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Accueil du site > Actualités > Politique > Vote : et si l’on changeait tout ?

Vote : et si l’on changeait tout ?

Loin d’être neutre, le mode de scrutin constitue une manière d’organiser le jeu en faveur de l’un ou de l’autre des « acteurs » du système démocratique. Cela se démontre mathématiquement. S’étonnera-t-on du peu d’interêt actuel de nos élus pour des évolutions qui rendraient davantage de pouvoir au peuple ?

Il existe dans une ville de France, Orsay (Essonne), trois bureaux de vote où, dimanche, plus d’un millier d’électeurs voteront « autrement » et où l’on connaîtra le président « virtuel » de notre pays dès le 25 avril (le temps de dépouiller). Après s’être exprimés « normalement » il leur sera en effet proposé de le faire une seconde fois, avec des urnes et des enveloppes similaires, mais pour cette fois élire le président en un seul tour, directement, et cela en attribuant aux douze candidats en lice des « appréciations ». Ces jugements pourront varier de « très bien » à « à rejeter », en passant par... « passable » (voir le bulletin de vote ci-joint). Six cases à cocher possibles, et cela pour chaque candidat, en réponse à la seule question : « Pour présider la France, ayant pris tous les éléments en compte, je juge en conscience que ce candidat serait : (mentions, de très bien à passable, ou à rejeter, une par candidat) ». On l’aura compris, ce protocole électoral est une expérience, menée par des mathématiciens spécialistes des scrutins, Michel Balinski et Rida Laraki (Ecole polytechnique et CNRS) de manière à étudier les perfectionnements souhaitables à notre système électoral.

Vous avez dit perfectionnements ? Notre mode de scrutin ne serait-il pas parfait ? « Le principal défaut, explique Michel Balinski, c’est qu’aujourd’hui, lorsqu’il vous faut désigner un candidat, et cela sur deux tours, il existe une contradiction violente entre la manière dont les gens « pensent » l’élection et la façon dont sort un résultat des urnes ». En clair, lorsque l’on vote, on est rarement totalement convaincu par quelqu’un. L’on procède par éliminations totales ou partielles, et l’on garde celui qui nous heurte le moins, ou on vote « blanc ». Les chercheurs parlent de « jugement » et d’ « évaluation ».

« Cet écart entre la façon de vivre l’élection et ce qui en sort, finalement, pose un problème démocratique, car dans le système où un président est choisi avec souvent moins de 30 % des voix au premier tour, donc 70% contre lui, cela peut générer beaucoup de frustration ». Et on peut parier que vous avez plus de difficultés à vous enthousiasmer pour le scrutin actuel où aucun candidat n’a votre assentiment à 100 %, et qu’il faille malgré tout trancher.

Un autre élément important est que le système actuel favorise les élus et le système des partis, grands comme petits (ces derniers servant d’arbitres ou étant à l’occasion instrumentalisés par les formations puissantes) et non les électeurs. Ce sont en effet les alliances apparentes ou souterraines qui mènent le jeu, lorsqu’il s’agit pour l’électeur de trancher, alors que dans un système par notes (un peu comme au plongeon ou au patinage artistique) ou mieux, appréciations (car les notes demandent trop d’expertise), c’est en définitive vraiment l’électeur qui choisit. Ayant une palette d’expression plus large, il peut au passage même se « payer le luxe » d’être altruiste, de penser à l’intérêt collectif, et non pas seulement à ses légitimes mais restrictifs intérêts personnels.

« Notre idée est de rechercher le processus électoral le plus démocratique en respectant au mieux l’image mentale que l’électeur se fait de ses choix, de la façon dont il les vit », précise Michel Balinski. A ses yeux en effet il ne suffit pas de choisir un seul candidat. Pour bien élire il faut pouvoir s’exprimer à l’égard de tous les candidats et de leurs propositions.

En 2002, les chercheurs s’étaient livrés à un premier test, en proposant de voter « assentiment » ou « non assentiment » pour chacun des seize candidats en lice. Une manière de donner un point ou d’en retirer un à chaque candidat. Chirac avait été élu, Jospin était second. « Les gens se déclaraient ravis car ils avaient le sentiment d’avoir eu davantage de choix. En outre, cela montrait qu’un tel système ne privilégie pas le candidat considéré du centre. Le candidat Bayrou, en effet, n’avait pas été élu, il avait été placé troisième.

Comment fonctionne le système ? Le détail se trouve ici . On recherche la mention majoritaire obtenue par chaque candidat, et celui qui obtient la meilleure est déclaré vainqueur.

Que l’on ne s’y trompe pas. Rechercher le meilleur mode de scrutin n’est pas un gadget. De tout temps, et cela depuis le XIIIe siècle, dans le cadre des guildes marchandes, par exemple, puis dans les sociétés savantes il a été l’enjeu du pouvoir. Tout système en effet a ses faiblesses. Le modifier a des avantages pour celui qui organise la modification. Certains systèmes sont plus manipulables, plus conservateurs, d’autres confortent les édiles, d’autres en revanche facilitent l’expression des électeurs. Michel Balinski et Rida Laraki ont développé une théorie qui démontre que leur système - le jugement majoritaire - s’approche au mieux de l’idéal.

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13 réactions à cet article    


  • non666 non666 19 avril 2007 15:21

    Oh que c’est beau !

    Il s’agit de la enieme version d’une vielle chimère de ceux qui se disent democrate a condition que seuls leurs choix soient validés.

    C’est le principe d’une election a points.

    C’est stupide pour une raison simple .

    Tout le syteme repose sur le fait que les gens exprimeront des votes honnetes, non calculés. L’idée est de forcer plus ou moins la gouvernance au centre par le rejet mutuel des extremes de l’autre camps.

    Du coups on obtient en theorie une courbe « gaussienne » ou les candidats les plus proche du centre sont sensés etre les plus acceptables.

    La pratique, je peux vous la donner, car des tordus comme moi sont legions. La technique va consister a favoriser son propre candidat tout en devalorisant les autres.

    Sinon, c’est le regne du Ni- ni, des mous, car heurter une caste, quelle qu’elle soit serait generateur de vote negatif.

    En clair dans notre election, les sarkozyste donnerait leur voix a Sarkozy et mettraient les plus mauvaises notes possibles a Royal, Bayrou et LePen...

    .. ;Et reciproquement.

    Cela marcherait peut etre UNE fois, le temps de cocufier ceux qui n’auraient pas compris la manoeuvre.

    Et si au lieu de chercher des moyens de neutraliser certains votes on commencer par compter TOUTES les voix et a avoir une assemblée qui soit VRAIMENT REPRESENTATIVE du peuple ?

    La marmotte, elle va gentiment replier sa combine a deux balles dans le papier d’alu, avec les sondages trafiqués ,et commencer a serrer les fesses pour dimanche...


    • patrice lanoy patrice lanoy 19 avril 2007 17:02

      je laisse sans autres commentaires l’élégant et intéressant dernier paragraphe.

      Pour ce qui est de votre argument central, je me permettrai de porter à l’attention des lecteurs qu’il est inexact, car les manoeuvres de ce genre s’annulent symétriquement d’un camp à l’autre. Au pire des cas, si tout le monde ne retient qu’un candidat et « massacre » les autres, on en revient au système actuel. Mais en fait personne n’a intérêt à jouer ce jeu, car s’il échoue, on perd tout : on risque de se retrouver avec un élu encore plus éloigné de son propre camp.

      Si l’on s’intéresse (vraiment) au sujet (et aux maths qui le soutendent), on peut aller s’informer sur le site mentionné, bien plus complet que l’article.


    • ExSam 19 avril 2007 21:45

      A l’auteur

      La « marmotte » est sévère, mais bon les élections énervent PARTICULIEREMENT CELLE-CI !!!!

      Cependant, il a raison dans le sens où toutes les modalités sont manipulables.

      La démocratie doit venir bien en amont, dans les institutions, les pratiques politiques et le respect des engagements.

      Au regard de l’exigence citoyenne, cette initiative heuristiquement sans doute intéressante n’en demeure pas moins un emplatre sur une jambe de bois.

       smiley


    • Paradisial Paradisial 19 avril 2007 17:07

      Et pourquoi voter sur des présidents qui choisiraient des « amis personnels » pour constituer un gouvernement de guignols ?!!

      Pourquoi ne pas amender la façon de concevoir la gouvernance, en élisant directement des ministres citoyens : chacun postulant à la tête d’un ministère (dans le domaine plus ou moins de sa compétance, certes ayant une culture pluridisciplinaire, avec un CV et une expérience avérée) avec un programme détaillé, axé sur des objectifs à atteindre, dont la pérénité du mandat serait à mi-chemin tributaire des résultats (progressivement) atteints ; le Président ne serait qu’un coatch et un porte-parole, celui se distinguant parmi le groupe par son efficience (par rapport au programme dans lequel il s’est engagé) et par son aptitude à avoir le leadersheap ?

      C’est utopique. L’idée n’est pas assez réfléchie, pourrait avoir plein d’inconvénients, mais mérite d’être pensée.


      • zero00 19 avril 2007 18:58

        Bravo pour cette proposition. Cela fait des années que j’attends un système similaire qui permettrait une réelle sélection de candidat reflètant les attentes des électeurs. Mais je pense qu’il faut tout de mm conserver les deux tours ; un 2ème tour avec les trois ou quatres candidats retenus au 1er. Comment appuyer cette proposition ? est-ce utopique de croire qu’elle puisse être un jour appliquée ?


        • Aldoo Aldoo 19 avril 2007 19:38

          La théorie du choix social est un domaine passionant. Avec des résultats variés dont par exemple un montrant l’impossibilité d’un système de vote 100% satisfaisant (mais on peut s’en approcher).

          Mais peu importe ce que l’on peut découvrir, le nœud du problème reste : comment changer un système qui ne peut être changé qu’avec l’assentiment de ceux à qui il profite actuellement ?


          • Dalziel 20 avril 2007 11:02

            Au pire des cas, si tout le monde ne retient qu’un candidat et « massacre » les autres, on en revient au système actuel. Mais en fait personne n’a intérêt à jouer ce jeu, car s’il échoue, on perd tout : on risque de se retrouver avec un élu encore plus éloigné de son propre camp.

            Comme si l’électrice moyenne et l’électeur moyen étaient perméables à ce genre de « stratégie urnaire ».

            Nous sommes tous des Clausewitz de l’isoloir !

            Des Kasparov du suffrage universel smiley smiley

            Sans compter le 25 % d’illettrés qui devraient se faire lire le bulletin et expliquer la signification des vocables utilisés.

            P.S. - Pour certains, on pourrait aussi mettre des symboles : lion, éléphant, girafe, chimpanzé, crrrocodile dis donc, phacochère, hyène rieuse...


            • patrice lanoy patrice lanoy 20 avril 2007 11:38

              Les électeurs sont-ils machiavéliques ou crétins ? Cela change donc, au fil de certaines des réactions ci-dessus, contradictoires entre elles. Cela est intéressant, chacun « lisant » le corps électoral et anticipant son comportement en fonction de ses propres présupposés.

              Cela est évidemment intégré par les chercheurs à leurs travaux.

              Précisons encore une fois que la recherche d’un système électoral plus juste et précis se conduit par la théorie (un travail ardu) et cela depuis le XVIIème siècle, en passant par Condorcet (voir site et publications des chercheurs et specialistes concernés), et se vérifie par diverses et nombreuses expériences de « terrain », comme celle d’Orsay ce dimanche.

              Là ou vous « supputez » des comportements divers et variés des électeurs conspirateurs ou illétrés, ces laborieux matheux passent des années à les chiffrer, discuter et valider.

              Il apparait dans notre petit débat, ici, qu’un mode électoral plus « juste » (au sens que son résultat rendrait mieux compte des idées des électeurs), et qui conduirait ipso facto nos chères extrèmes gauche et droite sureprésentées par le système actuel du vote contestataire (et manipulés par les grands partis) à rejoindre leur modeste réalité semble attrister certains d’entre nous.

              Certes, les folkloriques, les extrémistes de rigolade ou de la contestation gratuite, mais aussi les opportunistes, les magouilleurs et spécialistes de découpage électoral oeuvrant pour les partis au pouvoir auraient tout à y perdre.

              Nos élus seraient votés de façon plus représentative des opinions, et ce serait la fin du vote-carnaval. Quel lugubre destin pour notre démocratie.

              Bien cordialement.


              • non666 non666 20 avril 2007 15:32

                « ...qu’un mode électoral plus »juste« (au sens que son résultat rendrait mieux compte des idées des électeurs), et qui conduirait ipso facto nos chères extrèmes gauche et droite sureprésentées par le système actuel du vote contestataire (et manipulés par les grands partis) à rejoindre leur modeste réalité semble attrister certains d’entre nous.... »

                Ca c’est bien l’argument qui montre a qui sert ce crime. Le moins qu’on puisse dire est que les surepresentés du systeme actuel ne sont pas ceux que vous supposez extremes. Avec 20% de voix au premier tour des presidentielle, l’UMP actuelle capitalise les deux tiers des sieges du parlement...

                Vous pouvez cherchez tous les systemes que vous voulez pour forcer le passage au bipartisme aux chambres et interdire la presidentielle a ceux que vous voulez frapper du sceau de l’infamie. Cela restera une magouille, avec des références de Condorcet ou pas.

                Car ce qui est qualifié « d’extreme » aujourd’hui, la droite nationale par exemple, etait la norme a la liberation avec un gaullisme qui en est quand meme une belle occurence. Le communisme, parti « extreme » aujourd’hui pesait un bon tiers des voix a la liberation.

                Vous pretendez que les electeurs seraient dupes de votre manip et voteraient sincerement.

                Mais des gens comme moi les eduqueraient !

                On leur expliquerait que c’est un systeme de guerre totale et qu’il convient de le combattre avec les memes armes.

                Le vote negatif est une deuxieme voix ? Tous le monde votera deux fois...

                Une voix pour oui a notre choix. Pleins de voix pour dire non a tous les autres.

                C’est quoi la prochaine etape ?

                Le vote debout, sans isoloirs, sous le controle des commissaires politiques avec culpabilisations des choix moralement inacceptables ?

                Vous voulez un systeme democratique qui soit parfaitement moral et renforce la democratie ?

                La prortionnelle avec meme une dose de prime au premier, pour forcer les alliances de gouvernement stable si vous voulez. Tiens comme aux municipales. 50% des sieges au vainqueur + sa proportionnelle sur la moitié.

                Et j’en ai meme une autre : les referendums sur les sujets impliquant la nation.

                Revolutionnaire non, un systeme democratique basé sur la volonté du peuple sans artifice, sans magouille, sans circonscriptions trafiquées a la hache, sans truanderie cachée ?

                Que reponds Condorcet a ça ?


              • patrice lanoy patrice lanoy 20 avril 2007 15:41

                Il répondrait, je l’espère, peut-être, si j’ose poursuivre dans votre étonnante idée, que nous parlons des présidentielle et non pas des législatives

                Je n’élargirai pas davantage avec vous. Même la mauvaise foi a des limites.


              • aktos 20 avril 2007 12:34

                voter autrement ! On devrait voter plus souvent pour des idées au lieu de voter pour des hommes. Les lois importantes devraient être soumises aux peuple car dans chaque candidat il y a des points positifs et négatifs Résultat aucun candidats n’a tout bon ! Si on votait pour des idées on pourrait avoir tout juste !


                • Dalziel 20 avril 2007 18:15

                  On devrait voter plus souvent pour des idées au lieu de voter pour des hommes.

                  Le problème, c’esr que les gens ne votent ni pour les idées ni pour les candidats, mais pour les idées qu’ils prêtent aux candidats...


                • lorgnette 20 avril 2007 14:54

                  On devrait surtout mettre de véritables professionnels dans chaque ministère, avec explication de texte en préalable et obligation de résultat.

                  Les programmes de chaque parti politique n’étant que les paroles d’une berceuse, la réalité s’appelant plan de carrière.

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