouges du B-2, via le circuit de sortie des réacteurs... et donc sur la forme donnée aux extracteurs de gaz brûlants et propulsifs. Pour l'anecdote, Gowadia s'était fait bêtement pincer par son train de vie : il payait alors 15 000 dollars de loyer (par mois !) pour une luxueuse villa acquise sur l'île de Maui, à Hawaï. On peut être un ingénieur intelligent et une bille en espionnage, à l'évidence.

L'autre traumatisme étant la chasse constante à la défectuosité de surface. A chaque rentrée de mission, l'appareil est examiné, et chaque trou ou érafure décelés bouchés par de petites mains armées de spatules et de produit fourni par DuPont, détenteur de la formule miracle de résine héritée des recherches sur l'U-2 et le F-117
comme j'ai pu l'expliquer ici. Sur certains clichés des débuts de l'appareil (comme ici à gauche dans une revue de novembre 1990 (Aviation Design N°15, vol 2) on peut encore constater que parfois, une fois les trappes enlevées, du simple auto-collant avait masqué les creux occasionnés, comme sur cette photo entourant les deux longues trappes d'éjection des sièges éjectables, de couleur marron, c'est à dire même pas repeint.

Or ces bandes posées à la hâte provoquaient une hausse de la visibilité radar de l'appareil (comme le feraient des boulons dépassant de 2 mm seulement !). Il n'est "invisible" que totalement lisse ! La peinture, voilà le hic de tout le système ; dès que la moindre trappe est ouverte (et il y en a donc beaucoup moins que sur d'autres appareils, comme on peut le voir sur les clichés de fabrication où les corps sont encore peints de blanc, comme sous-couche) il faut repeindre !

L'engin est fort peu accessible de l'extérieur, en définitive avec son absence criante de trappes de visite, et cela représente un casse-tête constant. Un travail à la main au départ depuis automatisé par un robot créé spécialement : l'engin est donc constamment repeint ou retouché, ce que des photos prises sous des angles différents révèlent. Une peinture fragile faite de résines qui ne supporte pas l'eau : à la moindre pluie, il faut rentrer l'appareil. D'où la construction à Diego Garcia de hangars spécialisés,

et l'appel à toute une armada de "rampants" munis de spatules dès le retour de mission, pour qu'après passage à l'atelier de peinture on puisse à nouveau marcher sur l'aile... muni de chaussons. Cet avion, c'est simple, c'est un cauchemar à entretenir ! L'habitude d'avoir à enfiler des chaussons pour marcher sur l'aile sans l'abîmer explique bien à quel point cette peinture est fragile. Cette habitude était née avec le F-117, sur qui a été appliqué pour la première fois le revêtement spécial, comme le montre cette photo prise lors des préparatifs de vol lors d'une fête aérienne, celle du 21 avril 1990 marquant la présentation au grand public du F-117.
Chez Speedy, on change aussi les échappements, remarquez. Mais ça prend 10 minutes et non pas 4 ans ! Le B-2 aussi, on avait dû aussi lui changer ses échappements d'après ce qu'on vient d'apprendre. A part que c'est un peu comme ses réacteurs. A savoir que c'est... un peu difficile à atteindre, car noyé dans le corps de l'avion (il y a néanmoins de grandes trappes en dessous, pour les réacteurs, visibles ici sur la photo de droite, où la construction en composite est visible). Le même Gary Roehrig effectuant juste après un aveu saisissant : rien n'a été prévu au départ de la construction de l'appareil pour remplacer les pièces à cet endroit difficile d'accès :

"
nous sommes actuellement en train de reconstituer la ligne de production - avec les matériaux de la commande et l'acquisition d' outillage, en préparation pour les premières livraisons en juin 2014" avait-il alors ajouté... révélant que le cas de figure n'avait même pas été imaginé au départ ! Et ce qui entendait par la même occasion une immobilisation de la flotte de B-2... dès le milieu de l'année. Sachant que l'accessibilité aux moteurs à demandé quatre années à un exemplaire en réparation, on peut craindre que des B-2, on n'en verra pas beaucoup voler dans les mois à venir, pour sûr. Prévu jusque 2040 au moins, l'avion semble déjà bien vieilissant, malgré des passages réguliers en clinique de lifting. La danseuse a pris plus de rides que prévu à l'origine. Et de botox, pour le B-2, il ne semble pas y en avoir !


Pour noyer le poisson, une fois la découverte de la faille faite, l'Air Force s'empressera de minorer le problème à sa façon en en faisant un acte de maitenance tradtionnel, en se choisissant même un "artiste" de la réfection de tuyauterie dans son magazine en ligne. Une étonnante découverte, question propagande de l'Air Force ! C'est ainsi en effet qu'on découvrira un dénommé Jim Gargano, sergent au 509eme Maintenance Squadron photographié le 6 mars 2012 en
train de souder une portion de "tail pipe", le conduit des réacteurs.
L'article, complètement surréaliste, le présentera ainsi comme un "artiste" du chalumeau (
promu depuis) :
"je suis une personne très créative" a-t-il dit .
"Je voulais faire quelque chose avec mon niveau de compétences. J'aime l'art , la sculpture, la soudure et la peinture". L'interview continuant avec une présentation délirante du gars en train de meuler, considéré comme un acte "artistique". "
Bien qu'il voulait venir en tant que graphiste , il s'est retrouvé dans les métaux à la place - une bénédiction déguisée, car cette opportunté de carrière lui a permis de développer son talent à travers un milieu qui exige de l'innovation et de la créativité, mais peut-être pas au premier coup d'œil".... on croit rêver, ou avoir affaire à une publicité pour la maison de l'emploi locale !

Notre homme ayant donc une façon de faire un peu spéciale, mais entièrement soutenu par son supérieur, Jason Wade :
"si le projet s'oppose à son talent d' artiste, il ira par la bande autour des choses pour terminer la tâche à accomplir " ajoute ce dernier. En somme, l'avion à part ne peut se satisfaire de simples soudeurs ! Un engin béni des dieux de l'aviation n'est pas fait pour que la plèbe se penche sur lui, ce doit être le message caché de l'Air Force pour nous présenter cette drôle de façon de faire... un travail qui sera facturé des millions de dollars... pour au total 80 tuyaux à refaire... par un seul "artiste" du chalumeau :
"Gargano se décrit comme « un peu perfectionniste », et la plupart de ses collègues sont d'accord." J'ai quelques trucs dans ma manche, " a-t-il dit
"Aimer l'art m'aide à trouver des façons différentes de faire les choses et de faire mon produit à part. Je veux que ma production quitte la boutique en parfait état". Délirant, c'est délirant !

Nous voilà également confronté à un beau paradoxe : l'avion à 2 milliards de dollars pièce n'a pas été construit à assez d'exemplaires pour prendre la place de ceux à qui il devait succéder. Ceux-là (les B-52 et B-1), on a beau les avoir mis sous perfusion, ils commencent déjà à avancer avec leur déambulateur. La décision de George Bush en 1992 de ne fabriquer que 20 appareils pèse donc lourd, car c'est elle aussi qui a vu son prix de revient unitaire flamber, lui qui est donc aussi devenu le plus récent des bombardiers US, comme le fait remarquer fort justement
Loren Thompson de Forbes qui a effectué un très bon calcul (à partir des 76 B-52 Stratofortress des 63 B-1 Lancers, et des 20 B-2 disponibles aujourd'hui, soit 159 bombardiers au total) :
"près de la moitié des bombardiers lourds de la flotte d'aujourd'hui sont les B-52 dernier fabriqués en 1962. L'Armée de l'Air a acheté 750 de ces jets à huit moteurs dans les années 1950 et 1960 - ils ont été présentés dans la magnifique film de Stanley Kubrick Dr Strangelove - mais seulement la dernière variante « H » subsiste aujourd'hui. Les derniers signifient dans ce cas vieux d'un demi-siècle. Les supersoniques Lancers B-1B ont été construits dans les années Reagan,
le dernier être livré en 1988. Aujourd'hui, ils ont en moyenne près de 30 ans. Les B-2A Spirit, souvent appelés "chauve-souris" en raison de leur conception à faible visibilité unique, sont entrés en service en 1993 et ont en moyenne 20 ans d'age. Pris dans son ensemble, l'âge moyen de la flotte de bombardiers lourds est de 33 ans. La dernière fois que vous avez voyagé sur un avion commercial qui avait 33 ans d'âge c'était quand ? Probablement jamais." Car c'est bien ça le problème aussi : à l'ère des fusées intercontinentaes capables de délivrer des bombes nucléaires plus précisément et plus rapidement que ces engins du passé, ces bombardiers, même sophistiqués, mais déjà vieilissants, représentent-ils encore une menace ? Aucunement !

C'est pourquoi sans doute on a vu fleurir ces derniers mois beaucoup de textes sur le "
Next Generation Bomber" (auparavant
"2018 Bomber"), déjà surnommé le B-3 par la presse (pas celui de
Wag the Dog )- "Des hommes d'influence" ?). Visiblement le fait des pontes de l'Air Force qui n'envisagent pas de monde sans leur bombardier préféré... un jouet annoncé d'emblée à
55 milliards de dollars, on ne perd pas les mauvaises habitudes dépensières ! Avec un vainqueur déjà annoncé (qui devrait être
Boeing, ici à gauche !), enfin si cela se fait : aux dernières nouvelles,
ce serait un projet déjà mort-né (selon aussi le général Philip Breedlove) : les militaires US deviendraient (enfin) plus raisonnables ? En fait c'est contraints et forcés : comme le fait remarquer justement Thompson,
"les bombardiers sont devenus vulnérables, et leurs bases aussi". Pour le futur B-3, l'horizon de 2025 pour un éventail d'une centaine d'appareils neufs construits pour tous les remplacer et donc totalement inenvisageable. Le B-2 tiendra-t-il lui jusque 2040 comme promis en attendant de voir arriver autre chose ? Certainement pas, à le voir peiner déjà autant, au regard du
bourrin des airs qu'est le B-1,
jugé bien plus résistant (e
ffectivement, à voir ces exploits sur lac salé asséché !). Vu le vieillissement patent du B-2, un programme encore plus délirant à été mis en place en 2011 pour faire voler les B-52 faits d'aluminium (et absolument pas "invisibles " !) jusque... 2040. Les Stratoforteresses auront alors... près de 90 balais. Si conflit il y a avec un pays (la Chine ou une nouvelle Grenade ?), les américains attaqueront dans les airs avec des avions presque centenaires ! Ce n'est plus Oncle Sam, mais Papy Air Force !

Surréaliste, je vous dis, c'est surréaliste, l'univers du B-2
et des gabegies de l'US Air Force dans ses bombardiers vendus au prix de l'or en barre (à gauche le retour triomphal à Palmdale du blessé "Spirit of Washingon" : même
à 1333 dollars l'once, il vaut toujours plus que son poids en or) ! On ne sait pas si chez Speedy ils disposent d'un tel "artiste" du chalumeau, en tout cas : quatre ans pour changer un moteur et un pot d'échappement, avouez que c'est très fort... très fort !
http://www.airvectors.net/avb2.html
http://www.globalissues.org/print/article/75