SRU et carte scolaire : des armes pour la République ?
Quelques mois après les « émeutes » qui ont secoué les banlieues françaises, et à l’heure où certains voudraient fliquer les jeunes dès l’âge de trois ans et renoncer au modèle républicain, il faudrait plutôt s’intéresser réellement aux raisons du mal-être de cette jeunesse « des banlieues ». Voici donc quelques réflexions et quelques pistes pour trouver des solutions simples et républicaines.
Quelques mois après les très médiatiques « émeutes » qui ont secoué les quartiers populaires périphériques des grandes agglomérations françaises, et à l’heure où notre « intrépide et fantasmagorique » ministre de l’intérieur se demande si fliquer les jeunes dès l’âge de trois ans ne serait pas une solution, il serait peut-être plus raisonnable de s’intéresser aux raisons du mal-être de cette jeunesse « des banlieues », et d’agir réellement afin de la réconcilier rapidement avec le reste de la société, ne serait-ce que pour éviter des crises bien plus graves qui pourraient survenir si l’Etat continue sa politique « surréaliste ».
Tout d’abord, demandons nous ce qui a échoué dans la politique française, ce qui provoque la colère de cette jeunesse « non-désirée », dont le désarroi, l’amertume et la peine n’ont comme répondants que l’indifférence ou le rejet qu’ils provoquent chez une majorité de nos compatriotes.
Ne cachons pas les mots, je parle ici d’une jeunesse en grande partie issue de l’immigration, une jeunesse paupérisée et abandonnée par la France. Car comprenons maintenant que la pauvreté en France a grandement reculé en cinquante ans, et qu’elle concerne à présent en priorité les « derniers arrivants ». En quelque sorte, la pauvreté s’est ethnicisée. D’où l’amalgame souvent fait par certains hommes politiques, n’ayant quitté les quartiers chics de Paris que pour devenir maire de Neuilly, ou d’une autre paisible bourgade, et ne connaissant rien ou presque de ces banlieues « ghettos » où l’on parque les gens depuis plus de cinquante ans, en attente d’une ascension sociale.
Mais voilà, pour ces hommes dont la « malchance » est souvent d’avoir la peau trop sombre, l’ascenseur semble en panne.
Pourquoi ?
La réponse est ridiculement
simple : racisme. Voilà un mot qu’il faut manier avec beaucoup de prudence,
me direz-vous. Accuser l’ensemble de la population française de racisme à
l’égard des populations issues de l’immigration africaine, vous y allez un peu
fort...
Et je vous répondrai : racisme et ignorance. Pas le racisme de Le Pen et de de Villiers. Pas celui d’Hitler et de Pétain, pas celui d’Ahmadinejad non plus, pas plus celui du Ku Klux Klan. Ces racismes haineux et virulents ne concernent en France que 15% de la population, et n’ont que peu de répercussions sur la promotion sociale de cette jeunesse en détresse. Les décideurs et les créateurs d’emplois votent rarement pour Le Pen. Et pourtant, ils n’engagent pas ces jeunes, même les plus diplômés d’entre eux, et par répercussion d’autres jeunes se détournent alors de l’école qui leur semble inutile. Le racisme dont je parle, et qui pousse une majorité de patrons à préférer engager des « blancs », est quasiment inconscient et invisible, c’est un racisme sournois, un racisme d’ignorance et d’incompréhension.
Et comment lutte-t-on contre l’ignorance ?
Je répondrai en un mot : République... Oh ! Je sais bien, vous me rétorquerez certainement que ça ne sert à rien de sortir de grands mots vides, qu’il faut trouver des idées neuves et concrètes pour aider ces jeunes, et que, qui plus est, le modèle républicain ayant raté leur intégration, il faut tourner la page. La discrimination positive ou « affirmative action » semble être la nouvelle page que beaucoup voudraient écrire, en renonçant définitivement à l’idéal de République.
Mais réfléchissons donc un peu. La République a échoué ? Vraiment ! Mais où est-elle, cette République dont vous parlez ? Au cœur des grandes villes aseptisées où s’agglutinent les riches, plutôt blancs ? Ou bien bans ces banlieues lugubres où l’on entasse les pauvres, plutôt foncés ?
La République est indivisible par principe, mais on peut sans problème diviser notre France en deux. Elle n’est donc pas République ! Il n’y a de République que dans la Fraternité. Et il n’y a Fraternité que dans la mixité parfaite. D’ailleurs, souvenons-nous que notre idée de République est née dans cette mixité, à Paris, lorsque prolétaires et bourgeois se côtoyaient, se parlaient, s’affrontaient et s’entendaient parfois pour agir. C’est seulement dans la Fraternité de tous les hommes que peut naître la République.
Aujourd’hui, qu’est devenu Paris ? Deux ghettos, un pour les riches, où les pauvres, facilement reconnaissables à leur couleur de peau ou à leur code vestimentaire, n’ont guère le droit de cité (contrôles policiers fréquents et violents), et un autre pour les pauvres, où les riches ne peuvent pas non plus entrer sans craindre d’autres violences.
Comment donc peut-on combattre l’ignorance qui grandit entre ces deux entités si semblables, et pourtant si opposées ? Comment faire comprendre aux entrepreneurs, aux policiers, aux pouvoirs publics et à l’ensemble de la population, que ces jeunes sont une chance pour le pays, et non pas un fardeau ou pire, une menace ? Et comment faire comprendre à ces jeunes que la République est une chance, leur chance, que c’est le manque de République dans le cœur des hommes qui est l’ennemi, qu’il faut se battre pour elle, par l’école et par les urnes, et lutter ensemble pour la promotion réelle de cette jeunesse qu’on songe trop souvent à sacrifier ?
La République, incarnée dans l’Ecole par la Fraternité, est bien évidemment la solution centrale du problème. Mais l’Ecole ne peut pas tout faire, et si riches et pauvres restent séparés par leurs écoles respectives, alors elles ne serviront à rien. Il y aura l’école des riches et l’école des pauvres, mais pas d’Ecole de la République. On pourra donner plus d’argent à l’école des pauvres, elle restera école des pauvres, et rien ne changera réellement.
Certains préconisent donc de redécouper la carte scolaire pour mélanger artificiellement, en milieu scolaire, des élèves de tous horizons. Mais la solution ne sera pas viable. C’est déjà le cas dans certaines villes de taille moyenne où l’ensemble de la jeunesse se retrouve réunie au lycée. Il y a rarement mélange entre les groupes issus des quartiers centraux et ceux issus des quartiers périphériques. La situation est moins grave qu’à Paris, certes, et l’animosité est beaucoup plus faible, mais les préjugés demeurent, et notre objectif de République reste donc vain. La carte scolaire n’est de ce fait pas directement en cause ; elle est d’ailleurs un juste découpage géographique et démographique. C’est l’organisation des villes qui est à revoir.
La loi dite de solidarité et de renouvellement urbain (SRU), imaginée par le gouvernement Jospin en 2000, pour forcer chaque ville à construire 20% de logements sociaux, pourrait constituer un début de réponse à notre problème d’ignorance et à l’absence de fraternité. En effet, si cette loi était respectée (les sanctions pour les villes « délinquantes » sont actuellement ridicules) cela éviterait ainsi des villes « ghettos » pour riches comme Neuilly (ou Antibes qui est la petite ville des Alpes-Maritimes dans laquelle je suis né et qui ne compte même pas 5% de logements sociaux). On pourrait aussi éviter à terme un amoncellement de pauvreté dans des « cités » qui peuvent représenter parfois plus de la moitié de la population de certaines communes des banlieues de nos grandes villes.
Mais avant de crier très fort « SRU ! », regardons de plus près le cas de ces communes de banlieue qui ont plus de 20% de logements sociaux, pour entrevoir la limite actuelle cette loi. Ces villes reproduisent souvent le schéma classique du centre ville pour les riches, et des « cités » pour les pauvres. C’est aussi le cas de nombreuses autres communes de taille moyenne partout en France. La loi SRU ne dit pas où doivent être construits les logements sociaux dans chaque ville. Les maires peu scrupuleux peuvent alors détourner facilement la dimension de mixité sociale de la loi, en décidant de construire les logements sociaux le plus loin possible du centre ville, ce qui perpétue l’ignorance. Certains députés ont même proposé de vider totalement la loi de sa substance fraternelle en transférant l’obligation des 20% vers la communauté de communes ou d’agglomération. Bientôt, d’autres proposeront peut-être de regrouper tous ces indésirables dans une seule région, pour les y oublier définitivement !
Non ! Pas d’assouplissement de la loi. Il faut au contraire une loi SRU² plus contraignante au niveau géographique. Que chaque quartier, chaque rue, chaque résidence, chaque immeuble ait ses 20% de logements sociaux ! C’est très exigeant, et difficile à mettre en place, me direz-vous ? Oui, mais ... c’est exigeant, la République !
Pour trouver un début de solution à ce problème, partons donc de la carte scolaire comme base géographique, et appliquons-lui la SRU. 20% d’enfants habitant des logements sociaux dans chaque établissement scolaire, avec pour conséquence des logements pour tous les revenus et toutes les origines dans chaque quartier, voilà une solution. Si ce travail est bien fait, alors les enfants de tous milieux pourront enfin se retrouver dans cette Ecole de la République que nous appelons presque tous de nos vœux ; ils pourront enfin se parler, s’apprivoiser mutuellement, se comprendre, débattre, et peut-être même, finalement, s’aimer. Ce serait la fin des préjugés « fraternicides » véhiculés par chaque milieu social, et le début, peut-être, d’une société plus juste. Les décideurs n’auraient plus de mal à engager les nouveaux amis de leur enfants, Ecole et réussite seraient à nouveau liées pour tous, le cercle vertueux de la promotion sociale se réenclencherait, et la République serait enfin sauvée.
Coupler SRU et carte scolaire me semble donc être un moyen efficace et républicain pour résoudre trois problèmes d’un seul coup : la détresse de ces jeunes, l’ignorance du reste de la population, et la faiblesse de l’idéal républicain.
Reste que cette solution nécessite volonté et moyens, et qu’elle ne pourra être mise en place que sur le long terme...
Commençons donc dès maintenant.
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