Tariq Ramadan : l’impasse
Personne ne met en doute qu'il y a chez Tariq Ramadan une grande habileté, mais aussi, il faut bien le reconnaître, une apparente logique. Si on extrapole ses propos, on en arrive, à l'extrême, à des déductions tout à fait opposées selon qu'on soit Français de confession musulmane, ou Français de vieille souche judéo-chrétienne, croyant ou non croyant. Je prends bien soin d'écrire "à l'extrême" pour ne pas stigmatiser l'une ou l'autre composante de notre nation. Les premiers réclamant le droit bien compréhensible de ne pas être agressés en permanence dans leurs croyances, les seconds commençant à penser qu'il aurait peut-être mieux valu, pour la tranquillité de notre société laïque et libérale, ne pas avoir laissé entrer l'islam, pour ainsi dire "par effraction", suivant le mot à la mode de ces jours derniers.
Il serait bon que M. Tarik Ramadan fasse un retour aux sources des religions du Livre afin que, par comparaison, il juge à sa juste valeur de la générosité et de la tolérance de notre République.
L'histoire ancienne du peuple hébreu se caractérise par un soin poussé à l'extrême de ne pas accueillir dans la communauté des éléments étrangers. Ce n'est pas une critique mais une constatation d'historien, d'autant plus que ce n'était pas un cas unique pour l'époque. La cohésion et la force de la société hébraïque reposant sur ce qu'il faut bien appeler un nationalisme religieux excluant toute divinité ou référence autre que le Dieu d'Israël, on comprend que la meilleure garantie consistait à ne pas laisser entrer dans la famille une intrusion étrangère. Pour ne citer que quelques exemples, c'est ainsi qu'au retour de l'exil de Babylone, les coupables de mésalliance ont dû se séparer de leurs femmes étrangères et de leurs enfants (Flavius Josèphe, Antiquités judaïques). C'est ainsi que Moïse a interdit les mariages avec une étrangère (Deut 7, 3), qu'il a autorisé les siens à presser l'étranger mais pas ses frères (Deut 15, 3) et enfin, qu'il leur a interdit de consommer des aliments soi-disant impurs tels que les animaux qui ont le pied fourchu, la corne fendue et qui ne ruminent pas (Lev 11, 7) et donc le porc.
Dire que l'islam s'est inscrit dans la suite de cette histoire ainsi que dans celle du christianisme tout en s'adaptant à la situation de l'Arabie et du Proche-Orient, ainsi qu'à son époque du VII ème siècle, c'est dire une banalité ; encore faut-il la dire.
D'un côté, l'historien constate - et c'est heureux - un certain nombre de corrections aux règles et préceptes de Moïse. Au précepte "Tu ne laisseras rien vivre des villes conquises (Deut 20, 16)" Mahomet préfère, sauf exception, une politique de ralliement des populations vaincues qu'il scelle presque chaque fois par un mariage. Par ailleurs, tout en faisant preuve de modération à l'égard du christianisme, mais constatant, dans sa région, le désordre et les dissensions qui ont suivi les conciles de son temps, il choisit de revenir au seul Dieu d'Abraham en refusant l'idée chrétienne que Dieu ait pu avoir un fils. Quant au port du voile et à la lapidation, c'est vraiment lui faire injure que de penser qu'il ait pu imposer à sa population des prescriptions aussi rétrogrades ou barbares. Et je ne parle pas de l'excision qui relève d'une coutume qui relève de la bêtise humaine.
D'un autre côté, il faut bien comprendre que Mahomet est un chef de guerre et que les préceptes de sa nouvelle religion sont pensés prioritairement dans ce contexte pour donner à son peuple combattant la cohésion indispensable et, pour vaincre, une foi inébranlable comportant la promesse d'une rétribution dans un autre monde.
Sa refondation, logique, mais à préoccupation prioritairement militaire, repose, au départ, sur des idées simples :
1. un ancrage dans le passé à une source historique commune et indiscutable : Abraham.
2. une obligation de croyances réduites à l’essentiel : les divinités n’existent pas, excepté Dieu.
3. un prophète dernier pour mettre un terme à la prolifération des prophètes et des sectes.
4. une obligation de tolérance à l’égard des différents courants religieux qui acceptent d’entrer dans la nouvelle confédération.
5. une obligation de combat contre ceux qui ne veulent pas y entrer et une condamnation à mort de ceux qui en sortent.
L’islam, tel qu’il a été fondé - je précise "au départ" - répond à ces caractéristiques. En reprenant les notes ci-dessus et en commençant par la 5, cela donne ceci :
5. Ceux qui ne veulent pas entrer dans l’ummah sont des infidèles. Ils doivent être combattus. Leurs terres doivent leur être enlevées et remises à Dieu qui les redonnera à ceux qui sont dans l’ummah. Ceux qui sortent de l’ummah, après y être entrés, sont condamnés à mort.
4. Les juifs, les chrétiens et autres adeptes sont autorisés et même invités à entrer dans l’ummah.
3. Mahomet est le sceau et dernier des prophètes. Dorénavant, ceux qui se prétendront prophètes devront être combattus et mis à mort.
2. Aux futurs membres de l’ummah, il est seulement demandé de prononcer la formule ‘’il n’y a de Dieu que Dieu’’ de reconnaître Mahomet en tant que prophète, de ne pas tuer leurs enfants, de se laver…
1…et de suivre l’exemple d’Abraham, c’est-à-dire d’être soumis, autrement dit, disciplinés.
Ensuite, il y a l'évolution, les textes qui ont suivi , bref l'Histoire...
Avec le temps, l’islam a évolué, même durant la vie de Mahomet. De simples confédérés, les membres de l’ummah sont devenus des croyants animés d’une foi religieuse combattante. Sous la pression de ceux qui venaient du judaïsme et du christianisme, des obligations supplémentaires sont apparues : prières, jeûne, viandes impures. Suivant les circonstances, le combat contre les infidèles a été momentanément suspendu. Des compromis (temporaires), des traités ont été signés pour qu’ils puissent garder leurs terres, mais contre payement d’un impôt. Enfin, les juifs et les chrétiens qui étaient entrés dans l’ummah ont été sommés de ne se dire que musulmans. Tout cela se trouve, ou se découvre, dans le livre de Tabari que je considère comme la source la plus authentique et la plus fiable : "Mohammed, sceau des prophètes, édition Sindbad".
Bref, avec le temps, l’islam est devenue une religion comme une autre, avec ses dogmes, sa pratique et sa casuistique.
63 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON