Sauvons l’Aître Saint-Maclou !
L’Aître Saint-Maclou est un ossuaire datant de la Renaissance. Il constitue l’un des joyaux du patrimoine de la ville de Rouen. Or, voilà qu’un projet de réaménagement est en passe de dénaturer le site et de détruire l’étrange magie qui émane de ce lieu de quiétude hors du commun...
Quiconque a, un jour, visité la ville de Rouen connaît l’Aître Saint-Maclou. Situé au cœur du quartier éponyme, à deux pas de la superbe église elle aussi dédiée à ce saint gallois évangélisateur de la Bretagne, cet ancien ossuaire du 16e siècle est l’un des fleurons du centre historique. Il se présente sous la forme d’un quadrilatère de 48 m sur 32 dont trois des galeries (ouest, nord et est) ont été édifiées entre 1526 et 1533 pour faire face aux besoins nés des épidémies de peste qui frappaient de loin en loin la ville de Rouen et se révélaient meurtrières pour la population, à l’image de celle qui a sévi lors des années 1521 et 1522.
La quatrième galerie, au sud, est venue compléter l’Aître Saint-Maclou en 1651, en respectant l’esprit du lieu. Contrairement aux trois autres, elle n’a jamais servi d’ossuaire, mais d’école pour les garçons pauvres. Et cela alors que l’on continuait d’entasser les corps dans la fosse commune située au centre de l’aître (du latin atrium) avant que les ossements, dégagés des chairs par la chaux vive, ne soient entassés au-dessus des galeries, entre le plancher supérieur et la charpente.
L’Aître Saint-Maclou a connu bien des vicissitudes depuis cette époque, notamment depuis le décret royal ayant conduit à l’interdiction en 1779 par le parlement de Normandie de maintenir des sépultures en ville. Plus ou moins laissé à l’abandon, puis transformé un temps en école de jeunes filles, l’Aître Saint-Maclou, un moment destiné à devenir un musée d’art, a accueilli en 1940 les étudiants des Beaux-Arts avant que l’état de vétusté des lieux ne conduise à leur départ en 2014.
Classé à l’inventaire des monuments historiques en 1862, l’Aître Saint-Maclou n’en a pas moins, malgré un incendie en 1758 et les modifications apportées au fil du temps, gardé la plupart des éléments d’architecture et de décoration qui font de cet ossuaire l’un des plus remarquables ensembles du genre en Europe. À cet égard, la danse macabre, les têtes de mort et autres ossements, les outils de fossoyeur ou les accessoires de funérailles sculptés sur la sablière et les potelets en bois sont éloquents sur la destination du lieu, les colonnes de pierre étant, quant à elles, ornées de volutes et feuilles d’acanthe.
Mais au-delà des bâtiments qui cernent l’atrium, c’est sous les arbres de ce dernier que se trouve l’âme véritable du lieu. Là se situait le charnier où étaient mis à décomposer les chairs des morts. Et il n’est pas douteux que les racines de nos arbres contemporains puisent dans ce sol riche du souvenir des morts et la présence avérée de squelettes la force d’honorer les défunts de leur belle vitalité.
Un chat contre les diableries
Il se trouve pourtant des édiles dans la ville et la communauté urbaine qui, faisant fi de l’histoire de l’Aître et de sa destination, entendent, sous la houlette de Frédéric Sanchez (l’actuel président de Rouen Métropole), reconvertir ce lieu en le livrant, sous couvert de culture et d’art, aux marchands du temple et aux cohortes de badauds.
On parle ici de raser les arbres pour donner des spectacles plus ambitieux que ceux du festival d’été « Un soir à l’Aître ». On parle là de louer aux artisans de la région les espaces dégagés dans les ailes nord et est pour en faire des lieux d’exposition et de vente. On parle en outre d’installer un salon de thé à l’entrée de l’Aître, dans le passage le reliant à la rue Martainville. Bref, l’on oublie qu’un tel ossuaire a pour finalité d’être un espace de repos pour les trépassés qui gisent encore dans le sol de l’atrium et pour les visiteurs qui viennent s’y recueillir ou y méditer.
Personnellement, je ne serais pas opposé à une évolution de l’Aître Saint-Maclou. Mais vers une réhabilitation des déambulatoires qui, à la manière d’un cloître, existaient autrefois dans les trois galeries initiales. Quant à l’aile sud, je la verrais bien pérennisée en lieu d’accueil d’expositions temporaires, ce qui semble être l’objectif de Rouen Métropole. Quant au projet de débouché vers la rue Géricault par le nord de l’aile ouest, il ne ferait que redonner vie à un accès qui existait autrefois. Un bon point en l’occurrence.
Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : les arbres de l’atrium ne doivent en aucun cas être abattus au lâche motif qu’ils ne sont pas protégés, contrairement aux bâtiments. Ce serait tout à la fois une aberration et un scandale, mais aussi une insulte faite à la mémoire des Rouennais qui ont aimé ce site et l’ont protégé durant des siècles pour lui éviter comme tant d’autres de finir sous les pioches des démolisseurs, victimes de l’appétit des promoteurs et de la complaisance d’élus complices. Puisse le chat (probablement noir) dont la momie a été retrouvée emmurée dans l’ossuaire en 1950 continuer à préserver ce lieu des diableries contemporaines.
Depuis quelques jours, une pétition a été mise en ligne sur Change.org pour s’opposer à la dénaturation du site. J’invite tous ceux qui sont attachés à la préservation de l’Aître Saint-Maclou et à la pérennité de la quiétude de ce lieu d’exception à en prendre connaissance et à signer cet appel s’ils en partagent les termes : lien.
Pour en savoir plus sur l’Aître Saint-Maclou : lien.
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