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Accueil du site > Tribune Libre > La soumission à l’autorité

La soumission à l’autorité

Jusqu’où doit-on obéir ?

Tous, nous avons été amenés à donner des ordres et à en recevoir. Comme tant d’autres j’ai eu à m’interroger sur la légitimité et le bien-fondé d’un ordre. Un ordre par définition suppose qu’il soit exécuté. C’est sa finalité. Jusqu’à quel point cependant doit-on obéir ? Bien sûr, c’est une question personnelle à laquelle on ne peut répondre pour les autres. Doit-on obéir à sa conscience ou à l’autorité à laquelle on accorde une légitimité ? Voici quelques exemples tirés de l’Histoire ou encore de la vie quotidienne pour tenter de poser les limites acceptables de l’obéissance.

Tout d’abord, il est clair que les révolutions sont toutes des refus généralement collectifs, même si ce sont quelques leaders seulement qui déclenchent le mouvement contre l’autorité en place. Les exemples nombreux dans notre histoire montrent clairement que lorqu’une situation - en général une situation sociale - est devenue insupportable il faut en changer et c’est pourquoi, après bien des péripéties, nous sommes en démocratie. L’Histoire et la société nouvelle issue des révolutions légitiment par la suite les changements intervenus et les insèrent au plus vite dans un corpus législatif et réglementaire, qui devient la loi qui, elle, doit être respectée, devient légitime à son tour et ne doit pas être ignorée.

Les situations individuelles sont plus intéressantes à examiner. On peut tout d’abord penser au général de Gaulle refusant les ordres du gouvernement de Vichy cependant légitimé par l’élection constitutionnelle du 10 juillet 1940 donnant tous pouvoirs au maréchal Pétain. Mais que penser de tous ceux qui, civils ou militaires, ont agi conformément aux ordres du chancelier Hitler, lui aussi élu démocratiquement en 1933 ? Que penser également du colonel Paul Tibbets aux commandes de l’Enola Gay larguant la première bombe atomique de l’Histoire sur une ville japonaise désormais tristement célèbre : Hiroshima. Plus près de nous enfin que penser des CRS qui chargent des grévistes, délogent des sans-abri ou de l’huissier de justice qui expulse une famille sans ressources de son logement ? Ils obéissent à l’autorité légitime.

Que penser enfin de tous ceux qui se sont mis au service des génocidaires. Le XXe siècle en regorge. Génocides arménien, juif, tzigane, cambodgien, ukrainien, tutsi pour ne citer que les plus connus. Sans oublier les millions de victimes du stalinisme. Combien d’exécutants ont obéi peut-être au nom d’un tyran à mettre en place ou d’un système à instituer ?

La meilleure explication semble résider dans le processus de Stanley Milgram. Stanley Milgram (né le 15 août 1933 à New York - décédé le 20 décembre 1984 dans la même ville) est un psychologue social. Il est principalement connu pour ses expériences sur la soumission à l’autorité. Il est à cet égard l’un des psychologues les plus importants du XXe siècle.

L’une de ses expériences est parfaitement décrite dans une scène d’I comme Icare un film français de Henri Verneuil sorti en 1979 qui a eu un grand succès. Voici la description de l’expérience de Milgram réalisée à l’université Yale à New Haven (Connecticut) dans les années 1960 qui demeure d’une réalité surprenante.

L’objectif réel de l’expérience est de mesurer le niveau d’obéissance à un ordre même contraire à la conscience de celui qui l’exécute. Présentée comme une étude scientifique destinée à améliorer la mémorisation, en associant des substantifs à des adjectifs, elle met en scène trois intervenants :

- un élève, qui doit s’efforcer de mémoriser des listes de substantifs et d’adjectifs qui doivent rester associés. Il recevra une décharge électrique, de plus en plus forte, en cas d’erreur ;

- un moniteur qui dicte les mots à l’élève et vérifie les réponses. En cas d’erreur, il enverra une décharge électrique destinée à faire souffrir l’élève certes, mais lui permettre d’améliorer ses facultés de mémorisation : cette décharge sera de plus en plus forte pouvant lui laisser à penser qu’il infligera une punition extrêmement sévère en cas d’erreur ;

- l’expérimentateur enfin, universitaire, représentant officiel de l’autorité, vêtu de la blouse blanche du chercheur, qui arbitre l’expérience, donne les ordres et est le garant de la légitimité de l’expérience et du protocole. Ils sont en général deux et au cours de l’expérience ils expriment sur un point technique un désaccord, marquant de la sorte une faille dans le processus autoritaire.

Ainsi au cours de l’expérience le moniteur énonce les couples de mots à mémoriser, adjectifs (exemple : blanche) auxquels l’élève devra associer un substantif (exemple : barbe). A chaque erreur, il enclenche une manette et l’élève reçoit un choc électrique de puissance croissante (15 volts supplémentaires à chaque décharge) qu’il administre. La graduation va de 15 volts (une légère réaction de l’élève) à 450 volts (un hurlement laissant pressentir la mort possible) en passant par toutes les étapes intermédiaires (à 75 volts il gémit, à 150 volts il demande au moniteur d’arrêter l’expérience, à 300 il supplie qu’on le délivre et est dans un état de choc inquiétant, etc.).

En fait, l’élève est un comédien qui simule les souffrances reçues, le moniteur a été tiré au sort selon un tirage truqué faisant suite à une annonce passée dans la presse locale, mais il ignore que l’élève est comédien et qu’en fait les chocs électriques qu’il administre sont fictifs puisque l’appareillage électrique qui relie l’élève au moniteur est factice. En fait, tous ceux qui répondent à l’annonce se retrouvent dans le rôle du moniteur. C’est essentiel car c’est lui qui est l’objet de l’expérience, mais il l’ignore.

Le but de l’expérience est d’évaluer jusqu’à quel voltage vont les sujets (les moniteurs). A quel moment le conflit moral va apparaître chez le sujet ? A quel moment va-t-il décider de rompre avec l’autorité et désobéir. L’expérience montre par ailleurs que dès que cette dernière semble être en contradiction ou dès qu’elle présente une faille, le sujet remet plus facilement en cause cette autorité.

Quelques temps après l’expérience, les personnes qui avaient été « enseignant » recevaient un questionnaire et devaient donner une motivation à leur attitude ou tout au moins l’expliquer voire la justifier.

Il est intéressant de noter que près de 63 % d’entre eux menèrent l’expérience à terme en infligeant même à plusieurs reprises des électrochocs de 450 volts.

Milgram a lui-même reconnu ces résultats « inattendus et inquiétants ».

La leçon de l’expérience est cruelle : dans une démocratie, plus de 60 % des individus - honnêtes citoyens en tous points - sont prêts à infliger à leurs semblables, même s’ils ne leur ont rien fait, même s’ils ne les connaissent pas, des punitions pouvant parfois aller jusqu’à la mort. Ainsi en 1940 - on n’était plus tout à fait en démocratie, mais elle n’était pas encore très loin - en ne faisant qu’obéir, des policiers ont arrêté des juifs, des conducteurs d’autobus les ont emmenés dans des camps de regroupement (le Veld’hiv, Drancy, Compiègne, Pithiviers), des conducteurs de trains les ont emmenés dans des camps de concentration et des camps d’extermination (Auschwitz, Bergen-Belsen, Buchenwald, Dachau, Gross Rosen, Mauthausen, Ravensbrück, Treblinka et autres lieux du même type). Policiers, conducteurs d’autobus et de locomotives, commandants de camp n’ont fait qu’obéir aux ordres reçus. Ils n’ont fait que leur métier et avec compétence. Ils ont été comme fonctionnaires les bons exécutants d’une politique criminelle, sans le savoir, à des niveaux différents. Bien entendu, les actes les plus barbares et les exterminations finales dans les camps ont été confiés aux pires, aux détenus criminels, ceux qui n’avaient aucune conscience et étaient déjà des condamnés de droit commun. Certainement ceux qui auraient envoyé 450 volts !


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49 réactions à cet article    


  • Alpo47 Alpo47 12 mars 2008 11:32

    Cette soumission naturelle à "l’autorité", ou celui qui la représente (mise en évidence par Milgram), ne saurait exonérer les exécutants de toute responsabilité ... Ce serait trop facile.

    A défaut de responsablité devant la justice des hommes, il restera toujours la responsabilité morale et spirituelle. On sait déjà que 15% (environ) décident et les autres suivent, il appartient néanmoins à chacun d’assumer ses actes, ses décisions et sa propre vie...

    Bon, je sais, c’est pas demain la veille ...

     


    • Mjolnir Mjolnir 12 mars 2008 11:47

      Je suppose que dans un système comme une administration, le sens de responsabilité est "dilué" : les exécutants estiment que ce sont les donneurs d’ordre qui sont responsables (et que, s’ils ne font pas le boulot eux même, d’autres le feront) et les donneurs d’ordre ne faisant pas le sale boulot, ils ne se sentent pas responsables...

       


      • TALL 12 mars 2008 11:53

        Bon rappel d’un grand classique ( I comme Icare ) et il y a aussi l’exemple célèbre du procès d’Eichmann


        • Jean Krakowiecki Jean Krakowiecki 18 mars 2008 13:02

          c’est plutôt étonnant, car je viens d’écrire un article (7 mars) sur le sujet en citant justement Adolf Eichmann !!!

           

          www.agoravox.fr/article.php3

          Cela étant, je suis toujours méfiant quand nous regardons le passé, cela nous empêche trop souvent de regarder le présent !

           

           


        • haddock 12 mars 2008 11:58

          Comme quoi un cerveau pourrait servir , le cas échéant .


          • Paul Villach Paul Villach 12 mars 2008 12:33

            Excellent rappel d’une réflexion sur la soumission aveugle à l’autorité que les travaux de Stanley Milgram ont totalement renouvelée.

            Il est étonnant que ces travaux n’aient toujours pas amorcé une révision de la relation à l’autorité. L’École les ignore superbement.

            À vrai dire, cela se comprend, car c’est une nouvelle civilisation qui pourrait en naître : la civilisation de la responsabilité. Mais qui en veut ?

            1- Surtout pas les "responsables" qui se déclarent toujours irresponsables même pris la main dans le sac, comme on le voit dans "l’affaire des Irlandais de Vincennes" : voyez la vidéo de Mitterrand niant l’existence des écoutes téléphoniques de l’Élysée (Je la signale en note dans un article qui paraît aujourd’hui sur AGORAVOX : "La présidente du MÉDEF, L’UIMM et Mme Ciganer-Albeniz face à l’information du silence").

            2- Les subordonnés en veulent-ils davantage ? Beaucoup ne souhaitent surtout pas porter le fardeau de la responsabilité : c’est si commode de répondre comme les Kapos et les SS devant le Tribunal de Nuremberg : "Je ne suis pas responsable ! J’ai obéi aux ordres !"

            J’ai moi même repris les enseignements des expériences de MILGRAM dans un article récent sur AGORAVOX : "Le suicide collectif de la secte du Temple du Peuple : une explication salutaire de Stanley Milgram", le 31 janvier dernier.

            Il est aussi intéressant de s’attarder sur la méthodologie suivie par Milgram pour parvenir à une information extorquée et donc fiable, qui échappe au filtre de la conscience du sujet étudié : je m’en suis beaucoup servi dans un récent ouvrage pour étudier l’information et les médias. Paul VILLACH

             


            • Jean Massicot Jean Massicot 12 mars 2008 15:51

              Merci, je me suis empressé de lire votre article sur le suicide collectif de la secte du temple du peuple. Est-utile de préciser que je partage votre analyse.

              Par ailleurs, il me semble que dans l’ordre donné, le problème de la dilution du pouvoir au travers des délégations diverses (délégation de pouvoirs, de signature, de responsabilité etc.) n’a jamais bien été tranché au plan pénal. On l’a vu dans le procès Papon par exemple où sa défense reposait presqu’essentiellement sur le fait qu’il n’avait comme secrétaire général de préfecture qu’une simple délégation de signature.du préfet !

              Merci


            • Nobody knows me Nobody knows me 13 mars 2008 17:11

              Bonjour, Là bas si j’y suis a traité ce sujet il y a peu avec Normand Baillargeon. On y parle de Stanley Milgram et de ses fameuses expériences. Très intéressant. L’émission peut être écoutée ici.


            • tinga 12 mars 2008 14:18

               "La leçon de l’expérience est cruelle : dans une démocratie, plus de 60 % des individus - honnêtes citoyens en tous points - sont prêts à infliger à leurs semblables, même s’ils ne leur ont rien fait, même s’ils ne les connaissent pas, des punitions pouvant parfois aller jusqu’à la mort."

              De mon point de vue, plusieurs choses ne colle pas dans cette phrase, en effet on peut légitimement s’interroger sur les valeurs d’une "démocratie" qui produirait 60% de tortionnaires potentiel, ensuite l’ expression honnête citoyen me fait froid dans le dos, (le en tout points est j’ose l’espérer ironique...)quid des 40% restant, des citoyens déviants ?

              J’ai mille fois raconté cette terrible expérimentation, justement pour dénoncer l’ illusion démocratique.

              Eyal Sivan et Rony Brauman ont écrit "éloge de la désobéissance", ouvrage d’ actualité.


              • Jean Massicot Jean Massicot 12 mars 2008 15:53

                Je pense qu’il faut comprendre : honnête citoyen au regard de la loi, pas néssairement au regard de sa conscience

                Merci


              • tinga 12 mars 2008 23:31

                La loi interdit de torturer, une autorité demandant de le faire est illégale, un citoyen respectueux de la loi demande un arrêt immédiat de l’expérience, quelque soit le vernis de légalité, le doute doit prévaloir. Un citoyen averti sait que les pires projets avancent par le mensonge.


              • Jean Krakowiecki Jean Krakowiecki 18 mars 2008 13:08

                Dans l’absolu, vous avez mille fois raison !

                Dans la réalité : 100 % sont allés jusqu’à 285 Volts !

                 

                Si en plus, une autorité a sous la main une autre autorité ou un "tortionnaire potentiel", le taux d’obéissance passe à 92 % !!!!

                C’est pour cela que je pose la question si les patrons sont des assassins ....www.agoravox.fr/article.php3

                 


              • Radix Radix 12 mars 2008 14:39

                Bonjour

                Dans "La mort est mon métier" Robert Merle avait montré comment l’obéissance aveugle à une autorité pouvait servir, non seulement de justification, mais aussi de se dispenser de réflexion sur la justification ou la finalité de son action.

                Je regardais hier soir l’enquête sur la société Monsanto, ses mensonges, ses coruptions et son cynisme qui a débouché sur la mort de consommateurs américains.

                Dans cette entreprises combien sont "responsables" et combien "obéissent aux ordres" sans états d’âmes ?

                Au vu de l’enquête la société Monsanto pourrait prendre comme devise le titre du livre de Robert Merle !

                Radix

                 


                • sery 12 mars 2008 15:30

                  J’apprends que le dernier "poilu" de la "grande guerre" vient de deceder

                  Le "chef" lui avait bien dit qu’il finirait centenaire ; et bien il a fait 110 !!!...

                  enfin le dernier,sans compter les deserteurs (rassurons nous la gendarmerie s’active)

                  Me trouvez -vous vraiment hors de propos ?


                  • le Plouc 12 mars 2008 16:43

                    @ l’auteur

                    Merci de ce rappel , effectivement l’exprerience de Milgram est trés parlante.

                    Elle améne des interrogations sur la soumission volontaire : ce que l’on appelle "etre responsable", dans son acception "devoir donner des réponses" , réponses attendues par l’autorité.Dans ce cas la responsabilité est une soumission . Par exemple on ne dit plus "chef d’atelier" mais "responsable de production ou de SAV ou autre, ce qui inverse le sens de la hiérarchie.

                    Or on ne peut concevoir la notion de responsabilité (repondre de ses actes) sans les notions de pouvoir et de savoir (une forme de pouvoir) . Le pouvoir de faire le bon ou le mauvais choix. Et ce pouvoir est entre les mains de... l’autorité ! Donc etre responsable c’est obeir à l’autorité, et pas faire son propre choix.

                    Les rapports humains sont régis par des relations de dominance par nature , et par reproduction sociale (la relation parents enfant , puis la relation éléve professeur , citoyen justiciable, patron employé et meme Dieu disciple...) .Etant formés à l’obeissance depuis la naissance , comment s’en affranchir quand c’est necessaire ?

                    La réponse : 63% des gens en sont incapables d’aprés Milgram.

                    L’obéissance est aussi l’accés à la reconaissance sociale.Dans bien des systémes il faut savoir obeir pour gravir les échelons, et le fait d’etre tout en haut est signe de totale réussite sociale. Le darwinisme social (représenté par la culture du "résultat") est un mode de reproduction de la soumission volontaire.

                     

                     

                     


                    • Jean Massicot Jean Massicot 13 mars 2008 10:54

                      J’ai lu avec intérêt votre article avec lequel je suis en accord.

                      Il est vrai que la faiblesse juridique des démocraties permet beaucoup d’entorses.

                      Je vous remercie.


                    • RemiMorin 12 mars 2008 18:15

                      Ceci est quelque chose que l’on doit toujours garder à l’esprit et nous permet aussi de voir le monde différment.

                      Nous sommes tous les jours complice d’atrocité dans le monde (que ce soit par nos achats de produits fait dans les pays pauvres ou plus directement) par l’action ou l’inaction.

                      L’actualité est alors d’une violence innouie pour notre jugement. Présentement mon pays (Canada) est dans une gerre sale, de génocide contre des talibans, une gerre d’occupation partisane... aussi contre que je puisse être j’en suis complice. Pour garder mes amis, j’ai pondéré mes critiques... pour garder mon travail, je n’expose pas mes position au travail... couillons... un peu, mais pour moi, compromis devant le besoin de vivre moi même.

                      Complice alors, oui... nous le somme tous... on en vient à envier ces 63% qui le sont aussi mais sans état d’âme. Finalement c’était ça l’idée... mettre du sang sur les mains de tout le monde, maintenant plus personne ne peut se proclamer blanc comme neige... sous l’étiquette de la guerre au terrorisme, la désobéissance est devenue criminelle...

                      Homo sapiens sapiens... homme (sage) au carré...
                      Beaucoup moins de gens pense qu’on le pense...
                      63% de bon citoyen, soumis aux règles, docile devant l’autorité

                      20% de mal-intentionné (stéréotype malhonnête), de profiteur de situation très actifs (stéréotype riches), d’égocentrique sans considération d’autrui... etc.

                      reste plus grand chose...

                       


                      • Francis, agnotologue JL 12 mars 2008 22:22

                         

                         

                         

                        " Quand un imbécile fait une action dont il a honte, il prétend toujours que c’est par devoir. " (George Bernard Shaw)

                        La question posée en entrée de jeu me dérange. L’auteur écrit : ""Jusqu’où doit-on obéir ?""

                        Cette question pour moi est absurde, et cette question ne se pose que dans des contextes particuliers qu’il reste à définir, ce qui manque ici, même si cela est sous-entendu.

                        La bonne question à poser n’est-elle pas : "Jusqu’où doit-on repecter la loi" ? et cette question vaut autant pour celui qui représente la loi, l’autorité donc, que pour le pékin de base. 

                        Au dessus de la loi il y a la morale, cela devrait répondre à la question, me semble-t-il.


                        • tinga 13 mars 2008 00:03

                          Pour ma part, je préfère le respect des lois, dans l’expérience de Milgram, ce qui est proposé est une transgression de la loi, ce point mérite d’ être souligné, la loi, en théorie est ce qui protège le faible contre le fort, ce qui essaie rétablir une sorte d’ égalité, l’autorité brutale ( et non bien sur l’autorité du savoir où de la sagesse) c’est le retour de la loi du plus fort. La morale est me semble-t-il quelque chose de plus personnel, résultant de valeurs et de convictions qui peuvent entrer en conflit avec l’intéret collectif.


                        • Philippe MEONI Philippe MEONI 13 mars 2008 01:39

                          Non tinga, ce n’est pas une transgression de la loi puisqu’aujourd’hui, cette expérience est normalisée par l’autorisation des armes à impulsion électriques (type taser x26), dont on sait qu’elles ont déjà provoqué des décès, utilisées LÉGALEMENT par les forces publiques ... Et la loi qui autorise cette arme n’est pas transgressée lorsqu’un policier en fait usage, sachant le risque de mortalité que celà induit...Et ce qui fait froid dans le dos, c’est de savoir que la grande majorité des forces de l’ordre utilisera cet instrument de torture sans avoir reçu la formation adéquate et sans état d’âme... Nous ne somme pas très loin de la situation des flics qui ne faisaient qu’obéïr aux ordres LÉGAUX de "rafler du Juif" lors de l’occupation, non ?


                        • tinga 13 mars 2008 01:57

                          Helas, vous avez mille fois raison, la perversion de la loi, voilà ce qui nous menace actuellement.


                        • Francis, agnotologue JL 13 mars 2008 10:04

                          @ Tinga, vous dites : ""La morale est me semble-t-il quelque chose de plus personnel, résultant de valeurs et de convictions qui peuvent entrer en conflit avec l’intéret collectif"".

                          Ne voyez-vous pas un paradoxe là-dedans ? Quelle serait cette "morale" contraire à l’intérêt collectif, puisque par définition, le premier principe de la morale c’est "Ne fait pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse" ?

                          Je vous l’accorde, la morale individuelle, mais aussi la Morale avec un grand M peut entrer en conflit avec un intérêt particulier. Disons plutôt qu’il est des intérêts particuliers qui s’accordent peu avec la morale ! Et c’est un euphémisme. Et les lois sont faites pour cela, précisément.

                          Je n’ai pas dit que la morale dispense de respecter la loi, au contraire : tout contrevenant à la loi aura à lui rendre des comptes. Ce qui n’est pas vrai des entorses à la morale, on peut le déplorer mais c’est ainsi.


                        • Jean Massicot Jean Massicot 13 mars 2008 10:39

                          Merci de votre avis


                        • Philippe MEONI Philippe MEONI 13 mars 2008 02:00

                          Bonsoir M. MASSICOT, la question de la limite de l’obéïssance est bien sûr plus que pertinente. Cependant, je rejoins le commentaire de JL qui pose la question de savoir jusqu’où obéïr à la loi. Or, à ce jour, il n’existe aucune procédure légale qui permette au citoyen de s’opposer à un projet de loi qualifié d’immoral ou amoral par une majorité ; Si les 60 % d’honnètes individus pouvaient s’opposer légalement à une loi qui les obligent à l’expérience de Milgram, la question de la désobéïssance ne se poserait probablement plus ? Peut être est il temps de réfléchir à un concept de législation par référendum populaire systématique, qui empêcherait peut être l’incarcération abusive de centaines d’êtres humains dans les "centres de rétention" sans avoir commis aucun crime ?


                          • Jean Massicot Jean Massicot 13 mars 2008 10:35

                            Bonjour M. Meoni.

                            Par définition je pense qu’il ’y aura jamais de procédure légale permettant de désobéir à la LOi à part

                            bien sur le vote. Mais en ce qui concerne les situations individuelle vous avez raison il ny a rien.

                            Merci


                          • Krokodilo Krokodilo 13 mars 2008 09:44

                            Tinga,

                             

                            Dans cette expérience, il n’y a pas transgression de la loi, puisque c’est présenté comme une expérience scientifique sur des volontaires, payés pour l’occasion. Cette méthodologie incroyable de subtilité qui a marqué son temps cherche en quelque sorte le seuil où la morale personnelle du cobaye (qui s’ignore) va entrer en conflit avec le confort moral accordé par l’autorité, le seuil où l’individu se pose des questions sur ce qu’on lui fait faire. or, ce seuil semble très élevé pour la majorité, puisque les étudiants simulaient de grandes douleurs et une perte de conscience dans les hauts voltages…

                            Ce phénomène, ajouté au fractionnement des tâches comme décrit par l’auteur, les sadiques aux pires actions, les autres étant répartis dans toute la chaîne, a permis à toutes les époques les pires horreurs.

                            J’ajoute à l’article que ceux qui ont vu le film "I comme Icare" sans connaître cette expérience ont été eux aussi piégés, de même que le procureur à qui le chef du labo montre l’expérience sans lui dévoiler de suite le pot aux roses ; car la question posée ets finalement celle-ci : "quand avez-vous trouvé quelque chose de malsain à cette expérience ?"

                            Au début, ça paraît acceptable à tout le monde, quelques volontaires qui ont accepté de petites secousses électriques pour gagner une petite somme, pas de quoi fouetter un chat. Mais à mesure que l’expérience avance, ça se corse, c’est donc le seuil moral du procureur qui est testé par le malicieux chef du labo, mais aussi celui du spectateur du film !

                             


                            • Jean Massicot Jean Massicot 13 mars 2008 10:29

                              Vous avez raison, mais le seuil du procureur interprété par Y. Montand est testé indirectement. Les vrais testés sont bien les cobayes. Nous spectateurs, comme le procureur le sont aussi à leur insu.

                              Merci de votre commentaire


                            • mandrier 13 mars 2008 09:59

                              Bonjour !

                              Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? :

                              ".... et vous lui obéirez, en tout ce qu’il vous commandera pour le respect des lois, l’observation des règlements, le bien du Service, et le succès des Armes de la France."


                              • Jean Massicot Jean Massicot 13 mars 2008 10:24

                                Bonjour,

                                Bien sur, en cas de prise de commandement. Où de remplacement suite à un empêchement..

                                La Marine ne m’a jamais donné d’ordres contraire à ma conscience. Mais elle aurait pu m’en donner en 1940 quand elle a basculé avec les grands pachas et amiraux de la marine d’armistice (Darlan, Auphan de Laborde, Marquis etc.) dans le soutien à Pétain. Merci de ce rappel

                                Amitiés


                              • mandrier 13 mars 2008 10:51

                                Moi non plus !

                                Et souvenez vous ce que disait le Professeur d’Histoire de l’Ecole à propos du sabordage : " Voici, ce qui arrive quand on place l’Honneur en dessous de la ligne de flottaison !... Messieurs je vous interdis de faire comme eux !...." (applaudissements de l’amphi n°1)...

                                Par ailleurs pour moi la légitimité de la République était à Londres....


                              • Jean Massicot Jean Massicot 13 mars 2008 11:00

                                Pour moi aussi, le pouvoir était à Londres .

                                Mais à l’époque, combien de personnes le savaient ?


                              • Jean Krakowiecki Jean Krakowiecki 18 mars 2008 13:17

                                Et si la guerre avait été perdue ? 

                                La raison aurait été de quel côté ? 

                                 


                              • mandrier 19 mars 2008 14:30

                                Fils de Français libre, c’est une objection que j’ai entendue lors de "discussion" entre anciens FNFL, et des résistants (CNR, vous connaissez ?)...

                                A chaque fois la réponse a été la même : On ne pouvait que gagner car nous étions du côté du Bien....

                                Devenu officier, j’ai compris ce que cela voulait dire aupès de mes camarades, et de mes chefs....


                              • Jean Massicot Jean Massicot 19 mars 2008 16:47

                                Bonjour,

                                Je crois qu’il ne s’agit pas de choisir entre le BIEN et le mal mais entre deux ’BIEN’ différents mais de hiérarchie différente.

                                remerciements

                                 


                              • mandrier 19 mars 2008 21:14

                                Oui, c’est assez juste !

                                Toutefois il faut aussi convenir que le "destin", le "sort" la "chance" fait que l’on peut se retrouver ou non dans un des camps sans savoir s’il existe d’autres options...

                                Il y a quelques années , il y avait un CEMM qui, tel Napoléon, avant d’attribuer des commandements, se posait cette question.

                                Et là on comprend comment un équipage peut faire confiance ou non à son commandant pour accepter son autorité.


                              • Jean Massicot Jean Massicot 20 mars 2008 07:20

                                Bonne question. Du côté des perdants pour la morale. Du côté des vainqueurs bien sur pour l’Histoire


                              • tinga 13 mars 2008 10:48

                                @Krodilo

                                Si l’expérience de Milgram avait été réelle, c-a-d avec de véritables décharges électriques, aurait-elle été autorisée ? j’ose espèrer que non ( il est à noter qu’ à Yale, des expérimentations assez poussée sur le controle mental ont eu lieu). Cette expérience repose au départ et heureusement sur une duperie, exactement comme dans le très bon exemple donné par Philippe MEONI, le taser ne tue pas (ce qui est une affirmation fausse) donc je peux m’en servir en toute légalité (pour tuer), là encore, perversion de la loi par un trucage, un mensonge comme dans l’expérience de Milgram mais dans le mauvais sens cette fois ci.

                                 


                                • Bobby Bobby 13 mars 2008 11:31

                                  Oui, il faut toutfois noter que Walter Milgram à commencé son expérience dans les locaux de l’université... dans les caves, dans des conditions qui amenaient des questions importantes sur la "légalité" des méthodes ! La loi ayant été bafouée purement et simplement pour les besoins de la cause (fort juste au demeurant).

                                   


                                • Krokodilo Krokodilo 13 mars 2008 17:09

                                  Tinga,
                                  Si l’on exclue les trois-quarts de la planète où règnent à des degrés divers des petites et grandes dictatures, j’ose espérer qu’une telle expérience n’aurait pas d’autorisation si les souffrances étaient réelles. Mais tout n’est pas si clair : prenez les épreuves de sélection des commandos marine basés sur la côte d’Azur. Ce sont des gens en pleine forme qui acceptent d’être poussés jusqu’aux limites extrêmes de la résistance, et je crois me rappeler qu’il y a eu un ou deux décès par noyade (épuisement, malaise cardiaque).


                                  Ce qu’on accepte au nom de la défense de la patrie et de la formation d’unités d’élite, il est envisageable qu’on l’accepte au nom de l’intérêt supérieur de la science si le besoin était vraiment important. Toutes les démocraties ont fait bien pire : déportation d’enfants dans les périodes coloniales, expérimentations radioactives sur des prisonniers et des malades mentaux pas toujours vraiment informés, au nom de la guerre froide, torture et enseignement de ces méthodes d’interrogatoire au nom de la lutte contre le communisme puis contre le terrorisme, assassinats politiques, désarmer des gens encerclés et les laisser massacrer, etc., j’en oublie sans doute pas mal.


                                  En temps de paix et de prospérité, on demande l’avis d’un comité d’éthique, mais en temps de crise, la morale redevient vite élastique, à géométrie variable.
                                   


                                • Valparaiso JJSS1979 13 mars 2008 10:57

                                  Vous, vous venez de voir I Comme Icare !

                                  Excellent film du non moins excellent Henri Verneuil (qui a signé par la suite Mille Milliards de dollars avec Dewaere)


                                  • Bobby Bobby 13 mars 2008 11:13

                                    Bonjour,

                                     

                                    Cette expérience, dont l’article présente quelques raccourcis, n’est que la mise en pratique du "test d’Abraham" ! Elle ne convie en rien à transgresser la loi, mais montre combien il est dangereux de suivre cette dernière aveuglément !

                                     

                                    Un grand nombre d’entre-nous s’y sont pourtant résolus... (63 % ?) de manière presque définitive et ce, fort probablement dès le plus jeune âge. Il est tout-à-fait clair que le rôle joué par des "éducateurs" (les professeurs) à l’école est déterminant ! (cf "Une société sans école", Yvan Illitch, etc...) On constate que les analyses critiques (littéraires par ex.) ont d’ailleurs presque complètement disparu du programme abordé bien des années plus tard lorsque les élèves auront atteint un âge où ils feront preuve de plus de "maturité"... jusque là, ils auront été habitués à OBEIR ! Thème repris brillamment entre-autres dans "Le meilleurs des mondes" d’Aldous Huxley, où dans "The wall" des Pink Floyd...

                                     

                                    Certains parents plus avisés, font d’ailleurs eux-mêmes l’éducation de leurs enfants afin de les préserver de ces mécanismes automatiques imposés de manière très large par le système éducatif organisé. Ce sont ceux qui représentent une toute petite minorité capable et lucide de donner à la génération suivante les moyens de chercher d’autres voies... de créer d’autres éthiques. Oui, l’expérience de Milgram est constructive dans le sens qu’elle dénonce une vérité bien solidement ancrée en nous, peu flatteuse il est vrai, qui nous amène à marcher au pas... et ensuite viser notre voisin !!!

                                     

                                    Quant à rêver de fraternité... voici une belle idée, qui subit (on peut le regretter) une limite, une loi injuste que le nombre bien trop important d’humains sur Terre voit s’ériger au vu de son mode de vie, en nécessité, loi qui ne doit rien envier au comportement des lemmings  ! J’aimerais autant ne pas en connaître les effets !... à 60 piges, je n’en suis pas bien sûr !

                                     

                                    Bien à vous.

                                     


                                    • Krokodilo Krokodilo 13 mars 2008 17:15

                                      Les enfants ont pourtant besoin de règles claires, aussi bien au sein de leur famille qu’à l’école.

                                      D’ailleurs, un code moral, une éthique, ce n’est pas une absence de loi, mais plutôt une loi qui porte un autre nom  ! Ce sujet déborde aussi vers la résistance civique. Aller contre la loi lorsqu’un groupe l’estime injuste est-il licite ?


                                    • Bobby Bobby 13 mars 2008 17:37

                                      Un plus ! En effet, je n’ai jamais dit le contraire.


                                    • Bobby Bobby 13 mars 2008 17:45

                                      N.B. la loi prévoit que l’éducation est obligatoire... pour autant que l’on en soit capable et le programme scolaire respecté, les parents peuvent s’en charger ! C’est licite pour répondre à votre question.


                                    • Jean Krakowiecki Jean Krakowiecki 18 mars 2008 13:24

                                      Vous soulevez une question importante !

                                      Je fais partie d’ailleurs de ces "fous" qui ont choisit justement de ne pas placer leurs enfants à l’école ... et je dois dire que Milgram est UNE composante dans ce choix.

                                      En fait le processus est simple : le management d’un enfant est le plus souvent directif (gain de temps, optimisation de l’énergie, ...)

                                      De fait :

                                      Obéissance = Bien !

                                      Désobéissance = Pas bien !

                                      Nous avons tous été formaté selon ce principe : le contenu de l’ordre et sa dimension ethique ou morale est complètement passé à la trappe !!!

                                       

                                      Moralité : des années après cette expérience édifiante, je suis absolument certain de retrouver les mêmes pourcentage d’obéissance aveugle ....

                                      Peut être que cela en arrange quelques uns .... ma parano, certainement  !!! 

                                       


                                    • foufouille foufouille 13 mars 2008 17:37

                                      je ne pense pas que les tortionnaires aient honte d’obeir. il se justifie au contraire avant. la police rafle les sans papiers qui ont des enfants. les bureaucrates fliquent le peuple. toutefois les juppe sont consideres bien meme s’ils volent

                                      la loi et les decrets joue sur les mots. resssouces, revenus, revenus imposable s’interpretent differement suivant les gens. le flic qui tase ou tabassent se justifie toujours par la "resistance a force de l’ordre". meme a 4 contre un. le "j’ai obeis aux ordres" est la dernier recours


                                      • Bobby Bobby 13 mars 2008 17:53

                                        En effet, les tortionnaires, dont la proportion avoisine les 15 % (c’est une relative constante) en général rigolent bien lorsqu’ils peuvent faire souffrir... on en voit le résultat dans des camps comme celui de Guantanamo ! Ils existent dans toutes les régions... encore faudrait-il ne pas leur donner trop de pouvoir ? A ce sujet, une étude caractériologique des futurs preneurs de décision serait peut être une bonne chose ?


                                      • foufouille foufouille 13 mars 2008 18:28

                                        je parlais des tortionnaires en general. CAF, SECU et autres bureaucrates zele et de leurs adeptes

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