Il n’y a pas de démocratie sans les principes de la double représentativité des élus et de l’exogamie des élites
Faces aux menaces sociales et environnementales, les classes dirigeantes irresponsables ne voient d’issue que par le retour aux régimes autoritaires. Mais la population ne se laissera pas sacrifier passivement. Sa victoire dans ce combat politique passera par un renouvellement des institutions démocratiques.
On n’a encore jamais été en démocratie
Les institutions occidentales actuelles sont des régimes où le peuple peut choisir les représentants qui lui infligeront la politique décidée par une ploutocratie sectaire. Ce ne sont dans les faits que des kleptocraties qui singent la démocratie pour en usurper la légitimité. On nous fait croire qu’avec les droits de l’homme et le droit de vote le jeu politique est impartial alors qu’il est pipé : ce sont toujours les mêmes dirigeants de l’ombre qui gagnent et leurs intérêts marginaux et délétères qui prévalent. Les seuls moments où le peuple impose légitimement et démocratiquement ses intérêts communs sont ceux où leur expression publique est irrépressible et ne laisse aux institutions que l’alternative de céder ou de tomber. En dehors de ces crises, la population déserte de plus en plus les élections de dupes. Les régimes occidentaux actuels échouent donc à gouverner pacifiquement les hommes.
Ce n’est pas une aporie de la démocratie, juste la preuve que les règles du jeu sont incomplètes, que l’histoire de la démocratie n’est pas terminée. Cela fait plus de 200 ans que les régimes dits démocratiques se renouvellent et se diffusent dans le monde. Ils sombrent tous dans la désertion électorale, le mécontentement général. On ne peut pas simplement appeler à refonder ces pouvoirs avec les mêmes vielles recettes. Plus personne n’y croit ou ne s’y enthousiasme. Il faut nécessairement repenser ces institutions pour ne plus reproduire ces échecs. Les bibliothèques sont remplies de livres qui les analysent, mais si l’on veut passer à l’action, susciter le désir, il faut exposer de nouvelles idées. Pour reprendre cette longue marche du progrès, voici ici deux principes, extraits d’un projet de constitution nouvelle, qui veulent empêcher tout détournement du pouvoir des institutions par une clique et corollairement permettre enfin l’expression institutionnelle et civilisée de l’intérêt universel du peuple.
Les élus 1.0
Les fondateurs libéraux français et anglo-saxons des régimes représentatifs modernes nés au 18ème siècle ont toujours affirmé que le peuple ne devait pas se gouverner lui-même et que l’on ne devait pas gouverner selon ses intérêts. Car il est ignorant et vil, alors qu’eux, les possédants, sont moralement et intellectuellement bien supérieurs. Eux seuls peuvent donc gouverner et ils doivent le faire selon leurs intérêts. Or politiquement seul le consentement du peuple peut légitimer des institutions. On va donc tout simplement simuler cet assentiment par des élections en prenant bien soin de toujours laisser choisir le peuple entre bonnet blanc et blanc bonnet ou entre un croûton de pain rassis et des cailloux. Et c’est au 19ème siècle, par pure novlangue, que l’on va appeler ces régimes démocraties, pour que le peuple ne puisse plus la revendiquer et consente au statu quo institutionnel.
Pourtant il est indéniable que l’on ne peut pas gouverner sans élections, sans représentants. Parce que l’on est des millions de citoyens. Parce qu’il est matériellement impossible à chacun de connaître suffisamment tous les problèmes politiques qui se posent. Parce que pour tous ces problèmes il n’y a pas autant d’opinions et de solutions différentes qu’il y a de citoyens. Parce que l’on a besoin de grandes célébrations de la Nation, porteuses de sens et d’exaltation. Parce que l’on est des animaux et que l’on se rassemble avant tout derrière d’autres semblables avant de se rassembler sur une vision commune. On peut certes déplorer depuis Spinoza qu’« il n’y [ait] pas de force intrinsèque des idées vraies », mais il n’y a pas plus irrationnels et dictatoriaux que ceux qui veulent nier ou changer la nature humaine. L’alternative aux élections est démotivante : confier le choix des représentants au hasard. Rationnellement c’est tout à fait plaidable, mais psychologiquement inacceptable (comment confier le pouvoir à des gens inconnus) et politiquement absurde (nous voulons choisir nous-même notre futur et pour cela nous comptons sur le hasard).
Les élus 2.0
Il faudrait donc sauver les élections, c’est-à-dire ne pas élire les gens d’une caste mais des gens comme nous. Il faudrait donc que la majorité sociale soit aussi la majorité politique, c’est-à-dire que nos représentants soient deux fois représentatifs, une première fois par qu’ils sont élus, une seconde fois parce que leur condition sociale reflète la composition sociale de la société. Concrètement s’il y a dans la population 50 % d’employés alors 50 % des élus devraient être des employés, s’il y a 20 % de plus de 65 ans, alors il devrait y avoir 20 % d’élus de plus de 65 ans… En fin de compte, être représenté par une caste ultra-minoritaire est aussi absurde qu’une association féministe dirigée par des hommes ou des lapins gouvernés par des renards.
Certes il y a tellement de manière de catégoriser la population que cette seconde représentativité devient un nouveau casse-tête législatif. Le principe même des quotas est absurde : on ne peut pas reprocher à un parti animaliste de n’avoir aucun élu chasseur. Mais la perfection n’est pas nécessaire, elle n’est qu’un horizon. La première représentativité n’est pas parfaite non plus : tout système électoral comporte des biais. Et il existe quelques déterminants majeurs qui permettent de très bien décrire une société : le sexe, l’âge, le niveau d’éducation, le niveau de revenu et le lieu de résidence. Donc la seconde représentativité n’est pas une chimère.
Mais comment mettre en œuvre concrètement ce principe ? Simplement, tous les ans chaque parti politique présentera devant un jury de citoyens, comme un jury de cour d’assises avec son public, le bilan social de tous ses élus. C’est-à-dire combien il a d’élus jeunes, smicards, femmes, banlieusards,… Le jury devra décider si cet inventaire est suffisamment détaillé et suffisamment représentatif de la population et de l’électorat singulier du parti selon les critères qu’il jugera les plus importants. Si le bilan ou la tendance n’est pas jugée satisfaisante, alors les chefs exécutifs et honoraires du parti devront convaincre le tribunal des citoyens de leur bonne foi par les actions mises en œuvre. Le jury délibérera et rendra son verdict. S’il est négatif alors les dirigeants des partis pourront avoir à payer une amende, perdre leur mandat électoral et leur poste de responsable de parti. Mais on ne sanctionnera pas le parti car ce serait sanctionner ses électeurs et ses idées. Quoique le priver de ses chefs les plus charismatiques aura forcément des répercussions électorales, mais c’est aussi la contrainte la plus efficace pour obliger sa direction à respecter la loi. Par la méthode de la cour de justice on évite toute législation sur des quotas, et la publicité des débats garantit l’équité du verdict.
En laissant à une cour de justice trancher la question de la représentativité sociale d’un parti, la loi se contente de définir la procédure et confie au jury la question délicate et toujours singulière des preuves de l’innocence ou de la culpabilité et des circonstances atténuantes ou aggravantes. On n’instaure pas pour autant un gouvernement des juges ou une instrumentalisation partisane de la justice, car c’est un jury de citoyens tirés au sort qui décide. Ce n’est pas non plus une violation de la séparation des pouvoirs, il s’agit au contraire d’un parfait respect de l’équilibre des pouvoirs : quand les représentants de l’exécutif ou du législatif violent la loi, il est du rôle éminent du judiciaire de les condamner : ces deux pouvoirs ne sont pas des zones de non droit de la République. Il y a toujours eu des procès qui ont eu un enjeu politique et ce sont les plus honorables de tous : ceux où le jury a devancé le législateur pour abolir la peine de mort, reconnaître le droit à l’avortement, protéger l’environnement... Ici il faudrait plutôt se demander si un jury de quelques quidams peut avoir la légitimité de révoquer des représentants élus par des millions de voix et dirigeant le pays. Pour cela il faut se figurer des circonstances. Un parti qui ne respecte pas la double représentativité voit tous les ans ses chefs exclus du jeu politique. Comment un tel parti annuellement étêté pourrait-il gagner des élections ? En toute hypothèse le parti majoritaire respecte donc la loi en arrivant au pouvoir. Pourquoi n’y arriverait-il plus lorsqu’il dirige le pays ? Si une année le jury estime sa représentativité sociale médiocre, il peut ne sanctionner que d’une amende étant donné sa popularité. Ce seul symbole serait déjà une flétrissure. Mais si jamais il devient antipathique ou fait preuve d’incompétence, alors il vaudrait mieux pour lui respecter la loi, s’il veut éviter de voir son règne raccourci par des élections anticipées. Car alors son éviction ne soulèverait nulle vague de contestation. Contrairement aux pays protestants ou anglo-saxons, on imagine très bien qu’en France ces chefs primo-délinquants nous jouerons la grande tirade des martyrs suppliciés. Que leurs dévots aillent fleurir leur tombe, l’histoire ne les attendra pas, tous les appétits se seront déjà focalisés sur la nouvelle campagne électorale.
Mesures complémentaires
Pour modifier profondément le fonctionnement des partis, leur financement public dépendra non plus de leur nombre d’élus mais de leur nombre de militants et des revenus de ceux-ci. Le financement direct par ces militants sera plafonné à un niveau assez bas de l’ordre de 800 € par an, c’est-à-dire la moitié du revenu mensuel médian en France. Les cotisations des militants et les subventions publiques induites seront les seules sources de financement des partis. Les campagnes électorales seront payées par ces seuls fonds propres et sans recours à l’emprunt, et elles ne feront plus l’objet d’un remboursement légal. On ne pourra donc plus avoir de partis d’élus qui comptent sur des médias complaisants et quelques riches mécènes pour se faire connaître et élire. Mais il faudra au contraire chercher à avoir le plus de militants possible et donc défendre réellement leurs intérêts sociaux. Cette révolution financière de la vie politique est peut-être plus structurante que le principe de la double représentativité. Naturellement il faudra aussi une loi pour que les médias ne soient plus contrôlés par la caste. Cette réforme donnera le pouvoir aux salariés et au public des médias et des réseaux sociaux. Et la réclame, qui est aussi déshonorante que la prostitution, sera interdite et remplacée par des subventions publiques en vertu du rôle démocratique essentiel d’une information libre et plurielle.
Il appartiendra essentiellement aux partis de trouver comment convaincre la majorité des plus réservés et des plus pauvres d’oser être des élus. Mais la réforme de leur statut pourrait aussi aider. Les indemnités des élus des parlements pourront être limitées à deux fois le revenu médian afin de décourager la caste d’investir ce lieu de pouvoir car elle est matériellement incapable de vivre avec si peu. Si l’élu continue à percevoir des revenus de son travail ou de son épargne, ils seront plafonnés au revenu médian de la population. On pourra alléger la charge d’un élu en désignant plus d’élus qu’il n’y a de sièges à pourvoir. Comme dans les sports d’équipe, on aura un banc d’élus remplaçants et en fonction de l’ordre du jour on fera siéger tel ou tel représentant. Enfin on peut prévoir qu’à la fin de son mandat l’élu n’aura aucun mal à retrouver un emploi, car dans les vraies démocraties il n’y a pas de chômage. Seule la caste a intérêt à organiser un tel bannissement social pour assoir son pouvoir par la peur. La vérité est qu’il y a tellement de choses à faire pour rendre la vie belle que l’on manquera toujours de bras.
Enfin il faudrait aussi changer de mode de scrutin. Pour ébaucher ce qui est en soit une problématique à part entière, disons que les élections parlementaires pourraient être un scrutin à une proportionnelle non linéaire où les députés sont tirés au sort parmi les militants des partis et les sénateurs élus sur une liste. L’élection permet le débat national sur le meilleur projet de société. Le tirage au sort garantit le respect de la représentation sociale de la population. La deuxième chambre offre une reconnaissance institutionnelle envers les figures charismatiques qui animent la démocratie et est l’antichambre du gouvernement. Avec l’élection, l’égalité des chances par le tirage au sort, et l’impératif de représentativité sociale, on esquisse ce que par référence au suffrage universel on appellera l’élection universelle.
Qu’on aille le chercher !
Pour se figurer la chose avec quelque malice, imaginons que le principe de double représentativité ait été en vigueur en 2017. Alors, de source jovienne, cette majorité parlementaire se composerait principalement de gaulois réfractaires, de cyniques, de fainéants, de riens, d’alcooliques, d’illettrés, d’Amish, qui n’ont pas de costard, qui coûtent un pognon de dingue, qui foutent le bordel,... encadrés par un quarteron d’amateurs ostraconophobes, retourneurs de vestes, délinquants en col blancs, coupables d’agressions physiques et sexuelles,... à l’intelligence trop subtile. On aurait alors joui pendant toute la législature du magnifique spectacle burlesque du ruissellement torrentiel de sueur de premiers de cordée qui essaient dans une incoordination totale de faire traverser la rue à un troupeau de borgnes et de manchots.
Ce tableau breughélien ne dépeint pas l’inanité d’une innovation démagogique mais a minima la résistance salutaire d’un parlement contre les absurdités antisociales, antirépublicaines, antinationales, antienvironnementales, antiéconomiques et antiscientifiques de la présidence actuelle. Avec la double représentativité, aucun gouvernement ne pourra se constituer de majorité servile et durable pour conduire de telles régressions. Il serait même promptement renversé. Il n’aura donc pas d’autre alternative que de gouverner pour l’intérêt général. Et pleins de lois qui sont insupportables et inimaginables pour certains, deviendraient une évidence dans ce nouveau monde. Les députés Caroline Fiat et Jean-Hugues Ratenon, les membres de la convention citoyenne pour le climat,… montrent qu’au cœur de la population on est largement prêt à assumer cette relève législative depuis au moins la Commune de 1871. Tous montrent comment le peuple anticipe avec intelligence les lois que les conservatismes bourgeois devront concéder au bout d’inutiles décennies et d’innombrables malheurs évitables.
Chassez le naturel, il revient au galop
Si l’on doit imaginer qu’un parlement novice puisse baisser les impôts des plus riches de plusieurs milliards au nom du ruissellement, comment cette chambre doublement représentative pourrait-elle dans le même temps récupérer quelques millions en baissant de 5 € les aides aux logements quand la majorité de ces députés, pauvre comme la population, vit dans sa chair le manque de ces quelques euros à la fin du mois. S’ils ne sont pas moins braves et prêts à se sacrifier pour l’intérêt général, ils ne toléreront plus que cela ne serve qu’à l’enrichissement outrancier de quelques-uns. Et comme la chambre bleue horizon qui augmenta comme jamais les taux d’impôts des plus riches, le nouveau parlement pourrait bien retrouver ce réflexe si le gouvernement déclare la dette de l’État insoutenable. À tout le moins il pourrait prendre enfin les mesures unilatérales et simples qui permettent de recouvrer l’intégralité des recettes perdues par la fraude et l’évasion fiscale. Et un gouvernement corrompu sera d’autant plus impuissant à l’en empêcher que ces mesures ne concernent en fait qu’une minorité d’individus fats et détestés et de multinationales tout autant impopulaires. Avec un tel parlement on aura a minima un capitalisme compassionnel où les pauvres restent pauvres mais sortent enfin de la misère et un libéralisme économique sincère, c’est-à-dire qui s’attaque enfin aux monopoles privés et aux fortunes frauduleuses.
Mais en démocratie, il y a toujours une alternance. Et donc il y aura aussi des majorité de gauche, c’est-à-dire des élus qui ne seront pas dupes des sophismes sociaux et économiques, qui ne se laisseront pas circonvenir par un gouvernement d’énarques parjures pour voter enfin la diminution du temps de travail, la santé gratuite, une politique de plein emploi, la démocratisation de l’éducation supérieure, la protection de l’environnement, l’indépendance financière de la presse,… Toutes ces lois qui ne dépendent nullement d’hypothétiques progrès techniques et scientifiques et qui scelleraient la fin de l’emprise d’une oligarchie mortifère. La radicalité de la base débordera enfin le conservatisme de sa hiérarchie embourgeoisée.
Les multinationales préféreront infiniment plus un régime présidentiel où l’on discute en secret avec le monarque élu qui est l’un des leurs que de contrôler avec infiniment de précautions un régime parlementaire constitué par un cheptel toujours renouvelé de militants élus, innocents et enthousiastes, qu’il faudra retourner sans les choquer ni générer de tensions dans leur proche entourage afin de ne pas déclencher une succession ininterrompue de scandales. Et ce sans user des habituelles méthodes de rétribution, car le jury citoyen annuel ne sera pas dupe : que les élus chômeurs, ouvriers, employés,… trouvent à la fin de leur mandat de nouveaux emplois bien plus rémunérateurs est la signature la plus pure d’une prévarication.
Avec un parlement doublement représentatif, un mur de verre s’écroulerait et une vague d’aspirations démocratiques hégémoniques dans la société pourrait enfin naturellement se réaliser.
Les élites 1.0
Le pouvoir de l’État ne réside pas en ses seuls élus, il se manifeste surtout par son administration. Et cette administration est aussi le siège d’une caste. Les hauts fonctionnaires sont une classe sociale endogame. Ces dynasties de polytechniciens, d’ambassadeurs, d’énarques, de saint-cyriens, de juges,... se perpétuent par les grandes écoles et leurs réseaux professionnels et familiaux. Elles auraient pu choisir de servir le peuple par dignité, elles ont préféré seconder les intérêts privés les plus puissants, y compris étrangers, par paresse et goût du lucre. Elles abusent de leurs pouvoirs légaux pour piller l’État, et faire souffrir la population.
Il y a ces susdites trahisons spectaculaires et judiciarisables, mais aussi, parce que les élites en sont protégées de leurs effets, ces forfaiture infraconscientes et structurelles. On croit être maître alors qu’on est esclave de sa classe sociale et de puissants intérêts financiers privés. Dans cette caste publique, les crapules le réfutent, les héros le savent, et le marais majoritaire le méconnaît. Les juges ne rendent pas la justice mais imposent un ordre particulièrement injuste envers les plus misérables. Les généraux ne défendent pas la patrie, mais des intérêts industriels privés sur des territoires étrangers. Les hauts fonctionnaires des finances ne veillent pas au bon usage de l’argent public mais essorent jusqu’à la rupture les effectifs et les budgets des administrations et laissent s’envoler les centaines de milliards de la fraude et de l’évasion fiscale...
Les élites 2.0
La démocratie ne peut tolérer de tels crimes. Mais elle ne peut non plus se passer d’élites. Elle doit donc recruter et former cette élite parmi toute sa population et non pas dans un cercle restreint qui s’autonomise du peuple. Le principe d’exogamie des élites garantit ce résultat : il dit tout simplement que si l’on fait partie d’un corps d’élite de l’administration alors nos descendants ne pourront y concourir.
Logiquement cette interdiction ne peut être définitive : elle ne s’applique que sur un certain nombre de générations, une au minimum. C’est-à-dire que si je suis juge, alors aucun de mes enfants ne pourra être préfet, mais tous mes petits enfants pourront être énarques. Cette unique génération augmente peut-être un peu la taille de ce milieu endogame, car tous les enfants ne veulent pas faire comme leurs parents, même si leur milieu social les conditionne fortement, mais ne détruit absolument pas tous ses réseaux sociaux puissants et sectaires. Si l’on veut que ces liens se rompent, alors il faut a minima que si l’on a fait partie de l’élite publique alors le premier de nos descendants qui pourra de nouveau y prétendre devra être né après notre mort. Une telle période réfractaire pourrait être suffisante pour dissoudre cette caste au sein des tranches les plus élevées de la classe moyenne. Mais la vertu recommande une application maximale de ce principe démocratique. Actuellement en France, chaque personne a en moyenne deux enfants, donc chaque génération supplémentaire double le nombre de descendants. Le nombre maximal possible de générations empêchées est alors atteint quand plus de la moitié de la population se voit contrainte par ce principe. On laissera les lycéens trouver une formule générale de ce problème pas si simple de robinet et de baignoire qui fuit, tandis que l’INED donnera le nombre officiel de générations réfractaires.
L’impératif d’exogamie ne contrevient pas au droit au libre exercice d’une activité professionnelle. Certes si maman est juge, fiston ne pourra pas l’être mais s’il est sincèrement passionné par l’institution judiciaire, il pourra toujours être avocat, professeur de droit, greffier, inspecteur de police,… Si papa est général, fifille ne pourra pas l’être mais elle pourra toujours être soldat et même officier pour piloter un avion de chasse, commander une frégate ou un char. Quand bien même, il existe déjà des lois qui interdisent des professions à certaines personnes. Ici cette interdiction n’est rien moins qu’une condition nécessaire à la démocratie. Elle ne peut que prévaloir sur certaines passions personnelles sincères, qu’elle ne contrarie en fin de compte que si peu.
Mesures complémentaires
La contrainte numérique du nombre de générations réfractaires garantit que l’objectif d’exogamie des élites sera atteint, mais il ne peut s’imposer à tout prix. Ce n’est pas parce que l’endogamie actuelle dégénère en incompétence structurelle que l’on peut aussi la tolérer avec l’exogamie, surtout quand l’époque de l’insouciance énergétique et climatique prend fin. Si l’on veut que tout le monde ait un accès égal légitime aux corps d’élite, alors l’éducation nationale devra profondément se transformer et ne pourra plus rester cette institution de la reproduction sociale. Elle ne devra plus être cette prison où l’on assène aux pauvres qu’ils sont stupides et que le meilleur moyen de ne pas avoir d’ennuis est d’obéir sans comprendre. Elle devra être enfin républicaine et faire de tous les enfants des citoyens éclairés aptes à choisir leur futur individuel et collectif en toute connaissance de cause. Ce ne sera pas la moindre affaire que d’y parvenir mais peut-être que les enseignants ont déjà beaucoup d’idées sur ce sujet. Après tout la nature a pourvu tous les mammifères d’un don inné pour apprendre et exceller : cela s’appelle le jeu. En ne se conformant pas à leur nature, on manque de respect et d’amour envers nos enfants. Il faudra donc faire beaucoup progresser la science pédagogique et assumer d’appliquer ses méthodes.
Il faudra en particulier ne plus croire en la méritocratie. Cela paraît contradictoire et même scandaleux, car quoi de plus juste que l’accession à l’élite par concours. Mais c’est un énorme mensonge. La méritocratie est une course truquée. On sait dès la ligne de départ qui seront les gagnants : les enfants d’enseignants et des classes aisées. Quant à tous les autres, on se garde bien de révéler la supercherie ou de chercher à combler leur handicap car ainsi convaincus de leur démérite, ils se satisfont de leur sort misérable et injuste. Plus encore, l’escroquerie de la méritocratie a permis à la clique des possédants de séparer les classes diplômées des classes populaires. Au lieu de faire alliance, ces deux classes se méprisent, se dégouttent, se haïssent. Et les riches s’appuient sur l’une pour dépouiller l’autre. Faisons même l’hypothèse que l’enseignement soit parfait, au point qu’un enfant d’alcoolique violent ou d’immigré non francophone ait exactement le même taux de réussite à Polytechnique qu’un enfant des meilleurs quartiers de Paris, il n’en resterait pas moins que tous les autres se sentiraient comme des citoyens de seconde zone. Alors que la dignité consiste en notre seule existence : la société n’a pas pour but de trier mais de permettre à tous de vivre également heureux. Et puis en quoi le meilleur dans les circonstances particulières d’un examen serait-il aussi le meilleur une fois en poste ? De plus il y a un autre danger : confier le commandement aux meilleurs, c’est confier le pouvoir à ceux qui sont les plus aptes à le détourner à leur profit. Il est donc toujours de bon aloi d’ostraciser les aristocrates dans une démocratie. Et pourtant cela ne condamne pas ce régime à une médiocrité funeste. Car comme tous citoyens, les meilleurs sont appelés à s’exprimer dans les débats publics. Or comme notre pensée est déterminée par notre corps et notre condition sociale, enchâsser les meilleurs dans la condition commune, les contraint à penser à partir de celle-ci et pour celle-ci et non pas à partir d’une classe supérieure et pour une classe supérieure. Ils ne seront pas plus bêtes mais auront des idées qui profiteront à tous. En résumé, l’école ne sera plus un lieu de compétition, on n’accédera plus à l’élite publique par concours mais reconnaissance professionnelle et par la formation tout au long de notre carrière. Nos petits génies s’épanouiront dans les sciences et dans les arts, avec bien plus de bonheur que dans la haute administration, et la société aussi n’en sera que plus prospère, embellie par leurs talents. Lors du baby-boom des 30 Glorieuses, l’État fut contraint de recruter ses élites parmi les enfants de paysans, il faut juste institutionnaliser cette exception historique dans une société en décroissance.
Peut-être nous sera-t-il impossible de surmonter l’illusion de la méritocratie, ou bien comme dans la phase transitoire on ne peut se contenter de l’existant, comment peut-on transformer a minima les méthodes de recrutement. Comme les élites doivent être issues du peuple, cela n’a plus de sens de leur consacrer des filières spécialisées et socialement sélectives. Les élites administratives ne devront plus être recrutées via les grandes écoles. Elles devront toujours avoir fréquenté l’école publique gratuite et jamais payé pour des cours privés que tout le monde ne peut s’offrir. Si l’on recherche l’excellence intellectuelle par la voie la plus commune, alors elles ne pourront être recrutées qu’à l’issue d’une thèse universitaire. Et parce que tous les parents ne peuvent financer des études mêmes gratuites, les étudiants seront payés au même titre que les normaliens ou les polytechniciens aujourd’hui. Enfin pour que ne se constitue pas une hiérarchie des écoles, ou des zones de ségrégation scolaire jamais plus de 5 % des lauréats d’un concours administratif ne pourront avoir fréquenté un même établissement éducatif.
En miroir, les classes qui se disent moyennes, c’est-à-dire du 6ème au 9ème décile sur l’échelle des revenus, n’abandonneront leurs petits privilèges de ne pas être des classes populaires que si leurs enfants ne sont pas déclassés. Ce ne sera pas trop compliqué car c’est déjà de moins en moins le cas sous le régime actuel. Encore une fois cette condition signifie un nivellement vers le haut, non plus éducatif ici, mais matériel : la réduction des inégalités de revenus, la reconnaissance sociale des métiers déclassés et pourtant pas les moins utiles, la fin du chômage de masse. Et en haut, la caste disparaissant avec son biotope social, elle ne pourra plus susciter l’envie et la frustration. On aura en fin de compte une société rousseauiste telle « que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre ». Cette seconde condition est donc encore un idéal démocratique. Ainsi les classes moyennes n’auront plus à choisir entre favoriser l’avenir de leurs enfants ou préférer l’idéal d’égalité essentiel à l’amour de la démocratie. Quant au Danemark le salaire des éboueurs est supérieur au salaire danois moyen de 4800 € par mois et que l’égalité est une valeur cardinale de l’identité française, cette métamorphose sociale n’apparaît pas si utopique que cela.
On pourrait craindre que l’esprit de caste, qu’une arrogance méritocratique, qu’une certaine idéologie inégalitaire soient consubstantiels à un corps d’élite. Et qu’alors il administrera toujours les pouvoirs publics dans cet état d’esprit. Ce pourrait ne pas être un mal à condition que cette vision du monde soit toujours confrontée à une conception plus fraternelle et institutionnellement au moins aussi forte, comme celle des élus doublement représentatifs qui les commanderont. Mais il faudra toujours être très prudent face à un tel danger. La représentation nationale devra donc surveiller l’enseignement qui est dispensé à cette élite afin qu’elle serve bien des desseins universels et non pas des idéologies pseudo-darwiniennes. Cela se fera tout à fait naturellement quand l’hégémonie culturelle ne sera plus la loi de la jungle mais celle de la solidarité. Enfin, tout comme les harems sont gardés par des eunuques, les corps d’élites, maîtres d’œuvre de la puissance collective ne pourront ni pantoufler ni se faire élire.
L’évasion sociale
Dans ce cadre nouveau la caste actuelle pourrait nous offrir une belle comédie opportuniste. Car il lui restera un moyen déjà éprouvé de persister, celui du mariage. Si en étant ambassadeur, ma fille ou mon fils ne pourront l’être, ma bru et mon gendre eux le pourront. Certes on ne créera pas une police des alcôves, mais la République n’organisera pas non plus des rallyes ou des bals des débutantes : elle observera une attitude toute laïque d’indifférence sur ces affaires très privées. On lira la presse des cœurs et des châteaux nous narrer les dernières péripéties de telle immémoriale et illustre famille qui marie l’un des derniers manants de France à être le premier dans son ascendance à intégrer l’élite des ronds de cuir. Et ce milieu si fermé sera le premier apôtre de la mixité sociale, de l’universalité des hommes, alors que jusqu’au 20ème siècle il soutenait l’esclavage, le racisme, le génocide, la guerre, l’eugénisme, la colonisation,… qui faisaient tant pour sa fortune. Les mariages transclasses étant les plus rares et les plus difficiles, la science du couple et de la famille fera sous son impulsion d’énormes progrès.
L’habit ne fait pas le moine
Imaginons que les classes populaires investissent les directions des administrations. Imagine-t-on les nouveaux commissaires couvrir les violences policières dans les banlieues de leur enfance et envers des manifestants collègues de leurs parents, de leurs amis ? Imagine-t-on ces nouveaux hauts fonctionnaires préconiser la fermeture de classes, d’hôpitaux, de gare, … dans les campagnes reculées où vivent leurs familles et leurs amis ?... Peut-être s’ils étaient des transclasses isolés, qui ont honte de leur habitus de classe défavorisée. Mais pas s’ils sont devenus la généralité du genre. Comment la caste financière pourrait-elle les corrompre si cela implique pour eux la rupture avec leur milieu social où la solidarité était la vertu cardinale.
S’ils enfileront le même costume que leurs prédécesseurs, les élites populaires transformeront radicalement les administrations publiques qui présenteront enfin sous leur direction un visage amical envers tous les habitants.
Dernière citadelle
Il ne restera à la fin plus qu’un seul milieu où la caste pourrait survivre, celui de l’entreprise multinationale. Dans le capitalisme, le sang bleu se transmet par les actions et non plus par les terres. Ces sociétés privées étant par ailleurs très puissantes et n’ayant avec les pouvoirs publics que des rapports de corruption ou de conflit, elles ne sauraient subsister sous leur forme actuelle. Cependant, autant la population est avide de plus de démocratie, d’égalité, autant elle rejette le communisme : la lutte des classes est une religion complotiste et Karl le barbu en est le prophète. Mais ici on n’a pas besoin d’accomplir un si grand pas pour rendre les multinationales plus compatibles avec la démocratie. Il suffira d’instaurer la très anodine et gaullienne cogestion. Et concession suprême, selon le principe on ne peut plus capitaliste de « un euro = une voix ». Comment les syndicats patronaux, les éditocrates et les économistes atterrants pourraient-ils ne pas soutenir eux-mêmes cette réforme ?
Donc, comme 60 % de la valeur ajoutée est distribuée aux salariés ceux-ci auront 60 % des droits de votes et les actionnaires 40 %. Bien sûr les possédants et leurs sicaires médiatiques se feront quelques nœuds au cerveau pour s’opposer de façon intelligible à cette tyrannie de la majorité laborieuse. Mais de son côté, celle-ci ne croyant pas à la lutte des classes, ne verra nulle malice et s’inscrira le plus naturellement du monde dans la mondialisation : la Mitbestimmung germanique n’a nullement empêché l’Allemagne d’être l’une des plus premières puissances capitalistes mondiales. Il ne fait aucun doute, qu’abusant facilement de la naïveté infinie des salariés, les actionnaires feront élire des syndicats jaunes. Cependant le but sera atteint : le P.D.G. sera forcément issu du collège majoritaire et donc des salariés. Il ne sera plus un parachuté de la caste. Et ce chef formera son équipe dirigeante à partir de ses collègues et non pas de rejetons d’écoles privées aux frais exorbitants et à l’enseignement indigent et qui ne savent que soustraire des charges pour additionner des profits. Pour repousser les dirigeants aux vocations purement lucratives à l'hubris fatale, on interdira les salaires mirobolants et les stocks options. Ainsi la caste sera dominée dans les conseils d’administration du CAC 40 et des filiales françaises des multinationales étrangères.
Accessoirement cette cogestion aura sur le long terme des effets secondaires délectables. Quand en situation de crise, il faudra réduire les charges, les salariés n’accepteront plus les licenciements de masse, les fermetures de site, alors qu’ils ont un emprunt immobilier à rembourser, les études supérieures des enfants à subvenir,… et alors qu’on pourrait au moins aussi réduire les dividendes d’actionnaires qui eux n’ont jamais eu aucun problème de fin de mois. Subitement, et le temps de la crise, les rares élus salariés, loyaux et communisants, du conseil d’administration, qui n’étaient jamais entendus lorsqu’ils alertaient sur la politique de désinvestissement, les magouilles comptables et autres opérations financières sibyllines, apporteront au mouvement social des informations de première main qui acculeront la direction perfide à la capitulation. Si elle tergiverse, alors les syndicats jaunes seront sous la menace d’élections anticipées au moment même où ils sont le plus impopulaire.
Et plus on réduit les dividendes, moins les actionnaires ont de voix au conseil d’administration. Que les actionnaires fuient alors les multinationales françaises, que le cours de leurs actions s’effondre, sera une grande joie : plus d’OPA, de LBO, de délocalisations, de bilans trimestriels… Cela ne posera aucun problème de financement car ces nouvelles sociétés anonymes de salariés emprunteront auprès de banques elles-mêmes devenues autogérées, ou émettrons des obligations à des taux supérieurs aux taux négatifs des obligations du Trésor. De manière générale quand une entreprise est rentable, il se trouvera toujours des investisseurs prêts à gagner de l’argent grâce à elle : même si ce n’est plus 15 %, 1 % est toujours mieux que rien du tout. Et d’un point de vue démocratique, si l’on estime qu’une production est nécessaire, et qu’elle ne trouve pas de financement privé, alors le financement public est la solution naturelle. Ou bien, constatant de facto sa capacité à diriger elle-même les entreprises, la population aspirera à d’autres formes légales de la propriété et du financement des moyens de production.
La démocratie du prolétariat
Le tabou de la démocratie bourgeoise est l’exclusion du peuple des postes de pouvoir. Il faut l’y faire entrer à sa vraie place, la première. L’avenir de la démocratie n’est pas dans le référendum d’initiative citoyenne au protocole arbitraire et au débat binaire. Il n’est pas dans la démocratie directe avec ses assemblées générales interminables. La souveraineté ne peut raisonnablement s’exercer que déléguée à des représentants et à une élite. Or ces dépositaires ont tendance à croire que la souveraineté est un pouvoir absolu, alors qu’elle est juste une compétence universelle, c’est-à-dire la légitimité de dire la règle sur tout sujet. Face à cet isolement du pouvoir, qui soumet à la dérive séparatiste et à la tentation de la corruption, la solution la plus directe est donc de choisir ces délégataires au cœur même du peuple par les moyens de la double représentativité des élus et de l’exogamie des élites. Ne pouvant plus se constituer en classe à part entière, avec ses intérêts propres, les dépositaires de la souveraineté qui trahiraient la République, trahiraient aussi leurs propres intérêts de classe. La déloyauté ne serait donc plus la règle mais l’exception. Il ne s’agit nullement de fantasmer à un peuple vertueux, juste de rendre à César ce qui appartient à César : que la souveraineté déléguée par le peuple s’exerce dans son intérêt.
Alors que le régime religieux a trois ordres, l’Église, la Noblesse et le Tiers État, le régime bourgeois, deux ordres, les capitalistes et les prolétaires, on aura enfin ici plus qu’un seul ordre, enfin un régime homogène d’hommes libres. On n’aura pas aboli les inégalités, mais celles-ci ne seront plus telles qu’elles permettent de distinguer des classes. On n’y sera pas arrivé par une dictature temporaire mais par un approfondissement de la démocratie. On n’y sera pas arrivé par une guerre frontale contre les possédants mais en les privant de leurs premières lignes sociales que sont les classes moyennes. Quoique cette transition ne se fera pas sans avoir annihilé toute la violence désespérée que déchaînera la minorité privilégiée acculée à la mort sociale. Matériellement la nécessité de ce renversement de l’ordre bourgeois s’appuierait sur le niveau d’éducation très élevé de la population et sur les réseaux d’information qui ont envahi notre vie sociale grâce à l’électronique. Et comme dans les sociétés les plus anciennes, l’élément déclencheur serait une catastrophe naturelle, une épidémie par exemple. Le régime capitaliste a conduit les sociétés humaines dans une situation très sinistre et précaire par la destruction de leurs milieux naturels. Il a déclenché une réaction en chaîne apocalyptique : les calamités se succèdent de plus en plus vite, de plus en plus fort. Les institutions les affrontent de plus en plus épuisées, de plus en plus découragées. Paradoxe révélateur de ces époques charnières, les populations succomberaient moins de la gravité des fléaux que de l’impéritie ubuesque d’élites hallucinées. Qui deviennent tout juste capable de concentrer leurs dernières capacités sur la répression. Nul ne peut voir au-delà de cet horizon. Alors souhaitons que comme nos parents en 1789 et en 1871, jaillisse de nos esprits cet éclat universel qui irradie le cœur des hommes bons jusqu’aux confins de la Terre et dont le souvenir se transmet dans la plus grande piété. Qu’un évènement fortuit révèle à tous l’évidence que la souveraineté n’a plus d’expression institutionnelle légitime. Que dans ce vide la société soit devenue toute liquide. Qu’elle se cristallise dans de nouvelles institutions qui sont l’expression la plus avancée et la plus généreuse du génie humain contemporain. Que pour cette fois aucune menace étrangère armée ne prétexte qu’on noie cet éclat dans le sang. Qu’il perdure enfin tout le temps de sa vivacité naturelle. Et que les foyers qu’il a allumé dans le monde grandissent et se rassemblent.
Si ce sont des idées nouvelles, et ne le sont-elles pas, la double représentativité des élus et l’exogamie des élites, ne pourraient-elles pas susciter un nouvel espoir, une nouvelle vigueur dans la lutte ? Si ce sont des évidences, et comment ne le seraient-elles pas, la double représentativité des élus et l’exogamie des élites, ne seront-elles pas tôt ou tard emportées dans des péripéties qui les inscriront au sein de nouvelles constitutions ? Si elles ne sont pas suffisantes, et qui serait assez naïf pour le penser, la double représentativité des élus et l’exogamie des élites ne sont-elles pas des conditions nécessaires de la démocratie ? Comment ne pourraient-elles pas alors métamorphoser les pratiques démocratiques et aider à surmonter tous les bouleversements naturels que nous avons déclenchés. Dans la nuit infinie du futur, toute idée est une arme et un phare.
Mais le peuple au pouvoir ne sera pas le jardin édénique de la fin de l’Histoire, car il lui faudra éviter de devenir lui-même conservatisme et d’en pâtir. S’il ne souffrirait plus d’être exploité, il subira toujours illusions et divisions.
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