Nécessaire mise au point sur les rapports entre l’État et l’islam pour la réflexion sur « l’islam de France »
La volonté présidentielle d’une organisation nationale du culte musulman en France se précise. Elle semble viser les objectifs suivants :
- sur le plan matériel, promotion d’une pratique « digne » par un effort de construction de mosquées (en finir par exemple avec les prières de rue) ;
- fin des tutelles étrangères ;
- mise en œuvre d’une politique de prévention de la « radicalisation islamiste » par la promotion d’un « islam modéré ».
Si ces buts peuvent apparaitre des plus louables en théorie, cette organisation semble s’engager sur une très mauvaise trajectoire pour plusieurs raisons, et principalement car on bute toujours sur la même et sempiternelle mécompréhension : l’islam n’est pas le « christianisme des musulmans ». Il fonctionne différemment de ce que les Occidentaux comprennent comme étant « une religion » sur la base de leur expérience chrétienne. La doctrine ne joue pas sur les mêmes plans, la pratique n’est pas la même, le rôle de la communauté n’est pas le même, les notions de réforme, de modernisation marchent à l’inverse de ce qu’elles sont en Occident. L’islam est une réalité en soi, qu’il faut comprendre pour elle-même.
21/07/2018
P. Michel Viot - michelviot.wordpress.com
Odon Lafontaine - legrandsecretdelislam.com
Résumé en 1 page
La volonté présidentielle d’une organisation nationale du culte musulman en France se précise mais l’islam n’est pas le « christianisme des musulmans ». Une sérieuse mise au point s’impose.
L’ISLAM EST INTERNATIONAL
- Il n’y a pas d’islam français. Les millions de musulmans français ne comptent que très peu au regard de la communauté mondiale et des attachements aux pays d’origine : financements et tutelles institutionnelles sur les mosquées, appartenances identitaires et culturelles, immigration de regroupement familial ;
- L’islam « spiritualisé » ou « sécularisé » qui peut se développer en France ne compte donc pour rien ou presque rien dans ce contexte d’islam mondialisé.
L’ISLAM EST UNE JUSTICE
- L’islam se manifeste partout selon sa définition coranique de dîn (traduit très abusivement par religion), c’est-à-dire, au sens arabe réel du mot, une « justice » (la charia) et un « jugement » (jugement entre musulmans et mécréants, entre bons et mauvais, jugement dernier) ;
- Le culte en islam est la soumission à Dieu et à sa justice ; la pratique hebdomadaire à la mosquée n’en est qu’une forme collective : une mosquée n’est pas une église mais un centre de droit, de justice et de vie communautaire ;
- « l’islamisme, c’est l’islam à découvert, dans toute sa logique et sa rigueur » (P. Henri Boulad) : islamistes et modérés sont à l’islam ce que révolutionnaires et réformistes sont au communisme – le « Grand Soir » y étant l’attente du « jour du jugement », du jugement dernier qui verra l’islamisation du monde entier.
L’ISLAM EST EN CRISE PROFONDE DEPUIS DEUX SIÈCLES
- Par son impérialisme, par son avance technologique et civilisationnelle, l’Occident a profondément blessé et remis en cause l’islam et son modèle suprématiste traditionnel. Des projets nombreux de rattrapage ont été imaginés et mis en œuvre partout depuis deux siècles pour moderniser l’islam et les sociétés musulmanes, les adapter, les moderniser, voire les séculariser selon des recettes influencées par le modèle occidental ;
- Cette crise, ces projets ont provoqué un réel aggiornamento de l’islam duquel ont été façonnés les nouveaux islamismes du XXe siècle comme réponses proprement islamiques (salafisme frériste, renouveau wahhabite, djihadisme…) : la réforme « moderniste » de l’islam porte mécaniquement en réaction la radicalisation d’une partie des musulmans, comme le montre la réislamisation dure du monde musulman depuis 50 ans ;
- Ce radicalisme de réaction est une des principales lignes de force de l’islam depuis un siècle ; « l’islam modéré » n’est donc pas la clé de l’endiguement de l’islamisme : c’est l’ensemble de l’islam qu’il faut contrôler pour cela.
UN « ISLAM DE FRANCE » NE PEUT ÊTRE QU’UN ISLAM DIRIGÉ PAR LA FRANCE
- Tous les chefs politiques de pays musulmans sont aussi des chefs religieux qui contrôlent l’islam. Nulle part ailleurs qu’en Occident celui-ci n’est laissé en roue libre : la neutralité ne fonctionne pas pour gérer l’islam ;
- L’État français doit assumer un rôle de chef politique et religieux de l’islam, pour s’assurer d’une organisation de « l’islam de France » conforme au Bien commun et à l’intérêt national ;
- Il faudra pour cela une politique de puissance qui donne leur place aux musulmans, les respecte et valorise la France à leurs yeux ; malgré de très lourds handicaps historiques, la France dispose des atouts chrétiens, culturels, historiques pour l’engager à la manière russe plutôt qu’à la manière idéologique de la IIIe République (y compris renouvelée par ses avatars modernes) qui avait fini par déclencher la révolte islamiste du FLN.
LE POURRISSEMENT OU LA MANIÈRE FORTE…
- Il est trop tard pour des solutions sans violence : les projets d’autorégulation de l’islam par lui-même mèneront mécaniquement au développement d’un islamisme organique ; la prise en main de « l’islam de France » par la France mènera à un islamisme de réaction ;
- L’organisation de « l’islam de France » doit être l’occasion d’une réforme de la loi de 1905 et d’une remise à plat de tous les rapports de l’Etat avec les autres cultes (catholique, protestant, juif).
Version longue (6 pages)
L’ISLAM EST INTERNATIONAL
Il existe certes des musulmans influencés par cette culture chrétienne sécularisée, qui ont pu par exemple développer une pensée musulmane de la laïcité, ou un islam spiritualisé, mais il faut se rendre à l’évidence de leur très faible influence au plan national - et de leur influence nulle à l’échelle de l’islam mondial. A moins d’une révolution incommensurable, ils ne pourront changer la nature de l’islam, définie par ses textes, ses dynamiques sur le plan historique, culturel, identitaire, anthropologique, sociologique et démographique, ainsi que par le formidable facteur d‘inertie qui en résulte. Rien que le facteur démographique constitue un handicap majeur à toute évolution de l’islam dans le seul cadre national : on y compte en effet de 4 à 8 ou 10 millions de musulmans (français et étrangers, né musulmans ou convertis), essentiellement d’origine immigrée[1], lesquels pèsent bien peu au regard de la communauté musulmane internationale (1,7 milliard environ, l’oumma plus ou moins fantasmée) articulée selon diverses lignes de force mondiales - écoles juridiques, réforme salafiste, etc. - et selon les communautés des divers pays d’origine avec lesquelles les liens ne sont pas rompus. On pense évidemment au financement et à l’encadrement de l’islam en France par des pays étrangers, et aux considérations de politique interne, de bonnes relations avec ces pays ainsi qu’aux engagements de l’Etat français[2] qu’il ne sera pas simple de bouleverser. Plus encore, il faut comprendre que ces liens relèvent de la somme des attachements personnels des musulmans français – liens culturels, identitaires, familiaux … -, si facilement entretenus de nos jours par la télé satellite et internet (qui permettent d’être en prise directe 24h/24 avec « le pays », son islam, sa communauté, ses imams…), par le retour « au pays » pendant les vacances et par l’immigration par regroupement familial. On ne change pas de tels attachements par une simple réforme. Une prise en main nationale de l’islam ne pourra donc s’envisager que dans une forme de rupture avec l’islam mondial… Entreprise ardue qui nécessitera pour le moins une autorité certaine.
L’ISLAM EST UNE JUSTICE
Mentionner une nature commune de l’islam peut sembler incongru tant l’islam est divers, et s’exprime de manière bigarrée. Mais partout l’islam se manifeste selon sa définition coranique de dîn (mot totalement trahi par la traduction qu’on en fait de « religion » selon l’acception occidentale), c’est-à-dire, au sens arabe réel du mot, un « jugement » et une « justice ». Il s’agit tout à la fois de faire ce qui est juste, ce qui est ordonné par Dieu (charia), et d’obéir au sens de l’histoire imposé par Dieu, celui de l’islamisation du monde qui mènera au jugement dernier, le même mot décrivant « la religion », celle qui juge des comportements entre (bons) musulmans et mécréants, et ce « jugement » dernier. C’est là le vrai culte rendu à Dieu en islam, tous les jours, à chaque instant, un culte personnel et communautaire : « Aujourd’hui, J’ai parachevé pour vous votre religion [dîn], et accompli sur vous Mon bienfait. Et J’agrée la soumission [islam] comme religion [dîn] pour vous » dit ainsi le Coran (S5,3). La prière rituelle du vendredi à la mosquée n’est qu’une des formes de la pratique collective de la justice islamique (ce qui contribue déjà à faire comprendre qu’une mosquée n’est pas une église mais un centre de droit et de justice – et également de vie communautaire). Encore une fois, rien à voir avec les cultes hebdomadaires chrétiens ou même juif.
De là on peut enfin comprendre ce qu’est la « radicalisation », quel est son jeu avec « l’islam modéré » et quel est le sens musulman donné à l’expansion de l’islam (matérialisé par exemple par la construction des mosquées que réclament les prieurs de rue). Modérés et radicaux partagent de fait le même projet ultime de l’islamisation du monde. Les radicaux sont prêts pour cela à employer la force et la violence, tout comme le faisaient les communistes révolutionnaires. Les modérés répugnent à utiliser eux-mêmes la force, et beaucoup la condamnent, tout comme les communistes « réformistes », mais peu vont jusqu’à désavouer complètement leurs cousins radicaux[3], de même que rares sont les communistes « réformistes » qui renient la révolution de 1917 - tout au plus regrettent-ils que les Soviétiques n’aient pas appliqué le « vrai communisme » par la suite. La violence fait de toutes façons partie du scénario musulman prévu pour la fin des temps, lorsque la terre entière deviendra musulmane ce qui explique que si le sens de l’histoire le commande, le recours à la violence puisse se révéler des plus légitimes[4]. La violence est de fait consubstantielle à la vision islamique d’une humanité partagée en deux natures, l’une supérieure par élection divine, l’autre inférieure vouée par Dieu aux tourments de l’enfer, et qui forment deux camps politiques irréconciliables, les musulmans et les mécréants. C’est là de fait, au-delà de tous les commandements de violence plus ou moins explicites des textes sacrés, le fondement moral premier à toutes les intolérances, toutes les ségrégations et toutes les violences.
C’est ce qu’expliquait le P. Henri Boulad, prêtre jésuite égyptien et très fin observateur de l’islam dans sa profondeur historique avec sa formule « l’islamisme, c’est l’islam à découvert, dans toute sa logique et sa rigueur. Il est présent dans l’islam comme le poussin dans l’œuf, comme le fruit dans la fleur, comme l’arbre dans la graine ». Certains musulmans occidentalisés ont pu cependant développer des interprétations « spiritualisées » ou « sécularisées » des commandements explicites des textes sacrés. En l’état, ils sont désavoués par ces textes, par la lecture millénaire qu’en a toujours faite l’islam, par l’influence toujours croissante des radicaux, du fait même de la crise de l’islam. De fait, ils sont désavoués par presque tous les autres musulmans, et ce même jusqu’à la persécution dans certains pays.
L’ISLAM EST EN CRISE PROFONDE DEPUIS DEUX SIÈCLES
Ajoutons que la crise profonde que traverse l’islam, depuis deux siècles que les pays musulmans ont été soumis par les Occidentaux, que ses empires et ses prétentions mondialistes ont été mis à bas, offre un boulevard à l’islamisme. Celui-ci se conçoit plus que jamais, à la suite de tout le processus de débat intellectuel, d’évènements historiques, de réforme et de modernisation qui l’a renouvelé au XXe siècle, comme la solution à cette crise et la réponse aux visées éternelles de l’islam, ces visées partagées avec « l’islam modéré » d’une humanité entièrement rendue à l’islam.
De très nombreux projets de modération, de spiritualisation, d’occidentalisation, de sécularisation, de modernisation de l’islam et des sociétés qu’il gouverne ont en effet été mis en œuvre depuis deux siècles, avec ou sans tutelle occidentale, dans des pays aussi divers que la Turquie ottomane comme post-ottomane, l’Egypte, le Soudan, la Libye, l’Afghanistan, l’Algérie, l’Iran, l’Irak, bref, dans tout le monde musulman ou presque - Nahda, réformes des Tanzimat, kémalisme, panarabisme, nationalismes, laïcités, socialisme, occidentalisation… Aucun n’a éradiqué la « radicalisation », bien au contraire. Celle-ci, dans sa forme moderne, est en fait apparue comme une réponse simple autant que sophistiquée à la crise profonde de l’islam à laquelle ces projets tentaient eux-aussi de répliquer. Elle est de plus une réaction à ces mêmes projets[5], qui ont tous de fait mené aussi à une forme de réislamisation dure. Tous ont nécessité que des régimes autoritaires cadenassent plus ou moins (ou accompagnent !) la réaction islamique à ces politiques jugées comme attaquant l’islam. Aucun de ces régimes n’a pu empêcher la montée des courants salafistes (Frères Musulmans, wahhabisme saoudien, aux origines anciennes), qui constituent plus que jamais une des forces motrices premières de l’islam (avec les montées concomitantes des influences de l’athéisme et du christianisme dans les pays musulmans[6]). Aucun n’a pu empêcher, au-delà des courants salafistes constitués, la diffusion d’un esprit salafiste au sein des masses musulmanes, la volonté de retour au « vrai islam » contre l’Occident et sa décadence, « vrai islam » qui serait la condition de sortie de la crise, la solution aux problèmes et le moyen de progresser, selon le sens musulman de l’histoire, vers l’islamisation du monde.
« L’islam modéré » n’est donc certainement pas la clé de l’endiguement de la radicalisation islamiste. Dans un sens, c’est l’ensemble de l’islam qu’il faut contrôler, comme cela se fait déjà avec plus ou moins d’efficacité dans les pays musulmans.
EN ISLAM, LES CHEFS POLITIQUES SONT CHEFS RELIGIEUX
On déplore souvent l’absence de clergé dans l’islam qui est en France, la faiblesse du niveau des imams, qu’il faudrait alors former à grand prix, et le manque de relais auprès des musulmans pour un dialogue avec l’État que l’on voudrait similaire à celui qui s’est construit avec les Juifs et les chrétiens. Sans s’étendre sur le « privilège historique » de ces derniers, ni pécher par « christiano-morphisme » au sujet de l’islam, il faut répondre tout de suite à ce problème de clergé : l’islam a déjà son clergé. Ce sont certes ses oulémas, savants, muftis et imams, ceux présents sur le sol français comme à l’étranger, puisqu’internet et le satellite rendent le monde entier accessible de partout. Mais ce sont aussi, et peut être même d’abord ses chefs politiques. Dans un univers mental qui mêle au plus intime le spirituel et le temporel, il faut se rendre à l’évidence qu’Erdogan, par exemple, est tout autant un chef d’État qu’un dirigeant religieux, qui sait très bien contrôler son islam via sa « diyanet » (ministère turc des affaires religieuses). Que Boutéflika et l’appareil d’État algérien font de même. Tout comme Mohamed Bin Salman, le jeune monarque saoudien, avec ses prétentions de réforme du wahhabisme. En fait, tous les chefs musulmans sont des chefs religieux, autant que politiques. Ils signent et font appliquer par exemple les documents à vocation religieuse de l’ISESCO, le bras « culturel » de l’OCI, Organisation de la Coopération Islamique qui regroupe les 57 pays musulmans[7], incarnation pratique de la réalité de l’oumma, la communauté mondiale des musulmans.
UN « ISLAM DE FRANCE » NE PEUT ÊTRE QU’UN ISLAM DIRIGÉ PAR LA FRANCE
Notre président semble avoir pris une certaine mesure du danger des tutelles étrangères sur l’islam en France. Il ne pourra réduire leur influence sans leur proposer un réel substitut politique franco-français : lui-même, comme chef d’État, devra donc assumer, comme le font ses homologues musulmans, un rôle de contrôle direct de l’islam (c’est à ce prix qu’il deviendra « islam de France »). Ce rôle ne peut être laissé à une autorité musulmane « religieuse ». Aucun pays musulman ne s’y risque… A sa manière, c’est ce qu’a compris Poutine, qui en assumant un rôle de chef politique (et donc religieux) des musulmans russes, ferme, sévère, mais également protecteur, impliqué dans les affaires religieuses (la Russie est associée à l’OCI comme « État observateur ») au point d’encadrer leurs débats religieux, et légitime aussi dans un sens vis-à-vis d’eux en tant que chrétien affiché (cf. les « Congrès de Grozny », parrainés par le Kremlin et qui ont donné lieu à une condamnation unanime du wahhabisme par TOUS les courants de l’islam – hormis l’Arabie Saoudite et le Qatar). La France a déjà assumé ce rôle de chef musulman (chef politique et donc chef religieux) du temps de ses colonies, pour le meilleur et pour le pire : il y eut alors une volonté d’embrigader l’islam et les musulmans dans le logiciel idéologique de la IIIe République. Cette politique fut une des causes du ralliement de nombreux musulmans à la France, et de leur francisation, tout comme elle fut celle de la révolte indépendantiste du FLN, islamiste dans sa nature profonde, et de libération de la tutelle « mécréante » imposée à l’islam des colonies[8] (et qui plus est tutelle athée, pour parler de l’administration coloniale, c’est à dire une abomination en islam !).
La France doit donc se donner comme horizon aux musulmans si elle veut les « franciser » : leur donner des chefs français, et mieux, des chefs chrétiens, une espérance française, un avenir français, se faire respecter en tant que France (ce qui, in fine en islam, revient toujours au rapport de force). Et leur donner ce qu'elle a de meilleur : la foi chrétienne. Sans elle, l’horizon français, la « transcendance » française, aussi glorieux soient-ils, sont singulièrement réduits. Ils existent cependant, comme l’armée a pu le faire valoir avec les épopées militaires des tirailleurs indigènes et des harkis, et tente toujours de le faire valoir. Ou comme le montre l’exemple de Malik Bezouh et de tant d’autres musulmans, « convertis à la France » par son roman national, sa culture et sa littérature. La France part cependant avec des handicaps très sérieux dans cette possible conquête des cœurs de ses musulmans : l’abandon honteux de ceux qui l’avaient ralliée lors de la guerre d’Algérie, le sacrifice des harkis en particulier, sont des crimes abominables qui marquent encore certainement les consciences des musulmans d’aujourd’hui, de même que le traitement « indigéniste », raciste[9] et paternaliste des musulmans des colonies (jusqu’aux massacres de Sétif). Ajoutons à cela 40 ans de politique laxiste et in fine méprisante vis-à-vis des musulmans immigrés, utilisés comme « musulmans de service » dans des schémas idéologiques progressistes qui de fait les méprisent en tant que personnes - des « potes » intouchables de SOS Racisme aux « migrants » régénérateurs de Georges Soros et Jacques Attali, en passant par les « kids de Bondy » encensés par France Inter et Télérama pour leurs contributions au multiculturalisme... Et considérons aussi la dissolution de la France dans le magma consumériste occidental, son avachissement moral, son apostasie de la foi chrétienne – du moins est-ce ainsi que les musulmans la perçoivent-ils -, et son déclin comme puissance mondiale indépendante. Un sérieux effort de redressement s’impose pour que la France puisse apparaitre comme modèle à ses musulmans.
LE POURRISSEMENT OU LA MANIÈRE FORTE
L’organisation de l’islam en France dépasse de loin la seule sphère religieuse. Notre président pourra-t-il le comprendre ? Pourra-t-il s’extraire de la gangue de la « Laïcité » à la française, qui interdit à l’État de considérer la réalité des croyances religieuses ? Parviendra-t-il à tenir toutes les dimensions de la politique de puissance nécessaire pour peser dans le rapport de force et (r)établir le rayonnement de la France auprès des musulmans ?
Soit il s’engage dans cette voie, qui pourrait tout à fait seoir à son ambition, à sa stature personnelle, à sa récente promotion comme chanoine, et gagnera à la France une part non négligeable des musulmans français. Au risque, certes, de la guerre civile et de la fitna, la guerre fratricide entre musulmans, comme ce fut le cas dans l’Algérie coloniale qui vit le FLN faire d’abord la guerre aux musulmans ralliés à la France. Soit il soutient les utopies d’autorégulation de l’islam par lui-même, par une autorité nationale musulmane, et donc de développement en roue libre du salafisme et de la radicalisation, et nous courrons à une catastrophe bien pire…
Les problèmes posés par l’organisation de l’islam se révèlent des plus complexes, et si bien sûr nous préconisons une organisation réaliste de l’islam en France, il faut souligner combien l’heure est très grave, et qu’il est bien trop tard aujourd’hui pour éviter la violence.
APPENDICE : ET LES AUTRES ?
Enfin, l’organisation du culte musulman, qui nécessitera selon toute vraisemblance un toilettage sérieux de la loi de 1905, si ce n’est son abrogation, ne pourra se faire sans une remise à jour des liens entre l’Etat, et les autres cultes dont il s’est séparé en 1905, protestant, juif, et catholique. Il serait profondément injuste que certains bénéficient d’aménagements à l’aune des enjeux actuels là où d’autres, qui constituent de plus la majorité, seraient relégués à un traitement hérité de la vision idéologique de l’époque de la séparation.
[1] Chiffres que l’on pourrait sans doute réduire selon les observations des fortes tendances à la sécularisation d’une partie des musulmans français faites par M. El Karoui dans le rapport « Un islam français est possible » de 2016 (Institut Montaigne) – et chiffres qui doivent être relativisés au regard de la vague migratoire actuelle issue du continent africain, et bien plus au regard de la vague formidable à venir.
[2] Par exemple les protocoles d’accords des années 1970 (dont les accords dits de Strasbourg de 1975) entre pays européens et pays arabo-musulmans pour l’accueil des immigrés, avec engagement des pays d’accueil à ne pas porter atteinte à leur islamité et à mettre en place les conditions de sa transmission à leurs descendants.
[3] Voir par exemple cet entretien édifiant conduit par Le Courrier du Maghreb et de l’Orient avec un salafiste ami et protégé de Dalil Boubakeur : http://lecourrierdumaghrebetdelorient.info/islam/islam-interview-premiere-partie-la-parole-est-aux-salafistes et http://lecourrierdumaghrebetdelorient.info/islam/islam-interview-deuxieme-partie-la-parole-est-aux-salafistes
[4] A l’exemple, en 2014, de la conduite de très nombreux « musulmans modérés » de la plaine de Mossoul en Irak, qui se sont mis à persécuter leurs voisins chrétiens avec qui ils vivaient pourtant en paix depuis des siècles lorsque que le « sens de l’histoire » est venu frapper à leur porte, matérialisé par l’arrivée imminente des djihadistes et leur discours apocalyptique. Voir le livre de Marc Fromager (directeur de l’AED France), Guerres, pétrole et radicalisme ; les chrétiens d’Orient pris en étau, Salvator, 2015
[5] Cf. La Laïcité, mère porteuse de l’islam ? (Ed. Saint Léger-Les Unpertinents, 2017).- https://www.facebook.com/lalaicitemereporteusedelislam/
[6] Guerres, pétrole et radicalisme op. cit. Voir aussi cette conférence de Marc Fromager sur l’état de l’islam dans le monde : https://www.youtube.com/watch?v=OCqCVC0XlSc
[7] Comme par exemple le document « Stratégie de l’Action Islamique Culturelle à l’extérieur du Monde islamique », de 2000, signé par les 57 chefs d’Etat musulmans, et qui se trouve être un petit manuel pratique, stratégique et tactique pour l’islamisation des pays occidentaux par les diasporas musulmanes immigrées ; ou bien la « Stratégie de Rapprochement entre les Madhahib islamiques » de 2003, avalisée elle aussi par les 57 chefs d’Etat musulmans, qui vise à rapprocher sunnites et chiites et à faire converger les interprétations de la charia portées par chacune des grandes écoles juridiques, pour unir les musulmans contre « les ennemis de l’islam ».
[8] Cf. La Laïcité, mère porteuse de l’islam ?, op. cit.
[9] Racisme qui a pu être celui d’un déterminisme biologique, mais qui a surtout été ce que l’on pourrait appeler un racisme idéologique progressiste (non biologique) comme le définissait Jules Ferry, qui séparait l’humanité entre « races supérieures » et « races inférieures » selon leur niveau d’obscurantisme et de « civilisation » (« Il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures » selon sa célèbre allocution de 1885 à la Chambre).
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