Le sarkozisme, ça se vend comme une lessive !
Cet article vient clore une série d’articles qui aurait pu s’intituler "Le sarkozisme pour les nuls" ou "Petit guide illustré du sarkozisme". Nous avons parlé des valeurs et des procédés, nous allons voir aujourd’hui la méthode de vente du sarkozisme. Et pour cela, rien de plus simple que d’étudier les codes de la publicité pour la lessive.
"Le sarkozisme pour les nuls" n’existe pas en librairie. La série d’article que ce papier vient compléter aurait pu inspirer un tel ouvrage. Nous avons vu dans "Argent gagné = argent mérité" que le sarkozisme reposait sur des axiomes, c’est-à-dire des vérités présentées comme incontestables et n’ayant pas besoin d’être démontrées. Nous avons vu que les slogans pouvaient être interprétés différemment selon les perceptions et qu’ainsi "Avec Sarkozy, tout devient possible" signifiait aussi "Avec Sarkozy, tout est permis" (affaire Tapie). Nous avons également vu comment, maniant la main de fer et la langue de bois, Nicolas Sarkozy s’est auto-érigé au statut de "Président absolu" et que, bien que chef d’Etat, il n’en assumait pas tous les devoirs prévus par la Constitution, notamment son rôle de chef des armées ("Sarkozy, le chef désarmé"). Nous avons pu examiner de quelle façon il s’y prenait pour réduire le citoyen et la démocratie ("Né un 14 juillet", "La fusée à 6 étages de la démocratie"). Et enfin, nous avons évoqué la tactique sarkozienne du "Diviser plus pour régner plus" (et régner plus pour gagner plus).
L’attention du lecteur portera cette fois sur les méthodes de vente du sarkozisme. Et ces méthodes de vente sont on ne peut plus simples : elles sont calquées sur les spots de pub de la lessive. Les arguments chocs de ces réclames sont toujours identiques : la nouveauté, la performance du produit.
Le label "nouveau" vient s’accoler à la marque présentée ou le mot "nouveau" vient carrément crever le petit écran, accompagné d’une voix masculine au timbre grave. Il s’agit de marquer l’innovation introduite dans la fabrication du produit, même si c’est le même qu’avant avec un peu de poudre de perlimpinpin en plus. Dans le sarkozisme, c’est le mot "rupture" qui vient jouer ce rôle trompeur pour le consommateur.
Pour ce qui est de la performance du produit, la pub pour la lessive ou autres produits d’entretien utilise des formules frappantes comme "Trois fois plus de", "Encore plus de". Transposé au sarkozisme, cela devient "travailler plus pour gagner plus". Mais cela débouche aussi sur des chiffres et quotas édifiants pour l’esprit. Prenons à présent un exemple tout récent dans l’actualité. La presse consacre ses colonnes au plan Boutin pour le logement. Examinons cet exemple afin d’illustrer notre propos :
"NOUVEAU !"
La ministre du Logement a défendu son projet de loi "de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion" en clamant que "ça va bousculer certains, ça va faire tomber des tabous". On remarquera au passage que le "ça" de Sarkozy fait florès chez ses émules. La ministre affirme ni plus ni moins que sa réforme est un concept nouveau (avant c’était tabou) et qu’il est révolutionnaire (la révolution est récupérée depuis longtemps par les publicitaires pour vanter les marques). Naturellement, ce n’est pas aussi vrai qu’elle le dit, pas plus vrai que la lessive X qui lave plus blanc et qui contient encore plus d’agents de destruction de la saleté. Mais qui lave plus blanc que quoi au fait ? Les éléments de comparaison ne sont jamais indiqués et le bateleur de pub ne peut donc être accusé de mentir au consommateur.
"ENCORE PLUS !"
La langue de bois habituelle consiste à dire "Nous nous réjouissons des résultats que nous avons obtenus. Nous savons que cela est encore insuffisant et nous allons faire encore davantage d’efforts". Cette formule marche à tous les coups ! Elle peut d’ailleurs être servie à toutes les sauces ; elle est standard ! Bref, on se démène comme les marchands de lessive qui mobilisent des armées de chercheurs pour apporter toujours plus de propreté, de respect du linge, ou de l’environnement. Pour satisfaire l’acheteur potentiel. Mais quand on y regarde de près, avec les yeux du citoyen qui s’informe vraiment, on s’aperçoit que cette langue de bois, cette réclame cachent une réalité bien différente. Pour ce qui est du plan logement, les associations ont, à l’unanimité, dénoncé la timidité de la réforme et prédit un hiver très rude pour les mal-logés et les sans-logis.
VANTER LES BIENFAITS ET CACHER LES DEFAUTS DU PRODUIT :
La réclame sarkoziste reprend les procédés de la pub pour minimiser les mauvais aspects du produit et amplifier ses vertus. Reprenons l’exemple du plan logement :
- Minimiser les défauts du produit : la réforme constitue une régression de l’obligation de 20 % de logements sociaux dans chaque commune prévue par la loi SRU. Eh bien, le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, en réponse aux critiques des associations, minimise ce point : il s’agit d’"assouplir" la loi SRU a-t-il estimé. "Assouplir" est un mot qui ne peut qu’être bien perçu. En premier lieu parce que, si vous contestez, vous passez pour une personne rigide. La réalité sous ce mot est que la richissime ville de Neuilly, par exemple, pourra continuer de ne pas construire de logements sociaux. Exemptée ! Pardon, c’est "assoupli". Décidément, l’assouplissant est aussi une source d’inspiration du sarkozisme. "C’est limité dans le temps", ajoute M. Chatel, encore un moyen de minimiser les méfaits. Le coup du temporaire, on nous l’a déjà fait souvent.
- Amplifier les bienfaits prétendus du produit : il s’agit d’un assouplissement de la loi SRU pour permettre de parvenir "à une France de propriétaires", a déclaré M. Chatel lors du point-presse qui a suivi le Conseil des ministres. A rapprocher du "ça va aussi permettre à tous les Français d’être logés" de la ministre. Les bienfaits profiteront à tout le monde, une formule utilisée aussi pour le paquet fiscal...
Nicolas Sarkozy enfin emprunte à une marque de luxe le fameux slogan "parce que je le vaux bien" pour s’adjuger sans vergogne dans l’ordre et sans prétention d’exhaustivité : une augmentation de salaire de 300 %, une retraite dorée sur le yacht d’un milliardaire, une femme mannequin. Il fait des adeptes : Rachida Dati notamment avait explosé son budget de dépenses somptuaires dès le début de l’année.
On ne finit jamais de s’étonner des similitudes entre la propagande et la publicité. Ce trait du sarkozisme confirme le peu d’estime qu’il accorde au citoyen. Ce dernier est traité comme un consommateur de base, plus encore comme un consommateur fasciné par la publicité. Et, de fait, le sarkozisme fascine, c’est ce qui a fait son succès. Mais la fascination en provenance du pouvoir est-elle un gage de démocratie ?
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