Ukraine, Russie, OTAN, la mise à jour de l’Art opératif ou l’irruption de la guerre moderne dans le champ politique et économique européen
" Au regard du coup d’État de 2014 à Kiev et de la rupture de l’Occident avec la Russie, un nouveau paysage géopolitique se dessine en Europe. Le sommet de la Communauté politique européenne qui s’est ouvert aujourd’hui au château de Prague sert à souligner qu’il s’agit d’un moment kafkaïen – un dernier hourra pour l’intégration européenne."
M. K. BHADRAKUMAR, Indian Punchline, Octobre 2022
Un dernier Hourrah !, certes, dans la configuration et avec les acteurs actuels de l'Union Européenne dont les jours sont comptés si l'on prend en considération l'évolution géopolitique probable de cette partie du Continent et de son Suzerain américain qui font décidément n'importe quoi et entraînent l'Europe vassale et sa population anesthésiée dans un glissement rapide vers la ruine et l'impuissance souveraine.
On se souvient qu'Ernest Hemingway avait imaginé un dialogue entre deux vétérans alcooliques dans lequel le personnage de Bill Gorton demandait à Mike Campbell comment ce dernier avait fait faillite, le même Campbell répondant : « De deux manières. Graduellement d'abord, et puis brusquement » ("How did you go bankrupt. Two ways. Gradually, then suddenly". Le soleil se lève aussi, éditions Gallimard, chapitre 13, traduction Maurice Edgar Coindreau).
Le processus de faillite auquel nous assistons en ce moment en Europe et en France est le même, sur tous les plans : stratégique, militaire, économique, financier, social, politique.
Il n'est pas neuf, tant cette crise énergétique vient de loin, comme le montre l'économiste Jean-Luc Gréau : https://www.causeur.fr/energie-une-crise-qui-vient-de-loin-243979
L’ascension des atlantistes dans les échelons du pouvoir à Berlin et leur lien avec les bureaucrates de l’UE à Bruxelles ont jusqu’à présent fonctionné à merveille pour Washington, explique le diplomate indien M.K. Bhadrakumar[i]. Mais le terrain est en train de s'effacer sous leurs pieds comme le montre le tournant dramatique (pour les dirigeants actuels de l'UE) de la politique italienne. En France, le président Macron est immobilisé, faute de majorité parlementaire pour légiférer, et rongé par des crises (et scandales) en série. Tout cela signifie que les trois principaux centres de pouvoir au sein de la zone euro (Allemagne, France et Italie) et la Grande-Bretagne entrent dans une période de crise profonde. Leur capacité ou leur intérêt (et en tout cas leur volonté par OTAN et USA interposés) à combattre la Russie en Ukraine devient sévèrement limité.
L'un des aspects les plus fascinants de la guerre en Ukraine est la mesure dans laquelle la Russie a réussi à attaquer le matériel militaire de l'OTAN sans mener une guerre directe avec les forces de de cette même OTAN. Il n’est pas exagéré de qualifier l'Ukraine de force vampirique qui a renversé la logique de la guerre par procuration ; c'est un trou noir qui aspire l'équipement de l'OTAN pour le détruire, et dont le dirigeant ukrainien, pris à son propre jeu, n’hésite plus désormais à en appeler à une guerre nucléaire préventive de l’OTAN contre la Russie, histoire d'entraîner l'Europe toute entière dans un bourbier sinon un désastre militaire évident[ii].
Brouillard de la Guerre
Pour le principal et pour en revenir à ces instants parfois très brefs à l’occasion desquels le fameux Brouillard de la Guerre[iii] ou un clair de Lune s’effacent et donnent à voir ce qu’il en est aussi bien du ou des champs de bataille que des stratégies en confrontation, on ne peut qu’inviter les lecteur qu’intéressent toutes ces choses à prendre connaissance de l’analyse qui suit, citée et tirée pour partie des réflexions du blog remarquable animé et nourri par « Big Serge », pseudonyme d’un auteur particulièrement attentif aux soubresauts géopolitiques que connaît l’Europe.[iv]
« Quiconque s'attend à ce que la guerre ralentisse pendant l'hiver sera surpris. La Russie va lancer une offensive à la fin de l'automne/hiver et réaliser des gains significatifs. L'arc de la génération de forces (à la fois l'accumulation croissante des forces de la Russie et la dégradation de l'Ukraine) coïncide avec l'approche du temps froid. La Russie est parfaitement capable de mener des opérations efficaces dans la neige. En remontant à la Seconde Guerre mondiale, l'Armée rouge a amplement démontré ses capacités à obtenir des succès offensifs pendant l'hiver, à partir de 1941 avec la contre-offensive générale à Moscou, à nouveau en 1942 avec la destruction de la 6e armée allemande à Stalingrad, et en 1943-44 avec deux offensives à grande échelle réussies commençant en hiver. La Seconde Guerre mondiale n'est pas directement transposable à la situation actuelle, mais nous pouvons établir que d'un point de vue technique il existe une capacité clairement établie à mener des opérations par temps froid. Le temps hivernal favorise en fait une offensive russe puisque l’un des paradoxes des opérations militaires est que le temps glacial améliore en fait la mobilité - les véhicules peuvent rester coincés dans la boue, mais pas sur un sol gelé.
Alors que nous réfléchissions à ces développements sur le terrain, explique l’auteur, un événement sous-marin majeur est survenu avec le sabotage des pipeline/gazoduc Nordstream 1 opérationnel et Nordstream 2 non opérationnel. Soyons francs à ce sujet, dit-il : la Russie n'a pas fait sauter ses propres pipelines, et il est ridicule de suggérer qu'elle l'a fait. L'importance du gazoduc pour la Russie résidait dans le fait qu'il pouvait être activé et désactivé, fournissant un mécanisme de levier et de négociation vis-à-vis de l'Allemagne. Le seul scénario possible dans lequel la Russie pourrait être responsable du sabotage s’expliquerait si une faction dure au sein du gouvernement russe estimait que V.Poutine avançait trop lentement et voulait forcer une escalade. Cela impliquerait, cependant, que V.Poutine perde le contrôle interne, et il n'y a aucune preuve pour asseoir une telle théorie. Et donc, nous revenons à l'analyse élémentaire et à l’interrogation : Cui bono ? A qui tout cela profite-t-il ? Eh bien, étant donné que la Pologne a célébré l'ouverture d'un nouveau pipeline vers la Norvège il y a seulement quelques jours, et qu'un certain ancien député polonais a remercié les États-Unis sur Twitter, il est juste de faire quelques suppositions qui viennent rappeler les déclarations du dirigeant des Etats-Unis, même si celles-ci ont été qualifiées de propos erronés ».[v]
La saison des sabotages
Pendant que l’Europe et l’UE sont aux abonnés absents, la saison des sabotages a commencé car il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que survienne la tentative de destruction du Pont de Kercth en Crimée[vi]. La réaction aura été immédiate avec la mise en place d’un nouveau commandement sous les ordres du général Sergueï Sorovikine.[vii] Sans être devin, au moins pourra-t-on désormais considérer comme tout à fait possibles sinon probables d’autres destructions à venir sous forme de représailles en Ukraine, pour commencer (bombardements sur Kiev, infrastructures, énergie, transports, voies de communication) avec, plus à l’Ouest, pourquoi pas ? la possible mise hors service d’installations destinées à recevoir du gaz naturel liquéfié ou tout autre type d’hydrocarbures en provenance de "l'allié" d'Outre-Atlantique, ceci dans une guerre de l’énergie que l’Europe a bien mal entamée après les déclarations et agissements aussi ineptes que stupides promettant l’économie de la Russie à son anéantissement prochain tout en assortissant ces rodomontades d’une politique de sanctions qui est tout simplement en train de mettre l’économie de l’UE au tapis.
Ainsi voit-on par exemple cogner le moteur économique d'une Allemagne qui n'a pas encore compris que la "transition écologique" voulue par des amateurs de chlorophylle libertariens opposés à l'énergie nucléaire comme aux énergies fossiles et de préférence gauchisants, englués dans une purée de contradictions politiques coupées de la réalité, est parfaitement incapable de faire tourner une industrie dépendante d'une "géopolitique des tubes".
Ainsi voit-on par exemple le Ministre fédéral de l'Economie, Robert Habeck , découvrir la dure réalité des marchés et critiquer les prix astronomiques désormais pratiqués par les "pays amis" pour vendre à l'Allemagne du gaz naturel liquéfié, au point que l'inquiétude de voir se mettre en place et accélérer un processus de désindustrialisation du pays et une sévère récession génératrices d'une paupérisation désormais prochaine comme d'une perte de richesse définitive, est désormais palpable.
Il n'ya encore qu'en France qu'une équipe gouvernementale qu'il devient urgent de chasser du pouvoir refuse de voir la réalité et se berce encore d'illusions.
S’agissant d’économie, précisément, on se reportera avec intérêt à l’analyse effectuée par David Teurtrie sur la manière dont la Russie est entrée en économie de guerre[viii] et celle, particulièrement dangereuse et aventureuse, décidée par un président décidément en roue libre avec l’annonce de la création par la France d’un « fonds de 100 millions d’euros pour l’achat direct par Kiev de matériel militaire français ».[ix]
Comme on le verra dans les lignes qui suivent, il semble tout à fait plausible que nous assistions à la mise en œuvre d’une version plus que moderne de cette discipline particulièrement unique et spécifique à la pensée militaire que l’on appelle l’Art opératif, ce courant de pensée, développé dans les années 1930 en Union soviétique, et qui se définit comme une discipline de l’art de la guerre qui vise à inscrire les actions tactiques dans une finalité stratégique et leur donner du sens.[x]
« À la seule exception possible du grand Sun Tzu et de son « art de la guerre », aucun théoricien militaire n’a eu un impact philosophique aussi durable que le général prussien Carl Philipp Gottfried von Clausewitz, rappelle l’auteur précité. Participant aux guerres napoléoniennes, Clausewitz, dans ses dernières années, s’est consacré à l’œuvre qui allait devenir sa réalisation emblématique – un tome dense intitulé simplement « Vom Kriege » – De la Guerre. Le livre est une méditation à la fois sur la stratégie militaire et sur le phénomène socio-politique de la guerre, qui est fortement mêlée de rumination philosophique. Malgré l’impact durable et indélébile sur l’étude des arts militaires qu’a eu l’ouvrage de Clausewitz, celui-ci demeure parfois d’un abord et d’une lecture difficiles – un inconvénient qui découle du fait que son auteur, décédé en 1831 à l’âge de 51 ans, a laissé son manuscrit inachevé.
Clausewitz, plus que tout, est célèbre pour ses aphorismes – « Tout est très simple dans la guerre, mais le plus simple est difficile » – et son vocabulaire de la guerre, qui comprend des termes tels que « friction » et « aboutissement ». Parmi tous ses passages éminemment citables, cependant, l’un est peut-être le plus célèbre : son affirmation selon laquelle « la guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens ».
C’est sur cette affirmation que l’auteur indique vouloir s’arrêter pour le moment, proposant de manière liminaire de lire l’intégralité du passage de Clausewitz sur le sujet :
« La guerre, écrit Clausewitz, est la simple continuation de la politique par d’autres moyens. Nous voyons donc que la guerre n’est pas seulement un acte politique, mais aussi un véritable instrument politique, une continuation du commerce politique, une réalisation de celui-ci par d’autres moyens. Tout au-delà de ce qui est strictement propre à la guerre ne tient qu’à la nature particulière des moyens qu’elle emploie. Que les tendances et les vues de la politique ne soient pas incompatibles avec ces moyens, l’art de la guerre en général et le commandant dans chaque cas particulier peuvent l’exiger, et cette exigence n’est vraiment pas négligeable. Mais si puissamment que cela puisse réagir sur les opinions politiques dans des cas particuliers, cela doit toujours être considéré comme une simple modification de celles-ci ; car la vue politique est l’objet, la guerre est le moyen, et les moyens doivent toujours inclure l’objet dans notre conception.
De la guerre, Volume 1, Chapitre 1, Section 24
Une fois oblitéré le style dense et verbeux de Clausewitz, l’affirmation est ici relativement simple : faire la guerre existe toujours en référence à un objectif politique plus grand et existe sur le spectre politique. La politique se situe à chaque point le long de l’axe : la guerre est commencée en réponse à un besoin politique, elle est maintenue et poursuivie comme un acte de volonté politique, et espère finalement atteindre des objectifs politiques. La guerre ne peut pas être séparée de la politique – en effet, c’est l’aspect politique qui en fait la guerre. Nous pouvons même aller plus loin et affirmer que la guerre en l’absence de superstructure politique cesse d’être une guerre et devient plutôt une violence brute et animale. C’est la dimension politique qui distingue clairement la guerre des autres formes de violence.
Considérons la guerre menée par la Russie en Ukraine en ces termes, explique encore l’auteur.
Poutine le bureaucrate
Il arrive souvent que les hommes les plus importants du monde soient mal compris à leur époque – le pouvoir enveloppe et déforme le grand homme. Ce fut certainement le cas de Staline et de Mao, et c’est également vrai de Vladimir Poutine et de Xi Jinping.
Poutine en particulier est considéré en Occident comme un démagogue hitlérien qui règne avec une terreur extrajudiciaire et un militarisme. On pourrait difficilement être plus éloigné de la vérité.
Presque tous les aspects de la caricature occidentale de Poutine sont profondément erronés – bien que ce profil récent de Sean McMeekin approche plus près de la réalité que la plupart.
Pour commencer, V.V.Poutine n’est pas un démagogue – ce n’est pas un homme naturellement charismatique, et bien qu’il ait au fil du temps considérablement amélioré ses compétences en tant que politicien , et qu’il soit capable de prononcer des discours percutants en cas de besoin, ce n’est pas quelqu’un qui savoure la tribune. Contrairement à Donald Trump, Barack Obama ou même – à Dieu ne plaise – Adolf Hitler, V.V.Poutine n’est tout simplement pas un favori naturel des foules. En Russie même, son image est celle d’un serviteur politique de carrière assez ennuyeux mais équilibré, plutôt que celle d’un populiste charismatique. Sa popularité durable en Russie est bien plus liée à sa stabilisation de l’économie et du système de retraite russes qu’aux photos de lui à cheval torse nu.
Faites confiance au plan, même lorsque le plan est lent et ennuyeux
De plus, V.V.Poutine – contrairement à l’opinion selon laquelle il exerce une autorité extralégale illimitée – est plutôt un adepte du procéduralisme. La structure gouvernementale de la Russie permet expressément une présidence très forte (c’était une nécessité absolue à la suite de l’effondrement total de l’État au début des années 1990), mais dans ces paramètres, Poutine n’est pas considéré comme une personnalité particulièrement excitante sujette à des prises de décision radicales ou explosives. Les critiques occidentaux peuvent prétendre qu’il n’y a pas d’État de droit en Russie, mais à tout le moins, Poutine gouverne par la loi, avec des mécanismes et des procédures bureaucratiques formant la superstructure au sein de laquelle il agit.
Cela a été clairement mis en évidence ces derniers jours. L’Ukraine avançant sur plusieurs fronts, un nouveau cycle de malheur et de triomphe s’est enclenché : les personnalités pro-ukrainiennes se réjouissent de l’effondrement apparent de l’armée russe, tandis que de nombreux membres du camp russe déplorent les dirigeants qui, selon eux, doivent être criminellement incompétents.
Avec tout cela en cours du côté militaire, V.V.Poutine a calmement lancé le processus d’annexion à travers ses mécanismes juridiques – d’abord en organisant des référendums, puis en signant des traités d’entrée dans la Fédération de Russie avec les quatre anciens oblasts ukrainiens, qui ont ensuite été envoyés à la Douma d’État pour ratification, suivi par le Conseil de la Fédération, suivi à nouveau par la signature et la vérification par V.V.Poutine.
Alors que l’Ukraine jette ses forces reconstituées cet été dans le combat, Poutine semble embourbé dans la paperasse et la procédure.
C’est un spectacle étrange. V.V.Poutine semble se frayer un chemin à travers les légalités ennuyeuses de l’annexion, apparemment sourd au chœur qui lui crie que sa guerre est au bord de l’échec total. Le calme implacable qui rayonne – au moins publiquement – du Kremlin semble en contradiction avec les événements du front.
Alors, que se passe-t-il vraiment ? Poutine est-il vraiment si détaché des événements sur le terrain au point qu’il ignorerait (comme le serine la propagande otanienne) que son armée est en train d’être vaincue ? Envisage-t-il d’utiliser des armes nucléaires dans un accès de rage ? Ou pourrait-il s’agir, comme le dit Clausewitz, de la simple continuation de la politique par d’autres moyens ?
Guerre expéditionnaire
De toutes les affirmations fantasmagoriques qui ont été faites au sujet de la guerre russo-ukrainienne, peu sont aussi difficiles à croire que l’affirmation selon laquelle la Russie avait l’intention de conquérir l’Ukraine avec moins de 200 000 hommes.
En effet, une vérité centrale de la guerre que les observateurs doivent simplement comprendre est le fait que l’armée russe a été largement dépassée en nombre dès le premier jour. Et ce bien que la Russie ait un énorme avantage démographique sur l’Ukraine elle-même. Sur le papier, la Russie a engagé une force expéditionnaire de moins de 200 000 hommes, même si bien sûr ce montant total n’a pas été en première ligne dans des combats actifs ces derniers temps.
Le déploiement de forces légères est lié au modèle de service plutôt unique de la Russie, qui a combiné des « soldats contractuels » – le noyau professionnel de l’armée – avec un pool de réservistes généré par une vague de conscription annuelle. La Russie a par conséquent un modèle militaire à deux niveaux, avec une force prête professionnelle de classe mondiale et un grand bassin de cadres de réserve dans lesquels on peut puiser, complétés par des forces auxiliaires comme les BARS (volontaires), les Tchétchènes et la milice LNR-DNR.
Schizophrénie géostratégique
Ce modèle de services mixtes à deux niveaux reflète, à certains égards, la schizophrénie géostratégique qui a sévi dans la Russie post-soviétique. La Russie est un pays énorme avec des engagements de sécurité potentiellement colossaux, couvrant un continent, qui a hérité d’un héritage soviétique de masse. Aucun pays n’a jamais démontré une capacité de mobilisation en temps de guerre à une échelle comparable à celle de l’URSS. La transition d’un programme de mobilisation soviétique à une force professionnelle plus petite, plus légère et prête à l’emploi faisait partie intégrante du régime d’austérité néolibéral de la Russie pendant une grande partie des années Poutine.
Il est important de comprendre que la mobilisation militaire, en tant que telle, est aussi une forme de mobilisation politique. La force contractuelle prête nécessitait un niveau assez faible de consensus politique et d’adhésion de la part de la majeure partie de la population russe. Cette force contractuelle russe peut encore accomplir beaucoup de choses sur le plan militaire – elle peut détruire les installations militaires ukrainiennes, faire des ravages avec l’artillerie, se frayer un chemin dans les agglomérations urbaines du Donbass et détruire une grande partie du potentiel de guerre indigène de l’Ukraine. Mais elle ne peut cependant pas mener une guerre continentale de plusieurs années contre un ennemi qui le dépasse en nombre d’au moins quatre contre un, et qui est soutenu par des renseignements, un commandement et un contrôle, et du matériel qui sont hors de sa portée immédiate – surtout si les règles de l’engagement l’empêchent de toucher les artères vitales de l’ennemi.
Nécessité d’un plus ample déploiement de force
La Russie doit transcender l’armée d’austérité néolibérale. Elle a la capacité matérielle de mobiliser les forces nécessaires – elle a plusieurs millions dans son pool de réservistes, d’énormes inventaires d’équipements et une capacité de production indigène soutenue par les ressources naturelles et le potentiel de production du bloc eurasien qui a resserré les rangs autour de lui : la mobilisation militaire est aussi une mobilisation politique.
L’Union soviétique a pu mobiliser des dizaines de millions de jeunes hommes pour user et finalement anéantir l’armée de terre allemande parce qu’elle maniait deux puissants instruments politiques.
Le premier était le pouvoir impressionnant et étendu du Parti communiste, avec ses organes omniprésents.
La seconde était la réalité de l’invasion allemande avec l’intention d’éliminer le monde Slave.
V.Poutine manque aujourd’hui d’un organe coercitif aussi puissant que le Parti communiste, qui disposait à la fois d’une puissance matérielle étonnante et d’une idéologie convaincante qui promettait d’accélérer la voie vers une modernité non capitaliste.
En effet, aucun pays ne dispose aujourd’hui d’un appareil politique à l’image de ce que fut la machine communiste, sauf peut-être la Chine et la Corée du Nord. Ainsi, en l’absence d’un levier direct pour créer une mobilisation politique – et donc militaire -, la Russie doit trouver une voie alternative pour créer un consensus politique pour mener une forme de guerre supérieure.
C’est désormais chose faite, grâce à la russophobie occidentale et au penchant de l’Ukraine pour la violence. Une transformation subtile mais profonde du corps socio-politique russe est en cours.
Créer un consensus
V.Poutine et son entourage ont conçu dès le début la guerre russo-ukrainienne en termes existentiels.
Il est peu probable, cependant, que la plupart des Russes l’aient compris. Au lieu de cela, ils considéraient probablement la guerre de la même manière que les Américains considéraient les guerres en Irak et en Afghanistan – comme des entreprises militaires justifiées qui n’étaient néanmoins qu’une tâche technocratique pour l’armée professionnelle ; à peine une question de vie ou de mort pour la nation. Je doute fortement qu’aucun Américain ait jamais cru que le destin de la nation dépendait de la guerre en Afghanistan (les Américains n’ont pas mené de guerre existentielle depuis 1865), et à en juger par la crise de recrutement qui sévit dans l’armée américaine, il ne semble pas que quiconque perçoive une véritable menace existentielle étrangère.
Ce qui s’est passé depuis le 24 février 2022 est plutôt remarquable. La guerre existentielle pour la nation russe a été incarnée et rendue réelle pour les citoyens russes. Les sanctions et la propagande anti-russe – diabolisant la nation entière – ont rallié même les Russes initialement sceptiques derrière la guerre, et la cote d’approbation de Poutine a grimpé en flèche.
Une hypothèse occidentale fondamentale, selon laquelle les Russes se retourneraient contre le gouvernement, s’est inversée. On ne sait cependant, à l’heure actuelle, quelles seront les conséquences réelles de la conscription annoncée qui a vu fuir beaucoup de recrues potentielles désireuse de ne pas s’impliquer dans le conflit.
Le constat est désormais très simple : Poutine a avancé – et finalement réalisé – son projet d’annexion formelle de l’ancienne rive orientale de l’Ukraine. Cela a également transformé juridiquement la guerre en une lutte existentielle. De nouvelles avancées ukrainiennes à l’est représentent désormais, aux yeux de l’État russe, un assaut contre le territoire russe souverain et une tentative de détruire l’intégrité de l’État russe. .
Tous les domaines sont maintenant alignés
V.Poutine et ceux qui l’entourent ont conçu cette guerre dès le début comme une lutte existentielle pour la Russie, pour éjecter un État fantoche anti-russe et vaincre une incursion hostile dans l’espace civilisationnel russe.
L’opinion publique est désormais de plus en plus d’accord avec cette analyse (des sondages montrent que la méfiance russe à l’égard de l’OTAN et des « valeurs occidentales » est montée en flèche), et le cadre juridique post-annexion le reconnaît également. Les domaines idéologique, politique et juridique sont désormais unis dans l’idée que la Russie se bat pour son existence même en Ukraine. L’unification des dimensions techniques, idéologiques, politiques et juridiques a été décrite par le chef du parti communiste russe, Gennadi Ziuganov :
« Ainsi, le président a signé des décrets sur l’admission des régions de la RPD, de la LPR, de Zaporozhye et de Kherson en Russie. Les ponts sont brûlés. Ce qui était clair du point de vue moral et étatique est maintenant devenu un fait juridique : sur notre terre, il y a un ennemi, il tue et mutile les citoyens de la Russie. Le pays exige l’action la plus décisive pour protéger ses compatriotes. Le temps n’attend pas. »
Une brève histoire de la génération de forces militaires
L’une des particularités de l’histoire européenne est la capacité dont Rome a su faire preuve dans le domaine de la mobilisation militaire. Rome a conquis le monde en grande partie parce qu’elle avait une capacité de mobilisation exceptionnelle, générant constamment pendant des siècles des niveaux élevés de participation militaire massive. César a amené plus de 60 000 hommes à la bataille d’Alésia lorsqu’il a conquis la Gaule – une force qui restera inégalée pendant des siècles dans le monde post-romain.
Après la chute de l’Empire romain d’Occident, la capacité de l’État en Europe s’est rapidement détériorée. L’autorité royale en France et en Allemagne a été réduite à mesure que l’aristocratie et les autorités urbaines ont gagné en puissance. Malgré le stéréotype de la monarchie despotique, le pouvoir politique au Moyen Âge était très fragmenté, et la fiscalité et la mobilisation très localisées. La capacité romaine à mobiliser de grandes armées contrôlées et financées de manière centralisée a été perdue et la guerre est devenue le domaine d’une minorité combattante.
Les armées européennes médiévales étaient incroyablement petites. Lors de batailles anglo-françaises cruciales comme Azincourt et Crécy, les armées anglaises comptaient moins de 10 000 hommes et les Français pas plus de 30 000. La bataille historique mondiale (pour l’époque) qu’a représenté Hastings – qui a scellé la conquête normande de la Grande-Bretagne – a opposé deux armées de moins de 10 000 hommes. La bataille de Grunwald – au cours de laquelle une coalition polono-lituanienne a vaincu les chevaliers teutoniques – et qui fut l’une des plus grandes batailles de l’Europe médiévale -, ne comportait toujours que deux armées qui comptaient au plus 30 000 hommes.
Les pouvoirs de mobilisation européens et la capacité de l’État étaient faibles à cette époque par rapport à d’autres États du monde. Les armées chinoises comptaient régulièrement quelques centaines de milliers de combattants, et les Mongols, même avec une sophistication bureaucratique nettement inférieure, pouvaient aligner 80 000 hommes.
La situation a commencé à changer radicalement alors que l’intensification de la concurrence militaire – en particulier la guerre sauvage de 30 ans – a forcé les États européens à enfin amorcer un retour vers une capacité d’État centralisée. Le modèle de mobilisation militaire est finalement passé du système de serviteurs – où une petite classe militaire autofinancée fournissait le service militaire – à l’État militaire fiscal, où les armées étaient levées, financées, dirigées et soutenues par les systèmes fiscaux et bureaucratiques de gouvernements centralisés.
Au début de la période moderne, les modèles de service militaire ont acquis un mélange unique de conscription, de service professionnel et de système de serviteurs. L’aristocratie a continué à assurer le service militaire dans le corps des officiers émergents, tandis que la conscription et l’impression ont été utilisées pour remplir les rangs. Les conscrits ont été soumis à de très longues durées de service militaire, traduisant les besoins politiques de la monarchie à l’ère de l’absolutisme. L’armée n’était pas un forum de participation politique populaire au régime – c’était un instrument permettant au régime de se défendre à la fois des ennemis étrangers et des jacqueries paysannes. Par conséquent, les conscrits n’étaient pas réintégrés dans la société.
La montée des régimes nationalistes et de la politique de masse a permis à l’échelle des armées d’augmenter encore plus. Les gouvernements de la fin du XIXe siècle avaient désormais moins à craindre de leurs propres populations que les monarchies absolues du passé – ce qui a changé la nature du service militaire et a enfin ramené l’Europe au système que les Romains avaient expérimenté. Le service militaire est alors devenu une forme de participation politique de masse – permettant aux conscrits d’être appelés, formés et réintégrés dans la société – et donnant naissance au système de cadres de réserve qui a caractérisé les armées dans les deux guerres mondiales.
En somme, le cycle des systèmes de mobilisation militaire en Europe est un miroir du système politique. Les armées étaient très petites à l’époque où il y avait peu ou pas de participation politique de masse avec le régime. Rome a déployé de grandes armées parce qu’il y avait une adhésion politique importante et une identité cohérente sous la forme de la citoyenneté romaine. Cela a permis à Rome de générer une forte participation militaire, même à l’époque républicaine où l’État romain était très petit et peu bureaucratique. L’Europe médiévale avait une autorité politique fragmentée et un sentiment extrêmement faible d’identité politique cohérente, et par conséquent ses armées étaient petites. Les armées ont recommencé à croître en taille à mesure que le sentiment d’identité nationale et de participation s’est accru.
Cela nous mène aujourd’hui au 21e siècle où, avec son interconnexion et la disponibilité écrasante d’informations et de désinformations, le processus de génération de la participation politique de masse – et donc militaire – est beaucoup plus nuancé. Aucun pays n’a une vision utopique totalisante, et il est indiscutable que le sentiment de cohésion nationale est nettement plus faible aujourd’hui qu’il ne l’était il y a cent ans.
Poutine, tout simplement, n’aurait pas pu mener une mobilisation à grande échelle au début de la guerre. Il ne possédait ni un mécanisme coercitif ni la menace manifeste de générer un soutien politique de masse. Peu de Russes auraient cru qu’il y avait une menace existentielle cachée dans l’ombre – ils avaient besoin d’être montrés, et l’Occident n’a pas démenti cette perception. De même, peu de Russes auraient probablement soutenu l’effacement des infrastructures ukrainiennes et des services publics urbains dans les premiers jours de la guerre. Mais maintenant, la seule critique vocale de Poutine en Russie est du côté d’une nouvelle escalade. Le problème avec Poutine, du point de vue russe, c’est qu’il n’est pas allé assez loin. En d’autres termes, la politique de masse a déjà devancé le gouvernement, rendant la mobilisation et l’escalade politiquement insignifiantes. Par dessus tout, il faut se rappeler que la maxime de Clausewitz reste vraie. La situation militaire n’est qu’un sous-ensemble de la situation politique, et la mobilisation militaire est aussi une mobilisation politique – une manifestation de la participation politique de la société à l’État.
Temps et espace
La phase offensive de l’Ukraine se poursuit sur plusieurs fronts, dans le nord de Lugansk, et après des semaines à Kherson, chacun ayant insisté sur la reconquête de territoires perdus.
Il n’y a plus désormais que deux façons d’interpréter le déroulé des événements :
L’une est l’illusion occidentale : l’armée russe est vaincue et épuisée, en passe d’être chassée du champ de bataille. Poutine est dérangé, ses commandants sont incompétents et la seule carte à jouer de la Russie est de jeter des conscrits ivres et sans formation et d’en faire de la chair à canon.
L’autre est l’interprétation selon laquelle la Russie, qui recompose et rassemble ses forces et moyens pour une escalade et une offensive hivernales, est actuellement engagée dans un échange calculé dans lequel elle cède de l’espace en échange de temps et de pertes ukrainiennes.
La réalité est que la Russie continue de battre en retraite là où les positions sont soit compromises sur le plan opérationnel, soit confrontées à un nombre écrasant d’Ukrainiens, mais elle fait très attention à extraire les forces du danger opérationnel.
A Lyman, où l’Ukraine a menacé d’encercler la garnison, la Russie a engagé des réserves mobiles pour débloquer le village et assurer le retrait de la garnison. « L’encerclement » de l’Ukraine s’est évaporé, et le ministère ukrainien de l’Intérieur a été bizarrement obligé de tweeter (puis de supprimer) une vidéo de véhicules civils détruits comme « preuve » que les forces russes avaient été anéanties.
La Russie continuera probablement à se retirer au cours des prochaines semaines, retirant des unités intactes sous leur parapluie terrestre (artillerie) et aérien, écrasant les stocks d’équipement lourd ukrainien et épuisant leur main-d’œuvre.
Pendant ce temps, de nouveaux équipements continuent d’affluer à Belgorod, Zaporijia et en Crimée.
L’attente reste la même : un retrait russe épisodique jusqu’à ce que le front se stabilise à peu près fin octobre, suivi d’une pause opérationnelle jusqu’à ce que le sol gèle, suivi d’une escalade et d’une offensive hivernale de la Russie une fois qu’elle aura fini de rassembler suffisamment d’unités.
Un calme inquiétant émane donc du Kremlin. La mobilisation est en cours – 200 000 hommes suivent actuellement une formation de recyclage dans des champs de tir à travers la Russie. Des trains entiers de matériel militaire continuent d’affluer sur le pont de Kertch, mais l’offensive ukrainienne se poursuit sans renforts russes à l’avant.
La déconnexion entre le stoïcisme du Kremlin et la dégradation du front est frappante tandis que la pensée magique est à l’œuvre en Europe : « Peut-être que Poutine et tout l’état-major russe sont vraiment incompétents sur le plan criminel – peut-être que les réservistes russes ne sont vraiment rien d’autre qu’une bande d’ivrognes. Peut-être qu’il n’y a pas de plan, qui sait ? ».
Ou peut-être que les fils de la Russie répondront à nouveau à l’appel de la patrie, comme ils l’ont fait en 1709, en 1812 et en 1941.Alors que les loups rôdent à nouveau à la porte, le vieil ours se relève pour se battre. »
Laissons de côté ces spéculations.
Les prochaines semaines diront qui et comment, de manière effective, l’appropriation des thèmes, doctrines et pratiques développés dans l’art opératif tel que le conçoivent les membres de l’OTAN, saura ou non trouver une réelle et efficace consistance.[xi]
Allons au but : l'échec est garanti.
Quant aux prochains mois, nous verrons ce qu’il en est de la nouvelle économie de guerre de la Russie.[xii]
Nous verrons surtout les résultats de l’économie de guerre dans laquelle M. Macron est en train de plonger la France avec son European Political Community[xiii], chant du cygne de l’Union Européenne, sans que celle-ci et son instigateur ne réalisent vraiment ce que peut représenter son inclusion dans un état de co-belligérance face à un monde eurasiatique dont les 44 dirigeants réunis à Prague le 6 octobre 2022 n’ont manifestement aucune idée.[xiv]
La scène internationale se complique, en Europe, en Russie, en Asie, aux Etats-Unis, tandis qu'en France des dirigeants à bout de souffle s'évertuent à expliquer à tout un pays qui attend de voir de quelle manière le "nouvel Age de Sobriété et de Fin de l'Abondance" que certains auraient aimé connaître sera mis en place par ceux-là-mêmes qui sont en train d'envoyer la France dans le mur et son économie au tapis.
[i] http://questionscritiques.free.fr/edito/AsiaTimesOnline/M_K_Bhadrakumar/MKB_index.htm
[ii] https://www.opindia.com/2022/10/ukrainian-president-zelensky-urges-nato-to-launch-pre-emptive-nuclear-strike-against-russia/
[iii] Pascal GAUCHON, Le Brouillard de la Guerre, Conflits, Revue de Géopolitique, 3 juillet 2018, https://www.revueconflits.com/le-brouillard-de-la-guerre-editorial-du-n18/
[iv] Big Serge Thoughts. Politics by Other Means. Putin and Clausewitz. 5 Oct. 2022, https://bigserge.substack.com/p/politics-by-other-means et Traduction offerte sur le site de Bruno Bertez, in :
Bruno Bertez, 9 octobre 2022 Il vous reste quelques heures de week-end pour lire ce document : le vrai Poutine, la vraie guerre. Poutine a remis la guerre dans le champ politique. Cela permet de comprendre beaucoup de choses. https://brunobertez.com/2022/10/09/il-vous-reste-quelques-heures-de-week-end-pour-lire-ce-document-le-vrai-poutine-la-vraie-guerre/
On lira aussi avec intérêt cette autre contribution intitulée The War Has Just Begun. The Winter of Yuri, Sept. 29 2022, https://bigserge.substack.com/p/the-war-has-just-begun
[v]https://www.20minutes.fr/monde/4002866-20220929-sabotage-nord-stream-non-joe-biden-jamais-dit-washington-pourrait-attaquer-gazoducs
[vi] https://www.ladepeche.fr/2022/10/09/en-images-guerre-en-ukraine-des-embouteillages-bloquent-le-pont-de-crimee-deja-reouvert-10724755.php
[vii] Sergueï Sourovikine, https://fr.trenddetail.com/moyen-orient/137266.html
[viii] David Teurtrie, Russie, comment tourner une économie vers la guerre ? France Culture. Les enjeux internationaux, 10 octobre 2022. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/russie-comment-tourner-une-economie-vers-la-guerre-2903592
[ix]Philippe CHAPLEAU, Un fonds de 100 millions d'euros pour l'achat direct par Kiev de matériel militaire français, Lignes de défense, Ouest-France, 7 octobre 2022, http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2022/10/07/un-fonds-de-100-millions-d-euros-pour-l-achat-direct-par-kie-23371.html
[x] L’art opératif soviétique et ses enseignements dans les opérations contemporaines. Cahiers de la pensée mili-Terre. Publié le : 14/01/2020 in Histoire & stratégie. https://www.penseemiliterre.fr/l-art-operatif-sovietique-et-ses-enseignements-dans-les-operations-contemporaines_43_1013077.html
Voir aussi : Nghia NGUYEN, L’art opératif : une rupture intellectuelle dans la pensée militaire. Article mis en ligne le 31 décembre 2019, dernière modification le 16 novembre 2020, http://www.education-defense.fr/spip.php?article609&lang=fr
[xii] Evgeny GONTMAKHER, Appraising Russia’s wartime economy, Geopolitical Intelligence Services AG, Economy September 12, 2022, https://www.gisreportsonline.com/r/russia-economy-war/
[xiv] « Economie de guerre » : Emmanuel Macron demande une réévaluation de la loi de programmation militaire, Le Monde, 13 juin 2022, https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/13/economie-de-guerre-emmanuel-macron-demande-une-reevaluation-de-la-loi-de-programmation-militaire_6130125_3210.html
142 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON