Le baccalauréat, une vieillerie française ?
Si j’étais ministre de l’Education nationale, je chuchoterais à l’oreille des uns, et écorcherais les oreilles de certains avec un bon nombre de réformes. L’une de ces réformes, dont j’ai « mûrement » réfléchi, est la suppression, la réformation du baccalauréat. Certain crieront au scandale, d’autres s’exalteront de cette nouvelle.
Notre baccalauréat français, tant détesté par nos étudiants, mais tant défendus par eux-mêmes :
En 2005, François Fillon a fait face aux étudiants en colères, révoltés par la simple évocation d’un remaniement, d’une réforme du baccalauréat.
Les jeunes ont alors manifesté, fait acte de grève pour enfin voir cette réforme abandonnée, laissée aux oubliettes. Les jeunes, étudiants ne font-ils pas preuve d’un léger soupçon de conservatisme à l’égard de ce diplôme ?
Pour rappel historique, le baccalauréat a été créé par Napoléon Ier en 1808. Certains parlent même d’une origine plus profonde, remontant au Moyen Âge à l’université de Paris. Quoi qu’il en soit, le baccalauréat dans sa forme moderne fête ses 200 ans en 2008. Le bac n’aurait-il pas pris quelques rides ? N’a-t-il pas perdu fortement de sa valeur ?
La valeur est définie par la rareté du produit, du service : en 1936, un taux de réussite inférieur à 3 %. Soixante-dix ans plus tard, un taux de réussite s’élevant à 83,3 %. Un miracle ou une baisse des exigences ? Des génies par milliers faisant exploser les statistiques ?
Même sur une année, le nombre de génies croissant se fait ressentir.
Pour le bac général, séries ES c’est une hausse presque insignifiante de 0,3 %. Il y a par contre une explosion du niveau des séries L et, plus particulièrement, de la série S. La série L accuse une hausse de 1,6 %, puis la série S fait preuve d’une remarquable efficacité, avec une hausse de 4,4 % sur un an. Par ailleurs, les bacs technologiques ne présentent pas d’augmentation majeure. Sauf les 2,1 % d’augmentation du taux de réussite de la série STT. Pour éviter les désagréments de la formation lacunaire des élèves provenant de la STT et devant se mettre au programme STG, si échec au bac ?
Le bac, plus particulièrement le bac général, fait parler de lui chaque année : « Record historique du taux de réussite ». Mais n’est-il pas révélateur d’un niveau, d’une exigence revue à la baisse chaque année ?
En soixante-dix ans, le baccalauréat a une augmentation de 80 % de son taux de réussite. Le rythme de son taux de réussite s’accentue fortement ses dernières années.
Le baccalauréat n’est plus un diplôme valorisant, mais dévalorisant !
Car, en effet, les faibles minorités qui échouent au bac ont alors toutes (quasiment) les portes des études supérieures fermées. Ceux qui échouent alors au bac sont alors vus comme les vilains petits canards de la jeunesse française. Les bons à rien, les irrécupérables de la société. Résultat, ils quittent le système scolaire sans diplôme, sans aucune qualification. Quels gâchis d’étudiants, de cerveaux, de talents probables !
Selon le rapport de la commission Attali :
« • 17 % des jeunes quittent l’enseignement sans avoir ni Certificat
d’aptitude professionnelle (CAP), ni Brevet d’études professionnelles
(BEP), ni baccalauréat ;
• 50 000 jeunes par an, soit environ 6 % d’une génération, proportion
considérable, sortent du système scolaire avant la terminale ;
• 41 % des étudiants interrompent leurs études sans avoir de
diplôme (11 points de plus que la moyenne de l’OCDE) ;
• Selon une étude américaine (Programme international de recherche
en lecture scolaire - 2007), en lecture, les élèves français se classent
27e sur 40, derrière les élèves de Russie, d’Italie, d’Allemagne ou des
États-Unis, et régressent par rapport aux enquêtes précédentes. »
Mais à quoi bon, lorsque le gouvernement se targue de la chose suivante :
Pourcentage d’une classe d’âge obtenant le baccalauréat
En 1880, c’est 1 % d’une classe d’âge obtenant le baccalauréat : l’élite française !
En 1989, c’est 36 % d’une classe d’âge obtenant le baccalauréat : une caste de privilégiés !
En 2006, c’est 63,8 % d’une classe d’âge obtenant le baccalauréat : une minorité de 36,2 %, sans baccalauréat, les honteux de la société française.
« C’est simple, le ministère fixe l’objectif de 80 % de reçus, précise Jean-Marc Steindecker, ancien chef du département génie électrique à l’IUT de Cachan. Et nous devons faire en sorte d’y parvenir » (Nouvel Obs du 17 au 23 janvier 2008).
Pour conclure, sur l’ensemble de ces statistiques, le bac perd de sa valeur, pour finalement dévaloriser les "non-bacheliers" et créer la désillusion de l’université et de son niveau (60 % des étudiants échouent en première année à l’université).
Pour parler brièvement d’économie, le baccalauréat français, c’est :
- selon la commission de modernisation de l’Etat, le coût varie entre 200 et 280 millions d’euros,
- 621 532 inscrit en 2007,
- 127 685 examinateurs et correcteurs,
- 4 millions de copies.
Un rapport moyen de 450 € par élève, pour la simple passation du baccalauréat.
Si nous estimons que 80 % des élèves passent avec succès leurs examens, le nombre d’admis est de 497 225 : soit 124 307 élèves échouant au baccalauréat. Donc pour le « filtre » de ces 124 307 élèves échouant, futurs démotivés de l’Education nationale, cela nous revient à 2 257,48 € par "élève/échouant".
Car, après tout, autant les culpabiliser au maximum, ceux qui réussissent c’est un investissement réussi, donc pas réellement une perte d’argent. Mais là où il y a une perte d’argent c’est en ceux qui échouent. Soit un coût de 2 257,48 € par élève échouant, pour finalement les exclure du système scolaire.
QUE FAIRE ALORS DU BACCALAUREAT ? QUELLES SOLUTIONS ?
Solution 1 : LE BACCALAUREAT, SEULEMENT POUR L’UNIVERSITE.
Il y a, selon moi, plusieurs possibilités pour économiser, pour revaloriser le baccalauréat.
La première des solutions qui peut s’imposer pour économiser les coûts et revaloriser notre bac français : la passation du baccalauréat uniquement pour les élèves désirant entrer en faculté. Au moment des vœux de l’élève, celui-ci peut s’inscrire en "fac", la réussite à l’examen du baccalauréat sera le garant à cette accession à l’université. Il faut que le bac réduise considérablement notre taux d’échec en faculté : un taux d’échec entre 50 et 60 % en première année ! Un baccalauréat réservé aux élèves les plus brillants, des exigences élevées pour limiter notre taux d’échec en faculté. Le baccalauréat technologique, professionnel doit être supprimé : avec un baccalauréat technologique, professionnel nous courons à la catastrophe. L’université ne peut pas être accessible avec un bac technologique et professionnel. Pourquoi ? Un taux d’échec beaucoup plus élevé qu’avec un baccalauréat général, en 2005 c’est près de 23 % de STT fonçant droit vers le mur « université ». Les baccalauréats technologiques, professionnels doivent ambitionner les BTS et DUT. Si jamais un élève désire accéder en université, lui proposer une année de mise à niveau avec une option scientifique ou littéraire. Cette année de mise à niveau sera sanctionnée par un certificat d’assiduité et de réussite aux évaluations. Cette année de mise à niveau doit être intensive, proposer un programme entièrement basé sur l’option désirée. Cette année de mise à niveau sera à l’exemple de l’actuel « Diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU) ».
Donc il y aura la présence d’une sélection à l’université à travers le baccalauréat, par l’intermédiaire de la réussite à l’examen.
Par conséquent, l’accession en BTS et DUT se fera uniquement par dossier. L’élève sera évalué selon ses résultats, observations et motivation pouvant être évalué à travers un entretien. Il n’y aura plus la réserve du baccalauréat pour l’accès à ce type de diplôme.
Un certificat gratifiant l’élève d’une assiduité, d’un comportement et de résultat peut-être envisageable pour l’accès aux BTS et DUT (une régularité dans le travail, dans le suivi des cours permettra à l’élève d’accéder à « l’étape supérieure »).
Si le baccalauréat est supprimé pour les sessions technologiques et professionnelles, l’ensemble des horaires que représente l’examen du baccalauréat actuellement seront alors des horaires d’orientations à l’élève. Cette orientation peut être organisée en modules, afin d’individualiser un maximum ces horaires. L’objectif de cette orientation est de guider l’élève dans le choix futur de ses études et de limiter ainsi les déceptions et le taux d’échec dans les différents BTS et DUT. Ceci est applicable aussi aux baccalauréats généraux, dès le deuxième trimestre l’élève doit déterminer ses vœux, ceux qui ne souhaitent alors pas aller à l’université pourront suivre ces heures d’orientations.
LES PROPOSITIONS :
- le baccalauréat uniquement pour les élèves qui souhaitent entrer en université ;
- des exigences élevées ;
- limiter fortement le taux d’échec en université (voir propositions précédentes) ;
- sa suppression pour les séries technologiques et professionnelles ;
- une année de mise à niveau pour les élèves sortant d’une série technologique et professionnelle et souhaitant entrer en université ;
- l’accès aux études de BTS et DUT sans baccalauréat, mais juste une attestation d’assiduité et de résultat convenable sur l’ensemble des deux dernières années ;
- les heures libérées par la suppression du baccalauréat, remplacées par des heures d’orientations et d’informations sur les débouchés de la formation des études envisagées.
Solution 2 : LE BACCALAUREAT EN CONTROLE CONTINU
Une réforme beaucoup plus économique. Le baccalauréat en contrôle continu.
Nous pouvons nous appuyer, pour cette solution, sur la régionalisation de la France. Chaque région devra respecter, comme le socle commun des connaissances de l’Education nationale s’articulant autour de sept piliers (contrôlé en CE1, fin de l’école primaire et au brevet), un ensemble de « piliers de connaissances ». Pouvant être appuyé par un tronc commun : mathématiques, français, histoire-géographie, économie, anglais et informatique. Puis à ce tronc commun un ensemble d’options, deux à trois obligatoires. Donc la région, devra établir chaque trimestre les différents sujets et les transmettre aux lycées. Si l’élève, en fin d’année, a une moyenne supérieure à 10/20, il est gratifié d’un diplôme. Si l’élève a moins de 10/20 et plus de 8/20 il peut alors souhaiter un rattrapage oral organisé par le lycée où une commission se réunit pour décider du sort de l’élève en fonction de ses bulletins.
Ce contrôle continu prend alors la place des actuels bacs blancs organisés par les lycées.
EN RESUME PROPOSITIONS :
- un baccalauréat en contrôle continu ;- une « régionalisation des sujets » en fonction de critères nationaux ;
- un pilier de connaissances, composé d’un tronc commun et des options ;
- une moyenne de 10/20 à l’année attribue automatiquement le diplôme à l’élève ;
- une moyenne se situant entre 8 et 10/20 : rattrapages oraux ou commission d’évaluation ;
- habituer l’élève aux systèmes de partiels.QUE FAIRE DES ECONOMIES ?
Le budget du ministère de l’Education nationale est déjà conséquent, 77 milliards d’euros pour 2007, premier poste du budget de l’Etat. Mais l’économie réalisée par une suppression du baccalauréat peut être l’occasion d’équiper l’intégralité des lycées de l’outil informatique pour chaque élève. Développer l’installation des ordinateurs en salle de classe, avec la mise en place d’un réseau local. Diminution du poids du cartable, des cours plus « vivants » : l’installation de l’outil informatique en réseau peut permettre à l’enseignant de mettre en réseau chaque cours rédigés, facilement accessible à l’élève. Celui-ci peut alors enregistrer son cours et le consulter chez lui. La « dictée » de l’enseignant sera supprimée au profit d’un cours dynamique, avec plus de temps au dialogue, au débat. Développer la recherche personnelle, avec « des heures libérées sans professeurs » pour compléter un cours. Par, notamment, le développement d’exposés oraux, de travaux à long terme (cédant lui aussi sa place aux devoirs du « jour au lendemain ») sur un approfondissement du cours et de ses compétences. L’économie sur quatre ou cinq ans, réalisée par la suppression du baccalauréat doit permettre à tous les lycées de France de se doter de l’outil informatique en salle de classe, et, par conséquent, changer littéralement l’organisation de ses cours.
POUR APPRONFONDIR LE SUJET ?
Mes Recommandations / Mes Lectures
- La Commission Attali : dossier sur le « savoir » et sur le développement des TIC.
- Le Nouvel Observateur du 17 au 23 janvier 2008 : « Faut-il supprimer le bac »
- Le livre de Patrick Fauconnier : La Fabrique des meilleurs, enquête sur une culture d’exclusion.
- Répondre à cet article, exposer son point de vue, argumentez et proposez !
Recommandations du Nouvel Obs
- Stop à l’arnaque du bac, par Jean-Robert Pitte, Oh Editions, Paris, 2007.
- L’enquête "Génération 2001" du Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications)
- "A quoi sert l’usine à gaz ?"
- Les Inégalités sociales à l’école, genèse et mythes, par Marie Duru-Bellat, PUF, Paris, 20O2.
POUR LES DEFENSEURS DU BACCALAUREAT !
En 2005, lorsque Fillon annonce une réforme du baccalauréat, les défenseurs du bac se sont indignés de la manière suivante :
"Pour être équitable, le bac doit rester anonyme. Non à un bac Sarcelles et à un bac Henry IV !" (Nouvel Obs).
Il faut savoir quelques chiffres à propos du baccalauréat, selon la commission Attali :
Des résultats pourtant très décevants malgré ces efforts :
• le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans est un des plus élevés des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), et approche les 22 % en 2007, sans être jamais descendu sous la barre des 15 % depuis 1980 ;
• 40 % des élèves de CM2 finissent leur scolarité primaire avec de graves lacunes ;
• 17 % des jeunes quittent l’enseignement sans avoir ni Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ni Brevet d’études professionnelles (BEP) ni baccalauréat ;
• 50 000 jeunes par an, soit environ 6 % d’une génération, proportion considérable, sortent du système scolaire avant la terminale ;
• 41 % des étudiants interrompent leurs études sans avoir de diplôme (11 points de plus que la moyenne de l’OCDE) ;
• selon une étude américaine (Programme international de recherche en lecture scolaire - 2007), en lecture, les élèves français se classent 27e sur 40, derrière les élèves de Russie, d’Italie, d’Allemagne ou des États-Unis et régressent par rapport aux enquêtes précédentes ;
• dans le domaine des sciences, les enfants français passent de la 10e à la 19e place sur 30 selon l’OCDE. Pourtant, les pays qui ressortent en tête du classement ne sont pas ceux qui consacrent le plus d’argent à chaque élève. Le poids de l’origine sociale n’a jamais autant déterminé les parcours scolaires et ces derniers n’ont jamais autant déterminé les parcours professionnels ;
• 52 % des enfants d’ouvriers obtiennent leur baccalauréat, contre 85 % des enfants de cadres supérieurs. Moins de la moitié des enfants des classes populaires passent le baccalauréat général, alors que c’est le cas de 83 % des enfants des cadres supérieurs ;
• dans l’enseignement supérieur, la part des enfants d’origine modeste au sein des grandes écoles (Polytechnique, École nationale d’administration [ENA], Hautes études commerciales [HEC], École normale supérieure [ENS]) a chuté, passant de 30 % dans les années 1950 à seulement 7 % aujourd’hui. Les fils d’ouvriers représentaient 25 % des admis à Polytechnique dans les années 1950, contre seulement 1 % aujourd’hui. Et la proportion est
encore plus inégale dans les grands corps de l’État.
Il y a déjà une iniquité profonde, une injustice la plus immorale en France : l’origine sociale !
Il faut donc, réformer, supprimer le baccalauréat afin d’atténuer cette "escroquerie baccalauréat". Il ne faut plus que le bac soit le motif à l’exclusion de milliers de jeunes, il ne faut plus que celui-ci décourage nos élèves français. Il faut donc réformer le baccalauréat et les études supérieures. Pourquoi ne pas instaurer, exiger de la part des écoles, un rapport sur leur mixité sociale ? Et si cette école se révèle exemplaire par sa mixité sociale, pourquoi ne pas apporter des subventions à cette école pour équiper aux mieux leurs établissements ? Il faut aller plus loin que l’égalité en France, il faut être équitable. Apporter beaucoup plus d’aides aux étudiants dans le besoin, aux écoles privilégiant la mixité sociale, favoriser les plus désavantagés par simple origine sociale... Créer alors un investissement ? Une "dette saine" sur les étudiants français, le futur de la France !
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