Vivent les psychoses infantiles !
Connaissez-vous Pedobear ? Un personnage servant à parler avec humour d’un sujet qui ne s’y prête pas du tout (vraiment pas du tout), la pédophilie. Du moins, on peut symboliser avec Pedobear tous les pédophiles de la planète, ce qui évite de citer des noms et des affaires comme celle des enfants de l'institut médico-éducatif de Voiron, pour ne pas la citer (... trop tard).
Pedobear est très, très, très content du système de soins français en matière d’autisme, et il espère qu’on fera de moins en moins attention au recrutement du personnel dans les hôpitaux de jour et les instituts médico-éducatifs (IME). Il ne veut surtout pas qu’on envoie les enfants détenus là-bas à l’école ordinaire, avec tous les enfants « non handicapés », sous la surveillance de profs et d’un ou d’une Assistant(e) de Vie Scolaire (AVS). Les institutions de soins pour « psychotiques » (surtout quand on les bourre de tranquillisants), c’est un lieu parfait pour que Pedobear s’y fasse embaucher sous un costume d’éducateur spécialisé, et s’y amuse toute la journée. Pensez-donc, on met la pression aux parents d’enfants autistes et « psychotiques » pour qu’ils placent leurs gosses là-dedans, plutôt qu’à l’école (faute d’embauche d’AVS). En plus, en France, on assimile encore l’autisme à une psychose, précisément à « la forme la plus archaïque des psychoses infantiles ! »
Pedobear adore les « psychoses » !
Pedobear veut absolument que l’autisme reste une psychose !
Mais il a peur, Pedobear : les diagnostics de psychose, ça n’existe plus qu’en France. Tous les autres pays occidentaux ont abandonné ça, ils parlent d’« autisme » à la place. Expliquer en quoi l’autisme se différencierait de la psychose infantile, c’est compliqué. Laissons la parole à une spécialiste :
Si comme moi vous n'avez rien compris, peut-être pensez-vous que cet article est trop « scientifique » ? En fait, il ne l’est pas du tout ! La revue qui le publie a un comité de lecture, mais pas de critique par des pairs anonymes. En clair, ce papier tente de plier chaque cas individuel dans le cadre théorique créé par les observations bullshittées de Freud (pour voir en quoi les observations de Freud sont bullshittées, je vous conseille l’excellent Livre noir de la psychanalyse). Autre indice, cet article est cité seulement 3 fois dans d’autres travaux depuis sa parution, en 2004. Cela ferait 4 si je m'amusais à publier un article critique, mais j'ai autre chose à faire de mes journées.
Pedobear adore les psychoses infantiles ! Pour expliquer pourquoi, il faut que je définisse ce qu’est une « psychose infantile », et là, j’avoue, je suis très emmerdée. Je vais prendre la définition de la première ligne de l’article Wikipédia homonyme, qui résume assez bien les pseudoscientificités freudiennes lues à ce sujet :
« Trouble psychique de l'organisation de la personnalité et de la relation de l'enfant avec lui-même, avec l'autre et avec son monde extérieur, et qui se caractérise par une perte de contact soutenue et continue avec la réalité »[1]. Avant, on appelait ça la « schizophrénie infantile », autre étiquette que Pedobear aime beaucoup.
Grâce à cette super définition, si Pedobear tripote un enfant « psychotique » ou « schizophrène infantile », personne ne va croire cet enfant quand il dira que Pedobear l’a touché (ou pire). Ben oui, le pauvre a une « perte de contacts soutenue et continue avec la réalité » ! Autre chose, la psychose infantile ne se « soigne » pas, sinon en bourrant ces enfants de neuroleptiques et d’antipsychotiques. C’est bon pour Pedobear : ils se débattent moins. Pedobear ne veut surtout pas que les enfants autistes et psychotiques progressent ni qu’ils apprennent à parler : s’ils parlent, dude, c’est très dangereux pour lui.
Pedobear a une petite histoire à raconter. Il était une fois, à la fin des années 1980, une maman veuve et sa fille de cinq ans. Elle consultait une pédopsychiatre, car sa fille se cachait sous les tables de l’école, avait très peur des autres enfants, ne savait ni mettre son manteau ni manger seule ni faire ses lacets, mais parlait, lisait et comptait – sa maman le lui avait appris en dessinant des images, et en écrivant dessus le nom de ce qui était dessiné. Cette maman veuve était très angoissée, parce qu’elle avait perdu son mari qui portait l’étiquette « schizophrène ». Elle n’avait qu’une peur, c’est que sa fille devienne elle aussi « schizophrène » !
La pédopsychiatre dit à cette maman qu’il y avait un risque pour que sa fille tourne schizo ! Pas trop quand même, c’est plutôt les garçons. Là, cette fille est juste « dysharmonique », une forme de « prépsychose », un « risque de rupture avec le réel ». Mais la pédopsychiatre a surtout (psych ?)analysé la mère : ce n’est pas bien d’être trop fusionnelle avec sa fille. Elle a besoin d’un père, de l’image du père pour se construire, cette enfant ([insérez ici du langage corporel et des sous-entendu de dénonciation à l'aide sociale à l'enfance bien menaçants]).
Aussi, dans la peur et la précarité, la maman se cherche un mari, finissant par tomber sur... Devinez-qui ? Un Pedobear ! Le Pedobear en a profité, comme on dit. Une gamine à « risque psychotique » que personne ne croira si elle parle, quel bonheur ! La fille a porté plainte contre le Pedobear pour inceste (la vilaine), longtemps, très longtemps après les faits. L’expertise psychologique est venue au secours du Pedobear : « menace de rupture avec le réel », « prépsychose », rien de tel pour discréditer un témoignage juridique dans une affaire de viol ! Une dizaine d'années plus tard, cette femme fut pré-diagnostiquée... autiste !
Il existe très peu de livres à propos des dysharmonies psychotiques, ce peu de littérature parle toujours d’une « menace de rupture avec le réel ». Par contre, la littérature à propos de l’autisme dit tout autre chose. Notamment, que les autistes ne comprennent rien aux codes sociaux. Dans un tribunal, c’est plus simple d’être cru(e) (que mangée cuite) pour un témoignage de viol si l'on est « autiste » que si l'on est « psychotique » !
Pedobear a très peur que tous les enfants psychotiques entrent dans la catégorie « autisme ». Ce serait dangereux si on arrêtait de les croire complètement menteurs et psychotés. Heureusement pour lui, il a une alliée de poids. La géniale classification nosographique conçue par les psychiatres-psychanalystes français spécialement pour les gosses et les djeunz :
La CFTMEA
(Imaginez ce nom inscrit en grosses lettres de sang qui dégoulinent)
… ou classification française des troubles mentaux des enfants et des adolescents. Elle maintient des diagnostics de « psychose », et c’est elle qu’on enseigne aux étudiants français en fac de psycho.
Il a fallu attendre 2012 pour qu’enfin, la dénomination « psychose » soit écartée de la définition de l’autisme, et ce, grâce à la volonté de parents d’enfants autistes qui ont milité : « aujourd’hui, le terme « psychose » est pour beaucoup chargé d’une telle connotation stigmatisante qu’il nous est paru préférable de l’écarter de la nomenclature consacrée aux TED et à l’autisme »[2]. Il était temps...
Mais l’assimilation de l’autisme à une psychose reste très forte parmi les « professionnels ». Certains se battent pour que ce nom de « psychose » y soit conservé. Par exemple dans ce papier-là, daté de 2014 :
Quelqu'un qui reçoit le diagnostic « autisme » ou « Asperger » trouvera des informations qui l’aideront sur internet et dans les livres. Pas un « psychotique »… Je ne connais aucun « café psychotiques », pas de site de support pour psychotiques, pas de bouquin de méthode « comment bien vivre lorsqu’on est psychotique », ni « comment trouver un emploi pour psychotique », ni d’autobiographie de psychotique ou même d’ex-psychotique mal diagnostiqué ! Vous ne trouverez nulle part, nulle part, le moindre bouquin ni le moindre témoignage d’un ex enfant psychotique qui aurait « réussi sa vie ». Rien de tel pour se sentir complètement nul(le), et devenir la proie de tous les Pedobear du monde !
Il a fallu attendre 2000 pour que, par exemple, le syndrome d’Asperger soit reconnu dans la CFTMEA. Et encore, trop souvent reviennent dans les témoignages des mentions de professionnels de santé qui ont refusé de poser un diagnostic d’autisme ou d’Asperger, déclarant qu’il s’agit d’une mode ou d’un « truc américain »… Pour s'amuser avec d’autres bêtises monstrueuses proférées par des pseudo-professionnels, je vous renvoie à ce petit livre, Le psychanalyste parfait est un connard (promis, je ne touche aucune commission dessus).
Autre problème : la CFTMEA s’arrête à l’âge adulte. Quelle étiquette poser aux psychotiques adultes ? On a des psychoses infantiles vieillies, sinon ça varie : schizophrénie pour les hommes, autre bullshiterie pour les femmes (phobie sociale avec TOC, par exemple. Une réunion de femmes autistes est souvent l'occasion de compléter sa collection de diagnostics farfelus). Encore cette année, j’ai eu connaissance d’un cas d’homme adulte qui a mangé du neuroleptique pendant trois ans pour rien, à cause d’un faux diagnostic de schizophrénie. Les effets secondaires qu’il s’est pris et les années de bonne santé que ça lui a volé, ça ses "psys" ne vont jamais les lui rembourser même s’il gagnait un procès, dude.
Quant à l’affaire de Voiron, dont je parlais au début : 11 témoignages d’enfants disant avoir rencontré un Pedobear ont été sciemment ignorés par la justice française. Certains sont autistes, d’autres seraient « psychotiques ». Bravo le tribunal de Grenoble !
Pour contrarier ce système qu'aime tant Pedobear, il est possible de signer une pétition pour enterrer la CFTMEA loin-profond dans les strates géologiques de la préhistoire. Le lien est juste là :
Rien que si vous faites ça, je veux bien vous serrer la main virtuellement (et c’est compliqué).
Il y a une autre pétition pour interdire le référentiel psychanalytique au tribunal, la pseudoscience n’a rien à faire avec le droit ;-)
Si vous la signez, je vous fait la bise virtuellement (et c’est très, très compliqué)
Add : Avant d'éventuels commentaires sous cet article, je vous renvoie à cette excellente BD du non moins excellent Pharmachien. La Dialectique éristique de Schopenauer ne sera d'aucune aide à quiconque, j'ai pour ma part pris des cours de diplomatie avec Margaret Thatcher.
Add n° 2 : Cet article reçoit évidemment le :
[1] Un morceau de cette définition des psychoses figure là, si vous ne me croyez pas : https://books.google.fr/books?id=rPEkAQAAIAAJ&q=perte+de+contact+soutenue+continue+avec+la+r%C3%A9alit%C3%A9+psychose&dq=perte+de+contact+soutenue+continue+avec+la+r%C3%A9alit%C3%A9+psychose&hl=fr&sa=X&redir_esc=y
[2] C'est quelque part dans ce document de 153 pages. http://nuxeo.edel.univ-poitiers.fr/nuxeo/site/esupversions/8cc15544-b9f2-4836-b5f2-f6990ec92ed4
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