Mélenchon et la laïcité : le démagogue à la boîte d’allumettes
Lors de son meeting à Marseille, le candidat du Front de gauche avait choisi de centrer son discours sur un thème à haute tension, celui de l’immigration et spécialement « méditerranéenne ». Partout, télévisions, radios et journaux en ont relayé la teneur d’une intention qui n’avait rien de neutre : « Notre chance c’est le métissage », devait-il lancer, faisant selon les observateurs une ode à la méditerranée sous les « youyous », avant de saluer « Arabes et Berbères » par qui seraient venus en Europe « la science, les mathématiques ou la médecine » au temps où selon lui « l’obscurantisme jetait à terre l’esprit humain ». Refusant « l’idée morbide et paranoïaque du choc des civilisations », il a dit sa pensée aux Maghrébins « qui ont libéré le sol de la patrie des nazis »... « Les peuples du Maghreb sont nos frères et nos soeurs » et il n’y a « pas d’avenir pour la France sans » eux, a-t-il dit, interrompu par les « tous ensemble, tous ensemble ! » dans une théâtralisation qui pouvait rappeler l’ambiance de certains meetings de la belle époque où les superlatifs n’avaient pas de limites pour sanctifier d’autres idoles, telle celle sacrée de l’ouvrier, aujourd’hui tombé en désuétude avec la lutte des classes derrière ce nouveau discours qui n’a plus rien à y voir.
S’attaquant à Nicolas Sarkozy et aux « partis extrémistes de la haine qui montrent du doigt au nom de sa religion », il s’est exclamé pour dire « foutez-nous la paix ! ». « La France n’est pas une nation occidentale » a-t-il cru bon encore d’ajouter, « vouée à suivre le char des Etats-Unis d’Amérique » mais « une nation universaliste ». De cette série de bonnes intentions qui tiennent dans une cohérence idéologique plus que du vécu, on retiendra la centralité dune notion sinon un maitre-mot, sur lequel reposait ce discours : « métissage »
On peut s’étonner de tant de raccourcis et de ce qui peut bien les motiver de la part de celui qui se présente comme le meilleur des humanistes. Comment ainsi il peut déplacer en Arabie la naissance de la science que l’on doit aux Grecs avec l’avènement de la raison et de l’humanisme justement, plus d’un millénaire plus tôt. Pourquoi encore cette volontaire minoration des apports d’une civilisation occidentale qui, qu’on le veuille ou non et en dehors de toute polémique sur une hiérarchie quelconque des civilisations, est à l’initiative des apports les plus importants dans ce domaine, dont l’Etat de droit, sans comparaison possible avec des sociétés dont le retard à l’époque moderne doit tout à un système politico-religieux qui encore aujourd’hui en est la marque (l’invention de l’imprimerie fut massivement rejetée par les pays de l’islam lors de sa diffusion). Il y aurait beaucoup à dire sur cette vision qui agence la réalité à certaine idées reçues et bons sentiments à visée électoraliste, mais qui n’est pas sans dangers pour la laïcité, cet humanisme, notre République elle-même et la démocratie.
Le phantasme du métissage veut nous faire voir la France divisée entre des bons qui le voudraient et des méchants racistes.
Outre le simplisme d’un discours qui vise à satisfaire les attentes de ceux qui ne veulent voir dans la critique du printemps arabe et de l’islam du voile, que les relents racistes de ceux qui rejettent les immigrés, il s’avère nécessaire de prendre un peu de hauteur. De ce déballage de bons sentiments, il faudrait voir ce qui peut en revenir à l’effectivité des droits de l’homme, de ce qui garantit à chacun la condition de sa liberté et qui ne saurait se résumé à on ne sait quelle métaphore en apparence généreuse, le métissage, risquant de ne s’avérer qu’être objet de confusions et de malentendus.
Qu’est-ce donc que le métissage ? C’est l’idée d’un mélange des sangs entre personnes d’ethnies, d’origines distantes, créant une descendance synthétisant les attributs physiques, voir plus ou moins psychologiques, de ses géniteurs. Si l’on fait appel à la façon dont il s’applique réellement, à l’image de la créolisation dans les Antilles, dans des contextes de colonisation par exemple, on voit d’emblée que la chose ne va pas de soi et peut ne pas être neutre. Quant au métissage culturel, la chose devient encore un peu plus incertaine, car elle renvoie à la notion de « fusion des cultures », présentation alléchante d’une imagerie idéelle qui dans la réalité peut s’avérer décevante. Car elle ne s’opère pratiquement jamais et pour cause, les cultures ont leur cohérence interne qui ne s’hybride pas, l’une en général prenant le pas par sa cohérence sur l’autre en raison de l’environnement ou l’union se produit, à moins d’en rester à l’apparence trompeuse d’un discours folklorique pour touriste. Autre chose en est des rapports qu’entretiennent les peuples, qui peuvent s’approprier d’une nation à l’autre des biens universels qui entrent dans l’ordre d’une communauté politique ou on est loin de la notion nébuleuse de métissage.
Le métissage apparait dans le discours en référence comme la solution à tous les maux qui formeraient le passif des relations entre immigration, spécialement maghrébine dont il est ici pris fait et cause, et République. Une question ramenée en quelque sorte à seule volonté de les accepter et de se métisser ou de les rejeter par exclusion de l’Autre, confinant au racisme. Rappelons préalablement que la France est ce pays qui intègre le plus par naturalisation (trois fois plus en 20 ans) où il existe le plus grand nombre de couples mixtes en Europe. Et puis, on ne peut laisser résumer cette question du mélange des populations à ce phantasme du métissage, entre Français et étrangers, entre gens du cru et immigrés, car elle tient d’une toute autre complexité que la simple alternative entre des bons qui le voudraient et des méchants, les autres.
L’illusion du métissage, pour éluder la réalité des graves problèmes de liberté venus de l’islam du voile.
Effectivement, l’idée du métissage, cette métaphore du mélange, pour se fondre dans une nouvelle couleur et une nouvelle culture commune, a ici ses limites si l’on veut bien dépasser le sentiment d’humanité à bon compte qu’elle inspire. Car, si l’on veut qu’il puisse il y a avoir métissage, il faut qu’il y ait mélange. Mais qui aujourd’hui s’enferme à la mesure de l’extension du voile parmi les musulmans, dans une religion qui interdit le mélange, le mariage hors de la communauté de croyance ? Et où sont donc passés dans ce contexte les graves problèmes rencontrés par notre République au regard des revendications communautaires et identitaires, qui ne cessent de l’attaquer, et avec elle la laïcité, faisant obstacle à ne faire qu’un, précisément, pour se mélanger ? Ne pas en parler, et lancer un voile opaque sur cette réalité de plus en plus prégnante, n’est-ce pas une bombe à retardement, une façon de ne pas nous protéger contre le risque d’une communautarisation de ceux issus de l’immigration maghrébine, de ne pas les protéger eux-mêmes contre ce risque ?
Le poids communautaire d’un islam conservateur prônant le voile et une relecture littérale du coran met effectivement de plus en plus sous conditions les libertés des musulmans eux-mêmes. Et cela n’a rien du fantasme. Certaines organisations islamiques n’hésitent pas à faire des procès à des familles qui entendent faire enterrer leurs morts ailleurs que dans les carrés musulmans, par volonté d’une assignation qui est une atteinte à leur liberté, et parfois gagnent contre la famille en se voyant justifiées par une justice pour le moins curieuse. A travers les signalements d’enfant en risque ou en danger, on voit aujourd’hui des femmes seules avec enfants, qui sont une partie de la réalité de la banlieue d’aujourd’hui, demander aux services sociaux à être aidées pour déménager de leur quartier où leur existence est invivable, avec des religieux qui passent à leur domicile pour leur dicter leur conduite, leurs enfants subissant eux aussi ce climat afin qu’ils n’échappent pas à la mosquée. D’autres femmes elles, entendent fuir la polygamie, qui sous couvert de la religion discrédite leur rôle de mère assignée à un rang inférieur (Le Coran, sourate IV, verset 34…) que certaines refusent fortes d’un contexte qui parfois le leur permet mais pour combien qui subissent sans rien pouvoir dire !
Et encore, parmi ces voiles qui se répandent, combien de jeunes filles confient aux services sociaux et aux associations d’écoute, qu’elles le portent volontairement mais pour être tranquille, car sinon, ce sont les railleries permanentes, voire les insultes et la mise au ban de la cité. Combien aussi le portent, sous la menace d’un mariage forcé au pays, par la famille elle-même. Le Ramadan est une période particulièrement propice pour mesurer comment pèse le communautarisme sur la logique d’assignation, alors que se multiplient à ce moment les incidents où les musulmans qui le respectent interdisent aux musulmans qui entendent ne pas le respecter de manger le midi leur sandwich ou leur repas en toute tranquillité et doivent se cacher. On pourrait encore amonceler les exemples. Il faut prendre conscience que cet islam de l’assignation est extrêmement dangereux pour les libertés des musulmans eux-mêmes qui, pour encore une large majorité n’ont rien à voir avec l’islam fermé de l’Union des Organisations Islamiques de France qui domine aujourd’hui le Conseil Français du Culte Musulman, et vivent leur religion dans le respect des lois de la République et les libertés de tous comme n’importe quel autre croyant ou non.
Pourquoi encore dans cette ode à la méditerranée a-t-il oublié que l’essentiel des pays qui ont été de ceux du printemps arabe tournent aujourd’hui au printemps islamique où l’on confond allègrement pouvoir politique et religieux, où l’Etat qui fait respecter le droit ne se l’applique pas à lui-même, mettant gravement en cause l’individu au regard de sa liberté ? Lui qui dénonce Samuel P. Huntington et sa théorie du choc des civilisations, pourquoi ne voit-il pas le risque d’un choc des civilisations dans ces pays eux-mêmes entre les forces progressistes qui s’inspirent du principe de liberté, universel mais bien né sur le territoire de la veille Europe qu’on le veuille ou non, pendant que d’autre veulent en revenir à la civilisation arabo-islamique du moyen-âge !
L’opposition entre nation occidentale et universalité est une absurdité et un déni de l’histoire à l’usage du démagogue
La France n’est pas une nation occidentale selon ce candidat, elle ne serait qu’universaliste… Pourquoi donc ce déni d’une identité qui est la notre, cela ne fait pas de la liberté qui y est attachée un bien que l’on devrait jalousement conserver, puisqu’elle est par principe universelle dans la mesure où elle tient de la volonté des individus de se l’approprier contre précisément des régimes religieux qui eux imposent à leur société, y compris par une violence sans retenue, leur dogme.
La liberté est un principe né en Grèce autour du 6e siècle avant notre ère et donc en Occident, qui se définit à travers l’autonomie de l’individu, entendu comme citoyen, celui qui fait les lois auxquelles il obéit sous le régime du gouvernement des hommes par les hommes ! Elle prit toute sa dimension universelle par l’événement considérable que fut dans l’histoire la Révolution française, avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, bien commun d’emblée dédié à l’humanité ! Tarik Ramadan sur la chaine iranienne gouvernemental Press TV fait l’éloge d’un régime théocratique qui arrête, torture et assassine ses opposants, en rythmant sa propagande de la critique de ce qu’il nomme sans ambiguïté « les valeurs occidentales ». M. Mélenchon devrait en prendre de la graine !
Pour pouvoir se mélanger, il faut d’abord se considérer comme des égaux, sinon l’un des deux subit le métissage sous la domination de l’autre. Mais qui, quelles institutions le proposent, en donnant aux individus les mêmes libertés individuelles et collectives, les mêmes droits sociaux et économiques, pas une religion que je sache mais la France et sa République. Un mélange qui n’a rien de la soumission de l’une des parties puisque les deux sont par principe garanties dans leur liberté, dans leurs droits, y compris celui de ne pas renoncer à une origine, une religion, une culture venue d’ailleurs pourvu quelle respecte la loi, la laïcité faisant elle respecter la liberté de conscience.
Voilà pourquoi, la notion de métissage culturelle n’a pas de sens si on ne fait pas d’abord prévaloir ce qui unit sur ce qui divise, l’égalité des droits, l’acceptation de principes communs, ce qui est à la fois un bénéfice sans bornes et autant une responsabilité collective dans l’ordre de la citoyenneté. C’est tout l’enjeu de l’intégration ! C’est sur ce fondement que repose l’idéal d’une société française du brassage des populations qui a fait par leur mélange ce fameux creuset français qui est au cœur de notre histoire. Il n’est pas spontané d’accepter le principe de l’Etat de droit qui ne peut exister que s’il est séparé strictement du religieux tout en étant sous le contrôle de la souveraineté du peuple qui perd toute signification s’il est divisé en communautés ethniques ou religieuses concurrentes. Cette situation de division ne peut produire à terme qu’un pouvoir arbitraire adossé au clientélisme, sur le dos de la nation et du peuple précisément, ce dernier ainsi réduit à l’incapacité de se défendre par l’éparpillement de ses forces.
Il y a des règles d’organisation des sociétés qui représentent un bien commun qui seul garantit des libertés aux individus, dans l’ordre de l’histoire du développement du droit qui est étroitement lié aux révolutions politiques et sociales qui ont amené l’homme à s’émanciper de bien des formes de domination, dont la domination religieuse. Autant de chose qu’oublie et entend faire oublier derrière des éclats de voix et la passion de la foule de vrais problèmes qui conditionnent notre avenir immédiat de façon ô combien plus sérieuse.
Le métissage, une idéologie qui piège la France, le peuple et les immigrés
Comment M. Mélenchon peut-il dire que, s’interroger sur la constatation que l’islam communautaire en France pose autant de problème, c’est « une instrumentalisation du bouc-émissaire musulman, comme avant c’était le juif, comme avant c’était le polonais… » Une victimisation totalement hors propos a mille lieux de la défense de notre République, de ses valeurs, de ses principes, des droits fondamentaux des individus qu’ils soient français ou étrangers. N’est-ce pas ainsi alimenter, par l’invraisemblable négation de cette réalité à l’aune des bons sentiments du métissage et de cette ode à l’immigration sans nuance, le sentiment d’incompréhension de ceux qui voient ce qui se passe et cherchent des réponses dans la République, ses valeurs, ses lois, sa liberté ? N’est-ce pas les pousser dans les bras du FN que de ne leur proposer pour seule alternative, le soutien inconditionnel de l’immigration, et spécialement ici maghrébine, ou d’être assignés à l’état de racistes ?
Mais encore, comment aussi oublier que ce le terme métissage est l’emblème ambigüe de ceux qui défendent une société multiculturelle, autrement dit, séparée selon la religion, la couleur, l’ethnie, sur un modèle anglo-saxon très tolérant, il est vrai, avec les différences mais pour soigneusement éviter tout mélange par ces mises à part encouragées au nom de la reconnaissance des identités, comme principe premier. De métissage il en va ici tout d’abord de la reconnaissance de communautés identitaires réunies dans une même nation mais pour le coup sans se mélanger, mettant théoriquement en commun leurs différentes cultures : en fait une gageure et une entourloupe. Un modèle que fustige sur le plan économique régulièrement le candidat du Front de gauche, qui pourtant divise en communautés de cultures le peuple pour mieux ainsi régner.
Enfin, on sait que M. Mélenchon est pour la régularisation de tous les sans-papiers, ce qui équivaut à libre circulation des étrangers et à la fin des frontières. Mais n’est-ce pas là aller dans le sens du patronat européen, des capitalistes qui ne demandent que cela pour mettre en concurrence, par la levée des contraintes des Etats-nation dont ils rêvent l’effacement total, travailleurs français et immigrés afin sans limites de les exploiter ? Et encore, cette immigration sans retenue, n’est-ce pas créer toutes les conditions du développement des communautés car trop accueillir c’est l’impossibilité d’intégrer, c’est un problème terrible pour les candidats à la migration qui souhaitent trouver leur place dans notre société. ça non plus, il ne veut pas le voir, pas plus ceux qui l’adulent fort de leur bonne conscience.
L’idée de métissage est donc séduisante pour l’humanisme de façade mais largement contre-productive. Au lieu du credo d’une immigration sans limite, sous couvert d’une nouvelle liberté qui s’invagine dans son contraire, c’est d’internationalisme dont les peuples ont besoin, portant partout la lutte pour la même libération d’un système capitaliste inique, subsumant les différences et surtout les religions qui sont toujours l’allier de la domination des puissants.
La laïcité, le démagogue et la boite d’allumettes
Enfin, pour compléter le tableau, qui découvre-t-on à la tribune du meeting de Marseille parmi les intervenants ? Clémentine Autain, qui s’était déclarée lors des élections de 2007 partisane d’un toilettage de la loi de 1905 pour favoriser le financement des mosquées sur les deniers publics, dans l’esprit de l’égalité de traitement des religions. Une position qui jure avec les engagements la main sur le cœur du candidat Mélenchon, qui, invité à Bondy blog le 2 octobre dernier, explique : « Pour moi, la question se pose pour un homme public de la façon suivante : séparer strictement l’Etat et la religion, un point ! Le reste, c’est une affaire privé. » Pour rajouter en forme de gage : « je n’ai jamais dit un mot contre la foi ou la croyance en dieu parce que ce n’est pas mon sujet.… » Il faut donc considérer que tout le reste que nous venons de dérouler, est de l’ordre du privé, sans doute comme pour le halal au regard duquel il avait déclaré qu’« on n’attrape pas une religion en mangeant de la viande » avec sa bonhommie coutumière… Sauf que, c’est un vrai sujet de société et tout individu, musulman ou non, doit pouvoir savoir ce qu’il mange et à l’occasion s’il ne finance pas malgré lui, dans le coût d’une viande halal qu’il achète en l’ignorant, un culte, auquel on l’assigne scandaleusement ainsi, ce qui est bien le cas. Les sacrificateurs qui officient lors de l’abattage sont étroitement liés financièrement aux mosquées qui les certifient contre monnaie sonnante et trébuchante !
Attention donc aux retombées de ce déni généralisé, derrière l’affichage des bons sentiments à peu de frais qui ne sont qu’écran de fumée, sur cette époque si inflammable. En apparence inoffensif et même sympathique, il engage à travers cette posture démagogique un risque, tel l’enfant qui joue inconsciemment avec la boite d’allumettes, celui de l’incendie de la cité sans aucun pompier, pas même lui, pour savoir l’éteindre, une fois le rideau des illusions déchiré.
Guylain Chevrier
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