Un « non » qu’il faut positiver !
Le peuple irlandais s’est prononcé à 53,4 % contre la ratification du Traité de Lisbonne. Après les « non » français et néerlandais de 2005, ce nouvel échec dans la construction européenne ne peut plus être ignoré.
Il n’est pas inutile de rappeler que l’Irlande est le seul des 27 pays de l’Union européenne à avoir utilisé la voix référendaire pour cette ratification. D’autres Etats membres, notamment la France, ont renoncé à « affronter » le verdict citoyen en se réfugiant prudemment derrière une ratification parlementaire. Je suis extrêmement surpris, voire choqué, par l’attitude de certains dirigeants européens qui préconisent de continuer la ratification du Traité de Lisbonne, comme si rien ne s’était passé ou presque. Le Parisien résume efficacement cette situation. Ces deux attitudes, ratification parlementaire et minimisation des « non », marquent un réel déficit de démocratie. Il est même possible de penser que cela constitue un véritable déni démocratique.
Est-il acceptable que l’Irlande qui compte moins de 6 millions d’habitants puisse bloquer l’Union européenne qui en compte près de 500 millions ? Serait-il raisonnable que l’île de Malte, avec ses 400 000 habitants, soit autorisée à bloquer le destin d’un demi-milliard d’individus... Evidemment non !
Loin de moi l’idée de dénier à ces peuples, comme à tous ceux de l’Union, le droit de s’exprimer et de choisir leur avenir, mais il est clair que les institutions de l’Union européenne ne sont plus du tout adaptées à l’évolution nécessaire de l’Europe. L’Union à 27 est pratiquement paralysée par ses institutions.
Allons-nous assister à un nouveau bricolage ou rafistolage ? Allons-nous voir naître une nouvelle exception irlandaise ? Les diplomates sont sans doute prêts à ajouter quelques centaines de pages institutionnelles à notre droit public européen qui est déjà totalement incompréhensible pour l’immense majorité des citoyens. Nos espoirs européens se meurent derrière un fatras de textes juridiques et technocratiques de plus en plus insupportables.
Un « oui » irlandais aurait masqué nos difficultés à construire une Europe des citoyens. Un « oui » irlandais aurait permis de continuer dans cette Europe dont les Européens sont de plus en plus nombreux à penser qu’elle n’apporte plus rien et qu’elle ne mène nulle part.
J’ai souvent lu qu’un travail d’information et de pédagogie était nécessaire pour expliquer au citoyen, les enjeux de la construction européenne. Cette position de bon sens que j’ai probablement moi-même soutenue, ne me satisfait plus. Elle me fait penser à l’attitude de Nicolas Sarkozy qui a reconnu une erreur de communication pour le paquet fiscal ! Non, le Traité de Lisbonne n’est pas victime d’une erreur de communication. Je ne crois pas que ce soit les Européens et notamment les Irlandais qui n’ont rien compris à l’Europe. Je pense que c’est l’Europe qui s’est totalement coupée des Européens, qui ne comprend plus rien de leurs attentes.
D’ailleurs, les réactions politiques sont souvent révélatrices de cette fracture. De nombreux dirigeants politiques français, favorables au « oui » en 2005, ont admis que le Traité de Lisbonne n’était pas satisfaisant.
François Bayrou a estimé récemment que le Traité de Lisbonne était un traité à minima qui ne va pas favoriser la relance européenne. Il ajoutait : « L’Europe est à repenser ». La vidéo suivante me paraît lumineuse sur l’état de la situation et sur les solutions à explorer :
Les socialistes sont à nouveau confrontés à leur vieux démon européen. Si Jean-Luc Mélenchon estime que le « non » irlandais au Traité européen de Lisbonne est « une très bonne nouvelle », la plupart des socialistes évitent de polémiquer entre eux. Ils préconisent « surtout un changement d’orientation des politiques européennes ». Voir par exemple : Le Nouvel Obs ou Le Figaro.
L’Europe, celle que je souhaite de toutes mes forces, doit répondre aux préoccupations des Européens. Elle doit renouveler le rêve européen qui aspire à la paix et à la prospérité. Elle doit aussi prendre en considération les attentes des individus qui ne supportent plus un monde déshumanisé qui vit principalement au rythme de l’économie néolibérale, de la spéculation financière et du cynisme politique, un monde où nos valeurs et nos différences ne sont pas respectées.
Au plan européen, les questions posées à Salies-de-Béarn par François Bayrou restent d’actualité :
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Comment fait-on une Europe créative, sans inégalité croissante ?
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Comment fait-on une Europe qui contribue à une société durable ?
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Comment fait-on une Europe où ce sont les humains qui comptent ?
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Comment fait-on une Europe qui contribue à l’équilibre mondial ?
Le « non » irlandais est certainement une opportunité pour remettre l’Europe dans la bonne direction.
J’ai le sentiment que les méthodes utilisées pour construire l’Europe ne sont plus adaptées à l’évolution de notre société et à l’attente des peuples. Jusqu’à présent, les instances politiques et technocratiques ont toujours travaillé seules, souvent pendant de longues années, pour finaliser un projet. Ce n’est qu’à la fin du processus que les peuples ou les parlements sont amenés à se prononcer. Le vote se limite à une forme de plébiscite de la solution proposée et n’offre aucune alternative. « Il n’y a pas de plan B ! » Tout rejet fait naître une situation de crise. Il semble pourtant possible de résoudre cette difficulté. Ne suffirait-il pas de demander aux peuples ce qu’ils désirent, AVANT de commencer les négociations ?
Pourquoi ne pas poser à l’ensemble des Européens quelques questions simples :
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Etes-vous attachés aux symboles de l’Union européenne ?
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Voulez-vous un président de l’Union élu au suffrage universel ?
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Etes-vous favorable à une politique étrangère commune ?
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Voulez-vous une défense européenne ?
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Etes-vous favorable à l’adhésion de la Turquie ?
Une consultation référendaire périodique, tous les deux ou trois ans, avec une demi-douzaine de questions de ce type permettrait à l’Europe d’être à l’écoute de ses peuples et d’avancer dans la bonne direction. La ratification finale parlementaire serait alors tout à fait pertinente.
En définitive, un « oui » irlandais aurait entretenu l’illusion d’une Europe qui avance, alors que le « non » montre clairement que nous sommes en face d’une grave crise de confiance qui perdure dans l’Union depuis plusieurs années, que rien ne saurait masquer et que nous devrons résoudre.
Espérons que nous n’assisterons pas, dans les prochains mois, à un nouveau tour de passe-passe et mobilisons-nous, pour que l’Europe soit enfin celle des citoyens, unis dans leur diversité !
BGR : MoDem du Pays basque (64)
http://bgr.hautetfort.com
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