La lutte contre l’antisémitisme est l’affaire de TOUS !
« Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
Je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les Juifs,
Je n’ai pas protesté, je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
Je n’ai pas protesté, je n’étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher,
Et il ne restait personne pour protester. »
(Martin Nielmöller, pasteur et théologien allemand déporté à Dachau)
Des dizaines de milliers de Français ont manifesté le mardi 19 février 2019 Place de la République à Paris et dans les principales grandes villes de France pour dire non à l’antisémitisme, non, ça suffit ! Le matin même, près d’une centaine de tombes du cimetière juif de Quatzenheim, en Alsace, ont été profanées.
Manifester n’est évidemment pas suffisant mais c’est nécessaire. Ne risque-t-on pas de trop surréagir et d’encourager les provocations antisémites ? Au cours de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée Nationale le 19 février 2019, le Premier Ministre Édouard Philippe l’a évoqué : « Dénoncer, se rassembler, marcher ne suffit pas, c’est vrai, c’est l’évidence, et c’est même, à certains égards, un peu désespérant ; et je suis sûr que, comme moi, vous vous demandez si, à certains égards, parfois, ce ne serait pas un peu contre-productif. Mais nous le faisons car nous savons que si nous ne dénonçons pas ces actes, que nous ne disons pas qu’ils sont inacceptables, alors nous perdons quelque chose. Donc nous le faisons et nous le faisons avec conviction. ».
Oui, il faut condamner fermement chaque acte antisémite car aucun ne peut être banalisé. À la différence d’autres haines verbales, l’antisémitisme tue : « Dans l’antisémitisme, on commence toujours par la parole et on finit par le crime. » (Édouard Philippe, le 19 février 2019).
Et tue de manière atroce : « À nouveau depuis plusieurs années l'antisémitisme tue en France. C'est bien que les visages peuplant ce soir nos consciences ne sont pas seulement ceux des héros que je viens d'évoquer mais bien ceux des martyrs récemment assassinés parce qu'ils étaient juifs. Mireille KNOLL, cette Parisienne de 85 ans qui a survécu aux rafles mais pas à la folie meurtrière de ses bourreaux, Sarah HALIMI, cette mère de trois enfants saisie dans son sommeil, molestée puis défenestrée par son meurtrier, Ilan HALIMI, ce jeune homme d'une vingtaine d'années kidnappé, torturé, assassiné. Et puis les victimes de l'attentat de l'Hyper Cacher de janvier 2015, Philippe BRAHAM, Yohan COHEN, Yoav HATTAB, François-Michel SAADA, celles de l'école Ozar Hatorah, Jonathan SANDLER et ses fils Aryeh et Gabriel et la petite Myriam MONSONEGO abattus à bout portant. Nous ne les oublions pas. Le crépuscule du vingtième siècle avait pu laisser entrevoir la possibilité d'un repli durable de l'antisémitisme. L'aube du vingt et unième siècle vient rappeler combien l'histoire est tragique, combien les passions tristes sont à l'œuvre, combien le noir revient. » (Emmanuel Macron, le 20 février 2019).
Oui, il faut condamner fermement tout relativisme. L’antisémitisme est le début d’une haine généralisée. Christian Schoettl, le maire de Janvry (qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui a le sens de la formule), a ainsi exprimé cette idée dans son blog : « L’antisémitisme ? C’est le premier signe d’une République et d’une démocratie malades. Les Juifs sont les rosiers au bord des vignes, dès qu’ils sont attaqués, c’est que le mildiou arrive et que la vigne est en danger. Que personne ne se méprenne : l’antisémitisme n’est pas le problème des Juifs, il est notre urgence, notre problème, notre signe avant-coureur, notre alerte comme les rats de Laborit qui, recevant une décharge électrique, se ruent sur leurs congénères et s’entretuent. Ces haineux sont des rats guidés par les plus bas instincts, incapables de fraternité. Ces gens-là ne pillent pas les librairies, au mieux, ils brûlent les écoles. Non, le combat "politique" se cristallise sur les magasins de fringues, d’informatique et de HIFI, avec des gestes de rage vis-à-vis des banques, pas pour le symbole, mais pour le flouze. » (www.christianschoettl.com, 18 février 2019).
Comme l’a dit aussi Édouard Philippe le 19 février 2019 devant les députés, avant la manifestation à l’appel de quatorze partis politiques : « La lutte contre l’antisémitisme est l’affaire de tous, c’est une évidence. Nous devons le dénoncer même si nous ne pouvons nous satisfaire d’une dénonciation. Nous le ferons ce soir, à nouveau, avec beaucoup d’humilité quant à l’impact de cette dénonciation, mais aussi avec beaucoup de détermination, car nous ne pouvons pas ne pas dénoncer. ».
Le 18 février 2019, le directeur d’un institut de sondage (IPSOS il me semble) expliquait à la télévision qu’il avait sondé son échantillon avec cette question (que je retranscris en substance, de mémoire) : Pensez-vous que c’est bien, pas bien que des Français juifs quittent la France à cause de l’antisémitisme ? Il soutenait que le fait d’avoir 7% de sondés disant que c’était bien n’était pas le plus grave, car il y a toujours eu, en France, un fond d’antisémitisme et d’extrémisme. Ce qu’il trouvait en revanche très grave, c’est que 72% des sondés étaient sans opinion, ne se sentaient pas concernés.
Cette indifférence est inquiétante : « Parce que je ne veux pas m'habituer à ces mots et à ces indignations. “Il y a quelque chose de pire qu'une âme perverse”, écrivait Péguy, “c'est une âme habituée”. Nous n'avons pas le droit de devenir des âmes habituées. » (Emmanuel Macron, le 20 février 2019).
Il faut aussi condamner fermement les hésitations, les tergiversations à condamner, les diversions en craignant une instrumentalisation, une manipulation. Le sujet n’est pas l’instrumentalisation, le sujet n’est pas la victimisation d’une personnalité comme Jean-Luc Mélenchon qui n’a jamais été antisémite mais qui focalise les regards sur ses propres flottements réactifs, ses condamnations molles ou ambiguës ou tardives, le sujet, c’est la haine qui tue encore aujourd’hui, soixante-quinze ans après la Shoah.
Le dimanche 17 février 2019 sur BFM-TV, insulté à la manifestation des gilets jaunes à Paris la veille, le philosophe et académicien Alain Finkielkraut se moquait de connaître la stricte précision des insultes lancées contre lui (l’une des personnes qui l’a insulté sera d’ailleurs jugée le 22 mai 2019). Ce qu’il voulait faire remarquer avant tout, c’était qu’une insulte était accompagnée de cette phrase : "Dieu va te punir !". Et de commenter : « Dans l’antisémitisme européen, il n’y a pas une rhétorique qui dise Dieu va te punir. ». Dans sa chronique du lendemain, Daniel Schneidermann s’est demandé : « Le vrai champ de bataille s’est déplacé ailleurs. Finkielkraut a-t-il cédé à ses obsessions islamophobes habituelles ? A-t-il eu l’ouïe plus fine que tous les autres, en entendant, et lui seul, un signal faible révélant les dernières mutations de l’antisémitisme ? » (18 février 2019).
La question revient sans cesse. Est-ce de l’islamophobie que de constater qu’une part de plus en plus importante des actes antisémites voire des crimes antisémites ne provient plus d’un antisémitisme d’extrême droite mais d’un antisémitisme islamiste ? Les onze assassinats depuis 2006 ne proviennent pas de l’extrême droite mais d’individus proches plus ou moins de l’islamisme.
C’est en tout cas le constat que fait même le Président de la République Emmanuel Macron qui est allé au cimetière de Quatzenheim le 19 février 2019 puis au Mémorial de la Shoah à Paris accompagné du Président du Sénat Gérard Larcher et du Président de l’Assemblée Nationale Richard Ferrand le même jour, et qui a ensuite prononcé un discours au traditionnel dîner annuel du CRIF le 20 février 2019 au Palais du Louvre (dont on peut lire le texte intégral ici).
À cette occasion, Emmanuel Macron a été très clair au sujet de cet antisémitisme-là : « Oui, à côté, malheureusement, de l’antisémitisme traditionnel, se déploie un antisémitisme fondé sur un islamisme radical. Oui, cette idéologie gangrène certains de nos quartiers au point d’être contraints à un insupportable exode intérieur. Eh oui, c’est à une reconquête républicaine de ces territoires que nous devons nous atteler. Ce que nous faisons quand nous créons des postes de policiers et de gendarmes dans 45 d’entre eux, en multipliant l’implication de tous les services de l’État, de l’Éducation nationale, de l’ensemble des fonctionnaires, et en y déployant, de manière méthodique, un plan de lutte contre la radicalisation. Et en cette matière, ne cédons en rien non plus à l’opposition bloc à bloc dans laquelle certains voudraient enfermer la société française. Une religion contre l’autre. Une stigmatisation contre l’autre. Non. La République protège tous les citoyens, toutes les consciences, toutes les paroles, et elle ne peut accepter, en aucun cas, qu’au nom d’une religion déformée ou d’une philosophie quelle qu’elle soit, le pire soit commis, parce que c’est la République, parce que c’est notre liberté. » (20 février 2019).
Car cet antisémitisme-là est un point de convergence de ce que l’on appelle "l’islamo-gauchisme" (islamisme et extrême gauche) qui, pour déjouer les risques judiciaires avec l’antisémitisme (insistons : l’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit), sont ouvertement antisionistes. L’antisionisme n’est pas s’opposer à la politique mise en œuvre par le gouvernement israélien (c’est une opinion politique, notamment celle de l’opposition israélienne), mais c’est s’opposer à l’existence même de l’État d’Israël.
Devant le CRIF (mais cela aurait pu être à une autre occasion, puisque la lutte contre l’antisémitisme est l’affaire de tous), Emmanuel Macron a donc proposé : « Qui ne voit pas que l’antisémitisme se cache de plus en plus sous le masque de l’antisionisme ? (…) L’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme. C’est pourquoi je confirme que la France (…) mettra en œuvre la définition de l’antisémitisme adoptée par l’Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah. Il ne s’agit pas de modifier le code pénal, encore moins d’empêcher ceux qui veulent critiquer (…) la politique israélienne, non. (…). Il s’agit de préciser et raffermir les pratiques de nos forces de l’ordre, de nos magistrats, de nos enseignants, de leur permettre de mieux lutter contre ceux qui cachent, derrière le rejet d’Israël, la négation même de l’existence d’Israël, la haine des Juifs la plus primaire. » (20 février 2019).
Au-delà des mots, c’est bien d’actes forts dont ont besoin les Français dans la lutte contre l’antisémitisme, et la lutte contre "l’islamisme radical" ne semble rester que des mots. Il s’agit aussi de le combattre avec des armes modernes sur Internet.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (21 février 2019)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La lutte contre l’antisémitisme est l’affaire de tous !
Discours du Président Emmanuel Macron au dîner du CRIF le 20 février 2019 (texte intégral).
Alain Finkielkraut, l’antisémitisme et la bêtise.
Rapport sur le racisme de la CNCDH publié le 22 mars 2018 (à télécharger).
L’agression antisémite et le besoin de transcendance.
Maréchal, vous revoilà !
Les 70 ans d’Israël.
La France du colonel Beltrame.
Éradiquer l’antisémitisme.
Marceline Loridan-Ivens.
Simone Veil.
La Shoah.
Élie Wiesel.
Germaine Tillion.
Irena Sendlerowa.
Élisabeth Eidenbenz.
Céline et sa veuve ruinée, la raison des pamphlets ?
Les pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline.
Louis-Ferdinand Céline et les banksters.
Charles Maurras.
Roger Garaudy.
Jean-Marie Le Pen et ses jeux de mots vaseux.
Antisémitisme et morale en politique : l’attentat de la rue des Rosiers.
Massacre d’enfants juifs.
Arthur, l’un des symboles stupides du sionisme.
Les aboyeurs citoyens de l’Internet.
La Passion du Christ.
Représenter le Prophète ?
Complot vs chaos : vers une nouvelle religion ?
Le cauchemar hitlérien.
Jeux olympiques : à Berlin il y a 80 ans.
Les valeurs républicaines.
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