L’Etat d’Israël et la pratique de l’Apartheid
Rappelons, tout d’abord, que l’Apartheid est considéré par l’ONU comme étant un Crime contre l’Humanité [cf. « Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid » Article 2, Résolution 3068 (XXVII) du 30 novembre 1973, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/res/3068(XXVIII)].
Israël, qui se veut un état démocratique, fait fi de toutes les normes internationales en pratiquant l’Apartheid d’une manière manifeste et systématique, et ce aussi bien dans les territoires palestiniens occupés qu’en Israël même [cf."The Sixth Annual Israeli Apartheid Week2010,”http://apartheidweek.org/en/2010/media, (Fr.http://montreal.apartheidweek.org/node/2)].
En effet, la caractéristique essentielle de la pratique de l’Apartheid dans un pays est constituée par l’existence d’un système de lois dans lequel les groupes dominants et les groupes subordonnés ne disposent pas des mêmes droits. En Israël, les deux exemples les plus significatifs de telles lois sont :
1. « la Loi du Retour ». Cette loi, adoptée par la Knesset en 1950, garantit aux juifs du monde entier le droit d’immigrer en Israël et d’en obtenir la citoyenneté.
2. « la Loi sur les Propriétés des Absents ». Cette loi, adoptée par la Knesset, aussi, en 1950, concerne les « Absents Présents » (sic) et les « Absents Absents (re-sic), deux expressions officielles israéliennes : la première expression désigne les palestiniens, présents en Israël après sa fondation mais absents de leurs propriétés, même brièvement, pendant la guerre de 1948, qui n’ont pas été expulsés hors du pays mais déplacés en Israël et qui ont obtenu, par la suite, souvent tardivement, la citoyenneté israélienne ; quant à la deuxième expression, elle désigne les réfugiés palestiniens expulsés hors du pays. Les « Absents Présents » et les « Absents Absents » ont tous perdu tout droit sur leurs maisons, leurs terres et leurs comptes en banque, qui sont passés sous le contrôle d’un fonctionnaire désigné sous le nom de « Gardien des Biens des Absents » (sic). Aujourd’hui, un quart des arabes israéliens, soit deux cent cinquante mille, sont considérés comme étant des « Absents Présents » [cf., à ce sujet, l’ouvrage de Susan Nathan intitulé « L’autre côté d’Israël » (Presse de la Cité, 2006)].
La pratique de l’Apartheid par Israël se présente sous plusieurs autres formes parmi lesquelles on peut citer :
1. Dans les territoires palestiniens occupés, il existe des routes et des milliers de logements, entourés de vastes espaces, qui sont réservés, exclusivement, aux juifs. En outre, il existe deux systèmes de lois différents : un système militaire pour les palestiniens, et un système civil israélien pour les colons juifs. Au sujet de l’Apartheid appliqué par Israël dans les territoires palestiniens occupés, voir le livre de Jimmy Carter (Président des Etats Unis de 1977 à 1981 et artisan des « Accords de Camp David » qui ont établi la Paix entre Israël et l’Egypte)) intitulé « Palestine : Peace not Apartheid » (Simon and Schuster, 2006). Parmi les principaux faits que Jimmy Carter expose dans son livre, on peut citer les suivants :
a. Le régime établi par Israël dans les territoires occupés est un système d’Apartheid comparable à celui qui a été érigé en Afrique du Sud.
b. Plus de 100 postes fixes de contrôle militaire et encore beaucoup plus de postes de contrôle mobiles (lieux de vexations, de brutalités et d’humiliations) empêchent les palestiniens de circuler librement sur leur territoire et d’accéder à plusieurs villes en Cisjordanie.
L’ambiance qui règne dans ces postes de contrôle a été vécue et décrite, admirablement, par Régis Debray dans son dernier livre (« A un ami israélien, avec une réponse d’Elie Barnavi », Flammarion 2010) et je ne peux m’empêcher de reproduire ci-dessous, in extenso, le passage correspondant :
« Nous étions en voiture sur un chemin de terre, en plein midi, à la queue-leu-leu, escortés d’ânes, de carrioles et de gamins, lorsque des soldats ont arrêté la circulation. Nous sommes restés là à rôtir au soleil, assoiffés, poussiéreux, une petite demi-heure. Mes voisins résignés, sans souci apparent, et moi, intrigué, me demandant pourquoi cette halte. Un accident, sans doute. Jusqu’à voir majestueusement, à cent mètres de distance, sur une belle route asphaltée dite de contournement, un 4x4 véhiculant une radieuse famille de colons, toutes vitres ouvertes, enfants riant aux éclats, maman bronzée, épanouie, papa au volant, cheveux dans le vent. Le chemin des gueux jouxtait la route des seigneurs. Tout devait s’arrêter jusqu’à leur passage, sécurité oblige. Après cette vision quasi surréelle d’un bonheur familial et triomphant, d’un geste de la main, les troufions du check-point nous firent signe d’avancer, mais désirant sans doute s’amuser, ils pointaient du doigt l’une ou l’autre des voitures en convoi pour faire sortir les passagers du véhicule et les faire poireauter en pleine chaleur, for the fun of it. C’est sans doute grisant, ce pouvoir de se faire obéir au doigt et à l’œil. Quand je suis passé à mon tour devant eux, le chauffeur palestinien m’a mis en garde dans un mauvais anglais :’’Ne les regarde pas en face. Baisse la tête. Ce sont nos maîtres‘‘ ».
c. L’accès à l’eau et la création de nouveaux puits d’eau dans les territoires occupés sont complètement contrôlés par Israël. Les colons israéliens consomment cinq fois plus d’eau par tête que les palestiniens et la payent à un prix quatre fois moindre que ces derniers.
2. L’État d’Israël exproprie, souvent, des terres de citoyens palestiniens pour les distribuer, ensuite, à des citoyens juifs (cf., par exemple, Brous Devorah : « Not greening, but weeding the Negev » dans HAARETZ.com 03.03.2006).
3. L’État d’Israël pratique une discrimination en matière de financement du développement municipal [cf. “Land Planning and Policy in Israel,” The Arab Association for Human Rights (Israel), www.arabhra.org/factsheets/factsheet2.htm].
4. L’État d’Israël pratique une discrimination en matière d’application de la loi sur le regroupement familial (cf., par exemple, “Israel/Occupied Territories : High Court decision institutionalizes racial discrimination,” Amnistie Internationale, mai 2006, et“Israel and Occupied Territories : Torn Apart : Families split by discriminatory policies,” Amnistie Internationale, juillet 2004).
5. L’État d’Israël pratique des inégalités systématiques à l’égard de ses citoyens palestiniens. En effet, à la suite du soulèvement des citoyens palestiniens d’Israël, en l’an 2000, une Commission a été créée (la Commission Or) pour enquêter sur les raisons de ce soulèvement. Dans son rapport achevé en 2003, la Commission Or a indiqué que « le traitement du gouvernement [israélien] du secteur arabe est essentiellement discriminatoire… l’État n’a pas suffisamment essayé d’être équitable envers ses citoyens arabes pour éliminer les phénomènes discriminatoires ou injustes ». La Commission Or a, en outre, indiqué, que la discrimination des services policiers perpétrée contre les citoyens palestiniens d’Israël était un problème répandu et récurrent. Voir à ce sujet « Official Summary of the Or Commission Report » reproduit dans HAARETZ.com en septembre 2003.
6. L’État d’Israël n’attribue pas à ses citoyens palestiniens les avantages, les services et les opportunités qu’il attribue à ses citoyens juifs. En effet, dans un Rapport du Département d’État Américain, il est indiqué que le « gouvernement [israélien] n’a pas alloué de ressources suffisantes ou pris de mesures adéquates afin de fournir aux arabes israéliens la même qualité de services gouvernementaux ainsi que les mêmes possibilités d’emploi au gouvernement que celles fournis aux juifs » (cf. “Country Reports on Human Rights Practices – 2003 : Israel and the Occupied Territories, http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2003/27929.htm).
7. L’État d’Israël pratique, à l’égard des palestiniens, « l’exécution extrajudiciaire » qui exécute, souvent, en plus du, soi-disant, coupable, sa femme, ses enfants et les malchanceux passants qui se sont trouvés dans son voisinage à l’heure de l’exécution.
Devant cette situation qui perdure depuis l’existence de l’Etat d’Israël, on est en droit de se demander s’il existe une chance pour que l’Apartheid israélien soit, un jour, aboli. Avec l’échiquier politique israélien d’aujourd’hui et les intentions déclarées du Gouvernement Benjamin Netanyahu, explicitées dans ses politiques actuelles et la trajectoire de ses principaux protagonistes, on a, malheureusement, tout à craindre pour la Paix dans la région et l’amélioration, à court terme, de la situation d’Apartheid dans laquelle vivent les palestiniens des deux cotés du Jourdain. Pour corroborer cette inquiétude, il suffit de rappeler la position du Likoud (Parti majoritaire dans ledit Gouvernement) quant à la création d’un Etat Palestinien. En effet, la plate-forme électorale du Likoud déclare explicitement :
« Le gouvernement d’Israël rejette catégoriquement la création d’un État arabe palestinien à l’ouest du Jourdain. Les Palestiniens peuvent gérer leur vie librement, dans le cadre de l’autonomie, mais pas en tant qu’État indépendant et souverain. Ainsi, par exemple, en matière d’affaires étrangères, de sécurité, d’immigration et d’écologie, leur activité est limitée et doit être en conformité avec les impératifs de l’existence d’Israël, de sa sécurité et de ses besoins nationaux » (cf.http://www.knesset.gov.il./elections/knesset15/elikud_m.htm).
HORCHANI Salah
71 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON