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Un juré ose défier l’omerta des verdicts d’assises !

Alors que, vendredi 31 mars 2011, le Conseil constitutionnel a tranché sur la non-motivation des verdicts en cours d'assises en considérant que celle-ci est bien conforme à la Constitution, un juré, Monsieur Thierry Allègre, a osé transgressé le serment que l’institution judiciaire lui avait imposé lorsqu’il a été tiré au sort. Courageusement, Thierry Allègre a raconté dans le Parisien le déroulement de la délibération lors du procès d’assises en appel pour lequel il était juré.

Si les Sages du Conseil constitutionnel estiment qu’il y a suffisamment de garanties pour considérer qu’une cour d’assises n’a pas de « « pouvoir arbitraire pour décider de la culpabilité d'un accusé », ces garanties s’appuyant « sur les seuls éléments de preuve et les arguments contradictoirement débattus » et, d’autre part, « sur la formulation des questions, les modalités de délibération de la cour d'assises et les majorités d'adoption des décisions », le témoignage de Monsieur Allègre, confié au Parisien, brise l’omerta sur les délibérations des cours d’assises sur plusieurs points.

Les seuls éléments de preuves

L’affaire dans laquelle intervenait Monsieur Allègre comme juré concernait une accusation de viol sur mineur. Or, dans ce type de dossier, il arrive très souvent, et malheureusement pour les victimes, qu’il n’y a pas d’éléments matériels de preuves surtout s’il s’agit d’une accusation portant sur le passé. Bien souvent, il ne reste au jury que les paroles et les expertises pour se déterminer (A lire sur ce sujet, l’excellent blog de soutien à Jean Paul Degache). Il est alors compréhensible que certains jurés hésitent à condamner dans le doute. Et le doute ne doit-il pas profiter à l’accusé ? Apparemment non dans les affaires de mœurs puisqu’on a imposé depuis le milieu des années 90 la parole de l’enfant ou de la personne plaignante comme parole de vérité. Et ce que décrit Thierry Allègre semble le prouver.

Les arguments contradictoirement débattus

Selon Thierry Allègre, les arguments qui vont à l’encontre des orientations des magistrats ne semblent pas attirer l’attention de ces derniers et il paraît difficile au juré qui les apporte de pouvoir les défendre sans se faire rabrouer.

Le vote blanc

Si on en croit Thierry Allègre, un juré n’a pas le droit d’hésiter. Il est obligé de se prononcer pour la culpabilité ou pour l’innocence. Le vote blanc peut être interdit par la présidence du jury. Or, un juré n’a pas de dossier écrit sous les yeux. Il n'a pas de compétences particulières en matières criminelle et psychologique. Il n’a jamais entendu parler de l’affaire avant sa convocation. Il est donc soumis aux émotions qu’il ressent pendant la durée du procès selon le comportement des protagonistes : plaignants, accusés, avocat général, avocats des parties, experts judiciaires. Lorsqu’il n’existe pas d’éléments matériels concrets pour le convaincre, et c’est souvent le cas dans les affaires de mœurs, on peut comprendre qu’il soit dans le doute et ne se sente pas très compétent pour juger de la culpabilité ou de l’innocence en quelques heures.

L’influence des magistrats

Le témoignage de Monsieur Allègre est isolé mais il est probable que si on pouvait faire une enquête auprès des jurés, on constaterait que l’impression d’influence exercée par les magistrats serait citée régulièrement. Les jurés qui se sentent incompétents ou qui ont des doutes sont naturellement amenés à poser des questions aux magistrats qui ont l’expérience professionnelle. Il est donc très facile à ces derniers de répondre en orientant la décision du juré. Existe-t-il un magistrat qui puisse dire le contraire ?

Le double vote

Peut-on parler de décision démocratique lorsqu’un premier vote est tout simplement considéré comme un tour de chauffe avant de procéder au « vrai » vote ? Qui peut parler alors de liberté d’intime conviction accordée aux membres du jury alors que le vote se fait à main levée ?

Bien entendu, beaucoup de magistrats, Monsieur Bilger en tête, vont fondre sur Monsieur Allègre et le traiter de parjure. Ils ne manqueront pas de préciser qu’il aurait pu faire remonter ses remarques à l’intérieur de l’institution judiciaire et éviter ainsi les risques de poursuite et de sanction pénale pour ne pas avoir respecté un serment qu’on lui a imposé. Apparemment, Thierry Allègre ne semble pas avoir une grande confiance dans la prise en compte des critiques internes par l’institution judiciaire puisque sa conscience l’a poussé à prendre ce risque de sanction afin d'être sûr de se faire entendre. Il est triste de constater qu’un magistrat du talent de Monsieur Bilger puisse seulement considérer, malgré cette épée de Damoclès qui pèse sur la tête de Thierry Allègre, qu’ « il (Thierry Allègre) se répand sur une page entière, sa photographie à l'appui, se donnant évidemment le beau rôle, celui d'un justicier plus lucide que tous les autres, pourfendant les magistrats, incriminant notamment la présidente qui « essayait d'orienter notre vote » et donnant de ce délibéré une vision à l'évidence tronquée et partisane. »

Souhaitons que Thierry Allègre ne soit que le premier des jurés à rompre l’omerta et le serment qui emprisonnent les jurés afin d’apporter aux justiciables l’information qu’ils sont en droit d’attendre d’un jury d’assises puisque les institutions (Cour de cassation et Conseil constitutionnel) confirment la non motivation des verdicts.


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35 réactions à cet article    


  • L.S.B 5 avril 2011 08:35

    Etre tiré au sort pour être juré n’est pas un cadeau ! On n’a pas le droit de refuser, on est absent au travail et mal indemnisé. Obligé d’accepter, on constate que le serment est un piège qui emprisonne le juré et sa parole. Si on ajoute à cela la non motivation du verdict confirmée par le conseil constitutionnel, on a tous les éléments pour engendrer le mécontentement. Espérons qu’un jour la cour européenne prenne l’affaire en main pour condamner cet état de fait.


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 5 avril 2011 08:56

      j’ ai vu cette émission hier soir , comment juger en son âme et conscience quand on n’ a pas tous les éléments pour le faire . Soit le vote blanc est autorisé et on peut en user , ou il est interdit et on ne peut s’ en servir . Un genre de mascarade cette façon de faire . Le vrai problème dans l’ affaire concernée il y a peut-être un innocent en prison , ou dans le cas contraire un coupable en liberté .


      Et Bilger a beau zozoter pour défendre son corps , il est miné .

      • FRK44 FRK44 5 avril 2011 10:20

        Je suis d’accord avec Philippe Bilger ;
        Quel confiance donner à une personne qui à la première occasion transgresse la loi, et sa propre parole ( être juré, c’est prêter serment... ) ?
        Comment se fait-il que cette histoire apparait, alors que l’avis du conseil constitutionnel va à l’encontre des projets gouvernementaux ?

        On peut regretter les règles encadrant le rôle de juré ; dans ce cas il faut en débattre pas trahir ce que l’on vient défendre et pour lequel on juge.


        • Fergus Fergus 5 avril 2011 17:23

          Bonjour à tous.

          Plutôt d’accord avec FRK44 sur ce point. Et d’autant plus que mon expérience de juré est en contradiction avec l’affirmation de ce monsieur. Comme dit le proverbe « qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son ».

          J’ai été moi aussi juré dans un procès de viol sur mineur, et je peux témoigner que les choses se sont déroulées de manière très différente :

          Lors de la délibération, le président a donné immédiatement la parole dans un premier tour de table aux jurés populaires afin précisément de ne pas orienter leur perception de l’affaire. Par la suite, les débats ont libres, et l’un des magistrats régulièrement contredit.

          Lors des votes, un jurés a systématiquement voté blanc, et à aucun moment il n’a été prétendu par l’un des magistrats que ce vote était interdit. En l’occurrence, il est parfaitement valable de voter blanc, et cela pour une raison simple et évidente : le vote est secret et interdit par conséquent toute forme d’investigation pour savoir quel juré a voté blanc (ce pourrait d’ailleurs être l’un des magistrats). En 1ere instance, la culpabilité est établie dès lors qu’il y a 8 voix sur 12 dans ce sens, l’acquittement ne nécessitant que 5 voix sur 12 (en appel, il faut 10 voix sur 15 pour établir la culpabilité).

          J’ai, à différentes reprises, discuté de la manière dont se déroulent les délibérations avec des magistrats, et certains ont reconnu qu’il existe des cas de manipulation et d’orientation du vote, notamment dans les affaires sensibles pour lesquelles la Chancellerie exerce une pression. Mais cela reste rare, et les jurés populaires ont, même dans de tels cas, la possibilité de s’opposer à une volonté répressive manifeste si elle est contraire à leur conviction. En théorie, car en pratique il n’est pas toujours possible, à des personnes peu habituées à prendre la parole et à mettre en doute les arguments d’une « autorité » d’autant plus imposante qu’elle est précidément revêtue des attributs de l’autorité.

          Cela dit, il n’y a pas de règle, et chaque procès étant différent d’un autre, il est strictement impossible d’en tirer des conclusions, d’autant que les délibérations sont en principe secrètes...


        • Francis, agnotologue JL 5 avril 2011 10:41

          Les jurys populaires d’assise avaient un sens au temps où les verdicts n’étaient pas révisables, et la peine définitive, notamment au temps de la peine de mort.

          Aujourd’hui, les jurés ne servent plus que d’alibis et sont davantage manipulés qu’autre chose, on l’a vu avec l’affaire d’Outreau. Lequel d’entre nous aurait pu rester indemne après avoir condamné ces gens et les voir ensuite innocentés par cette même justice qui avait tout fait pour nous les présenter comme coupables ? (*)

          Peu de temps après cette affaire, j’ai reçu un questionnaire à renvoyer en vue d’être convoqué aux prochaines assises. J’avais l’intention de préparer un argumentaire dans ce sens, mais sans beaucoup de conviction. Je n’ai pas répondu, et je n’ai jamais eu de nouvelles.

          Pour moi, c’est une aberration de proposer des jurés populaire dans n’importe quel procès : un surcroit de travail pour la justice et pour un bénéfice incertain, au moment où l’Etat baisse les effectifs et les budgets.


          (*) la première fois, on a condamné des innocents, la deuxième fois on a innocenté des coupables.


          • Fergus Fergus 5 avril 2011 17:35

            Bonjour, JL.

            Pas d’accord. On nous ressort toujours l’affaire d’Outreau, or cette affaire est unique sur tous les plans et ne peut servir à tout bout de champ à remettre en cause le fonctionnement de la justice.

            Oui, il y a eu des bavures et des manquements : de l’instruction, du procureur, de la chambre d’accusation, des experts, du présidente d ela cour, et bien entendu du jury de première instance. Mais il y a eu également des bavures des avocats qui n’ont pas dénoncé par voie de presse les manquements constatés durant l’instruction. Comme il y a eu, à propos de la presse, une énorme bavure sous la forme d’une dénonciation généralisée par les médias des « monstres de la tour du Renard ». Pas facile de résister à la pression. J’ai même connu, à cette époque, des magistrats d’autres ressorts qui affirmaient savoir, par ouï-dire, que d’autres faits de culpabilité n’avaient pu être joints au dossier. Bref, on nageait en plein délire...

            Rien à voir avec les affaires courantes, si je peux dire concernant des procès d’assises. Quant à la participation de jurés populaires, c’est une excellente chose. D’une part parce que les personnes tirées au sort vivent une expérience qui change leur vie et les fait grandir en terme de responsabilité vis-à-vis de leurs concitoyens. D’autre part parce que les citoyens sont un rempart, lors de ces procès, contre un traitement routinier par des magistrats blasés.

            Cordialement.


          • Francis, agnotologue JL 5 avril 2011 19:32

            Bonsoir Fergus,

            sur l’argument que les jurys d’assise sont une opportunité pour les « chanceux » qui sont appelés, je dirai que cet objectif n’est pas dans les attributions de la Justice !

            Quant à dire que les citoyens sont un rempart contre un traitement routinier, ... je dirai : il y a d’autres domaines où l’affaire est trop importante pour être laissée entre les mains des experts, notamment l’énergie, notamment la nucléarisation du pays.

            Sur Outreau : je crois qu’on ne refera pas le procès ce soir. Mais au risque de me répéter, je suis persuadé que la première fois on a condamné des innocents, et la seconde fois on a relaxé des coupables.


          • resistance 6 avril 2011 01:04

            « La première fois, on a condamné des innocents, la deuxième fois, on a innocenté des coupables ».


            Comment donc le savez-vous ? Je vous trouve bien péremptoire, bien présomptueux, même !

            Même s’il est possible que certains coupables aient été innocentés, dans cette affaire-là ou dans une autre, n’oubliez pas que le doute doit bénéficier à l’accusé.

          • Francis, agnotologue JL 6 avril 2011 15:00

            resistance : préférez vous dire qu’il n’y avait aucun coupbable dans l’affaire ?

            Plus c’est gros plus ça passe, dit-on !


          • resistance 6 avril 2011 23:55

            Vous êtes mal informé !

             A Saint-Omer, quatre personnes ont bien été condamnées sans faire appel ensuite, donc elles sont restées condamnées. Il n’a jamais été question de dire qu’il n’y avait aucun coupable à Outreau. Par ailleurs, s’il y avait d’autres coupables, qui vous dit qu’ils ne se trouvent pas du côté de ceux qui n’ont jamais été inquiétés ? On n’en sait rien, mais s’il n’y a pas moyen de savoir, il vaut mieux s’abstenir de condamner, pour éviter d’ajouter le mal au mal.
            Je comprends très mal le ton de dénigrement du point de vue d’autrui qui est le vôtre. J’ai envie de promouvoir une autre pratique du dialogue.

          • Francis, agnotologue JL 7 avril 2011 07:49

            resistance, vous dites : « s’il y avait d’autres coupables, qui vous dit qu’ils ne se trouvent pas du côté de ceux qui n’ont jamais été inquiétés ? »

            C’est exactement ce que je pense. Et ceux-là pour ne pes être inquiétés, ont pu faire ce qu’il faut pour que la dame dont je ne sais plus le nom, change d’avis : je vous rappelle que les accusés avaient été condamnés sur les seuls dires de cette dame, et qu’ils ont ensuite été libérés sur les mêmes « preuves ». Pourtant, cette dame est une menteuse avérée !

            C’est un peu gros. Et plus c’est gros plus ça passe quand on marche sur la tête, comme disait avec une certaine audace, l’abbé Niel !


            Cet exemple d’Outreau est un cas d’école

            Ce qu’il s’est passé dans cette affaire d’Outreau n’aurait jamais été possible si les jugements d’assises étaient demeurés non révisable : aujourd’hui, un criminel peut se laisser accuser sans dénoncer ses complices afin qu’ensuite ses complices non dénoncés par lui, aient tout leur temps pour inventer des faits nouveaux en faveur du condamné s’assurant ainsi définitivement de son silence qu’ils achèteront au prix convenu entre eux.

            Last but not least, la République leur paiera même une prime de dédomagement pour le « tort » causé.

            Qui nous dit que ce n’est pas cette dame parjure qui a elle-même négocié son revirement auprès des accusés incarcérés ? Que je sache, une fois que le jugement a été prononcé, les prévenus ne sont plus au secret et peuvent communiquer, ce qui n’est pas le cas avant ! Permettre la révision d’un procès, c’est peremttre aux accusés de commiuniquer avec leurs complices avnt le nouveau procès, et de se mettre d’accords sur une version fauuse mais commune. 

            Avec la solennité des cours d’assises d’antan, ces choses là n’étaient pas possibles. Tout fout le camp !

            Voilà pourquoi je ne suis désormais pas d’accord avec la « révisibilité » des cours d’assises, et voilà pourquoi je refuserai de participer à ça.


          • Blog de soutien à JP Degache 5 avril 2011 10:55

            Mille fois merci pour cet article qui est exactement dans la problématique des défenseurs de Jean-Paul Degache qui ont créé un blog : http://soutien.jean-paul.degache.over-blog.com/ qui s’évertue à analyser ces phénomènes.

            N’hésitez pas à le consulter, en ce moment, nous terminons le cycle sur les expertises psychiatriques avec une remarquable interview su Docteur Paul Bensussan.


            • franor 5 avril 2011 11:05

              Article de manipulation qui sort au bon moment pour les réformettes à venir du petit. Néanmoins une chose en ressort, juger c’est dur et pour cette personne cela devait être la première fois dans sa vie qu’elle avait à faire un choix et non pas à fuir dans un compromis. Après le juré qui le souhaite à accès au dossier seulement faut il qu’il ait la motivation et la capacité à l’assimiler la nuit en travaillant le jour.


              • Fergus Fergus 5 avril 2011 17:43

                Bonjour, Franor.

                Non, les jurés n’ont à aucun moment accès au dossier. Ils doivent se forger leur conviction lors des débats et à l’écoute des témoignages des uns et des autres, ainsi que des prise de parole des accusés, des avocats et de l’avocat général.

                Contrairement à la Correctionnelle où les magistrats jugent tout autant sur les dossiers que sur les témoignages et les plaidoiries, les Assises sont basées uniquement, pour les jurés populaires, sur l’oralité des débats, les 3 magistrats ayant quant à eux, accès au dossier d’instruction. Rien n’interdit en revanche aux jurés de demander la parole à tout moment lors d’un témoignage pour obtenir des éclaircissements si un point leur paraît insuffisamment éclairé. 


              • Philodeme Philodeme 5 avril 2011 11:34

                un question ...............

                et si on refuse de prêter serment ?
                car si on demande à quelqu’un de prêter serment c’est qu’il peut refuser .............

                dans ce cas il retourne au boulot tranquille ?


                • L.S.B 5 avril 2011 12:34

                  Si les jurés pouvaient facilement se défiler, il est probable qu’on aurait du mal à constituer les jurys. Mais le refus est passible d’une amende de 3750 euros.
                  Conclusion : Présence obligatoire si on a le malheur d’être tiré au sort et retenu en début de session, obligation de prêter serment et de se taire sur les dysfonctionnements de la délibération. C’est pourquoi Thierry Allègre est vraiment courageux car en devenant parjure, il risque 1 an de prison. Il faut croire que le dégoût devient insupportable pour prendre ce risque. Mais quand on a conscience d’avoir participé à la condamnation d’un innocent, on doit pas très bien dormir si on se tait...


                • Fergus Fergus 5 avril 2011 17:49

                  Bonjour, L.S.B.

                  Vous parlez de « dégoût ». Mais en vous basant sur quoi ? Oui, il y a, de temps à autre, un juré qui laisse entendre qu’il a été manipulé, et c’est probablement vrai. Mais quelle est l’expérience de ce juré, et la vôtre, pour laisser croire que la manipulation est très courante. N’avez-vous pas l’impression que l’on surfe là sur un fantasme à la mode ? Car enfin, quand bien même y aurait-il eu, ces dernières années, quelques dizaines de jurés pour dénoncer des pressions ou des manipulations, que vaudrait leurs affirmations en regard des milliers d’autres qui n’auraient rien dénoncé du tout, non par crainte, mais tout simplement parce qu’il n’y avait rien à dénoncer.

                  Fantasme, quand tu nous tiens...


                • L.S.B 5 avril 2011 18:51

                  @ Fergus,
                  Je ne crois pas avoir généralisé en parlant de dégoût. Relisez ma prhase : « Il faut croire que le dégoût devient insupportable pour prendre ce risque. » Je ne parlais que du juré qui a transgressé le serment.

                  Je ne conteste pas que de nombreuses délibérations se déroulent dans de bonnes conditions. Mais je crois que dans les autres domaines de la vie, si un dysfonctionnement survient, il peut être dénoncé. Ce n’est pas le cas au sein de la justice ! Or, si la justice se voulait vraiment démocratique, elle n’interdirait pas l’expression des jurés dans le respect de la décision prise à la majorité. Un juré qui, dans son intime conviction, considère qu’il a contribué à la condamnation d’un innocent par sa seule présence imposée dans le jury doit pouvoir l’exprimer sans que cela signifie une remise en cause de la décision. Mais cette expression peut le libérer de son pb de conscience. 
                  Par ailleurs, si la justice était transparente, je me permets de penser qu’un verdict de cour d’assises devrait être motivé afin que la personne condamnée comprenne sur quoi elle a été condamnée ce qui, par ailleurs, pourrait servir la défense en appel. Cette non motivation est totalement illogique et tant qu’elle sera appliquée, elle placera la justice dans une tour d’ivoire sans relation avec les justiciables.


                • Fergus Fergus 5 avril 2011 19:05

                  @ L.S.B.

                  OK pour le dégoût,je vous prie de m’excuser.

                  Cela dit, pour ce qui est de ce monsieur, rien ne prouve que ce soit lui qui ait eu raison contre 10 autres membres du jury (sur 15) persuadés du contraire. Et nul, ni lui ni nous, ne pouvons avancer d’argument pour étayer cette action illégale, pour cause d’interdiction de commenter la délibération. A moins que ce monsieur n’ait cherché à obtenir l’annulation du procès qui pourrait être prononcée s’il allait plus loin dans la divulgation du secret de cette délibération...

                  En ce qui concerne la motivation, je serais plutôt d’accord avec vous et par conséquent en désaccord avec la Conseil constitutionnel, mais il faut savoir que la motivation d’une condamnation (obligatoire en Correctionnelle) est un travail très technique et, le cas échéant, fastidieux car appuyé sur de nombreuses pièces du dossier, ce dossier auquel les jurés populaires n’ont pas accès. Comment faire, en sachant de surcroît que la rédaction d’une motivation demanderait probablement un long travail auquel les jurés ne sont pas préparés ? Ce n’est pas par hasard que les décisions en Correctionnelle sont très souvent mises en délibéré dès lors que l’affaire est complexe ou nécessite de très nombreuses réfrences à des pièces du dossier. 


                • L.S.B 5 avril 2011 19:24

                  @Fergus
                  Reconnaître qu’une décision en correctionnelle sur des délits nécessite un travail technique sur le dossier pour décider de la culpabilité et d’une peine, c’est à fortiori admettre (mais je crois que vous êtes d’accord là-dessus) qu’une décision concernant une affaire criminelle avec des peines beaucoup plus lourdes mérite aussi un délibéré et un vrai travail sur le dossier. Après 3 ou 4 jours de débat, un juré non professionnel des affaires de justice, même s’il est intelligent et plein de bon sens, est avant tout saturé d’émotions et c’est sur ces émotions, sans le moindre temps de repos et de recul, qu’on lui demande de décider de la culpabilité et du nombre d’années de prison. Je ne suis pas contre la présence de jurés mais cela doit être fait sur la base du volontariat avec des personnes qui sont d’accord de s’impliquer dans l’étude des dossiers sur plusieurs semaines pour se soustraire des émotions provoquées par le savoir-faire des uns et des autres en matière de communication. 


                • goc goc 5 avril 2011 11:41

                  En tout cas, si la justice s’en prend à Mr Allegre, je parie que la défense se fera un plaisir de faire casser le premier jugement pour vice de forme


                  • Philodeme Philodeme 5 avril 2011 13:13

                    @ LSB

                    merci du renseignement


                    • rocla (haddock) rocla (haddock) 5 avril 2011 13:19

                      ce qui importe c ’est de rendre une justice au plus près de la vérité  ’ , comment faire si on ne sait pas vraiment ce qui s’ est passé ?


                      • Dominitille 5 avril 2011 15:45

                        Rendre un verdict sur juste un ressenti et des à-prioris est dangereux comme système.
                        Au lieu de s’attacher à des faits avérés, les jurés doivent obligatoirement renifler le prévenu au jugé pour ensuite rendre une certaine idée de la justice française. 

                        Combien d’affaires orientées par les magistrats qui au-delà de toute logique condamnent le prévenu sur des préjugés personnels au lieu de preuves tangibles. 
                         Combien d’ avocats généraux ont stigmatisé et crucifié un prévenu, il ne suffit pas de porter une belle robe rouge pour être investi de la puissance divine mais c’ est la justice française.
                        Omar Radad et Dany le Prince en sont de beaux exemples, deux parmi tant d’ autres.


                        • Fergus Fergus 5 avril 2011 17:59

                          Bonjour, Dominitille.

                          Ayant été juré d’assises, je peux vous affirmer que cela ne se passe pas ainsi. Contrairement à ce croient certains de nos concitoyens, les jurés prennent leur rôle très au sérieux et s’efforcent de juger en conscience, non sur des impressions, mais avant tout sur des faits. Nous ne sommes plus en 1910, lorsque les jurys étaient souvent composés de personnes peu instruites, peu habituées à s’exprimer en public, et par conséquent très manipulables. Si certains de nos concitoyens tirés au sort pour une session d’assises tombent des nues en découvrant la manière dont fonctionne la Justice, c’est de plus en plus rare. Qui plus est, la plupart ont eu connaissance d’erreurs judiciaires passées et sont bien décidés à ne prendre position pour une condamnation que sur des faits incontestables. Reste le problème de l’absence formelle de preuves irréfutables dans certaines affaires et la confrontation à un faisceau de présomptions plus ou moins lourd. Et là, il est réellement très dur d’être juré. Par chance, cela ne concerne qu’une infime minorité des procès d’assises. 

                          Cordiales salutations.


                        • Dominitille 6 avril 2011 01:39

                          Bonsoir Fergus,
                          Je ne contredirai pas vos propos puisque vous avez été juré d’ assises.
                          Merci de votre réponse
                          Bonne nuit


                        • rocla (haddock) rocla (haddock) 5 avril 2011 18:32

                          OK bon d’ accord , 


                          Il n’ en reste pas moins , comme dans la vie ordinaire , que l’ on juge d’ après nos préjugés selon l’ aspect du justiciable , sa façon de s’ exprimer son milieu d’ origine , sa manière de s’ exprimer , sa bonne ou mauvaise tête etc ... etc... 

                          • Fergus Fergus 5 avril 2011 18:52

                            Bonjour, Capitaine.

                            Non, on juge avant tout des faits. Et ces faits prennent largement le pas sur toute autre considération. Quant aux « préjugés » des uns et des autres, ils peuvent exister, certes, mais je présume qu’ils doivent s’annuler dans la plupart des cas. Qui plus est, évoquer les préjugés, c’est faire un procès d’intention aux jurés, douter de leur volonté, pourtant bien réelle, de juger le plus objectivement possible. les hommes et les femmes avec qui j’ai partagé cette expérience étaient dans cette disposition d’esprit, à une exception près, une sorte de Saint-Just vindicatif et sourd à toute forme de modération.

                            Cordialement.


                          • rocla (haddock) rocla (haddock) 5 avril 2011 19:13

                            Putain de machine , j’ envoie mon com et pfuittttt disparu . 


                            Bonjour Fergus , 

                            Je ne doute pas une seconde de votre intégrité dans l’ affaire où vous 
                             avez été juré . On peut imaginer que le Saint-Just aurait pu être plusieurs 
                            et le cours des choses changer . Mais je voulais surtout souligner que 
                            l’ erreur étant humaine , il pourrait découler qu’ un un verdict puisse 
                            tout simplement être une erreur . Les nombreux condamnés à mort en
                             Amérique  , noirs , pauvres , illettrés sont de véritables chair à canons pour 
                            chaises électriques . Simplement à cause d’ un racisme latent envers ce 
                            qui est différent . 

                            Bien à vous Fergus .

                            • tvargentine.com lerma 5 avril 2011 22:04

                              Il est bon de savoir comment cela fonctionne réellement car les magistrats sont aussi soumis à la pression des résultats et pour eux,je suis pas certain qu’un homme ou une femme innocente soit leur dernier des soucis

                              L’histoire est grande des erreurs judiciaires et le pire c’est que ces gens voudraient en plus taire les jurés !

                              Un étrange conception de la justice ,voila ce que j’ai resenti en lisant cet article car il ne fait que confirmer les doutes sur l’intégrité de cette magistrature,qui par le passé avait fait allégeance à Pétain et après à tout les gouvernements de droite comme de gauche

                              Ou est l’indépendance,ou est l’esprit d’indépendance de ces magistrats ????

                              http://www.tvargentine.com


                              • Alexis_Barecq Alexis_Barecq 6 avril 2011 00:44


                                Les jurés, comme les juges, doivent porter la responsabilité de leurs décisions : si, après avoir exécuté tout ou une partie de la peine, un condamné se révélait innocent, que qui arrive beaucoup trop souvent, alors ils devraient être condamnés à leurs tour à la même peine, ou au minimum à la peine effectivement purgée !

                                On verrait alors si la présomption d’innocence ne serait qu’un vain mot, comme c’est le cas aujourd’hui, ou un impératif moral... doublé d’une juste prudence, qui elle serait motivée par la responsabilité individuelle.

                                Excessif ? Non, nécessaire. Sinon il ne s’agit pas de justice, mais de vengeance aveugle. C’est pas dut out la même chose.


                                • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 6 avril 2011 07:19

                                  L’influence est permanente dès qu’il y a communication. Qu’ils le veuillent ou non, qu’ils sachent y résister ou non, les jurés sont sous influence. Il ne saurait en être autrement dans les affaires humaines.
                                  Et le processus d’influence commence avec la notion même de « fait ». Faut-il le rappeler, un fait est « fait », c’est-à-dire, toujours plus ou moins fabriqué.
                                  Donc loin de penser qu’un fait est incontestable, il nous faut nous rappeler constamment comment un fait peut être défait.
                                  Je me dis que dans l’affaire d’Outreau, il ne doit pas manquer de cas de ce genre.

                                  Quoi qu’il en soit, c’est un fait bien connu en psychologie qu’un jury est régi par une dynamique de groupe où les influences et les contagions (c’est-à-dire, les processus d’imitation réciproque entre les jurés) vont faire qu’il y aura consensus ou dissensus sur tel ou tel point et au final sur le verdict.

                                  On ne peut douter une seconde que ceux qui sont en position d’autorité soient tentés d’en user. Comme partout, il y aura ceux qui aimeront cela et s’y adonneront largement et ceux qui, conscient de la nécessaire dimension collective du jugement, veilleront à assurer le caractère le plus démocratique possible à la dynamique de groupe en se contentant de rappeler... les faits, les lois, les règles et en laissant évoluer les représentations par la rumination qu’en font les jurés.

                                  Il me paraît évident que le refus de la motivation est l’expression de la volonté de tenir la justice hors de contrôle. Cela peut sembler inacceptable actuellement où la revendication de transparence et de démocratie va grandissante avec la perte de confiance, de légitimité et d’autorité du pouvoir.

                                  Mais il y a une bonne raison qui motive cet état de fait : la justice est faite pour réparer le tissu social, pour construire une réalité qui nous rassemble, nous mette en accord, donc en paix. Elle réalise cela en prenant une décision. Elle tranche en disait quelle est la « réalité ». Mais elle ne peut faire cela que par la seule chose qui ait ce pouvoir de « créer » du réel : le consensus.

                                  Si le consensus se perd, la « réalité » aussi est perdue. Le conflit va perdurer et la paix ne viendra jamais.
                                  C’est pour cela qu’on est pas censé discuter les décisions de justice. Motiver ces dernières, c’est inévitablement ouvrir la discussion sur ces motivations et donc sur la décision. C’est remettre en cause cette dernière et c’est garantir l’insatisfaction populaire car la conviction que justice est faite aura disparue.

                                  Nous vivrions alors en permanence dans un monde instable où tout serait contestable et c’est peu confortable.

                                  Je pense que c’est déjà notre réalité. Mais j’ai choisi la pillule rouge. Pour garantir la paix des chaumières, il est logique que le pouvoir fasse tout ce qu’il peut pour nous amener à préférer la pillule bleue. La non motivation des décisions de justice va dans ce sens. Il est plus facile de se raconter que tout va bien en laissant la boite de Pandore refermée.

                                  D’ailleurs, il se pourrait bien que tout aille mieux en effet tant que la boite de Pandore reste fermée smiley

                                  Mais peut-être suis-je naïf ou idéaliste, je continue à penser qu’il vaut mieux ouvrir les boîtes de Pandore pour aller au fond des choses et se mettre d’accord, faire consensus sur le « réel », sur la roche, plutôt que sur le sable des faux-semblants.


                                  • calach calach 6 avril 2011 11:03

                                    @ L.L Salvador
                                    On ne peut que partager votre analyse sur la dynamique de groupe. L’influence est inévitable et le seul moyen de prendre un peu de recul pour les jurés, ce serait d’avoir un temps de réflexion personnelle. Il existe des temps de délibérés pour des affaires moins graves que les affaires criminelles, pourquoi ce procédé serait-il impossible en cour d’assises. Par ailleurs, cela permettrait aux jurés d’avoir le temps de consulter le dossier, d’approfondir certains points et de se détacher des émotions provoquées par les talents de communication orale des différents intervenants.

                                    Concernant la motivation en cour d’assises, la réflexion est la même. Elle est obligatoire dans les affaires civiles ou correctionnelles. Il n’y a aucune raison qu’elle ne le soit pas dans les affaires criminelles. Il est certain qu’il arrivera le moment où la cour européenne l’imposera en condamnant clairement les pays qui ne la pratiquent pas. Cette évolution a été faite en matière de défense pendant la garde à vue. Elle aura lieu aussi en matière de motivation. C’est inévitable.

                                    La justice doit être respectée. Pour cela elle doit être indépendante et transparente. Ce n’est pas toujours le cas, hélas...


                                    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 6 avril 2011 21:28

                                      Vous recadrez fort pertinemment mon propos. Je n’avais à l’esprit que les affaires criminelles car ce sont elles qui mettent en jeu ce que j’appelle un processus de « cicatrisation » du réel par l’établissement d’un consensus à forte charge émotionnelle (où les aveux de l’accusé tiennent une place considérable). Il me semble que tout ce qui pourrait déliter ce consensus risquerait d’invalider le processus. D’où je crois la réticence à venir à la motivation. Il y aurait le risque de porter atteinte à l’autorité de la chose (criminelle) jugée et donc le risque d’amoindrir le statut de l’autorité judiciaire.

                                      Bon, maintenant, si vous me dites que c’est inévitable, eh bien, je m’en réjouis !


                                    • rocla (haddock) rocla (haddock) 6 avril 2011 11:45

                                      elle devrait surtout être apolitique la justice .

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