Un juré ose défier l’omerta des verdicts d’assises !
Alors que, vendredi 31 mars 2011, le Conseil constitutionnel a tranché sur la non-motivation des verdicts en cours d'assises en considérant que celle-ci est bien conforme à
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Si les Sages du Conseil constitutionnel estiment qu’il y a suffisamment de garanties pour considérer qu’une cour d’assises n’a pas de « « pouvoir arbitraire pour décider de la culpabilité d'un accusé », ces garanties s’appuyant « sur les seuls éléments de preuve et les arguments contradictoirement débattus » et, d’autre part, « sur la formulation des questions, les modalités de délibération de la cour d'assises et les majorités d'adoption des décisions », le témoignage de Monsieur Allègre, confié au Parisien, brise l’omerta sur les délibérations des cours d’assises sur plusieurs points.
- Les seuls éléments de preuves
L’affaire dans laquelle intervenait Monsieur Allègre comme juré concernait une accusation de viol sur mineur. Or, dans ce type de dossier, il arrive très souvent, et malheureusement pour les victimes, qu’il n’y a pas d’éléments matériels de preuves surtout s’il s’agit d’une accusation portant sur le passé. Bien souvent, il ne reste au jury que les paroles et les expertises pour se déterminer (A lire sur ce sujet, l’excellent blog de soutien à Jean Paul Degache). Il est alors compréhensible que certains jurés hésitent à condamner dans le doute. Et le doute ne doit-il pas profiter à l’accusé ? Apparemment non dans les affaires de mœurs puisqu’on a imposé depuis le milieu des années 90 la parole de l’enfant ou de la personne plaignante comme parole de vérité. Et ce que décrit Thierry Allègre semble le prouver.
- Les arguments contradictoirement débattus
Selon Thierry Allègre, les arguments qui vont à l’encontre des orientations des magistrats ne semblent pas attirer l’attention de ces derniers et il paraît difficile au juré qui les apporte de pouvoir les défendre sans se faire rabrouer.
- Le vote blanc
Si on en croit Thierry Allègre, un juré n’a pas le droit d’hésiter. Il est obligé de se prononcer pour la culpabilité ou pour l’innocence. Le vote blanc peut être interdit par la présidence du jury. Or, un juré n’a pas de dossier écrit sous les yeux. Il n'a pas de compétences particulières en matières criminelle et psychologique. Il n’a jamais entendu parler de l’affaire avant sa convocation. Il est donc soumis aux émotions qu’il ressent pendant la durée du procès selon le comportement des protagonistes : plaignants, accusés, avocat général, avocats des parties, experts judiciaires. Lorsqu’il n’existe pas d’éléments matériels concrets pour le convaincre, et c’est souvent le cas dans les affaires de mœurs, on peut comprendre qu’il soit dans le doute et ne se sente pas très compétent pour juger de la culpabilité ou de l’innocence en quelques heures.
- L’influence des magistrats
Le témoignage de Monsieur Allègre est isolé mais il est probable que si on pouvait faire une enquête auprès des jurés, on constaterait que l’impression d’influence exercée par les magistrats serait citée régulièrement. Les jurés qui se sentent incompétents ou qui ont des doutes sont naturellement amenés à poser des questions aux magistrats qui ont l’expérience professionnelle. Il est donc très facile à ces derniers de répondre en orientant la décision du juré. Existe-t-il un magistrat qui puisse dire le contraire ?
- Le double vote
Peut-on parler de décision démocratique lorsqu’un premier vote est tout simplement considéré comme un tour de chauffe avant de procéder au « vrai » vote ? Qui peut parler alors de liberté d’intime conviction accordée aux membres du jury alors que le vote se fait à main levée ?
Bien entendu, beaucoup de magistrats, Monsieur Bilger en tête, vont fondre sur Monsieur Allègre et le traiter de parjure. Ils ne manqueront pas de préciser qu’il aurait pu faire remonter ses remarques à l’intérieur de l’institution judiciaire et éviter ainsi les risques de poursuite et de sanction pénale pour ne pas avoir respecté un serment qu’on lui a imposé. Apparemment, Thierry Allègre ne semble pas avoir une grande confiance dans la prise en compte des critiques internes par l’institution judiciaire puisque sa conscience l’a poussé à prendre ce risque de sanction afin d'être sûr de se faire entendre. Il est triste de constater qu’un magistrat du talent de Monsieur Bilger puisse seulement considérer, malgré cette épée de Damoclès qui pèse sur la tête de Thierry Allègre, qu’ « il (Thierry Allègre) se répand sur une page entière, sa photographie à l'appui, se donnant évidemment le beau rôle, celui d'un justicier plus lucide que tous les autres, pourfendant les magistrats, incriminant notamment la présidente qui « essayait d'orienter notre vote » et donnant de ce délibéré une vision à l'évidence tronquée et partisane. »
Souhaitons que Thierry Allègre ne soit que le premier des jurés à rompre l’omerta et le serment qui emprisonnent les jurés afin d’apporter aux justiciables l’information qu’ils sont en droit d’attendre d’un jury d’assises puisque les institutions (Cour de cassation et Conseil constitutionnel) confirment la non motivation des verdicts.
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