Pollution par le mercure : les dentistes français nient le problème
La récente décision de la Norvège d’interdire l’amalgame au mercure ne pouvait laisser la communauté dentaire indifférente. Deux mois après l’annonce faite par le ministre norvégien de l’Environnement, Le Chrirurgien-Dentiste de France, un journal syndical connu de la profession, publie un article titré « Merci au ministre norvégien de l’Environnement ». Écrit par un professeur d’université, l’article n’est peut-être pas représentatif de l’opinion de l’ensemble des dentistes français. Il est en tout cas édifiant.
Pour être tardive, la réponse signée du Dr M. Goldberg n’en est pas moins cinglante. Après avoir parlé de "bêtise triomphante" à propos de la décision norvégienne, l’auteur tente de dédouaner les dentistes de toute pollution par le mercure. D’après lui, les dentistes contribueraient au plus pour 0,2 % à la pollution totale due au mercure.
Quand le mercure se volatilise
Outre que le chiffre semble peu étayé puisqu’il se réfère, non à des études, mais à une lettre du Dr Derek W. Jones, professeur de biomatériaux à l’université de Dalhousie (Canada), le chiffre avancé paraît largement sous-évalué quand on sait que l’usage dentaire est la seconde source de mercure au niveau mondial. D’après un rapport du Sénat (Les effets des métaux lourds sur l’environnement et la santé), la masse totale de mercure dans la bouche des Français avoisine les 100 tonnes. Ce chiffre ne concerne que la France. Dans le monde, l’amalgame au mercure est le matériau le plus utilisé. D’après Santé Canada, 96 millions d’obturations en amalgame auraient été posées aux États-Unis en 1990 (14 millions en France). Chaque année, ce sont donc quelque cent tonnes de mercure qui sont posées aux États-Unis. Dans ces conditions, il faudrait qu’on nous explique par quel miracle digne du grand Houdini, ces tonnes de mercure pourraient se volatiliser sans polluer ? Elles se volatilisent bel et bien, mais pas par l’opération du Saint-Esprit. La réalité est plus triviale : le mercure se volatilise dans l’atmosphère lors de la crémation. Estimé en Suède* à 280 kg par an (le tiers des émissions du pays), et à 16 % des émissions mercurielles en Grande-Bretagne, le risque est purement et simplement occulté en France où aucune mesure ne l’évalue. Une négligence et un déni d’information des autorités sanitaires françaises qui permettent aux dentistes d’affirmer qu’ils ne sont pour rien (ou si peu) dans la pollution par le mercure.
Folie au programme
Bien entendu, la stratégie qui consiste à nier en bloc un risque sanitaire ou une pollution n’est pas neuve. Nous avons tous en mémoire le scandale de l’hormone de croissance, du sang contaminé, de l’amiante, etc. Cependant, quand un pays comme la Norvège s’engage, on peut penser que ce n’est pas à la légère et que nos voisins du Nord ne sont pas fous. Eh bien si, justement, "ils sont fous, ces Vikings" n’hésite pas à asséner en conclusion l’auteur de l’article. Mais il n’y a pas que les Norvégiens à être fous dans cette histoire. En effet, les patients accusant le mercure dentaire de dégrader leur santé sont catégorisés "somatiques" et "figurent maintenant en bonne place dans les revues psychiatriques" poursuit l’auteur de l’article, qui nie tout effet toxique de l’amalgame au mercure sur la santé, de même qu’il lui dénie tout effet polluant. Imputer les troubles des patients intoxiqués à une somatisation, c’est confondre la cause avec les effets. En effet, le mercure est une neurotoxine dont les effets sur le système nerveux sont connus depuis longtemps. Il n’est donc pas étonnant que les patients intoxiqués développent des symptômes neurologiques, confondus à tort avec des symptômes psychiatriques.
Décision qui dérange
Ceux qui s’indigneront que de tels propos puissent être tenus par un représentant de la profession, et relayés par un journal syndical, devraient au contraire s’en réjouir. La réaction de son auteur montre qu’à l’évidence la décision de la Norvège représente un pas décisif vers l’interdiction du plombage au mercure, sinon au niveau mondial, du moins au niveau européen. C’est d’ailleurs cette crainte qu’exprime ouvertement l’auteur de ce "merci" d’un genre particulier. "L’amalgame d’argent risque bientôt d’être interdit dans l’ensemble de la Communauté européenne sous prétexte de mercure", écrit-il. Prétexte futile, quand on sait que chaque obturation à l’amalgame se compose de 50 % de mercure pur (substance classée cancérogène, mutagène et reprotoxique) et qu’il s’en pose chaque année plus de cent millions dans le monde. Ils sont décidément fous, ces Norvégiens. À moins que ce ne soient les Français qui soient inconscients ?
Pour plus de détails sur l’article cité, lire Interdiction du plombage en Norvège : les dentistes français ripostent.
* Evaluation de la Swedish Environment Authority citée dans la revue Resurgam - vol. 43, juillet 2000
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