@krocodilo
"Il y a déjà une profusion d’articles sur tous les aspects de ces drames, par des professionnels et des citoyens. Je préfère chercher un autre angle.«
Non : la question essentielle qui est celle de l’antisémitisme en France et de ses causes n’est traitée nulle part, et AgoraVox n’est qu’un pâle reflet des grands media. On y a traité surtout de la »récupération" des événements par les candidats et j’y ai lu surtout les délires conspirationnistes habituels. Tout cela ne fait guère avancer la réflexion.
Les événements de Montauban et de Toulouse sont autrement plus graves que les dysfonctionnements des media et les petites phrases plus ou moins maladroites des candidats. Tout cela est négligeable. Il vaudrait mieux, si on tient encore à en parler, ne pas perdre de vue l’essentiel et éviter de se noyer dans des péripéties.
Je pense qu’il s’agit surtout de provoquer un effet d’annonce destiné à intimider quelque peu et immédiatement des jeunes qui seraient en pleine dérive. Il serait bien difficile, du point de vue de notre tradition démocratique, de justifier l’adoption d’une telle loi. Par dessus le marché, ce serait absurde du point de vue des services de renseignement qu’on priverait ipso facto d’un excellent moyen d’investigation. En effet, à défaut de pouvoir obtenir la fermeture, qui serait souhaitable, de sites qui se trouvent évidemment sur des serveurs installés dans des pays étrangers et hostiles, si on veut savoir qui pourrait devenir complice de pareilles idéologies on a, par la possibilité d’identification que fournissent les adresses IP, un moyen extrêmement sûr d’être immédiatement renseigné. Il suffit de réfléchir deux minutes pour comprendre qu’il n’y a pas lieu de s’émouvoir et qu’il serait même infiniment préférable de ne rien dire. Mais c’est déjà, de toute façon, un secret de Polichinelle.
Il n’a été question ces derniers jours dans les media et ici même que de l’instrumentalisation des événements par les différents candidats, comme si le problème était là. Que Sarkozy s’exprime à la télévision ou préside des cérémonies, cela devenait problématique, comme s’il avait dû renoncer aux charges que sa fonction lui impose. Que de remarques mesquines et grotesques ! Je ne voterai pas et je me sens d’autant plus libre de dire que Sarkozy, Hollande - et même Juppé, pour une fois -, se sont comportés avec la dignité qui convenait. Je n’en dirai pas autant des autres.
Ce thème récurrent de l’instrumentalisation permet de ne pas avoir à affronter l’essentiel, c’est-à-dire le fait qu’on soit passé brutalement d’un climat d’antisionisme déjà répugnant à des meurtres carrément et odieusement antisémites. Sont-ils le fait d’un pur hasard ou procèdent-ils d’une logique particulière qu’on peut analyser ? C’est là qu’est la vraie question.
@perlseb
"C’est le point de vue du peuple, ça. Mais est-ce que le point de vue de
nos dirigeants n’est pas : "Le problème, c’est de savoir
comment entretenir une situation pourrie" ? Autrement dit,
diviser pour régner...«
Cà n’est pas moins le point de vue de ceux qui dirigent que »le point de vue du peuple", c’est en tout cas le point de vue de tout sujet muni d’une cervelle. Les astuces du pouvoir à la Machiavel avaient peut-être cours dans les principautés italiennes à la charnière des XVe et XVIe siècles mais le monde a changé et il serait bien difficile aujourd’hui de les appliquer dans des sociétés plus ou moins démocratiques. Et puis, Machiavel est un auteur autrement plus subtil que le machiavélisme à quoi ceux qui ne l’ont pas vraiment lu croient pouvoir le réduire et sa lecture naïve conduit tout droit à une espèce de conspirationnisme extrêmement ridicule dont nous avons tous les jours d’excellents exemples sur ce site.
La mégalomanie ordinaire de ceux qui aspirent à jouir du pouvoir, dans nos sociétés, est telle qu’en général ils se croient sous le regard de l’Histoire qui les jugera et ils veulent laisser une image d’eux-mêmes qui ne soit pas trop négative. Evidemment, ce ne sont pas toujours les plus intelligents qui choisissent ces sortes de carrières et ils accumulent souvent des erreurs monumentales. Les circonstances les conduisent à consentir parfois à toute sorte de tripatouillages assez peu glorieux, mais je ne les crois ni meilleurs ni pires que la plupart de nos semblables. Au reste, le plus grand nombre (mais pas moi) consent à s’identifier à l’un quelconque de ces pauvres bougres, et tous de voter pour choisir leur tyran. Dans des périodes comme celle-ci, il conviendrait de relire l’excellent essai d’Etienne de la Boëtie sur la servitude volontaire. Tout cela y est expliqué bien mieux que je ne pourrais le faire ici en quelques lignes.
@ Roungalashinga
Je n’ai jamais été partisan de la présence française en Afghanistan (pas plus que de la récente aventure libyenne, et encore moins d’une éventuelle intervention en Syrie) et je n’ignore pas non plus que le soutien apporté par les Américains aux Talibans a été une des causes majeures du développement d’un fondamentalisme musulman dont nous n’avons pas fini de subir les conséquences abominables.
Si vous voulez dire que les politiques du passé ont été stupides et inconséquentes, ce n’est assurément pas moi qui vous contredirai. Cela dit, les choses sont désormais ce qu’elles sont et on ne peut pas modifier le passé. Le problème, c’est de savoir comment se déterminer dans une situation pourrie. C’est un problème qui n’est pas nouveau : chaque époque a dû faire face à des legs négatifs et il ne sert pas à grand chose de se lamenter sur les causes du désastre, il vaut mieux essayer d’y faire face rationnellement. J’avoue que je ne comprends pas très bien le sens de votre intervention. Où voulez-vous en venir ?
@1984
"Vous feriez mieux d’avoir honte de ne pas pouvoir envisager qu’un
gouvernement soit capable de telles manipulations ! Acheter vous
quelques bons livres d’histoire et un peu de courage !«
Avec une imagination un peu fertile, tout devient évidemment possible. Le titre du roman d’Orwell qui vous sert de pseudonyme est celui d’un excellent roman mais quand Orwell se penchait sur les questions politiques réelles, il ne délirait pas, lui. »1984« est un roman, pas un ouvrage historique, et je crains que vous ne confondiez les deux genres.
J’ai regardé un peu la télévision hier après-midi ; sur LCP, une intervenante prévoyait que Sarkozy, dont on attendait une apparition qui tardait un peu, était probablement en train d’attendre la fin des opérations du GIGN pour pouvoir se prévaloir du résultat et »récupérer« tout cela à son avantage. Complotisme très ordinaire. Mais la réalité était quand même tout autre. Et on pourrait multiplier les exemples, ils n’ont pas manqué ces derniers jours.
Le problème n’est pas celui de la »récupération" politique de ces événements contingents ; ce serait plutôt d’examiner comment un climat d’antisionisme entretenu complaisamment depuis des années peut donner à penser à des crétins absolus qu’ils seront justifiés si, par un passage à l’acte, ils donnent une consistance à tant de fantasmes haineux partout présents, même au plus haut niveau, et jusque dans l’imbécile et récente déclaration d’une Catherine Ashton. Dans un tel climat, rien n’est évidemment sûr, mais le hasard finira bien par produire des horreurs, et ce ne sera pas un hasard si les victimes seront toujours d’un même côté.
Vous feriez mieux d’expliquer plus clairement que l’assassinat était probablement commandité par le gouvernement lui-même, qu’on avait sciemment manipulé un salafiste. Pourquoi ne pas aller jusqu’à dire - c’est un schéma classique de l’antisémitisme - que la communauté juive est, comme toujours, totalement responsable de ce qui lui arrive et bien aise de pouvoir se poser en victime.
Bref, une pareille salade donne envie de vomir. N’était la nécessité absolue de lutter autant que faire se peut contre des idéologies mortifères, on aurait honte de lire AgoraVox.
@Jean Valjean
"Ce sont là les Dieudo-Soraliens de service qui déversent quotidiennement
leur haine des Juifs sur Agoravoix. (c’est écrit dans "le petit livre
Jaune« et dans »Comprendre l’empire« du gourou Chauve) »
Je ne sais pas d’où procède exactement leur haine des Juifs, mais de fait, il est de plus en plus rare de pouvoir lire un article avec ses commentaires sans ressentir une espèce de nausée. Et l’exemple de l’abjection est quelquefois donné par les politiques eux-mêmes : je pense à la déclaration récente mal rafistolée de Catherine Ashton. Que dans un tel contexte, soumis à une telle propagande presque devenue l’idéologie dominante, des crétins perturbés puissent maintenant passer à l’acte, il n’y a pas lieu de trop s’en étonner.L’avenir est sombre.
Plus d’une moitié de lecteurs, le 21 à 14h, ont avalé ça et voté positivement. C’est évidemment moins atroce que ce qui vient de se passer à Montauban et à Toulouse ; en d’autres circonstances, on pourrait même avoir envie de rigoler mais pour l’heure, un pareil délire reste quand même terriblement inquiétant.
@rosemar
"on ne sait pas quand une personne va mourir mais on sait parfois
qu’elle va mourir et les médecins,les infirmières vous l’annoncent
...dans un délai qui peut être de quelques jours....«
Le délai qui sépare de leur fin Rosemar Labrune et Foufouille, hélas (ce sont les derniers noms que je viens de voir sur mon écran) n’est pas de quelques millénaires, ni même de quelques siècles, cela se compte en années qui sont très peu de chose, comme on peut s’en rendre compte lorsqu’on en a déjà vécu plusieurs. Et si on se place à l’échelle des temps géologiques, ce petit délai est tout à fait négligeable : c’est comme si nous étions déjà presque morts. Mais c’est Vauvenargues qui disait, je crois : »Il faut vivre comme si on ne devait jamais mourir". A l’heure qu’il est, il est bien mort, lui aussi, mais il aura au moins vécu jusqu’au bout sans se pourrir l’existence avec la crainte fantasmatique d’une agonie pénible. Ca, c’est être philosophe : n’avoir peur de rien, ni des dieux ni de la mort. La trouille est le plus grand ennemi de toute pensée libre et audacieuse.
@rosemar
"quand on sait qu’une personne va mourir(c’est la définition de l’agonie)
on ne la tue pas:on l’aide à mourir dans l’apaisement ,on limite ses
souffrances,on fait preuve ,enfin ,d’une humanité dont vous semblez
dépourvu...«
De tous les sophismes que j’ai pu lire, voilà bien le plus délicieux !
Ainsi donc le mourant, comme le chat de Schrödinger dans sa boîte, serait tout à la fois vivant ET mort. Et pourquoi pas invoquer la superposition des états quantiques et la notion de décohérence, pendant qu’on y est, pour justifier d’ignobles tripatouillages !
En vérité, quand on est »mourant« , et même si on n’est plus capable de dire »je meurs« , on est encore vivant. Il n’y a pas de moyen-terme : d’un côté de l’instant fatal, on est vivant, et de l’autre, on est mort. La vie se prolonge jusqu’à l’arrêt définitif des fonctions qui l’entretiennent. Si ont interrompt artificiellement les fonctions vitales, fût-ce dix secondes avant la mort naturelle, on TUE, ou bien c’est qu’on ignore le sens des mots, qu’on parle pour faire du bruit... et ne rien dire.
Permettez moi de préférer quand même l’inhumanité de mon point de vue rationnel favorable à la vie, quelque affaiblie qu’elle puisse être, à un »humanitarisme" aussi confus et nihiliste.
@rahsaan
L’histoire du pendu n’a
rien de romanesque. Il y a chaque jour des dizaines de tentatives de
suicide qui sont ratées à cause d’une rapide intervention des
pompiers. Vaudrait-il mieux que ceux-ci, au lieu d’emmener en
réanimation les désespérés, les achèvent immédiatement ?
Formulé ainsi, est-ce que c’est plus facile à comprendre ?
Pour le reste : n’importe quel individu muni d’un cerveau voit très clairement que se tuer ce n’est pas la même chose que tuer autrui ou se faire tuer par autrui, et que cela pose un problème philosophique touchant aux notions de liberté et de responsabilité. L’idée de tuer fait horreur à tout individu normal. Si je demande à l’autre qu’il me tue, de deux choses l’une : ou bien j’ai affaire à un crétin pour qui le fait de tuer son semblable n’a aucun sens particulier voire à un pervers qui y prendrait plaisir, ou bien j’ai affaire à un homme libre qui me répondra que, quel que soit le degré de ma souffrance, sa liberté de ne pas devenir un assassin à ses propres yeux reste tout à fait entière et n’a pas à être mise en balance avec l’argument d’une quelconque pitié. C’est ce qui est très clairement exposé dans le dialogue entre Axel Kahn et Luc Ferry, c’est même tout à fait le centre de leur préoccupation, mais apparemment vous ne l’avez pas compris.
Au reste, le résumé que vous faites de ce dialogue est tout à fait inexact : ils ne parlent pas seulement de l’industrie de la mort en Suisse, ils traitent même surtout des gens qui sont en fin de vie et complètement grabataires, considérant que la loi actuelle est suffisante et qu’il n’est pas nécessaire de la modifier pour la raison que je développe aussi depuis le début : on peut se tuer, mais pas SE FAIRE tuer parce que cela suppose l’intervention d’UN TIERS EN POSITION D’ASSASSIN. Est-ce clair, cette fois ? Autrement dit : souhaiteriz-vous qu’il y ait dans la ville des gens ayant pignon sur rue et dont le métier serait de tuer du matin au soir ?
Je n’ajouterai rien d’autre à ce débat. Je n’ai rien vu du côté des fanatiques de l’euthanasie, qui ressemble à un commencement d’argumentation. Et pour cause !
Je renvoie ma première réaction, qui a mystérieusement disparu de la liste, comme plusieurs autres de moindre intérêt.
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Votre premier argument, qui consiste à dire que la plupart des Français sont favorables à l’euthanasie ne vaut rien : lorsque la peine de mort a été abolie, la majorité aurait été favorable à son maintien et la guillotine fonctionnerait probablement encore si on avait eu recours à la procédure du référendum. Etes-vous favorable vous-même à la guillotine ?
L’argument de la « dignité » est particulièrement odieux. Est-ce à dire que ceux qui préfèrent mourir naturellement ont un comportement « indigne », qu’il faut considérer qu’ils se comportent comme d’ignobles cochons et qu’il conviendrait, de leur imposer, éventuellement contre leur gré, une solution qui leur éviterait une déchéance répugnante. Répugnante pour qui ?
Qui déciderait de la mort du pauvre bougre en fin de parcours ? Lui-même ? Relisez donc la fable de La Fontaine : « La mort et le bûcheron ». Les médecins ? Mais leur rôle n’a jamais été de tuer, sauf dans l’Allemagne nazie. La famille ? C’est pénible, l’agonie d’un proche, mais ça peut l’être moins pour l’agonisant que pour les proches. Aura-t-on désormais le droit d"éliminer autrui pour convenance personnelle ?
« L’euthanasie... enfin ! ». Il est surprenant que quelqu’un qui parle de dignité ne voie pas ce qu’il y a d’indigne dans ce titre aussi bien que dans les images qui l’accompagnent. Il manque en effet un montage photographique, c’est celui où l’on verrait votre propre tête en agonisant. C’est facile de parler de la mort des autres, ça l’est moins d’envisager la sienne. Cela me rappelle une pièce une pièce de Marcel Aymé : « La tête des autres », où il est question d’un magistrat qui vient de requérir la peine de mort et fête son succès, il est si facile de s’accommoder de la mort « des autres ».
Il se trouvera toujours des gens que titillera la sombre tentation d’éliminer son semblable. A la mort d’un bourreau de la République, le ministère concerné avait reçu un nombre considérable de lettres de motivation dont la lecture fait froid dans le dos. Mais jamais un médecin digne de ce nom n’acceptera de décider de l’heure à laquelle doit mourir son patient. Il faudra recruter un personnel spécialisé, des « tueurs ». Nul doute que la bonne conscience finirait par trouver un euphémisme, mais l’employé resterait quand même un tueur, pour quiconque préfère regarder la réalité en face.
Bref, votre article devrait plutôt s’intituler « Viva la muerte ! », ce serait plus explicite : sur des questions de cette sorte, l’exaltation du « enfin ! » est particulièrement indécente.
@rosemar
Le « métier » du bourreau est de TUER des hommes, comme le tueur des abattoirs tue des boeufs. Pour ceux qui auront à tuer des gens comme le vétérinaire pique un vieux chien, des gens qui, de surcroît, n’auront rien fait pour mériter ça, on peut bien inventer un autre mot, un de ces euphémismes dont l’imbécillité contemporaine a le secret, mais leur métier sera quand même de TUER. On peut bien se tuer soi-même, personne n’y voit d’inconvénient, mais vouloir tuer les autres ou se faire tuer par quelqu’un d’autre, ça relève d’un dérangement mental qui appellerait surtout, d’urgence, un sérieux traitement psychiatrique.
Un jour, j’avais des élèves que la propagande de l’euthanasie avait déjà frappés ; l’un d’entre eux m’avait dit : « mais, m’sieur, les vieux chiens, on les pique, ça vaut mieux que de les laisser souffrir ». Belle civilisation en vérité que celle où on piquerait les vieux comme on pique les chiens. C’est donc ça votre conception de la « dignité » humaine !
@rosemar
On trouvera à cette page Internet :
http://www.dailymotion.com/video/xfstu0_axel-kahn-luc-ferry_news
Un débat entre Axel Kahn et Luc Ferry à propos de toutes ces questions et du livre qu’ils viennent de publier et qui leur est consacré. Je viens seulement de découvrir cette video mais c’est par là qu’il aurait fallu commencer. Axel Kahn est un médecin, et non des moindres, il sait de quoi il parle, et Luc Ferry vaut assurément mieux comme philosophes que comme politicien.
Par ailleurs, j’observe qu’un certain nombre d’interventions que j’ai pu faire et qui constituaient des pièces essentielles du débat on disparu de la liste. Auraient-elles été « repliées » ? Auraient-elles contrevenu à la charte d’Agoravox ? Contiendraient-elles des injures ou des propos qui excèderaient ce qui est permis dans le cadre normal de toute polémique ? J’aimerais tout de même pouvoir m’exprimer ici sans être sournoisement censuré et si ces messages ne réapparaissaient pas, je me verrais obligé de les réintroduire moi-même en fin de liste.
@rahsan
Maintenant, puisque vous aimez argumenter, essayez donc de déplacer un peu l’angle d’attaque du problème. Pour la quatrième fois, je demanderai - et vous ne me répondrez probablement pas plus que les autres, ce serait trop difficile - : faudrait-il juger quelqu’un qui se suspendrait aux jambes d’un pendu qu’il a entièrement vu, de loin, se suicider, pour l’achever ?
Imaginez par ailleurs le dialogue suivant :
Moi - vous faites quoi, dans la vie ?
L’Autre - je suis terminateur, à l’hôtel Dieu.
Moi - C’est-à-dire ? Vous terminez quoi ? Je ne comprends pas très bien...
L’autre - Eh bien, c’est-à-dire que j’aide des gens qui sont en fin de vie et qui souffrent à passer plus vite de l’autre côté.
Moi - Donc, vous les tuez ?
L’Autre - Non, pas du tout !
Moi - Mais je suppose que lorsque vous arrivez dans la chambre avec vos instruments ils sont vivants et que lorsque vous sortez, ils ne le sont plus. C’est bien cela ?
L’Autre - Non, quand j’entre, ils sont déjà comme s’ils étaient morts. Si vous voyiez le spectacle ! C’est horrible, ils ont du mal à respirer, ils râlent, ils ne contrôlent même plus leurs sphincters ; quelquefois, et ils sont même, souvent, à moitié délirants. Vous n’allez quand même pas me dire que vous aimeriez continuer à vivre dans ces conditions.
Moi - Je retiens seulement (tout le reste est subjectif et affaire de littérature) que vous les tuez. Et il y a longtemps que vous faites ce métier.
L’Autre - Ca fait déjà deux ans.
Moi - Et vous en refroidissez beaucoup ?
L’Autre - Trois ou quatre par jour à l’Hôtel Dieu, mais je suis appelé souvent dans d’autres hôpitaux, il y a de plus en plus de demandes.
Moi - Mais c’est un métier qui vous convient ? Vous êtes réellement motivé ?
L’Autre - Vous savez, trouver du travail, aujourd’hui !...
Moi - Ca ne vous empêche pas de dormir, quelquefois ? Vous avez dû déjà refroidir quelques centaines de vos semblables. Il n’y a jamais de plaintes des familles ? Je ne parle évidemment pas des bénéficiaires du traitement...
L’Autre - Oh, non : on n’opère que si les familles sont consentantes et le patient aussi.
Moi - bref, tout le monde y trouve son compte. Enfin, pour les morts, on ne sait pas trop...
L’Autre - Oui, on peut dire ça.
Inutile de préciser que je n’aurais aucune envie de serrer la main à quelqu’un qui ferait un pareil métier. La peine de mort a existé en France pendant des siècles, mais personne, même dans le petit peuple, même parmi les partisans de cette forme de justice, ne serait allé boire un coup au zinc avec l’Exécuteur des Hautes Oeuvre. Ceux-ci ont tous dû subir une sorte d’ostracisme qui se comprend très bien sans qu’il soit nécessaire d’expliciter.
Les partisans de l’euthanasie sont donc des gens qui, dans un pays qui a renoncé à la peine de mort, se proposent de recruter en grand nombre des crétins plus ou moins déséquilibrés pour qui l’idée de refroidir froidement des innocents, pourvu qu’on soit couvert par une autorité administrative quelconque, ne pose aucun problème de conscience. CQFD.
@rahsaan
Laissons tomber le rapprochement incongru entre euthanasie et avortement, il n’a aucune pertinence et j’ai eu tort de faire un sort à votre rapprochement. L’embryon n’a jamais existé en tant que personne et n’a évidemment pas son mot à dire. Maintenant, quand vous écrivez la chose suivante : "Dans le cas
de l’euthanasie, il n’y a pas non plus l’imposition implicite d’une
norme qui voudrait qu’on accepte tous la mort passé un certain âge ! On
parle de décisions individuelles, pas d’un modèle de société.
L’euthanasie serait un droit, pas un devoir« , vous êtes en contradiction avec l’état des choses : il y a plus de la moitié des lecteurs de ce débat qui s’enthousiasment pour l’euthanasie et si vous examinez les interventions, vous observerez qu’ils parlent beaucoup plus de la mort des autres que de la leur. Ils se prononcent, tandis qu’ils sont encore en bonne santé, et avec la plus grande fermeté, sur la question de la mort des autres alors que, s’ils étaient de bonne foi, ils devraient s’interroger plutôt sur ce qu’ils désireraient vraiment pour eux-mêmes dans l’une de ces situations de fin de vie qui les épouvantent, et personne ne leur reprocherait évidemment de changer d’avis à ce moment-là : l’illusion sur soi-même et sur son désir, c’est très humain et il n’y a personne qui n’en ait fait l’expérience à un moment ou à un autre.
Ces bonnes âmes ayant fait un choix concernant la mort des autres, si on leur demande un avis concernant la mort d’un proche, la question est pour eux déjà réglée d’avance, et le pauvre bougre sur son lit d’hôpital, qui se fait des scrupules touchant à la difficulté dans laquelle il met ses proches es-t-il si »libre« de sa décision ? Voudra-t-il passer pour un salaud en imposant à tout le monde un spectacle désormais réputé »indigne« ?
Le problème, voyez-vous, c’est que lorsqu’on est tétanisé par la trouille au point où le sont nos fanatiques de l’euthanasie qu’impressionne la souffrance, on ne peut guère envisager froidement et courageusement les situations difficiles : la peur corrompt l’approche rationnelle du problème, et qui ne sait pas s’affranchir de la peur ne sera jamais capable de se comporter en homme libre. Et beaucoup de nos actuels parricides en puissance, qui seront devenus entre temps des parricides en acte en consentant sans difficulté à l’exécution d’un vieux parent, lorsque leur heure sera venue, se rendront compte, s’il n’y a plus personne pour exiger d’eux qu’ils crèvent dans l’heure, que la morphine, après tout, ça n’est pas si mal. Ils sauront bien dire, comme la duchesse Du Barry au pied de l’échafaud : »Encore une minute, Monsieur le Bourreau".
@rahsaan
L’excès n’est pas à craindre dans l’avenir, il est déjà dans l’espèce de norme qu’impose implicitement l’exigence de « mourir dans la dignité ». Formuler une pareille incongruité, c’est la preuve même qu’on est incapable d’un commencement de réflexion philosophique. Dans le cas de l’avortement, il n’y a pas l’imposition implicite d’une norme qui voudrait qu’on ne se reproduisît pas, et contrairement à ce que prétendent les intégristes de tout poil, l’embryon n’est pas plus un sujet ou une personne, au sens philosophique du terme, que tant de gamètes dont le corps se débarrasse naturellement et qui ne formeront jamais d’autres individus.
Vouloir mourir « dans la dignité », cela impliquerait que lorsque la mort n’est pas quasi instantanée comme celle qui résulte de l’injection d’un produit létal, lorsqu’elle n’est pas équivalente à cette sorte d’opération presque purement administrative, on tomberait dans une sorte de répugnante bestialité tout à fait déshonorante pour le sujet mourant aussi bien que pour son entourage. Le mot d’ordre implique donc que les mentalités changent radicalement, que s’impose à tous (qui voudrait se complaire dans « l’indignité » !) une semblable manière de disparaître proprement et rapidement. C’est-à-dire qu’on prétendrait imposer par une loi de cette espèce, si elle était votée, une sorte de pression morale sur l’ensemble du corps social.
Je suppose que nos fanatiques de la mort par euthanasie ne se contentent pas de s’exprimer ici. Le discours qu’ils sont en train de nous servir, ils le tiennent également chez eux, en famille. C’est-à-dire que leurs aînés savent déjà à quoi il faut qu’ils s’attendent quand ils seront au bout du rouleau, et qu’il leur faudra savoir répondre à l’exigence de « dignité » qu’on aura déjà formulée pour eux bien avant qu’ils soient à la dernière extrémité. Ils savent déjà que ce qu’on attend d’eux : « de la dignité » avant toute chose, c’est-à-dire une certaine manière qu’il leur faudra trouver de quitter la scène du monde sans trop emmerder l’entourage. Il y a vraiment des vieux parents à la place de qui je n’aimerais pas être et je vois mal que leur décision soit tout à fait « libre » quand il leur faudra la prendre dans dix ou vingt ans. Ce sera donc un meurtre, n’ayons pas peur des mots, et longuement prémédité.
@rahsaan
" On parle de laisser le choix de décider à des gens qui le demandent
consciemment, pas d’autoriser les médecins à tuer tous les gens qu’ils
voudront. La décision doit venir du patient, pas d’une autorité
extérieure."
j’ai déjà traité de cette question dans de multiples interventions. Je n’y reviens pas.Revoyez l’ensemble du débat.
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